CA Nîmes, 2e ch. com. B, 26 mai 2011, n° 09/03254
NÎMES
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Filhouse
Conseillers :
M. Bertrand, Mme Brissy Prouvost
Avoué :
SCP Curat Jarricot
Avocats :
Me Gils, SCP Penard Oosterlynck
Exposé des faits
DONNEES DU LITIGE
Marat B. était propriétaire d'un immeuble sis à Bonnieux (Vaucluse) donnant place Carnot et place Gambetta, comportant les les locaux suivants :
R-1 (sous sol) : une remise,
RDC (rez de chaussée) : magasin, arrière-magasin et cuisine,
R+1 (premier étage) : une chambre au nord, une chambre au midi et une chambre obscure,
R+2 (deuxième étage) : grenier.
Par acte authentique du 20 mars 1995, Marat B. (aux droits duquel se trouve Viviane B.) a donné à bail commercial à Georgette D. (aux droits de laquelle se trouve Florence G.) les locaux suivants :
RDC : magasin, arrière-magasin et cuisine
R+1 : une chambre au nord, une chambre au midi et une chambre obscure,
R+2 : un grenier.
Ce bail tous commerces précise notamment :
A - obligations du preneur,
Le preneur devra, à peine de tous dépens, dommages intérêts et même de résiliation si bon ensemble au bailleur :
prendre à sa charge toutes les transformations et réparations nécessitées par l’exercice de son activité,
à sa sortie, restituer le bien loué en bon état, tous travaux de rénovation, embellissements et améliorations quelconques qui seraient faits par le preneur, même avec l'autorisation de bailleur, resteront en fin de bail, la propriété de ce dernier, sans indemnité,
laisser le bailleur, son représentant ou son architecte et tous entrepreneurs et ouvriers pénétrer dans les lieux loués pour constater leur état, lorsque le bailleur le jugera à propos,
B - obligations du bailleur
s interdire de louer à qui que ce soit partie du même immeuble pour l exploitation d'un commerce identique à celui du preneur.
Par acte du 22 mars 1995, Georgette D. a vendu à Florence G. un fonds de commerce de bazar bimbeloterie, gérance d'un débit de tabac dont le droit au bail.
Le 28 mars 1995, la direction générale des douanes a autorisé la fermeture temporaire du débit de tabac.
D'un constat d'huissier établi le 6 septembre 1995 et auquel sont annexées des photographies, il ressort que les locaux donnés à bail étaient vétustes et sans confort.
En 1995 et 1996, puis en 2000, Florence G. a fait exécuter les travaux suivants :
ouverture de la devanture du magasin,
démolition de cloisons en RDC et R +1 pour créer de grands volumes,
réfection complète des planchers en R+1 et R+2,
faux plafonds isolés en sous face de la toiture,
recloisonnement du niveau R+2 pour y aménager des chambres et une salle de bains,
réfection complète du second oeuvre (plomberie, sanitaires, électricité, chauffage, enduits, peintures etc.)
Marat B. est décédé le 14 février 1999 de sorte que l'immeuble dont dépendent les locaux donnés à bail commercial est resté en indivision.
Par LR AR du 6 décembre 2002 adressée à Viviane B., Florence G. a sollicité ses intentions quant aux mesures de conservation à prendre sur l'immeuble.
Par acte extrajudiciaire en date du 20 janvier 2004, Florence G. a sollicité le renouvellement du bail.
Par acte du 25 juin 2004, Viviane B. est devenue propriétaire de cet immeuble.
Le 13 août 2004, elle a fait dresser un constat des lieux par huissier, étant précisé que Florence G. lui interdisait l'accès aux locaux donnés à bail.
