CA Montpellier, 1re ch. B, 29 juin 2011, n° 10/01678
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Viruega
Défendeur :
Groupe MP (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mauri
Conseillers :
M. Torregrosa, M. Andrieux
Avoués :
SCP Gilles Argellies et Fabien Watremet, SCP Auche Hedou Auche Auche
Avocats :
SCP Monestier Bernigaud Bellissent Le Coz, Me Vergnaud, Me Simon
FAITS
Par acte du 30 septembre 2002 la SARL Groupe MP sous-louait à Madame Elvire VIRUEGA divorcée ROBERT, épouse GUINET des locaux commerciaux dont elle était locataire principale [...]. Une autre (sous)location était conclue entre les mêmes parties le 11 juillet 2003 pour des locaux situés à Marseillan.
Soutenant que les loyers étaient impayés pour les bureaux de Béziers du 1er janvier 2004 au 30 juin 2004 et pour les bureaux de Marseillan du15 juillet 2003 au 30 juin 2004, la SARL Groupe MP faisait assigner Madame VIRUEGA le 9 octobre 2006 aux fins de l'entendre condamner à lui payer 13 216,22 € en règlement des loyers impayés.
Dans ses dernières écritures la SARL Groupe MP admettait que Monsieur PARTOUCHE, son gérant, avait convenu personnellement d'une association de fait avec Madame VIRUEGA. Toutefois Il n'était pas dans la procédure et avait une personnalité distincte de celle de la SARL.
Madame VIRUEGA répliquait que la SARL Groupe MP n'était pas autorisée à sous louer les locaux de Béziers et qu'elle n'avait jamais occupé elle-même les locaux de Marseillan. Elle soutenait encore que les conventions conclues s'analysaient comme étant constitutives d'une société en participation. Elle demandait la désignation d'un expert pour apurer les comptes.
Le jugement querellé du 30 mars 2009 :
- condamnait Madame VIRUEGA à payer à la SARL Groupe MP 7 800 € au titre des loyers impayés de Béziers et de Marseillan, outre 800 € au titre des frais irrépétibles.
Madame VIRUEGA épouse GUINET a relevé appel de façon régulière et non contestée, et elle a conclu le 27 janvier 2011 :
- au rejet des prétentions de la SARL Groupe MP,
- à l'existence d'une société en participation et maintient également sa demande d'expertise.
Elle réclame la condamnation de la SARL Groupe MP à lui payer 4 440 € et 8 869,34 €, sommes indûment facturées le 31 décembre 2002, ces sommes pouvant venir en compensation éventuellement avec celles éventuellement dues. Elle sollicite encore 3 000 € de dommages intérêts. Subsidiairement elle demande à bénéficier de délais
Elle rappelle qu'elle était initialement négociatrice d'une société Accord Immobilier à Béziers. Monsieur PARTOUCHE, gérant de la SARL Groupe MP, l'avait pressentie pour rejoindre son groupe, la faisant embaucher par une société LPI (Monsieur PARTOUCHE n'avait pas la carte professionnelle). Monsieur PARTOUCHE l'installait dans les locaux de Béziers. Elle travaillait comme salariée exclusivement pour ce dernier. Ayant obtenu sa carte d'agent immobilier, elle se rapprochait de son employeur pour constituer la société qu'il avait promise d'établir, ce qu'il refusait. Monsieur PARTOUCHE établissait un bail pour les locaux de Béziers ' pour justifier sa présence dans les locaux '. Il la rassurait en lui indiquant qu'il ne s'agissait que d'un document permettant de justifier les frais et qu'il était hors de question de lui réclamer des loyers. Toujours selon l'appelante un accord verbal était conclu aux termes duquel elle s'occupait de la vente des biens moyennant une commission réduite compte tenu de la mise à disposition du local. Au printemps 2003, Monsieur PARTOUCHE choisissait d'ouvrir un autre site à Marseillan, site qui pourrait recevoir un sieur BONETTI, employé de la SARL Groupe MP, Madame VIRUEGA ayant suffisamment de travail à Béziers. Avançant des soucis de cohérence, Monsieur PARTOUCHE lui demandait de signer le bail. Monsieur PARTOUCHE ne lui ayant jusqu'alors jamais réclamé de loyers elle acceptait mais refusait de signer un contrat avec BONETTI. D'autres difficultés survenaient dans les rapports entre les parties. Début 2004, Monsieur PARTOUCHE la convoquait pour lui réclamer 50% des bénéfices de son activité et lui remettait une facture de loyer pour 12 mois de location du local de Béziers. Si elle était d'accord sur le partage des bénéfices, c'était après règlement des dépenses (elle remboursait les frais à Monsieur PARTOUCHE). Ne percevant pas les commissions promises elle quittait les locaux de Béziers fin juin 2004, n'ayant jamais travaillé dans les locaux de Marseillan.
