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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 4 mai 2011, n° 10/11247

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Roucar Gear Technologies BV (Sté), M. de Vries

Défendeur :

M. Antonov

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

Mme Chokron, Mme Gaber

Avoués :

SCP Baufume Galland Vignes, SCP Mireille Garnier

Avocats :

Me Luchtenberg, Me Desforges, SCP Desforges Milcamps Setton

TGI Paris, du 27 nov. 2009, n° 09/12682

27 novembre 2009

LA COUR,

Vu l'appel relevé par la société de droit néerlandais Roucar Gear Technologies bv et M. Carl de Vries du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 2ème section, n° de RG : 09/12682), rendu le 27 novembre 2009 ;

Vu les dernières conclusions des appelants (7 février 2011) ;

Vu les dernières conclusions (25 janvier 2011) de M. Roumen Antonov, intimé et incidemment appelant ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 8 février 2011,

SUR QUOI,

Considérant que la société Roucar Gear Technologies bv (ci-après : Roucar) a déposé à l'INPI :

1°) le 19 mai 2008, une demande de brevet n° 08 53240, intitulée « Procédé de collecte d'énergie, unité de production électrique et éolienne s'y rapportant », désignant MM Roumen Antonov, Bernard Poulet et Carl de Vries en tant qu'inventeurs ;

2°) le 9 décembre 2008, une demande de brevet n° 08 58418, intitulée « Dispositif d'accumulation inertielle d'énergie », désignant MM Roumen Antonov et Carl de Vries en tant qu'inventeurs ;

Que M. Antonov, estimant que c'est en toute mauvaise foi que la société Roucar s'était faite inscrire comme titulaire de ces demandes de brevet, a assigné cette société et M. de Vries pour faire juger qu'il est le seul propriétaire des inventions et des demandes de brevet ainsi que de l'ensemble des droits de propriété intellectuelle s'y rapportant en France comme à l'étranger et voir condamner la société Roucar et M. de Vries à lui payer, outre une indemnité de procédure, 9 millions d'euros de dommages-intérêts ;

Que le tribunal, par le jugement dont appel, a rejeté l'exception d'incompétence opposée par les défendeurs et déclaré la loi française applicable au litige, a retenu que M. Antonov est le seul inventeur, qu'aucune cession n'était intervenue et que c'était donc en fraude de ses droits que la société Roucar s'est déclarée propriétaire des demandes de brevet litigieuses ; qu'il a ordonné la rectification de celles-ci en conséquence et condamné in solidum la société Roucar et M. de Vries à payer 50.000 euros de dommages-intérêts à M. Antonov ;

Sur la compétence et la loi applicable :

Considérant que les appelants persistent à dénier la compétence de la cour pour connaître de ce litige qui porte sur la propriété d'inventions régies, selon eux, par un contrat de mission du 15 janvier 2008, opposable à M. Antonov et comportant une clause le soumettant à la législation des Pays Bas et attribuant compétence à la District Court d'Utrecht pour connaître des différends auxquels il pourrait donner lieu entre les parties ;

Mais considérant que le contrat visé a été conclu entre, de première part, la société Roucar Gear Technologies bvi.o., en cours de formation, représentée par la société Helco Montana bv, de seconde part, par la s.a.r.l. 4 Stroke ; qu'il a été signé, pour la société Helco Montana, par M. de Vries, pour la société 4 Stroke, par M. Antonov en sa qualité de gérant de cette société ;

Qu'il en résulte que la clause attributive de compétence, qui serait susceptible d'application dans le cadre du règlement d'un différend survenant entre les deux sociétés Roucar et 4 Stroke, n'a pas vocation à régir le litige introduit par M. Antonov qui revendique personnellement, sur le fondement de l'article L.611-8 code de la propriété intellectuelle, la propriété d'inventions qu'il prétend lui avoir été soustraites et qui ont fait l'objet de demandes déposées à l'INPI ; qu'il n'est d'aucune conséquence que M. Antonov ait accepté d'être entièrement responsable de l'exécution du contrat par la société 4 Stroke dès lors que celle-ci n'est pas dans la cause ;

Considérant que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence ;

Sur la demande de communication de pièces détenues par un tiers :

Considérant que les appelants demandent à la cour d'ordonner au mandataire à la liquidation judiciaire de la société 4 Stroke de verser au débat des états comptables et des relevés de compte de cette société, précisant dans ses dernières écritures (page 10) « qu'elle acceptera de se contenter des bilans, comptes de résultat et grands livres comptables pour les exercices 2008 et 2009 et des relevés de comptes bancaires concernant le compte Société Générale n° 00020544812 » ;

Que, selon les appelants, ces pièces seraient de nature à permettre « de déterminer de manière formelle le montant des rémunérations perçues par R. Antonov au titre du projet Roucar en plus des montants et des actions Roucar qui lui ont été directement versées et attribuées » ;

Mais considérant que les appelants n'expliquent pas comment les pièces ainsi réclamées, relevant de la comptabilité de la société 4 Stroke, pourraient apporter la preuve du paiement des rémunérations et de remises de titres par la société Roucar à M. Antonov, sauf à invoquer, ce dont ils s'abstiennent, la confusion du patrimoine de la société 4 Stroke avec celui de son gérant ;