Par ordonnance de référé en date du 12 janvier 2005, le président du tribunal de grande instance d'Avignon a désigné Jean Christophe N. en qualité d'expert avec mission notamment de :
se faire remettre par la locataire tous documents techniques permettant de déterminer les travaux par elle entrepris,
décrire les travaux exécutés en précisant par quelle entreprise ils l’ont été,
dire s’ils sont de nature à compromettre la solidité de l’immeuble,
dire s’ils ont été réalisés dans les règles de l’art, et dans le cas contraire, préciser la nature et l'importance des travaux à entreprendre pour préserver la stabilité de l'immeuble,
dire si l’ensemble de la couverture assure une bonne étanchéité et de manière générale, décrire l'ensemble des désordres de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination,
décrire et chiffrer les travaux de remise en état permettant de tenir le bien loué clos et couvert selon l'usage et d'assurer une jouissance paisible des lieux conforme à leur destination.
Dans son rapport déposé le 20 janvier 2006, l'homme de l'art a ainsi conclu :
les travaux effectués en RDC en 1995 et 1996 étaient nécessaires à l’exercice de l'activité ; ils sont conformes aux règles de l'art et ne compromettent pas la solidité de l'immeuble,
les travaux exécutés en R+1 probablement en 2000 étaient nécessaires pour rendre les locaux conformes à leur usage ; ils sont conformes aux règles de l'art et ne compromettent pas la solidité de l'immeuble,
les travaux exécutés en R+2 probablement en 2000 étaient nécessaires pour rendre les locaux conformes à l'usage d'habitation ; ils sont conformes aux règles de l'art et ne compromettent pas la solidité de l'immeuble,
la couverture n’assure pas l’étanchéité de l’immeuble, les menuiseries vétustes n en assurent pas convenablement le clos, les escaliers intérieurs doivent être réparés, l'enduit de la façade nord menace ruine, le béton armé du balcon éclate par endroits et doit être réparé d'où la nécessité d'effectuer des travaux pour rendre l'immeuble conforme à sa destination.
Le 26 mai 2008, l'huissier Vidal a constaté que Mme S. exploite un fonds de commerce d'objets de décoration, vaisselle, vêtements et étoles, tableaux, savons, nappes et torchons, salon de thé dans des locaux situés en R' 1 de l'immeuble et donnant sur la place Gambetta à elle donnés à bail précaire tous commerces se terminant en juin 2009 par Viviane B..
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Par acte du 30 mai 2008, Viviane B. a assigné Florence G. devant le tribunal de grande instance d'Avignon pour entendre, au visa des articles 1134, 1147, 1184 1728 et suivants du Code civil, 70 du code de procédure civile :
prononcer la résiliation du bail à ses torts exclusifs,
ordonner son expulsion sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt,
débouter Florence G. de l’ensemble de ses demandes,
condamner Florence G. à paiement de la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des dépens,
la décision à intervenir devant être assortie de l'exécution provisoire.
Florence G. a conclu au débouté de ces demandes
et a sollicité reconventionnellement l'exécution des travaux de réfection préconisés par l'expert N. ainsi que le paiement de diverses sommes en réparation de son préjudice de jouissance et de son préjudice commercial.
Par jugement en date du 9 juin 2009, le tribunal de grande instance d'Avignon
a débouté Viviane B. de ses demandes,
l’a condamnée, sous astreinte de 50 € par jour de retard commençant à courir à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la signification du jugement, à faire procéder aux travaux de réfection préconisés par l'expert N. ,
l’a condamnée à verser à Florence G. :
+ la somme de 3000 € à titre de dommages intérêts au titre de son préjudice de jouissance,
+ la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
a débouté Florence G. sa demande en paiement de dommages intérêts au titre de son préjudice commercial ,
a dit n y avoir lieu à exécution provisoire,
a condamné Viviane B. aux dépens , en ceux compris les frais d’expertise et de référé.
Viviane B. a interjeté appel de cette décision par acte en date du 17 juillet 2009.
