CA Paris, 3e ch. B, 27 mars 2008, n° 07/15886
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Direction Nationale d'Interventions Domaniales (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monin-Hersant
Conseillers :
Mme Jourdier, M. Loos
Avoués :
SCP Verdun - Seveno, SCP Petit Lesenechal
Avocats :
Me Pellerin, Me Haese
LA COUR,
Vu l'appel interjeté par M. Guy V. et son mandataire 'ad hoc', Me Patrick F., du jugement du Tribunal de commerce de PARIS (2ème chambre, n° de RG: 2004041913), rendu le 22 novembre 2005, qui a dit Me M., ès qualités de représentant des créanciers et de liquidateur de la SNC C2F CONSTRUCTIONS et de M. V., recevable en son intervention volontaire, qui a dit M. V. recevable en son action, qui a dit Me F. recevable en sa qualité de mandataire ad hoc de M. V. et qui a dit prescrite l'action en nullité engagée par M. V.,
Vu les dernières conclusions déposées le 22 janvier 2008 par les appelants,
Vu les conclusions déposées le 12 octobre 2007 par Me Jacques M., ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation de M. V. et de la SNC C2F CONSTRUCTIONS, intimé,
Vu le 'mémoire d'appel'du Service du Domaine, représenté par le Directeur de la direction nationale d'interventions domaniales, intimé en sa qualité d'administrateur provisoire de la succession non réclamée de Fernand L., mémoire reçu au greffe le 18 décembre 2007,
SUR QUOI,
Considérant qu'il ressort des pièces et documents régulièrement versés aux débats que le Tribunal de commerce de BOBIGNY a, le 7 février 2000, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SNC C2F CONSTRUCTIONS, désigné Me M. en qualité de liquidateur et sursis à statuer sur l'ouverture de la procédure à l'égard des associés dans l'attente de la décision que devait rendre le Tribunal de commerce de NANTERRE, saisi par M. V. qui contestait sa qualité d'associé de la SNC au motif que l'acte du 30 avril 1992, par lequel M. L. lui avait vendu ses parts sociales, devait être annulé pour dol; que le sursis a été révoqué par un second jugement rendu le 6 mai 2003, qui a dit que M. V. était bien associé de la SNC depuis le 30 avril 1992 et qui a notamment ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard; que le jugement du 6 mai 2003 a été confirmé par un arrêt rendu le 24 février 2004 par cette Cour (3ème chambre, section A), laquelle a, le 25 janvier 2005, rejeté le recours en révision formé par M. V. contre son précédent arrêt; que M. V. motivait son recours en révision par le fait qu'une société ALEF, à laquelle il avait confié une mission d'enquête, avait eu connaissance de ce que M. L. avait, le 17 mai 1991, cédé ses parts à M. D., ce qui l'avait conduit à intenter devant le Tribunal de commerce de PARIS à l'encontre de la direction nationale d'interventions domaniales, désignée comme administrateur provisoire de la succession de M. L., une nouvelle action en nullité de la cession de parts du 30 avril 1992; que c'est cette procédure, à laquelle est intervenu volontairement Me M., ès qualités, qui a donné lieu au jugement déféré; que les premiers juges ont notamment dit prescrite l'action en nullité engagée par M. V.; que, pour être complet, la liquidation judiciaire de M. V. a été prononcée par un jugement rendu le 1er juin 2004, confirmé par cette Cour le 4 mars 2005;
Considérant que M. V. critique le tribunal d'avoir admis l'intervention volontaire de Me M. en sa qualité de liquidateur tant de la SNC que de lui-même, lequel Me M. soulève la fin de non-recevoir tirée de son défaut de qualité à agir du fait de son dessaisissement; que les appelants font valoir que les deux 'casquettes' de Me M. sont inconciliables puisque celui-ci ne peut prétendre pouvoir, à la fois, être le seul à le représenter pour défendre ses intérêts qui sont de voir prospérer son action en nullité de la cession du 30 avril 1992 et défendre l'intérêt contraire des créanciers qui n'entendent pas voir annuler la cession pour que soit réalisé son patrimoine immobilier; qu'il fait encore valoir que la procédure ouverte à l'encontre de la SNC et celles ouvertes à l'encontre des associés sont autonomes et que le fait que les créanciers de la société aient aussi produit à son passif ne peut leur conférer un quelconque droit d'intervenir en cette qualité, directement ou indirectement par l'intermédiaire de Me M., dans la procédure qu'il a engagée pour contester sa qualité d'associé;
Considérant toutefois que la fin de non-recevoir soulevée par Me M., ès qualités, ne saurait sérieusement prospérer; que l'action intentée par M. V., qui a de surcroît pris le soin de faire nommer un mandataire ad hoc, ne peut être qualifiée de seulement patrimoniale puisque c'est sa qualité même d'associé qu'il conteste, ce qui touche directement à sa personne; qu'en décider autrement serait contraire à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales; qu'il s'ensuit que l'intervention volontaire de Me M., ès qualités de liquidateur de la SNC et de M. V., est recevable, le liquidateur n'agissant plus que dans l'intérêt des créanciers naturellement concernés par la présente procédure;
