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Décisions

Cass. 1re civ., 13 octobre 1981, n° 80-11.098

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charliac

Rapporteur :

M. Ponsard

Avocat général :

M. Gulphe

Avocat :

Me Chareyre

Orléans, ch. civ., du 13 déc. 1979

13 décembre 1979

SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES TROIS BRANCHES :

ATTENDU, SELON LES ENONCIATIONS DES JUGES DU FOND, QUE LA SOCIETE EUROPEENNE DE CREDIT FONCIER ET DE BANQUE, AYANT SON SIEGE A PARIS, AUX DROITS DE LAQUELLE SE TROUVE AUJOURD'HUI LA SOCIETE EUROPEENNE D'ETUDES ET D'ENTREPRISES (S.E.E.E.) A PASSE LE 3 JANVIER 1932, AVEC LE GOUVERNEMENT YOUGOSLAVE, UN CONTRAT PAR LEQUEL ELLE S'ENGAGEAIT A CONSTRUIRE UNE LIGNE DE CHEMIN DE FER EN YOUGOSLAVIE ET A FOURNIR DU MATERIEL EN CONTREPARTIE DU PAIEMENT D'UNE SOMME D'ARGENT QUI DEVAIT ETRE REPRESENTEE PAR DES "BONS" PAYABLES EN DOUZE ANS ; QUE LE CONTRAT COMPORTAIT UNE CLAUSE DESTINEE A REMEDIER AUX FLUCTUATIONS DES MONNAIES FRANCAISE ET YOUGOSLAVE, AINSI QU'UNE CLAUSE COMPROMISSOIRE ; QUE LES TRAVAUX FURENT EXECUTES ET LES FOURNITURES LIVREES, MAIS QU'A PARTIR DE 1941, LES BONS NE FURENT PAYES QU'IRREGULIEREMENT ; QU'UNE SENTENCE ARBITRALE, RENDUE PAR DEFAUT CONTRE LA REPUBLIQUE DE YOUGOSLAVIE, ARRETA LA CREANCE DE LA S.E.E.E. A 6.184.528.521 ANCIENS FARNACS ; QU'UNE ORDONNANCE D'EXEQUATUR DE CETTE SENTENCE RENDUE PAR LE PRESIDENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS LE 10 OCTOBRE 1969, FUT RETRACTEE PAR CE MAGISTRAT LE 8 JUILLET 1970 ET QU'A LA MEME DATE FUT DONNEE MAINLEVEE DE LA SAISIE-ARRET PRATIQUEE PAR LA S.E.E.E.E ; QUE LA COUR D'APPEL D'ORLEANS, STATUANT SUR RENVOI APRES CASSATION, A CONFIRME CES DECISIONS, AU MOTIF QUE L'ORDRE PUBLIC FRANCAIS NE SAURAIT TOLERER QUE SOIT RENDUE EXECUTOIRE EN FRANCE UNE SENTENCE COMPORTANT UNE ERREUR MANIFESTE QUI EN AFFECTE LE FONDEMENT MEME ET QUI DECIDE, EN DERNIER RESSORT, CONTRAIREMENT A LA LOGIQUE ET A LA RAISON, QUE LE DEBITEUR DEVAIT, EN CAPITAL ET INTERETS MORATOIRES, 6.184.528.521 FRANCS, VALEUR 1956, DU FAIT QU'APRES PAIEMENT DES ACOMPTES (76.000.000 DE FRANCS VALEUR 1932), IL RESTAIT DU UN CAPITAL (190.000.000 FRANCS VALEUR 1932) SUPERIEUR AU MONTANT DE LA DETTE (165.000.000 FRANCS VALEUR 1932) ;

ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE, D'ABORD, D'AVOIR RELEVE D'OFFICE CE MOYEN MELANGE DE FAIT ET DE DROIT, ALORS QUE SEUL UN MOYEN DE PUR DROIT PEUT ETRE RELEVE D'OFFICE PAR LE JUGE ; ENSUITE, D'AVOIR RELEVE D'OFFICE UN MOYEN SUR DES FAITS ETRANGERS AU DEBAT QUI OPPOSAIT LA S.E.E.E. ET LA REPUBLIQUE DE YOUGOSLAVIE ; QU'IL EST, ENFIN, SOUTENU QUE L'INTERVENTION ACCESSOIRE DE L'ETAT FRANCAIS DANS LA PROCEDURE NE POUVAIT LUI PERMETTRE QUE D'APPUYER LES PRETENTIONS DE L'ETAT YOUGOSLAVE, NON DE SE SUBSTITUER A LUI POUR FORMULER UN MOYEN DIFFERENT DE CEUX QU'IL SOUTENAIT ; MAIS ATTENDU QUE L'INTERVENTION ACCESSOIRE DE L'ETAT FRANCAIS AUX COTES DE LA REPUBLIQUE DE YOUGOSLAVIE LUI PERMETTAIT DE SOUTENIR, MEME EN INVOQUANT D'AUTRES MOYENS, LA PRETENTION DE CETTE DERNIERE TENDANT AU REJET DE L'EXEQUATUR DEMANDE ; QUE DES LORS, EN FAISANT DROIT A CE MOYEN SOULEVE PAR L'ETAT FRANCAIS, LA COUR D'APPEL N'A PAS RELEVE D'OFFICE UN MOYEN ET N'EST PAS SORTIE DES LIMITES DU DEBAT QUI LUI ETAIT PRESENTE ; QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;

MAIS SUR LE SECOND MOYEN, PRIS EN SA QUATRIEME BRANCHE :

VU LES PRINCIPES DE L'ARBITRAGES COMMERCIALE INTERNATIONAL, ATTENDU QUE LA TIERCE OPPOSITION CONTRE L'ORDONNANCE SUR REQUETE ACCORDANT L'EXEQUATUR A UNE SENTENCE ARBITRALE ETRANGERE NE PEUT ETRE FORMEE QUE DANS LES CAS OU LA SENTENCE OU SON EXECUTION PORTE ATTEINTE AUX EXIGENCES DE L'ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL TEL QU'IL EST CONCU EN FRANCE OU DES DROITS DE LA DEFENSE ; QUE CES CAS N'INCLUENT PAS CELUI D'UNE ERREUR D'APPRECIATION DES ARBITRES, MEME PRETENDUE "MANIFESTE" ET "AFFECTANT LE FONDEMENT MEME" DE LA SENTENCE ; ATTENDU QU'EN STATUANT COMME ELLE L'A FAIT, LA COUR D'APPEL A VIOLE LES PRINCIPES SUSVISES ;

PAR CES MOTIFS ET SANS QU'IL Y AIT LIEU DE STATUER NI SUR LES AUTRES BRANCHES DU DEUXIEME MOYEN, NI SUR LE TROISIEME MOYEN DU POURVOI NON PLUS QUE SUR LES MOYENS DE DEFENSE QUI, PRESENTES POUR LA PREMIERE FOIS DEVANT LA COUR DE CASSATION, SONT MELANGES DE FAIT ET DE DROIT, ET DONC IRRECEVABLES, CASSE ET ANNULE EN SON ENTIER, L'ARRET RENDU LE 13 DECEMBRE 1979, ENTRE LES PARTIES, PAR LA COUR D'APPEL D'ORLEANS ; REMET, EN CONSEQUENCE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL DE ROUEN, A CE DESIGNEE PAR DELIBERATION SPECIALE PRISE EN LA CHAMBRE DU CONSEIL.