Cass. 2e civ., 9 janvier 2014, n° 13-14.325
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Avocats :
Me Foussard, SCP Gadiou et Chevallier
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2013), qu'une sentence arbitrale revêtue de l'exequatur ayant ordonné à M. X... de céder à la société Total outre-mer (la société T. O. M.) diverses parts sociales, moyennant un certain prix à payer, et l'ayant condamné à payer diverses sommes à la société T. O. M. au titre de ses frais raisonnables de défense et du coût de l'arbitrage, cette société a fait pratiquer des saisies-attribution au préjudice de M. X... ; que celui-ci a contesté ces mesures devant un juge de l'exécution ;
Attendu que la société T. O. M. fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée des saisies-attribution pratiquées à sa requête le 24 mai 2011 au préjudice de M. X... entre les mains de la Société générale et de la banque Palatine et de décider que les sommes saisies porteront intérêts au taux légal à compter de cet arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en conférant au juge de l'exécution le pouvoir d'ordonner la mainlevée d'une mesure d'exécution forcée, l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution cantonne, avec un effet limitatif, les deux hypothèses dans lesquelles le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée, à savoir l'inutilité de la mesure ou le caractère abusif de la mesure ; qu'en décidant d'ordonner la mainlevée des saisies-attributions à raison d'un défaut de bonne foi ou encore d'un manquement à la loyauté procédurale, notions distinctes de l'inutilité de la mesure ou de l'abus qui l'entâche, les juges du fond ont violé l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 111-7 du même code ;
2°/ que la notion de bonne foi déduite de l'article 1134 alinéa 3 du code civil suppose que les parties agissent dans le cadre d'un lien contractuel ; qu'une partie ayant obtenu une condamnation à des frais afférents à une instance juridictionnelle n'est pas dans un lien contractuel avec son contradicteur lorsque, se prévalant de la condamnation prononcée à son profit, s'agissant de ses frais de justice, elle entend en obtenir le recouvrement ; qu'à cet égard, l'arrêt doit être censuré pour violation de l'article 1134 alinéa 3 du code civil, ensemble pour violation de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
3°/ que le principe de la loyauté processuelle concerne l'hypothèse où les parties s'affrontent dans le cadre d'une instance au sens des articles 1 à 3 du code de procédure civile, ce qui implique qu'une partie ait saisi un juge devant lequel la partie adverse a été attraite, à l'effet d'obtenir de ce juge qu'il dise le droit ; que la mise en oeuvre d'une mesure d'exécution forcée ne s'analyse pas en une instance au sens qui vient d'être rappelé, sachant que la notion d'instance ne peut réapparaître, en cas de contestation, que dans les seules limites de la saisine du juge de l'exécution à l'effet d'obtenir qu'il se prononce sur la mesure ; qu'en appliquant le principe de loyauté procédurale à la mise en oeuvre d'une mesure d'exécution forcée, hors la saisine d'un juge en vue de lui faire dire le droit, les juges du fond ont violé les articles 1 à 3 du code de procédure civile, ensemble le principe de la loyauté procédurale ;
4°/ que l'abus du droit de procéder à une saisie postule, soit l'intention de nuire, soit l'absence de tout intérêt pour le créancier, soit à tout le moins la disproportion entre la mesure mise en oeuvre et l'intérêt du créancier ; qu'en s'abstenant d'évoquer l'une ou l'autre de ces hypothèses, seules de nature à caractériser l'abus, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution et les règles régissant l'abus du droit de saisir ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société T. O. M. avait décidé de reporter à plus tard l'exécution de la partie principale de la sentence qu'elle avait, elle-même, sollicitée et à l'exécution de laquelle elle pouvait contraindre M. X... par le biais de l'astreinte dont cette obligation était assortie et retenu qu'elle avait poursuivi l'exécution de la seule disposition accessoire de la sentence en créant, ainsi, un déséquilibre incompatible avec la nature et le sens de la décision arbitrale, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants justement critiqués par la première branche du second moyen, qui a caractérisé la faute de la société T. O. M. dans la mise en oeuvre des mesures de saisie, a pu décider d'en ordonner la mainlevée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les deuxième et cinquième branches du second moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.