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Par conclusions et bordereau de pièces déposés à la mise en état le 17 novembre 2009, auxquels il est fait expressément référence,
Viviane B. fait valoir :
Qu’il n’est nullement établi que les travaux réalisés sur la devanture du magasin et aux étages étaient nécessités par l'exercice de son activité commerciale du preneur,
Qu’en aménageant un appartement au-dessus de son commerce, Florence G. a modifié la destination des lieux telle que prévue par le bail commercial,
Qu’en procédant à une restructuration complète de l’ensemble de l’immeuble par des travaux sur le gros oeuvre et des travaux de redistribution des pièces non couverts par une garantie décennale (pour ceux réalisés en 2000) alors que le bail ne l'y autorise pas et qu'elle n'a pas sollicité l'autorisation de sa propriétaire à laquelle elle a refusé l'accès , Florence G. a commis un abus de jouissance,
que les demandes relatives au trouble de jouissance et au préjudice commercial présentées par Florence G. ne se rattachent pas à ses propres prétentions par un lien suffisant,
que le commerce exploité par Madame S. dans le local R-1 (boutique de décoration) n'est pas susceptible de concurrencer celui de Florence G. ( débit de tabac),
qu’une très grande partie des travaux de nature à remédier selon l expert aux désordres allégués par la susnommée n'est pas de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination, que Florence G. lui a interdit l'accès à sa propriété et qu'en tout état de cause une condamnation à les exécuter sous astreinte n'est pas justifiée.
Elle demande à la Cour, au visa des articles 1134, 1147, 1184 1728 et suivants du Code civil, 70 du code de procédure civile, de :
prononcer la résiliation du bail,
ordonner l’expulsion de Florence G. sous astreinte
de 50 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt,
débouter Florence G. de l’ensemble de ses demandes,
la condamner à paiement de la somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que des dépens.
Par conclusions et bordereau de pièces déposés à la mise en état le 9 juin 2010, auxquels il est fait expressément référence,
Florence G. répond :
que le bail stipule que le preneur prend à sa charge toutes les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de cette activité sans que cette faculté soit assortie de celle de se faire autoriser préalablement à procéder auxdites transformations ou réparations' ainsi que l'entretien complet de la devanture, des vitrines et fermetures du magasin,
que l’état des locaux ne correspondait pas aux nécessités d’une activité commerciale et aux normes d'habitabilité,
qu’elle a procédé à des travaux nécessaires de remise en état de l’immeuble loué pour y exploiter son commerce et pour le rendre conforme à sa destination d'habitation,
qu’il résulte de l’expertise que les travaux entrepris sont conformes aux règles de l’art, qu'ils ne compromettent pas la solidité de l'immeuble et qu'après 10 ans, ils ne présentent pas de désordres,
que Viviane B. ne réalise pas les travaux qui lui incombent en sa qualité de propriétaire,
que son préjudice de jouissance dure depuis plusieurs années en raison notamment du litige ayant opposé les héritiers de Marat B.,
qu elle exerce une activité de confiserie, épicerie, vente de produits artisanaux et du terroir, vente de fleurs, papeteries librairies journaux, parfumerie, bijouterie fantaisie, articles de décoration, snack, sandwicherie, saladerie et vente de boissons alcoolisées (grande licence à emporter), salon de thé, vêtements et accessoires de mode et articles de Paris, restaurant, exposition d'objets d'art, galerie d'art, glace à emporter et sur place, brocante, licence 2211, licence 2412, licence 2212 et grande licence restaurant,
qu en dépit des clauses du bail, Viviane B. a donné à bail précaire tous commerces' le local sis en R'1 jusqu'en juin 2009 à Mme S. et qu'elle a consenti un nouveau bail à Mlle G. qui y exploite un fonds de commerce de saladerie, salon de thé, snack, glaces sous l'enseigne la table de Sylvie .
