Livv
Décisions

Cass. soc., 24 septembre 2014, n° 13-10.233

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Rapporteur :

M. Huglo

Avocat général :

M. Finielz

Avocats :

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Colmar, du 8 nov. 2012

8 novembre 2012

Vu leur connexité, joint les pourvois n° S 13-10. 233 et T 13-10. 234 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X..., engagé par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Bas-Rhin (URSSAF), le 1er juin 1989 en qualité d'agent de contrôle des employeurs et devenu inspecteur degré 1 le 1er juillet 1997 et Mme Y..., engagée par l'URSSAF du Bas-Rhin le 5 juin 1984 en qualité d'agent de contrôle des employeurs et devenue inspectrice degré 1 à compter du 1er mai 2002, respectivement délégué du personnel et membre du comité d'entreprise, ont fait partie des quatre inspecteurs en poste à l'URSSAF du Bas-Rhin promus au niveau 7 avec effet au 1er juin 2009 tandis qu'un autre inspecteur a bénéficié de cette promotion avec effet au 1er mai 2008 ; qu'estimant qu'ils avaient droit à cette promotion avec effet au 1er mai 2008, les salariés ont saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes qui a accueilli leur demande par ordonnances du 16 février 2010 ; que, le 30 juin 2010, l'URSSAF a fait citer les deux salariés au fond devant la juridiction prud'homale en vue de faire juger qu'ils doivent être classés au niveau 7 à compter du 1er juin 2009 ; que le syndicat CFDT Sypsalsace est intervenu volontairement à l'instance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les salariés font grief aux arrêts de rejeter leur demande de reclassification au niveau 7 de la convention collective, alors, selon le moyen, qu'un engagement unilatéral de l'employeur peut avoir pour origine une déclaration de l'employeur au cours d'une réunion de représentants du personnel ; que le salarié faisait valoir que lors de la réunion du 21 juillet 2009, l'employeur avait affirmé que « la direction, au regard de la qualité des candidatures, décidera de l'attribution de cinq parcours avec effet au 1er mai 2008 et de cinq autres avec effet du 1er juin 2009, l'ACOSS ayant préconisé cette répartition 50/ 50 » ; qu'en disant que cette affirmation, serait soumise à une condition et ne pouvait donc être considérée comme l'expression d'une volonté claire, constituant un engagement unilatéral de l'employeur, la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 21 juillet 2009 et violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes du procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 21 juillet 2009 rendait nécessaire, que la cour d'appel a estimé que, lors de cette réunion, les déclarations de la directrice des ressources humaines de l'URSSAF selon lesquelles : « La direction, au regard de la qualité des dossiers de candidature, décidera de l'attribution de cinq parcours avec effet du 1er mai 2008 et de cinq autres avec effet au 1er juin 2009, l'ACOSS ayant préconisé cette répartition », ne peuvent être considérées comme l'expression d'une volonté claire et non équivoque de l'employeur de s'obliger à promouvoir cinq salariés au niveau 7 avec effet au 1er mai 2008 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

Attendu que, pour rejeter la demande des salariés au titre de la discrimination syndicale, l'arrêt, après avoir constaté que les requérants ont bénéficié de la promotion au niveau 7 uniquement avec effet au 1er juin 2009, tandis que, s'agissant des trois salariés candidats au niveau 7 et qui n'étaient pas des représentants du personnel, l'un d'entre eux a bénéficié de cette promotion à compter du 1er mai 2008 et les deux autres à compter du 1er juin 2009 et retenu que cette situation objectivement défavorable des salariés représentants du personnel par rapport aux salariés qui ne l'étaient pas constitue une présomption de l'existence d'une discrimination indirecte à raison de l'exercice d'une fonction de représentation du personnel, a décidé que l'URSSAF du Bas-Rhin renverse cette présomption par la production des pièces qui ont servi à la sélection des candidats et qui révèlent que ce processus s'est fondé uniquement sur des critères objectifs de compétence professionnelle sans que l'appartenance syndicale ou l'activité de représentation du personnel ne soit prise en compte et que la cour, qui ne peut se substituer à l'appréciation que l'employeur a faite des qualités professionnelles des inspecteurs candidats à la promotion au niveau 7, ne peut que constater que le processus de sélection a obéi à des règles strictement professionnelles dont ce dernier était seul juge sans faire appel à des références prohibées ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si l'employeur apportait la preuve que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et, dès lors, de vérifier si en application des critères de compétence professionnelle retenus par l'employeur pour le choix des candidats à la promotion au niveau 7 et des évaluations antérieures des salariés, seul le candidat qui n'exerçait aucun mandat de représentant du personnel devait être promu dès la première année, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen relevé d'office, les parties en ayant été avisées :

Vu les articles 2224 du code civil et L. 3245-1 du code du travail ;

Attendu que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail ;

Attendu que, pour déclarer prescrite la demande des salariés de paiement d'arriérés de salaire au titre de l'article 32 de la convention collective nationale des personnels de sécurité sociale et de congés payés afférents pour la période du 1er septembre 2006 au 2 octobre 2007, l'arrêt retient que la demande en paiement de cet arriéré de salaire a été soutenue oralement à l'audience de la cour du 2 octobre 2012 de sorte que les salaires antérieurs au 2 octobre 2007 sont prescrits ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la prescription avait été interrompue par la saisine par les salariés de la formation de référé du conseil de prud'hommes même si certaines demandes avaient été présentées au cours de l'instance au fond, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le quatrième moyen, pris en sa quatrième branche, qui est recevable :

Vu le principe « à travail égal, salaire égal » ;

Attendu que, pour rejeter la demande des salariés de paiement d'arriérés de salaire au titre de l'article 32 de la convention collective nationale des personnels de sécurité sociale et de congés payés afférents pour la période postérieure au 2 octobre 2007, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article 33 de la convention collective, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du protocole d'accord du 14 mai 1992, que cette bonification est perdue en cas de promotion de l'agent à un niveau de qualification supérieure et que, comme il l'a été jugé ci-dessus, n'ayant pas droit à la bonification litigieuse, les salariés doivent nécessairement être déboutés de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour violation du principe « à travail égal, salaire égal » ;

Attendu cependant qu'au regard du respect du principe « à travail égal, salaire égal », la seule circonstance que des salariés aient été engagés avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ne saurait suffire à justifier des différences de rémunération entre eux ; qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il existe des raisons objectives à la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale dont il revient au juge de contrôler la réalité et la pertinence ;

Qu'en se déterminant comme elle a fait, sans rechercher si la différence de traitement des salariés engagés avant le 1er janvier 1993, date d'entrée en vigueur du protocole d'accord du 14 mai 1992, par rapport aux salariés engagés après cette date n'était pas la seule conséquence des modalités d'application du reclassement des emplois, défavorables aux salariés nommés dans ces fonctions avant l'entrée en vigueur du protocole, lesquelles ne constituent pas une raison objective pertinente justifiant la disparité de traitement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'ils ont déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat CFDT Sypsalsace, confirmé les jugements entrepris en ce qu'ils ont débouté l'URSSAF du Bas-Rhin de ses demandes tendant à faire dire et juger que les ordonnances rendues par la formation des référés du conseil de prud'hommes de Schiltigheim le 16 février 2010 sont sans effet et en remboursement des montants payés en exécution de cette décision de justice et constaté que les ordonnances rendues par la formation des référés du conseil de prud'hommes de Schiltigheim le 16 février 2010 n'ont pas autorité de la chose jugée au principal, les arrêts rendus le 8 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.