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Décisions

CA Paris, 15e ch. C, 1 décembre 2000, n° 1999/19509

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Du 18 Rue de la Gare à Plaisir (SNC)

Défendeur :

Banque Sanpaolo (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Betch

Conseillers :

M. Binoche, Mme le Gars

Avoués :

SCP Teytaud, SCP Verdun-Seveno

Avocats :

Me Corrado, Me Clasquin

CA Paris n° 1999/19509

30 novembre 2000

LES ELEMENTS DU LITIGE

La Cour se réfère au jugement qui lui est soumis pour l'exposé des faits de la cause et de la procédure, sous réserve des points suivants, essentiels à la compréhension de l'affaire ; il est renvoyé, au sujet des demandes et prétentions des parties, pour un plus ample exposé des moyens, aux écritures échangées devant elle.

Le Tribunal a retenu pour I‘essentiel, après avoir relevé que les actionnaires de la S.N.C. BELLEVUE et de la S.N.C. du 18 rue de la Gare à PLAISIR étaient les mêmes, membres de la famille de M. Modeste TREHIN, qu'ils étaient tous présents à I‘Assemblée Générale Extraordinaire, qui s'était tenue après la réunion de celle de la S.N.C. BELLEVUE,  au cours de laquelle la situation avait été largement été exposée, et qui avait décidé à l'unanimité de consentir au cautionnement, sachant qu'il était nécessaire pour ne pas mettre en péril la survie de la S.N.C. BELLEVUE ; admettant que ce cautionnement ne rentrait pas dans l'objet social, le Tribunal se référait à la volonté exprimée par les associés.

Il excluait toute manoeuvre dolosive de la part de la Banque, et toute disproportion manifeste entre l’engagement pour la limite de 3.000.000 F, et le patrimoine de la société en nom collectif du 18, rue de la Gare de Plaisir.

La Société en Nom Collectif du 18 rue de la Gare à PLAISIR a signifié ses écritures d'appelante le 6 décembre 1999 et demande à la Cour l'infirmation du Jugement, de prononcer la nullité de I‘acte de cautionnement hypothécaire consenti le 21 septembre 1994 par elle au profit de la Banque San Paolo en garantie des sommes dues à cette dernière par la S.N.C. BELLEVUE, et la condamnation de la Banque San Paolo au paiement d'une somme de 20.000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et des dépens.

Elle fait valoir que son objet social ne lui permettait pas de se porter garante d’une société avec laquelle elle n’entretient aucune relation de droit, et que I‘Assemblée Générale Extraordinaire n'a pas délibéré sur une modification de celui-ci ; elle invoque l’excès de pouvoir entachant de nullité cette délibération, qui rend nul à ses yeux le cautionnement consenti.

Elle invoque encore les dispositions de I’article 1832 du Code Civil, pour contester I’existence d'un avantage qui aurait pu en être tiré qui soit commun aux associés, et fait valoir l'absence de contrepartie ainsi que le fait que l’engagement était hors de proportion avec ses facultés financières.

Elle soutient que même dans les relations entre sociétés du même groupe, le principe de spécialité doit être respecte,

Elle invoque encore l'article 14 de la Loi du 24 Juillet 1966.

La Banque SAN PAOLO a conclu le 27 septembre 2000, et demande à la Cour la confirmation du Jugement, et y ajoutant, la condamnation de I‘appelante au paiement d'une somme de 10.000 F sur le fondement des dispositions de I‘article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et des dépens.

Elle fait valoir que le vote à l’unanimité de la résolution vaut extension de I‘objet social.

Quant à I'intérêt social, elle observe que I‘appelante fonde son argumentation sur des décisions rendues par la Chambre Criminelle de la Cour de cassation en matière d'abus de biens sociaux, ce qui suppose que le dirigeant ait agi sans concertation avec les associés, tel n'étant pas le cas.

Elle soutient qu'il suffit d'établir l'existence d'une communauté d'intérêts entre la société garante et le débiteur cautionne, fait état de ce que les associes dans l'une et l'autre société sont les mêmes, de ce que l’activité exercée est similaire, et de ce qu'il n'est pas contesté qu'elles font partie d'un même groupe, dont il s'agissait d’assurer la pérennité.

Elle soutient encore que l'engagement n’était nullement disproportionné, eu égard à la valeur d’acquisition du bien immobilier appartenant à la société caution et au montant du chiffre d'affaires de l'exercice 1993 ; elle relève que cette société n'a pas déclaré la cessation de ses paiements.

L'ordonnance de clôture était prononcée le 10 octobre 2000.

