Cass. 3e civ., 23 novembre 2022, n° 22-12.753
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
M. David
Avocat général :
Mme Guilguet-Pauthe
Avocats :
SARL Delvolvé et Trichet, SCP Marlange et de La Burgade
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 février 2022), rendu en référé, et les productions, M. [MC] [T], Mme [FG] [T], M. [J], M. [KJ] [P], Mme [VF] [P], M. [XI] [A], Mme [UU] [A], M. [ZX] [R], Mme [C] [R], M. [MY] [B], Mme [GN] [B], M. [F], Mme [AM], Mme [O], M. [JY] [E], Mme [CG] [E], M. [M] [TB], Mme [HJ] [TB], M. [PM], Mme [WX], M. [W] [GC], Mme [U] [GC], M. [LR] [GC], Mme [D] [GC], M. [EV], M. [G] [RU], Mme [C] [RU], M. [PY], Mme [VP], M. [H], Mme [K], M. [ZB], Mme [S], Mme [OF], M. [VE] et la société Vivanim (les bailleurs) ont, entre 2003 et 2016, consenti à la société Réside études apparthôtels (la locataire) des baux commerciaux portant sur des appartements et parkings situés dans une résidence de tourisme.
2. En raison des mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la locataire a, du 17 mars au 2 juin 2020, cessé son activité dans la résidence concernée puis a enregistré un taux d'occupation en forte diminution avant une nouvelle fermeture décidée par le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020.
3. Les 9 et 12 juillet 2020, la locataire a informé les bailleurs de sa décision de suspendre le paiement des loyers des deuxième et troisième trimestres 2020.
4. Les bailleurs ont assigné la locataire en paiement de provisions correspondant à l'arriéré locatif.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à verser des provisions d'un certain montant au titre des loyers impayés arrêtés au quatrième trimestre 2021, alors « que saisi d'une demande de condamnation à provision, le juge des référés ne dispose pas du pouvoir d'interpréter les termes d'un contrat ou d'une de ses clauses ; qu'en l'espèce les baux commerciaux conclus entre la société Réside études apparthôtels et chacun des propriétaires bailleurs contenait une clause de suspension du versement des loyers qui stipulait à l'article « dispositions diverses » que « Dans le cas où la non sous-location du bien résulterait (?) soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu'incendie de l'immeuble, etc?) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, après la date de livraison, le loyer, défini ci-avant, ne sera pas payé jusqu'au mois suivant la fin du trouble de jouissance » ; qu'en application de ces stipulations, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion, qui avaient imposé l'état d'urgence sanitaire, entraient dans les prévisions contractuelles ainsi stipulées en tant qu'elles interdisaient la sous-location des appartements, devenue impossible ou entravée avec une telle ampleur et de telle manière que de telles sous-locations ne permettaient pas une occupation effective et normale du bien ; que, pour refuser cependant de faire application de ces stipulations contractuelles, la cour d'appel a retenu que les circonstances exceptionnelles ainsi visées devaient être intrinsèques au bien lui-même, c'est-à-dire à l'immeuble ou bâtiment, entendu stricto sensu ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a interprété la notion contractuelle de circonstances exceptionnelles affectant le bien en excluant que ces circonstances pussent affecter la sous-location du bien, objet du contrat, pour la rendre impossible, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse relative à la portée de la clause de suspension du versement du loyer et violé l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Ayant relevé, d'une part, que la clause précise de suspension du loyer prévue au bail ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible soit par le fait ou la faute du bailleur, soit en raison de désordres de nature décennale ou de la survenance de circonstances exceptionnelles affectant le bien loué lui-même, d'autre part, que la locataire ne caractérisait pas en quoi les mesures prises pendant la crise sanitaire constituaient une circonstance affectant le bien, la cour d'appel, qui n'a pas interprété le contrat, n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.