Cass. 1re civ., 5 octobre 2016, n° 15-25.459
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
M. Vigneau
Avocat général :
M. Sassoust
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-Palat et Boucard
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Gabrielle X... est décédée le 3 septembre 2003, laissant pour lui succéder son époux, Marcel Y..., et leur fille, Mme Z... ; que, le 7 juin 2004, ces derniers ont signé un acte de partage de la communauté ayant existé entre les époux et de la succession de Gabrielle X... ; que Marcel Y... est décédé le 13 décembre 2005, laissant pour lui succéder sa fille et son fils, M. Philippe Y..., en l'état d'un testament authentique établi le 24 novembre 2005 et contenant une clause précisant « qu'à défaut pour mes deux enfants Christiane et Philippe de se mettre d'accord lors du règlement de ma succession et de respecter mes volontés, je lègue à Philippe la plus forte quotité disponible de ma succession » ; que, par requête déposée le 27 juillet 2007 auprès du tribunal d'instance de Saint-Avold, Mme Z... a demandé l'ouverture des opérations de partage judiciaire de la communauté ayant existé entre ses deux parents et de la succession de sa mère ; que M. Philippe Y... a sollicité l'extension des opérations de partage à la succession de Marcel Y... ; que, par ordonnance du 7 novembre 2007, le tribunal d'instance a accueilli ces demandes et désigné deux notaires pour procéder aux opérations ; que, des difficultés s'étant élevées, Mme Z... a, le 16 juillet 2009, assigné M. Philippe Y... devant un tribunal de grande instance ; qu'en cause d'appel, elle a demandé la rescision du partage du 7 juin 2004 pour cause de dol et de lésion en soutenant que son père avait dissimulé des récompenses dues à la communauté ; qu'à titre reconventionnel, M. Philippe Y... a invoqué la clause d'exhérédation pour solliciter que lui soit attribuée la quotité disponible de la succession de son père ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt de lui appliquer la clause d'exhérédation contenue dans le testament, de dire que le notaire commis devra diligenter les opérations de compte, liquidation et partage selon les prescriptions de l'arrêt, de la condamner aux dépens et à payer à M. Philippe Y... une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile alors, selon le moyen :
1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, d'un côté, que les demandes de Mme Z... s'analysaient comme une contestation des dispositions testamentaires prises par son père, et en énonçant, de l'autre, par une adoption expresse des motifs des premiers juges, que l'ensemble des prétentions de Mme Z... avait pour objet et pour conséquence de remettre en cause l'efficacité du partage partiel du 7 juin 2004 et qu'elle souhaitait rétablir la consistance de la communauté ayant existé entre les époux Y..., afin de déterminer les biens dépendants de leurs successions respectives, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs entachés de contradiction et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la volonté du testateur doit être respectée ; que la cour d'appel a considéré que, par la disposition de son testament en vertu de laquelle Marcel Y... avait indiqué qu'à défaut pour ses enfants de se mettre d'accord lors du règlement de sa succession et de respecter ses volontés, il léguait à Philippe Y... la plus forte quotité disponible de sa succession, le de cujus avait imposé un partage amiable entre les deux cohéritiers ; que la cour d'appel a fait produire ses effets à cette disposition, dont elle a relevé qu'elle n'imposait d'obligation qu'à Mme Z... et qu'elle était la seule à en subir les effets en l'absence d'accord, après avoir constaté que celle-ci n'avait saisi le juge que de demandes tendant au partage de la communauté ayant existé entre les époux Y... et de la succession de Gabrielle X..., mais que c'est M. Philippe Y... qui avait demandé l'extension de la procédure à la succession de Marcel Y... ; qu'en statuant ainsi, elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 967 ancien et 1134 du code civil ;
3°/ qu'est nulle la clause d'exhérédation entachée d'un caractère potestatif ; que la cour d'appel, en faisant produire effet à la clause par laquelle le testateur entendait léguer à son fils « la plus forte quotité disponible », au détriment de sa fille, en cas de désaccord entre eux, lorsqu'il était dans l'intérêt exclusif et surtout au pouvoir de M. Philippe Y... de faire obstacle à un règlement amiable, a violé les articles 1170 et 1174 du code civil ;
4°/ que porte une atteinte excessive au droit d'agir en justice la clause pénale insérée dans un testament qui impose le partage amiable aux cohéritiers, sous peine de priver l'un d'eux de toute part dans la quotité disponible au profit de l'autre ; que la cour d'appel, qui a fait produire ses effets à la clause par laquelle le testateur entendait léguer à son fils « la plus forte quotité disponible », au détriment de sa fille, en cas de désaccord entre eux, en raison du caractère judiciaire du partage, sans rechercher si cette clause n'avait pas pour effet de porter une atteinte excessive au droit d'agir en justice de Mme Z..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d'abord, qu'en ses deux premières branches, le moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Attendu, ensuite, qu'aucune disposition légale ne prohibe l'insertion, dans un testament, d'une condition faisant dépendre le droit d'un des héritiers dans la quotité disponible d'un événement qu'il est du pouvoir de l'autre de faire arriver ou d'empêcher ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 887 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, 1304 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 2244 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 ;
Attendu que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable, comme prescrite, l'action de Mme Z... en annulation du partage amiable, l'arrêt retient qu'elle a été introduite par voie de conclusions déposées le 13 mai 2014, soit plus de cinq ans après qu'elle a eu connaissance, le 13 mars 2008, des dissimulations prêtées à son père ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande en partage judiciaire de la communauté ayant existé entre ses parents et de la succession de sa mère tendait au même but que l'action en rescision du partage amiable de cette communauté et de cette succession, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de Mme Z... visant à l'annulation du partage opéré le 7 juin 2004 entre elle-même et son père Marcel Y..., l'arrêt rendu le 21 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar.