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Décisions

Cass. com., 24 mai 2016, n° 14-28.121

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Piwnica et Molinié

Douai, du 30 sept. 2014

30 septembre 2014

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 septembre 2014), que par acte des 25 mai et 7 juin 2005, MM. X..., Y..., Z...et B...ont constitué la SCI du Chemin du meunier dont le capital était réparti entre eux à hauteur de deux cent cinquante parts chacun ; que le 19 octobre 2005, la SCI du Chemin du meunier a fait l'acquisition d'un terrain destiné à la construction d'un immeuble ; que l'assemblée générale de la SCI du Chemin du meunier, qui s'est tenue le 22 septembre 2008 en présence des quatre associés, a décidé la vente de ce terrain et de l'immeuble en cours de construction au prix de 200 000 euros, M. X... ayant seul voté contre cette résolution ; que par acte notarié du 30 mars 2009, la SCI du Chemin du meunier a cédé ce bien, pour la somme de 200 000 euros, à la SCI Plasti main, constituée le 16 février 2009 entre MM. Y..., Z...et B...; que l'assemblée générale du 4 mai 2009 a décidé la dissolution anticipée de la SCI du Chemin du meunier ; que soutenant que la résolution de l'assemblée générale du 22 septembre 2008 était contraire à l'intérêt de la SCI du Chemin du meunier et constituait un abus de majorité, M. X... a assigné MM. Y..., Z...et B..., la SCI du Chemin du meunier et la SCI Plasti main en nullité de cette résolution et de celle du 4 mai 2009 ainsi qu'en nullité de la vente de l'immeuble consentie le 30 mars 2009 à la SCI Plasti main ;

Attendu que MM. Y..., Z...et B..., la SCI du Chemin du meunier et la SCI Plasti main font grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes alors, selon le moyen :

1°/ qu'une délibération ne saurait être annulée pour abus de majorité que s'il est établi qu'elle a été prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des membres de la minorité ; que le seul constat d'une cession du principal actif d'une société ne suffit pas en soi à caractériser l'existence d'un abus de majorité en l'absence de réunion de ses deux conditions d'application ; qu'en se contentant d'affirmer, pour annuler la délibération du 22 septembre 2008 pour abus de majorité, ainsi que celle du 4 mai 2009 « qui relève (rait) du même processus », que la fixation du prix de cession de l'immeuble à la somme de 200 000 euros ne pouvait se justifier par le transfert parallèle de la charge de l'emprunt à l'acquéreur dès lors que le procès-verbal de cette assemblée ne faisait pas mention de ce transfert, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'existence d'une mention spéciale dans l'acte de vente faisant état du transfert de la charge du prêt du vendeur à l'acquéreur, laquelle entraînait le désendettement de la société du Chemin du meunier, excluait toute contrariété à l'intérêt social de la décision de vendre l'immeuble litigieux, de sorte que l'abus de majorité n'était pas caractérisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'en affirmant, pour annuler la délibération du 22 septembre 2008 pour abus de majorité, ainsi que celle du 4 mai 2009 « qui relève (rait) du même processus », que la fixation du prix de cession de l'immeuble à la somme de 200 000 euros ne pouvait se justifier par le transfert parallèle de la charge de l'emprunt à l'acquéreur au seul motif que le procès-verbal de cette assemblée n'en faisait pas mention, tandis que ce transfert de la charge de l'emprunt était l'« accessoire de la vente à concurrence de 200 000 euros » et était expressément mentionné dans l'acte de vente, lequel était l'acte d'exécution de la délibération du 22 septembre 2008, formant avec celle-ci un tout indivisible, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°/ qu'il appartient à l'associé qui se prétend victime d'un abus de majorité d'en prouver l'existence ; qu'en affirmant, pour reconnaître l'existence d'un abus de majorité imputable à MM. Y..., Z...et B..., ainsi qu'à la société du Chemin du meunier, que ces derniers échouaient à démontrer non seulement l'intérêt pour la société du Chemin du meunier de vendre l'immeuble qui est son seul actif, mais également l'intérêt pour cette société de le vendre pour le prix de 200 000 euros, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;