Interjetant appel incident, elle demande à la Cour, au visa des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, de l'article 1719 du Code civil, de :
débouter Viviane B. de ses demandes,
la condamner , sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard commençant à courir un mois après la signification du jugement à intervenir, à exécuter les travaux de réfection préconisés par l'expert,
la condamner à paiement de la somme de
+ 20 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice de jouissance résultant des manquements du bailleur à son obligation d'entretien de l'immeuble,
+ 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial résultant de l'exploitation, dans un local donné à bail par Viviane B. et sis dans le même immeuble, d'un fonds de commerce identique au sien,
+ 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
la condamner à paiement des entiers dépens, y compris les frais de référé et d'expertise, ceux d'appel étant distraits au profit de la S. C. P. Philippe P., avoué.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2011.
Motifs
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la procédure en appel
Attendu qu'au vu des pièces produites, il ne ressort aucun moyen d'irrecevabilité de l'appel que la Cour devrait relever d'office ; que par ailleurs, les parties ne formulent aucune observation sur ce point ;
Sur la demande de Viviane B.
Attendu à titre préliminaire :
que lors de l’exécution des travaux réalisés en 2000, Viviane B. n’était pas encore propriétaire de l'immeuble de sorte qu'elle ne saurait valablement reprocher à Florence G. de ne pas lui avoir demandé son autorisation,
que contrairement à ce qu’écrit Florence G. , le bail stipule uniquement que le preneur prend à sa charge toutes les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de son activité ,
qu’il n’est pas contesté que Florence G. a réalisé des travaux importants
+ en 1995 et 1996 : ouverture de la devanture du magasin et démolition de cloisons en RDC pour créer de grands volumes,
+ en 2000 : aménagement d'une salle de séjour avec coin cuisine en R+1 et aménagement de deux chambres avec salle de bains en R + 2 ;
1° sur le bail
sur la destination des lieux
Attendu tout d'abord que le caractère d'une location est déterminé non par l'usage que le locataire a pu faire de la chose louée mais par la destination que les parties sont convenues de lui donner au moment de sa conclusion ;
qu'en l'absence de clause prévoyant expressément la faculté pour le locataire de changer la destination des lieux, la modification ne peut intervenir que d'un commun accord entre les parties et doit être expresse ;
Attendu en l'espèce que, lors de la signature du bail visant un magasin, un arrière magasin et une cuisine sis en RDC, trois chambres sises en R+1 et un grenier sis en R+2, les parties n'ont pas estimé utile de préciser que les chambres étaient affectées au logement du locataire et ont adopté la qualification de bail commercial pour l'ensemble des locaux ;
que si la destination commerciale des locaux sis en RDC ne souffre pas de contestation en l'état du descriptif des pièces, en revanche, la destination d'habitation des trois chambres et du grenier est implicitement revendiquée par Florence G. qui invoque leur habitabilité ;
que les dénominations' chambres' et grenier ne permettent pas de considérer que les locaux sis R+1 et R+2 ont été donnés à bail à usage d'habitation et pour cause puisque ces locaux étaient vétustes, inhabitables et le grenier était utilisé à l'usage de réserve (cf constat d'huissier en date du 6 septembre 1995), ce que Florence G., qui a déclaré lors de la signature du bail en date du 20 mars 1995 bien connaître les locaux loués, n'ignorait pas ;
sur les travaux à charge du preneur