Considérant que M. V. critique ensuite le tribunal d'avoir dit prescrite son action en nullité de la cession; qu'il fait valoir qu'il n'a découvert la cession du 16 mai 1991 que le 26 mars 2004, date du courrier que lui adressé la société ALEF précitée; qu'il soutient que M. L., le 30 avril 1992, lui a ainsi cédé des parts qui ne lui appartenaient plus, que la vente de la chose d'autrui est nulle par application de l'article 1599 du code civil, qu'il s'agit dès lors d'une nullité relative fondée sur l'erreur, laquelle ne peut être invoquée que par l'acheteur, à savoir lui-même, que l'action se prescrit par 5 ans et que la prescription ne peut courir, par application de l'article 1304, alinéa 2 du code civil, qu'à compter du jour où l'erreur a été découverte; qu'il ajoute que la cession du 30 avril 1992 est nulle faute de respect de la procédure d'agrément visée à l'article L. 221-13 du code de commerce alors que la cession du 16 mai 1991 avait été consentie par tous les associés dans les conditions de l'article 16 des statuts de la SNC et que, dans la mesure où ni la cession du 16 mai 1991 ni celle du 30 avril 1992 n'ont été publiées au RCS, M. L. est en définitive resté associé de la SNC;
Considérant en réalité que, contrairement à ce que soutiennent les intimés qui invoquent à nouveau l'article L. 235-9 du code de commerce, l'action en nullité de la cession du 30 avril 1992 n'est pas prescrite; que l'article précité ne concerne que les actions en nullité concernant la société elle-même et les actes en rapport avec la vie sociale, ce qui n'est pas le cas des cessions de parts entre associés; qu'ainsi le tribunal a, à tort, dit prescrite l'action de M. V. fondée sur un document découvert le 26 mars 2004, engagée par exploit du 18 mai suivant;
Considérant que M. V., pour voir annuler la cession à son profit du 30 avril 1992, soutient donc que M. L. lui a vendu la chose d'autrui puisqu'il avait déjà cédé ses parts à M. M. D. le 16 mai 1991; qu'il en veut pour preuve l'acte de cession lui-même retrouvé par la société ALEF, ledit acte ayant été enregistré à la recette des Impôts de Batignolles le 17 mai 1991; que l'appelant entend conforter sa thèse en produisant la publication dans la Vie Judiciaire, pour la semaine du 10 au 16 juin 1991, de la nomination de M. D. en qualité de gérant de la SNC et en remplacement de M. L.;
Mais considérant que ces documents ne sont pas des preuves suffisantes pour conforter la thèse de M. V. ;
Considérant en effet qu'il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 30 avril 1992 que M. L. a démissionné ce jour-là de sa cogérance; que M. D. ne figure pas comme associé, lesquels étaient tous présents, dont M. V.; qu'il est encore justifié de ce que ce procès-verbal d'assemblée et la mise à jour des statuts qui mentionnent la qualité d'associé de M. V. à la date du 30 avril 1992 ont été déposés au greffe du tribunal de commerce; que M. V. a encore participé à une assemblée des associés tenue le 6 décembre 1994; que les moyens de nullité 'pour non accomplissement des formalités légales et statutaires' deviennent à leur tour sans portée;
Considérant que M. V., en désespoir de cause, invoque vainement le dol et le vil prix; qu'il a déjà été répondu sur le droit de propriété de M. L. sur ses parts à la date du 30 avril 1992; que l'appelant se contente d'affirmer que M. L. a intentionnellement omis de lui dire la vérité sur la situation exacte de la société; que M. V. ne peut sérieusement prétendre voir annuler la cession à son profit au motif que le prix de la part est de cent fois inférieur à celui qui figure dans l'acte du 16 mai 1991;
Considérant enfin qu'il n'est pas sans intérêt de rappeler, sans autre commentaire, que M. V., après avoir invoqué le dol, a déclaré au tribunal appelé à statuer sur sa mise en redressement judiciaire qu'il avait acheté le 30 mai 1992 les parts de M. L. pour le compte de D. parce que ce dernier était en instance de divorce ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit recevable en son intervention volontaire Me M., ès qualités de liquidateur et de représentant des créanciers de la SNC C2F CONSTRUCTIONS et de M. V. ;
Le confirme encore en ce qu'il a dit M. V. recevable en son action et Me F. recevable en sa qualité de mandataire ad hoc de M. V. ;
L'infirme pour le surplus ;
Déboute M. V. et Me F., ès qualités, de toutes leurs demandes ;
Condamne M. V. et Me F., ès qualités, aux entiers dépens de première instance et d'appel et admet la SCP PETIT LESENECHAL, avoué, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.