CECI ETANT EXPOSE,

Considérant que par acte authentique en date du 21 Septembre 1994 la Banque acceptait de proroger les concours qu'elle avait successivement accordés les 4 juillet 1990 et 28 juin 1991 à la S.N.C. BELLEVUE, la S.N.C. du 18 rue de la Gare de PLAISIR se constituant dans le cadre du même acte caution hypothécaire de la société en nom collectif en question à hauteur de la somme en principal de 3.000.000 F, outre intérêts, frais et accessoires ; 

Que l'objet social présente un caractère contractuel, puisqu'il résulte des statuts ; que les associés de la Société en Nom Collectif BELLEVUE, et ceux de la Société en Nom Collectif du 18 rue de la Gare de PLAISIR étaient les mêmes ;

Qu’en réalité dans la mesure de la décision de consentir l'engagement de caution litigieux était prise préalablement par délibération de son assemblée générale votée le 19 septembre 1994 à l’unanimité par les associés, l’absence de conformité de l'engagement en question à l'objet social de la S.N.C. du 18 rue de la Gare ne peut être utilement invoquée ;

Considérant en ce qui concerne l'absence invoquée d’intérêt ou de contrepartie pour la Société caution, la Cour constate que I‘acte litigieux n’était pas contraire à l’intérêt commun des associés, au sens des dispositions de l'article 1833 du Code Civil, compte tenu de l’identité des associés relevée plus haut; qu’il ne peut à cet égard être ignoré que le cautionnement était consenti par une société en nom collectif à une autre société de même nature juridique, soit une société commerciale, mais dont les associés sont indéfiniment responsables des dettes sociales ;

Que d’autre part il n’est pas contesté que les deux sociétés appartiennent à un même groupe, comme l’identité d’associés, de cadre juridique utilisé pour l’exercice de l’activité, et la similitude au niveau de l’objet social le font au demeurant ressortir ;

Qu’il ne soit d'autre part pas démontré le caractère manifestement disproportionne de l'engagement au regard des capacités financières de la Société caution, eu égard à la limite de celui-ci en montant, soit 3.000.000 F, et à la valeur d’acquisition le 2 mai 1988 de l’immeuble dont elle est propriétaire, soit 2.599.000 F ;

Que si cette société avait en effet subi une perte de 98.652 F au 31 décembre 1993, ce résultat doit être apprécié relativement à un chiffre d’affaires excédant 4.000.000 F ;

Que la S.N.C. du 18 rue de la Gare de PLAISIR pouvait donc trouver intérêt, en souscrivant cet engagement, à assurer la pérennité du Groupe ;

Considérant, en ce qui concerne les dispositions de I‘article 14 de la Loi du 24 Juillet 1966, que celles-ci précisent que le gérant, dans ses rapports avec les tiers, engage la société par les actes entrant dans l’objet social ; que ces dispositions, applicables à la société en nom collectif ne sont pas différentes de celles de I‘article 1849 du Code Civil applicables aux sociétés civiles ; que la jurisprudence citée faisant application de ce texte est cependant relative à une dette personnelle à l’un des associés d’une société en nom collectif et qui avait été garantie celle-ci ; que son invocation est donc inopérante, l’espèce dont la Cour est saisie et qui concerne la caution souscrite pour garantir un engagement pris par une société appartenant au même groupe que la société caution, référence étant faite pour le surplus aux motifs qu’elle retient plus haut;

Qu'enfin, il n'est pas allégué que la souscription de I’engagement puisse être le résultat d’une fraude au bénéfice de l’établissement prêteur ;

Considérant en conséquence qu'il ne peut être retenu de cause de nullité au sens des dispositions des articles 1832, 1833 et 1844-10 du Code Civil, ni pour y parvenir être fait application des dispositions de l’article 14 de la Loi du 24 Juillet 1966, les autres dispositions du Code Civil relatives à d’autres cas de nullité du contrat n’étant pas invoquées ;

Que le Jugement soit pour ces motifs, s’ajoutant pour partie à ceux retenus par les Premiers luges, confirmé ;

SUR LES AUTRES DEMANDES

Considérant que les dépens exposés en cause d’appel seront laissés à la charge de la S.N.C. du 18 rue de la Gare de PLAISIR qui succombe dans ses prétentions ;

Qu'il serait inéquitable, eu égard aux circonstances de la cause, de laisser à la Banque San Paolo la charge de ses faits irrépétibles exposés devant la Cour ; que la S.N.C. du 18 rue de la Gare de PLAISIR sera condamnée à lui verser la somme de DIX MILLE FRANCS (10.000 F) [1.524,49 euros] en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR : Statuant par décision contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y AJOUTANT,

Condamne la S.N.C. du 18 rue de la Gare à PLAISIR au paiement à la Banque San Paolo de la somme de DIX MULE FRANCS (10.000f) [1.524,49 euros] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel,  

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la S.N.C. du 18 rue de la Gare de PLAISIR aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.