4°/ que l'action en nullité est éteinte lorsque la cause de la nullité a cessé d'exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première instance, sauf si cette nullité est fondée sur l'illicéité de l'objet social ; qu'en l'espèce, la vente de l'immeuble litigieux avait été décidée par délibération du 22 septembre 2008 pour le prix de 200 000 euros en considération du transfert de la charge du prêt de la société du Chemin du meunier à la société Plasti main, « régularisé » par acte authentique du 30 mars 2009, de sorte que la cause de nullité invoquée par M. X... avait cessé d'exister au jour où le tribunal a statué ; qu'en affirmant cependant, pour annuler la délibération du 22 septembre 2008, que « la fixation du prix à la somme de 200 000 euros lors de l'assemblée du 22 septembre 2008 ne peut se justifier par le transfert parallèle de la charge de l'emprunt à l'acquéreur dès lors que le procès-verbal de ladite assemblée ne fait nullement mention de ce transfert », tandis qu'un tel transfert avait été régularisé par l'acte de vente du 30 mars 2009, la cour d'appel a violé l'article 1844-11 du code civil ;
5°/ que ni la société ni les associés ne peuvent se prévaloir d'une nullité à l'égard des tiers de bonne foi ; qu'en ayant déclaré nulles les délibérations des 22 septembre 2008 et 4 mai 2009, puis constaté « la nullité de la vente de son immeuble de Lesquin consenti par la société du Chemin du meunier à la société Plasti main par acte passé le 30 mars 2009 … » et « ordonné la publication du présent arrêt à la Conservation des hypothèques », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les tiers à la société Chemin du meunier étaient de bonne foi, de sorte que la nullité de la délibération leur était inopposable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-16 du code civil ;

6°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que M. X... avait demandé dans ses conclusions que soit ordonnée la mutation de l'immeuble, qu'il soit jugé que la décision à venir vaudrait titre de mutation et que soit ordonnée la publication de ladite mutation à la Conservation des hypothèques ; qu'en affirmant cependant que l'effet de la nullité de la délibération est « que la vente est censée n'avoir jamais existé et qu'il n'y avait donc pas lieu d'ordonner une mutation, autrement dit un transfert de propriété « en sens inverse » en quelque sorte, comme le demandait M. X..., mais d'ordonner la publication du présent arrêt à la Conservation des hypothèques », la cour d'appel a méconnu les limites du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de leurs conclusions que MM. Y..., Z...et B..., la SCI du Chemin du meunier et la SCI Plasti main aient soutenu devant la cour d'appel que la signature de l'acte de vente du 30 mars 2009 avait fait cesser la cause de nullité invoquée par M. X... ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir constaté que le procès-verbal de l'assemblée générale du 22 septembre 2008 ne mentionnait pas que le prix de cession de l'immeuble avait été fixé en considération du transfert du prêt au cessionnaire, l'arrêt relève que ce prix ne peut davantage se justifier par le caractère inachevé de l'immeuble, dès lors qu'à supposer que la construction fût en cours le 22 septembre 2008, elle ne l'était plus à la date de la vente, le 30 mars 2009 ; qu'il retient que cette cession, intervenue à un prix très inférieur à sa valeur réelle, s'est faite au détriment de la SCI du Chemin du meunier, laquelle a été privée de son actif, et de M. X..., dont les parts sociales ont perdu toute valeur, tandis que les associés majoritaires se sont retrouvés, via la SCI Plasti main, seuls propriétaires de l'immeuble ; que de ces constatations et appréciations, rendant inopérante la recherche invoquée par la première branche, et dont elle a pu déduire que la décision de vente prise par l'assemblée générale du 22 septembre 2008 caractérisait un abus de majorité, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, enfin, qu'ayant relevé que du fait de la vente, décidée par MM. Y..., Z...et B..., de l'immeuble de la SCI du Chemin du meunier, la SCI Plasti main, dont ils étaient les seuls associés, s'était retrouvée propriétaire de cet immeuble, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que cette dernière n'était pas un tiers de bonne foi, a, sans méconnaître les limites du litige, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.