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Décisions

Cass. 3e civ., 2 juin 1999, n° 97-18.692

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Bourrelly

Avocat général :

M. Baechlin

Avocats :

SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Cossa

Paris, 16e ch. civ. A, du 27 mai 1997

27 mai 1997

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 1997), que M. Y..., preneur de locaux à usage commercial, a demandé le renouvellement du bail aux époux Z..., propriétaires, qui, l'ayant accepté, ont assigné M. Y... en fixation du nouveau loyer, et obtenu une expertise sur la valeur locative, et la fixation d'un loyer provisionnel ; que le preneur, durant la procédure, a conclu une promesse de cession de son fonds de commerce sous condition du renouvellement du bail puis a donné congé et a quitté les lieux; qu'il a assigné les bailleurs en indemnisation du préjudice qu'avait selon lui entraîné la perte du fonds de commerce ; que les époux Z... ont conclu au rejet de ces demandes et, à titre reconventionnel, se prévalant de l'estimation qu'avait faite un architecte du coût de remise en état des lieux, à la condamnation de M. Y... à leur payer cette somme à titre de réparation, ainsi qu'à les dédommager de l'impossibilité, où ils disaient s'être trouvés, de relouer ceux-ci dès leur libération ; qu'ils ont formé une demande additionnelle en fixation du loyer du bail ayant eu cours du jour du renouvellement jusqu'à ce que les clés leur aient été rendues; que sur ce point M. Y... a opposé la péremption d'instance ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, "1 / que la cour d'appel a elle-même constaté que le loyer annuel du bail conclu le 15 mai 1982 était de 24 500 francs, et que le bailleur, qui n'avait accepté le renouvellement du bail, le 26 septembre 1990, que moyennant un loyer annuel de 300 000 francs, avait assigné le locataire devant le juge des loyers commerciaux de Bobigny ; qu'il appartenait donc aux bailleurs, qui sollicitaient une augmentation importante du loyer, de poursuivre la procédure afin que le loyer soit fixé judiciairement ; qu'en engageant contre leur locataire une action en fixation judiciaire du loyer à laquelle ils n'ont donné aucune suite, et en laissant ainsi le preneur dans l'incertitude quant au montant du loyer du bail renouvelé, ils ont commis une faute dont ils devaient réparation à M. Y... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; 2 / que M. Y... avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'il avait conclu une promesse de cession de son fonds de commerce sous condition suspensive du renouvellement du bail ; qu'en se bornant à retenir, pour le débouter de sa demande de dommages-intérêts résultant de la non-réalisation de cette promesse, qu'en quittant les lieux loués de son propre chef il avait perdu toute chance de céder son fonds, sans rechercher si la non-réalisation de cette promesse, conclue à une époque où le preneur se trouvait encore dans les lieux, était imputable à la faute des bailleurs qui, après avoir refusé le renouvellement du bail au prix initial, avaient engagé contre lui une procédure en fixation judiciaire du loyer qu'ils n'avaient pas poursuivie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil" ;

Mais attendu qu'abstraction faite de motifs surabondants, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à relever qu'en libérant les lieux, M. Y... avait perdu toute chance de céder son fonds de commerce et a accueilli la demande en péremption d'instance, a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant que M. Y... ne saurait se plaindre de l'inertie des époux Z... à diligenter l'action en fixation de loyer du bail renouvelé puisque lui-même avait la même possibilité qu'eux de poursuivre les errements conduisant à cette fixation ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser aux époux Z... les frais d'étude de l'architecte alors, selon le moyen, "qu'en faisant droit à la demande des époux Z..., sans donner aucun motif à sa décision, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu que le moyen ne critique pas le dispositif de l'arrêt et n'est dirigé que contre l'un de ses motifs ; qu'il est, par suite, irrecevable ;

Mais sur les troisième et quatrième moyens, réunis :

Vu les articles 1134, 1147, 1720 et 1732 du Code civil ;

Attendu que, pour condamner M. Y... à payer aux époux Z... des dommages-intérêts en réparation du préjudice né, pour eux, de l'état dans lequel les lieux leur ont été restitués et de l'impossibilité, où ils se sont trouvés, de relouer ceux-ci immédiatement, l'arrêt retient, d'une part, par motifs propres et adoptés, sur la première des demandes formée de ces chefs par les époux Z..., qu'elle est fondée sauf abattement pour vétusté à pratiquer sur le coût de la remise en état des lieux, et que M. Y... n'en discute ni le principe ni le quantum, celui-ci ressortant des justificatifs produits, d'autre part, sur la seconde, que les locaux ne pouvait être reloués avant que d'importants travaux y eussent été exécutés ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait M. Y..., le mauvais état des lieux n'était pas imputable aux bailleurs, auxquels incombaient les grosses réparations, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

Et sur le cinquième moyen :

Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ;

Attendu que l'arrêt condamne M. Y... à payer une somme d'argent aux époux Z... au titre du loyer couru depuis le début du nouveau bail jusqu'à la restitution des lieux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, relativement à ce loyer, les époux Z... avaient seulement conclu à sa fixation, à l'ajustement du dépôt de garantie et au paiement des intérêts au taux légal sur les arriérés, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. Y... à payer aux époux Z... des sommes d'argent correspondant aux coûts des travaux de remise en état des lieux, à la réparation du préjudice né, pour les bailleurs, de l'impossibilité de les redonner à bail immédiatement, et aux loyers courus de la prise d'effet du nouveau bail jusqu'à la restitution des lieux, l'arrêt rendu le 27 mai 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.