Elle reprend son argumentation sur l'absence d'autorisation de la sous-location. Sur la société en participation elle fait valoir que l'existence de cette société a été reconnue par Monsieur PARTOUCHE. Elle ajoute que la facture concernant les locaux de Béziers faisait état d'un loyer ne correspondant pas à celui arrêté contractuellement Quant aux factures EDF le lieu de consommation était sans rapport avec les locaux de la [...]. Sur sa demande reconventionnelle elle fait valoir que les factures qu'elle avait réglées reproduisaient les mêmes anomalies (montant des loyers, TVA...).
La SARL Groupe MP a conclu le 10 juin 2010 à la confirmation de la décision dont appel en ce qu'elle a condamné Madame VIRUEGA à lui payer 7 800 €. Elle réclame en outre 1 056,10 HT au titre des factures EDF et France Telecom. Elle relève que l'appelante reconnaît n'avoir pas payé les loyers. Elle se prévaut de l'existence des contrats de (sous)location. Peu importe que la sous-location soit irrégulière. Elle justifiait du règlement des factures antérieures de 2002 et 2003 et de la rupture d'un commun accord de juin 2004. Elle ajoute que Monsieur PARTOUCHE avait personnellement convenu d'une association de fait avec Madame VIRUEGA mais cette dernière n'a jamais répondu aux courriers recommandés évoquant cette association, ce qui en toute hypothèse n'avait aucun intérêt dans le présent débat, Monsieur PARTOUCHE étant étranger à la procédure. Sur la présence de Madame VIRUEGA à Marseillan elle rappelle que là encore elle avait signé le bail et le préavis mettant fin au dit bail. L'intimée critique enfin les attestations produites.
La demande de répétition de l'indû est prescrite et la demande de délai est irrecevable, s'agissant d'une demande nouvelle.
SUR CE
Attendu que la SARL Groupe MP réclame le paiement de deux factures émises le 31 décembre 2004 pour les locaux sis à [...].
Attendu que s'agissant des locaux sis à Béziers, Madame VIRUEGA ex-épouse ROBERT ne peut nier qu'un bail a été signé le 30 Septembre 2002 pour un loyer annuel de 4 800 €, et qu'elle a occupé les lieux pour y exercer l'activité d'agent immobilier ;
Attendu que Monsieur Michel PARTOUCHE ne peut nier sa qualité d'associé de fait, pour l'exploitation de l'agence
' DIDEROT IMMOBILIER ' ;
Attendu qu'il reconnaît cette qualité dans un courrier en date du 17 novembre 2004, où il écrit :
' nous avons eu ensemble l'agence DIDEROT IMMOBILIER à Béziers. Je l'ai exploité avec vous en tant qu'associé de fait...'