Attendu que le bail prévoit que le preneur prend à sa charge les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de son activité ainsi que l'entretien complet de la devanture, des vitrines et fermetures du magasin ;
sur les conditions d’exécution des travaux par le preneur
Attendu que le bail précise qu'à sa sortie le preneur devra «restituer le bien loué en bon état, tous travaux de rénovation (...) faits par le preneur, même avec l'autorisation du bailleur, resteront en fin de bail la propriété de ce dernier sans indemnité » ;
que si de cette clause, il résulte certainement que les travaux de rénovation sont acquis sans indemnité au bailleur en fin de bail, en revanche, il ne résulte pas que le preneur peut exécuter des travaux de rénovation sans autorisation du bailleur ;
que force est donc de constater que le bail ne contient pas de clause expresse prohibant tous travaux de rénovation ;
Mais attendu toutefois que la prohibition d'apporter un changement à la chose louée et d'effectuer des travaux dans la distribution des lieux ou touchant au gros oeuvre sans l'autorisation du bailleur n'a pas besoin d'être stipulée au contrat ;
que cette prohibition demeure même si les modifications ne sont susceptibles de causer aucun préjudice au bailleur ;
2° sur les travaux réalisés par Florence G. en R + 1 et R+2
Attendu tout d'abord qu'en 2000, sans solliciter de la part des héritiers de son bailleur, un changement de destination des locaux sis en R+1 et R+2, Florence G. y a fait effectuer des travaux importants ayant abouti à l'aménagement d'une salle de séjour avec coin cuisine en R+1 et à l'aménagement de deux chambres avec salle de bains en R+2 (cf rapport d'expertise) ;
Attendu qu'en transformant à usage d'habitation des locaux à usage commercial, Florence G. n'a pas respecté la destination contractuelle des locaux sis en R+1 et R+2 ;
Attendu ensuite que Florence G. n'a pas sollicité l'autorisation du bailleur pour exécuter ces travaux ;
que ceux-ci s'analysent en des travaux de rénovation ;
qu'il n'est pas soutenu que l'hoirie B., bailleur lors de leur exécution, a eu connaissance de leur exécution ;
Attendu qu'il est ainsi établi que Florence G. a réalisé irrégulièrement des travaux dans les locaux donnés à bail en R+ 1 et R+2 ;
3 ° sur les travaux réalisés en RDC
Attendu qu'il résulte du constat d'huissier établi le 6 septembre 1995 que le local sis au rez de chaussée et contractuellement à usage de magasin, arrière-magasin et cuisine était inutilisable pour l'exercice de l'activité commerciale ;
Attendu que l'homme de l'art a émis un avis circonstancié et précis, non contredit par des documents techniques, dont il résulte que les travaux réalisés par Florence G. en 1995 et 1996 (ouverture de la devanture du magasin et démolition de cloisons pour créer de grands volumes) étaient nécessités par l'exercice de son activité commerciale, conformes aux règles de l'art et ne compromettant pas la solidité de l'immeuble ;
Attendu toutefois que Florence G. n'a pas sollicité l'autorisation du bailleur pour exécuter ces travaux ;
que ceux-ci s'analysent en des travaux de rénovation ;
qu'il n'est pas soutenu que Marat B., bailleur lors de leur exécution, a eu connaissance de leur exécution ;
Attendu qu'il est ainsi établi que Florence G. a réalisé irrégulièrement des travaux dans les locaux donnés à bail en RDC ;
Attendu que de l'ensemble de ces éléments il résulte que Florence G. a manqué à plusieurs reprises et gravement à ses obligations contractuelles de sorte que le bail commercial doit être résilié à ses torts exclusifs avec toutes conséquences en résultant quant à la demande d'expulsion ;
Attendu en définitive que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté Viviane B. de sa demande en résiliation du bail commercial en date du 20 mars 1995 ;
Sur la demande de Florence G.
1° en exécution des travaux préconisés par l'expert N.
