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Décisions

Cass. 3e civ., 5 juin 2013, n° 11-22.958

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Terrier

Rapporteur :

Mme Meano

Avocat général :

M. Petit

Avocats :

SCP Monod et Colin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Nouméa, du 7 avr. 2011

7 avril 2011

Attendu selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 7 avril 2011), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3ème, 5 janvier 2010, pourvoi n° 08-18. 657) que dans les années 1968/ 1970, M. X... a autorisé M. Y... dit Z... et M. A... (les consorts Z... A...) à occuper un terrain pour y construire respectivement des locaux nécessaires à l'exploitation d'une entreprise et une maison d'habitation, dans la perspective de la création d'un lotissement et d'une cession ultérieure des lots le constituant, lesquels n'ont pas été réalisés ; que ces terrains ont été vendus en 1982 à la société SOCAVI puis en 1996, à la société Sunset Promotion qui, en 2002, a fait sommation aux occupants de quitter les lieux ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts Z... A... font grief à l'arrêt de rejeter la demande tendant à ce qu'ils soient reconnus propriétaires par prescription des parcelles litigieuses, alors, selon le moyen :

1°/ qu'est équivoque la possession qui ne traduit pas chez le possesseur la volonté d'exercer un droit ; que ce vice est sans relation avec la mauvaise foi, l'équivoque supposant le doute dans l'esprit des tiers et non dans celui du possesseur ; qu'en l'espèce, pour les débouter de leur demande d'acquisition par prescription trentenaire, la cour d'appel leur a reproché de ne pas s'être renseignés sur l'étendue de leurs droits et d'avoir pu croire qu'ils étaient propriétaires en raison du caractère provisoire de l'autorisation dont ils bénéficiaient et des ventes successives du terrain occupé ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants à caractériser la possession équivoque, et sans rechercher si les actes des possesseurs ne révélaient pas leur intention de se comporter en propriétaire à l'égal des tiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2229 du code civil ;

2°/ qu'on est toujours présumé posséder pour soi et à titre de propriétaire ; qu'en retenant, pour les débouter de leur demande de prescription acquisitive trentenaire, qu'ils ne démontraient pas l'existence d'une possession pendant trente ans à titre de propriétaire, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et ainsi violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'occupation des terrains litigieux par les consorts Z... A... avait été autorisée dans la perspective d'un projet de lotissement et de cession de lots jamais réalisé et souverainement retenu, d'une part, que leur occupation était précaire et, d'autre part, qu'ils n'avaient pas manifesté la volonté non équivoque de se comporter comme propriétaires des dits terrains, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et qui en a déduit, sans inverser la charge de la preuve, que les consorts Z... A... ne démontraient pas l'existence d'une possession trentenaire à titre de propriétaire, a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les consorts Z... A... font grief à l'arrêt d'ordonner leur expulsion dans un délai de six mois avec le recours à la force publique, alors, selon le moyen :

1°/ que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; qu'en se bornant, en l'espèce, à retenir qu'aucun motif sérieux ne justifiait le refus de la demande de recours à la force publique assortissant l'expulsion des consorts Z... A..., la cour d'appel a privé sa décision de motifs et ainsi méconnu l'article 455 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;

2°/ qu'il appartient au demandeur à l'action en expulsion de justifier du besoin de recourir à la force publique ; qu'en faisant droit à la demande de la société Sunset Promotion en raison de l'absence de motif sérieux justifiant le rejet, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve de la nécessité d'un tel recours et ainsi violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que la décision d'ordonner le concours de la force publique, qui n'a pas de caractère juridictionnel, n'est pas susceptible de recours ;

D'où il suit que le moyen n'est pas recevable ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que les consorts Z... A... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'indemnisation, alors, selon le moyen :

1°/ que le simple possesseur fait les fruits siens s'il possède comme un propriétaire, soit en vertu d'un titre translatif de propriété, soit en vertu d'un titre putatif ; qu'en l'espèce, pour justifier leur demande d'indemnisation des bâtiments édifiés et de la valorisation du fonds, les consorts Z... A... faisaient valoir que leur bonne foi résultait de leur occupation en vertu d'un titre putatif ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter leur demande d'indemnisation, que leur occupation sans droit ni titre excluait toute bonne foi, même à considérer qu'ils se soient crus propriétaires, la cour d'appel a méconnu les articles 550 et 555 du code civil ;

2°/ qu'en tout état de cause, la cour d'appel avait constaté que les consorts Z... A... avaient occupé les terrains litigieux en vertu d'une autorisation du propriétaire, en vue d'une cession ultérieure dans le cadre d'une opération de lotissement qui n'avait jamais vu le jour ; qu'en rejetant toutefois leur demande d'indemnisation, sans rechercher si l'autorisation donnée ne constituait pas un titre putatif leur permettant d'invoquer la qualité de tiers évincé de bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 550 et 555 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, pour retenir que l'absence de valorisation du fonds aurait suffi, si la bonne foi avait été établie, à justifier le rejet de leurs demandes indemnitaires, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur un rapport d'expertise qui concluait, malgré l'apparence dévalorisante des constructions édifiées sur le terrain litigieux, d'une part, à la fixation des ouvrages de la famille A... à 6 500 000 FCFP, des ouvrages de la famille Y... dit Z... à 3 980 000 FCFP et, d'autre part, à la valorisation du terrain à hauteur de 600 000 FCFP ; qu'en retenant néanmoins l'absence totale de préjudice indemnisable des consorts Z... A..., la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et ainsi méconnu les articles 550 et 555 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que l'article 555 du code civil est applicable au constructeur de bonne foi, qui possède comme propriétaire en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices, et relevé que les consorts Z... A..., occupants précaires, ne justifiaient pas d'une possession des terrains litigieux à titre de propriétaire, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant et sans être tenue de procéder à une recherche sur l'existence d'un titre putatif que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.