Mais attendu que le bailleur des locaux n'est pas Michel PARTOUCHE mais la SARL Groupe MP, Madame VIRUEGA ex-épouse ROBERT devant être renvoyée à exercer ses droits au titre d'une association de fait avec Michel PARTOUCHE, dont elle indique qu'elle vendait en exclusivité les biens immobiliers ;
Attendu que toute l'argumentation de Madame VIRUEGA sur les promesses non tenues dont elle a fait l'objet de la part de Michel PARTOUCHE relève de la pure affirmation dénuée de preuve en termes de conséquences juridiques, à l'exception de la non-occupation des locaux de Marseillan sur laquelle il sera statué infra ;
Attendu que l'éventuelle irrégularité de la sous-location n'a pas de conséquences en termes d'obligations consenties par le sous-locataire envers le locataire ;
Et attendu que s'agissant du montant de la facturation pour les locaux de Béziers, la Cour adopte les motifs pertinents du premier juge qui a appliqué le contrat ( 2 400 € pour 6 mois) ;
Attendu qu'en revanche, et si rien ne permet de rattacher les factures EDF GDF ( [...], lieu de consommation [...]) au fonctionnement de l'agence DIDEROT, la Cour estime que les deux factures TELECOM produites sont à prendre en compte à hauteur de 328 78 € et 89,81 € ;
Attendu que c'est une somme globale de 2818,59€ qui est due pour les locaux sis [...] à Béziers, avec intérêts au taux légal depuis l'assignation, le courrier du 16 novembre 2005 ne constituant pas une mise en demeure ;
Attendu que pour les locaux sis à Marseillan, Madame VIRUEGA ex-épouse ROBERT indique que les parties avaient convenu du bail dans un souci de cohérence avec l'activité de Béziers, Monsieur PARTOUCHE n'ayant pas la carte permettant les transactions immobilières et seul un sieur BONETTI, employé de Monsieur PARTOUCHE, devant exercer à Marseillan ;
Attendu que depuis son courrier du 26 novembre 2005, Madame VIRUEGA divorcée ROBERT soutient qu'il s'agissait d'un service rendu, car elle seule possédait la carte, Monsieur BONETTI se chargeant de vendre ou louer sur le secteur de Marseillan les biens de Monsieur PARTOUCHE ; que dans le même courrier elle reconnaissait d'ailleurs devoir régler les loyers mais de la [...] uniquement ;
Attendu que Madame VIRUEGA divorcée ROBERT produit sept attestations faisant toutes état de façon formelle ou très précise de ce que Madame VIRUEGA divorcée ROBERT n'allait jamais à l'agence de Marseillan, qu'elle n'en parlait pas et que son travail ne concernait que l'agence de Béziers ;
Attendu que l'une de ces attestations émane certes de son ex-mari, qui est cependant formel sur l'absence de présence à Marseillan, l'absence de commission puisque c'était le sieur BONETTI qui y travaillait, employé par Monsieur PARTOUCHE ;
Attendu que la fille de Madame VIRUEGA divorcée ROBERT est elle aussi formelle, alors même qu'elle était négociatrice à l'agence : elle-même ou sa mère n'ont jamais mis les pieds à Marseillan ;
Attendu que les attestations VALDIVIA, SOULIE, BALLESTER, CARRIERE, ARNOUX vont dans le même sens, de façon nullement anecdotique puisque Madame CARRIERE était une commerçante voisine prenant souvent le café avec elle
(elle ne lui a jamais parlé de Marseillan) et que Madame ARNOUX était salariée de Michel PARTOUCHE et témoigne que c'était Monsieur BONETTI qui s'occupait de Marseillan ;
Attendu que ces attestations, régulières en la forme, n'ont jamais fait l'objet de plainte, et ne sont nullement contestées dans le détail ; que le Groupe MP se borne à affirmer que Monsieur BONETTI était l'agent commercial de Madame ROBERT ( la Cour pensait qu'un agent commercial est indépendant...), à produire un seul bon de visite signé par ce dernier et un papier à entête vierge ;