Qu'il en résulte que la demande n'est pas fondée et qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner la communication réclamée ;

Sur l'inventeur :

Considérant que M. de Vries, tout en admettant n'avoir pris aucune part à l'élaboration des plans et à la réalisation concrète du prototype, explique avoir eu soudain, au cours d'une réunion tenue le 10 septembre 2008, l'idée du procédé ingénieux consistant à remplacer l'énergie cinétique dont sont chargés les Flywheels par de l'électricité et persiste à soutenir que son apport intellectuel et son rôle au stade de la conceptualisation des deux inventions litigieuses lui confèrent la qualité d'inventeur ;

Mais considérant qu'il y a loin de l'idée exprimée sous forme interrogative de M. de Vries lors de la réunion du 10 septembre 2008 à l'invention ; qu'il ressort des pièces versées au débat émanant tant de M. de Vries lui-même - spécialement sa lettre à M. Antonov du 8 avril 2009 - que de M. Pontet, conseil en propriété intellectuelle qui a procédé au dépôt des demandes, que M. de Vries n'a eu aucune part dans la conception technique et les développements qui ont abouti à l'invention ; que le tribunal a exactement apprécié le sens et la portée de ces pièces pour en déduire à juste titre que le seul inventeur est M. Antonov et que M. de Vries s'est à tort attribué cette qualité ;

Sur la propriété des demandes de brevet :

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L.611-6 et L.611-1 du code de la propriété intellectuelle que le droit au titre de propriété industrielle qui confère à son titulaire un droit exclusif d'exploitation appartient à l'inventeur ou à son ayant cause ;

Considérant que les appelants soutiennent que la société Roucar est titulaire des droits de propriété industrielle constatés dans les demandes de brevet en cause parce que le sort des inventions correspondantes a été réglé par le contrat de mission du 15 janvier 2008 conclu entre la société Roucar et la société 4 Stroke ;

Mais considérant qu'il a déjà été dit que ce contrat n'est pas opposable à M. Antonov qui n'y est pas personnellement partie ; qu'il s'agissait, pour la société Roucar, déjà titulaire de demandes de brevet dans le domaine de la technologie des éoliennes, de développer une machine sur la base de ces demandes de brevet et de confier à la société 4 Stroke, qui disposait de la technologie appropriée, le soin de développer et produire un prototype de machine prêt à être testé et mesuré conformément aux plans, spécifications et autres informations fournis par la société Roucar (cf. préambule et article 1 du contrat) ;

Considérant, en toute hypothèse, que ce contrat ne peut s'analyser comme comportant une mission d'invention correspondant à des fonctions d'études et de recherches explicitement confiées à M. Antonov, dont la rémunération de 200.000 euros prévue (article 13, in fine) était définie, non comme la contrepartie de ses inventions, mais comme celle de son engagement personnel de garantir la bonne exécution de ses obligations par la société 4 Stroke ;

Considérant qu'il en résulte que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que ce contrat n'avait aucun lien avec les inventions litigieuses et que, aucune cession n'étant intervenue, les demandes de brevet s'y rapportant ont été déposées en fraude des droits de M. Antonov ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que M. Antonov fait valoir que, par leurs agissements persistants en dépit de l'exécution provisoire dont le jugement dont appel est assorti, la société Roucar et M. de Vries l'empêchent de procéder normalement à l'inscription d'extensions internationales et à la recherche de partenariats pour le développement des inventions en cause et leurs multiples applications dans les domaines, entre autres, de l'automobile et de l'énergie renouvelable ;

Considérant que l'ensemble des circonstances de la cause donnent à la cour des éléments d'appréciation qui la conduisent à juger que le préjudice subi par M. Antonov n'a pas été évalué à sa juste hauteur par le tribunal; que le jugement entrepris sera réformé sur le montant des dommages-alloués qui sera porté à 150.000 euros ;

Considérant que le jugement sera confirmé pour le surplus, étant observé qu'il n'y a pas lieu d'assortir la condamnation d'une astreinte comme le réclame M. Antonov ;

Sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive :

Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par les appelants ne peut être accueillie ;

Considérant qu'il ne peut être totalement exclu que l'opiniâtreté de la société Roucar et de M. de Vries ait été inspirée par une erreur d'appréciation de leurs droits tels qu'ils résultent des rapports contractuels et des circonstances factuelles de la cause ; que la preuve d'un abus fautif dans l'exercice de leur droit d'appel n'est pas absolument démontrée ; que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par M. Antonov sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués à M Antonov,

Le RÉFORMANT et STATUANT à nouveau de ce seul chef,

CONDAMNE in solidum la société Roucar Gear Technologie bv et M. de Vries à payer à M. Roumen Antonov 150.000 euros de dommages-intérêts,

DÉBOUTE les parties de toute autre demande contraire à la motivation,

CONDAMNE in solidum la société Roucar Gear Technologie bv et M. de Vries aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer à M. Roumen Antonov 30.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.