Attendu que compte tenu de l'économie de cette décision, il n'y a pas lieu d'examiner cette demande ;
2° en paiement de dommages et intérêts
au titre du préjudice de jouissance
Attendu que Florence G. invoque un préjudice de jouissance résultant des désordres retenus par l'expert (clos et couvert principalement) ;
que, sans contester réellement l'existence de ceux-ci, Viviane B. prétend que la plus grande partie de ces désordres ne rendent pas l'immeuble impropre à sa destination ;
Attendu que s'il est établi que ceux-ci existaient depuis décembre 2002 (cf lettre du conseil de Florence G. à Viviane B.) en revanche, il n'est justifié :
D’aucune demande de réparation auprès de l’hoirie B. entre décembre 2002 et le 25 juin 2004, date à laquelle Viviane B. est devenue ensuite propriétaire,
D’aucune demande amiable de réparation auprès de Viviane B. à laquelle , au surplus, Florence G. ne conteste pas avoir refusé l'accès à sa propriété ;
qu'en l'état du dossier, la première réclamation de Florence G. a été formulée par conclusions déposées au greffe du tribunal de grande instance d'Avignon le 3 décembre 2008 ;
Attendu qu'au vu de ces éléments auxquels il convient d'ajouter que les pièces sises en R+1 et R+2 ne sont pas contractuellement à usage d'habitation, le préjudice de jouissance subi par Florence G. sera limité à la somme de 1000 € ;
Attendu en définitive que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a chiffré les dommages et intérêts résultant du préjudice de jouissance à la somme de 3000 € ;
au titre du préjudice commercial
Attendu que le bail commercial a été consenti à Florence G. pour tous commerces' et que le bailleur s'était interdit de louer à qui que ce soit tout ou partie du même immeuble pour l'exploitation d'un commerce identique à celui du preneur ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que Florence G. est inscrite au RCS d'Avignon pour une activité de confiserie, épicerie, vente de produits artisanaux et du terroir, vente de fleurs, papeterie librairie journaux, parfumerie, bijouterie fantaisie, articles de décoration, snack, sandwicherie, saladerie et vente de boissons alcoolisées (grande licence à emporter), salon de thé, vêtements et accessoires de mode et articles de Paris, restaurant, exposition d'objets d'art, galerie d'art, glaces à emporter et sur place, brocante, licence 2211, licence 2412, licence 2212 et grande licence restaurant ;
qu'il ressort d'un constat d'huissier en date du 26 mai 2008 que Viviane B. a donné à bail précaire tous commerces et jusqu’en juin 2009 , le local sis en R 1 , à Mme S. qui y exerçait une activité de vente d'objets de décoration, vaisselle, vêtements et étoles, tableaux, savons, nappes et torchons , salon de thé ;
que Viviane B. ne conteste pas avoir consenti un nouveau bail à Mlle G. qui exploite un fonds de commerce de saladerie, salon de thé, snack, glaces sous l'enseigne la table de Sylvie ;
que de ces éléments il ressort que les activités exploitées en R-1 et RDC sont partiellement identiques ;
Attendu que Viviane B. a donc manqué à son obligation de bailleur ;
que toutefois, Florence G. ne produit aucune pièce de nature à établir l'existence du préjudice dont elle sollicite réparation ;
qu'elle sera donc déboutée de ce chef de demande ;
Attendu en définitive que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejetée la demande de Florence G. en paiement de dommages intérêts au titre d'un préjudice commercial ;
Sur les entiers dépens et frais irrépétibles
Attendu que les entiers dépens, y compris les frais de référé et d'expertise, seront supportés par Florence G. qui succombe en l'essentiel de ses prétentions mais qu' il ne s'avère pas équitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Viviane B. ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, en matière commerciale et en dernier ressort
déclare l’appel recevable,
infirme la décision déférée sauf en ce qu elle a rejeté la demande de Florence G. en paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice commercial,
statuant à nouveau,
prononce aux torts de Florence G. la résiliation du bail commercial du 20 mars 1995,
ordonne l’expulsion de Florence G. et de tous occupants de son chef , si besoin avec l'assistance de la force publique et sous astreinte de 200 € par jour commençant à courir le 60e jour après la signification de cette décision,
dit qu’à défaut d’exécution dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, il sera fait application d'une astreinte de 50 € par jour de retard pendant trois mois,
autorise Viviane B. à faire transporter dans tel local de son choix, aux frais de la preneuse, les meubles, effets et marchandises qui se trouveraient dans les lieux loués 60 jours après la signification de cette décision,
condamne Viviane B. à verser à Florence G. la somme de 1000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice de jouissance,
rejette le surplus des demandes,
condamne Florence G. aux entiers dépens, en ceux compris les frais de référé et d'expertise.
- dit que la SCP d'avoués CURAT / JARRICOT pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.