Attendu que le seul lieu rattachant ces deux derniers documents à Madame ROBERT est précisément le numéro de carte professionnelle (10 781), dont cette dernière soutient depuis l'origine qu'il permettait à Monsieur BONETTI d'exercer à Marseillan, étant précisé que Monsieur PARTOUCHE n'a jamais contesté qu'il ne pouvait, fût-ce par le biais du Groupe MP, exercer l'activité d'agent immobilier ;
Attendu que dans ce contexte reprécisé, et après examen des pièces produites, la Cour estime suffisamment rapportée la démonstration de ce qu'aucune occupation par Madame ROBERT des lieux loués n'a jamais eu lieu, malgré signature d'un bail (et courrier de dispense de préavis) qui ne permettaient en réalité que d'assurer sur place l'activité d'un sieur BONETTI, avec le numéro de carte de Madame ROBERT, sans que rien au dossier ne permette de démontrer que cette activité ait profité directement ou indirectement à Madame ROBERT ;
Attendu que l'on cherchera d'ailleurs vainement aux conclusions du Groupe MP l'affirmation expresse de ce que Madame ROBERT ment et de ce qu'elle a exploité personnellement dans les lieux loués à Marseillan une agence immobilière ;
Attendu qu'en droit, c'est la notion même de délivrance des lieux loués qui pose question, et, à supposer ce premier obstacle franchi, la Cour estime que les pièces ci-dessus examinées mises en perspective démontrent l'absence de cause du bail, qui n'avait pas pour but de laisser des locaux à disposition de Madame ROBERT, mais de permettre à un sieur BONETTI d'exercer la profession d'agent immobilier dans des lieux sous-loués par le Groupe MP, sous couvert de la carte professionnelle dont disposait Madame ROBERT ;
Attendu qu'aucune somme ne saurait donc être réclamée sur le fondement du bail concernant les locaux à Marseillan ;
Attendu que les demandes reconventionnelles de Madame ROBERT sont incontestablement atteintes par la prescription quinquennale instituée par la Loi du 18 janvier 2005 ; que les demandes de répétition de sommes indues payées avant la loi devaient en toute hypothèse être formées avant le 18 janvier 2010, ce qui n'est pas le cas puisque les premières demandes reconventionnelles sont contenues dans des conclusions en date du 04 février 2010 ;
Attendu que la demande de délai de Madame ROBERT se heurte en toute hypothèse à l'absence de renseignements complets sur sa situation actuelle en termes de revenus et de patrimoine ; que le salaire de janvier 2010 de son époux n'est nullement négligeable (2668,24 €) ;
Attendu que la Cour ne juge pas réunies les conditions d'application de l'article 1382 du code civil, ou 700 du code de procédure civile, au profit de l'une ou l'autre partie ; que leur contentieux est à l'évidence la conséquence d'une absence minimale de rigueur dans la teneur de leurs conventions écrites, dont la Cour ignore à ce stade qui en a été le principal bénéficiaire ; que les dépens d'appel seront partagés ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant contradictoirement,
Reçoit l'appel de Madame VIRUEGA divorcée ROBERT ;
Au fond, y fait droit partiellement ;
Statuant à nouveau de ces seuls chefs,
Dit et juge que Madame VIRUEGA divorcée ROBERT n'est redevable que de la somme de 2818,59 € pour les locaux sis [...] ;
Dit et juge que le bail pour les locaux loués sis à Marseillan était dépourvu de cause ;
Condamne en conséquence Madame VIRUEGA divorcée ROBERT à payer à la SARL Groupe MP 2818,59 € avec intérêts au taux légal depuis l'assignation ;
La déboute de ses demandes reconventionnelles, et de sa demande de délai ;
Confirme pour le surplus le jugement de premier ressort (article 700 du code de procédure civile et dépens) ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation à dommages et intérêts ou à frais irrépétibles en cause d'appel ;
Fait masse des dépens exposés en appel qui seront partagés par moitié entre les parties ;
Alloue aux avoués de la cause le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.