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Décisions

Cass. crim., 21 avril 2020, n° 19-82.662

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

Mme de Lamarzelle

Avocat général :

M. Quintard

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Montpellier, du 12 mars 2019

12 mars 2019


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 22 septembre 2007 M. L..., gérant minoritaire de la société [...] , a été victime d'un accident du travail. Il a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault (la CPAM) le 24 septembre 2007 une déclaration d'accident du travail établie par lui-même et il a perçu des indemnités journalières du 23 septembre 2007 au 2 novembre 2009.

3. Le 14 décembre 2009, la CPAM a reçu un certificat de rechute de l'accident du travail. Après la production d'une attestation de salaire par M. L... le 13 janvier 2011, des indemnités journalières au titre de la rechute lui ont été versées pour la période du 14 décembre 2009 au 8 novembre 2010.

4. À la suite d'une enquête laissant suspecter que M. L... avait repris ses fonctions de gérant et qu'il avait créé une seconde société dont il assurait également la gérance, activités non déclarées à la CPAM, l'intéressé a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel pour avoir fourni une déclaration fausse ou incomplète en vue d'obtenir une prestation ou une allocation indue.

5. Cette juridiction l'a déclaré coupable, condamné et a prononcé sur les intérêts civils.

6. M. L... a interjeté appel des dispositions pénales et civiles du jugement et le procureur de la République a formé appel incident.


Examen des moyens

Sur le second moyen

7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen est pris de la violation des articles 441-6, 441-10, 441-11 et 131-26-2 du code pénal, des articles 2, 3, 8, 388, 427, 485, 591 et 593 du même code, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale.
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. L... coupable d'avoir, du 23 septembre 2007 au 2 novembre 2009 puis du 14 décembre 2009 au 8 novembre 2010, fourni une déclaration fausse ou incomplète, pour obtenir d'une personne publique, en l'espèce la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, une prestation ou une allocation indue, alors :

« 1°/ que la prescription de l'action publique du délit prévu à l'article 441-6 al. 2 du code pénal court à compter du jour de la déclaration litigieuse, arguée de faux, et non à compter du jour de la perception de la dernière prestation obtenue à la faveur de la présentation de cette pièce ; qu'en l'espèce, il est constant que M. L... est poursuivi pour avoir, du 23 septembre 2007 au 2 novembre 2009, puis du 14 décembre 2009 au 8 novembre 2010, fourni une déclaration fausse ou incomplète pour obtenir une prestation ou allocation indue ; qu'il est en outre acquis au débat que le premier acte interruptif de prescription est le soit-transmis en date du 21 décembre 2011, tandis que les seules déclarations communiquées par l'exposant pendant le temps de la prévention, au soutien de ses demandes indemnitaires, sont d'une part - et pour ce qui concerne la perception d'indemnités journalières du 23 septembre 2007 au 2 novembre 2009 - la déclaration d'accident du travail du 24 septembre 2007, d'autre part et pour la perception d'indemnités journalières pour la période du 14 décembre 2009 au 8 novembre 2010, la contestation, le 28 décembre 2009, de la décision prise par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de fixer la date de consolidation au 2 novembre 2009 ainsi que la déclaration de rechute d'accident du travail en date du 14 décembre 2009 ; qu'il en résulte que le premier acte interruptif de prescription est intervenu plus de trois ans après la déclaration du 24 septembre 2007, de sorte que tous les faits relatifs aux indemnités journalières perçues sur la base de cette déclaration sont nécessairement atteints par la prescription de l'action publique ; qu'en estimant dès lors, pour écarter l'exception de prescription, que le délai de la prescription de l'action publique du délit visé à la prévention court à compter de la perception de la dernière prestation indue, soit en l'espèce le 8 novembre 2010, date du dernier versement des indemnités journalières à M. L..., la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble les articles 8 et 388 du code de procédure pénale ;

2°/ que pour écarter l'exception de prescription, la cour d'appel a encore relevé que le versement des indemnités journalières sur toute la période de prévention procède du même fait générateur, à savoir l'établissement renouvelé des attestations de salaire permettant le versement des indemnités litigieuses ; qu'en statuant ainsi, quand il résulte des pièces du dossier, d'une part que les versements litigieux n'ont été opérés qu'au vu de la déclaration d'accident du travail du 24 septembre 2007, s'agissant des indemnités versées sur la période du 23 septembre 2007 au 2 novembre 2009, puis de la déclaration de rechute du 14 décembre 2009 et de la contestation du 28 décembre 2009 en ce qui concerne les indemnités versées sur la période du 14 décembre 2009 au 8 novembre 2010, d'autre part que M. L... n'a communiqué à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie ses attestations de salaires qu'à la date du 13 janvier 2011, soit à une période non visée à la prévention, ainsi qu'il résulte de la décision de la Commission de Recours Amiable du 30 octobre 2012 et de la plainte de la Caisse en date du 11 août 2011, de sorte que la production de ces attestations de salaire ne pouvait constituer le point de départ de la prescription de l'action publique, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte des articles 8 et 441-6, alinéa 2, du code pénal que la prescription de l'infraction constituée par la fourniture d'une déclaration fausse ou incomplète en vue de l'obtention de prestations sociales indues ne commence à courir qu'à partir du dernier versement effectué.

11. Pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique pour les faits antérieurs au 20 décembre 2008 invoquée par le prévenu, tirée de ce que le premier acte interruptif du délai de prescription de trois ans, prévu par l'article 8 susvisé dans sa version alors en vigueur, est intervenu le 20 décembre 2011, l'arrêt retient que le point de départ de ce délai est fixé à la perception de la dernière prestation indûment obtenue.

12. Les juges ajoutent que le versement des indemnités journalières sur toute la période de prévention résulte du même fait générateur, à savoir l'établissement renouvelé des attestations de salaire.

13. Ils en déduisent que le délit reproché s'est prolongé sans interruption jusqu'au 8 novembre 2010, date du dernier versement des indemnités journalières.

14. C'est à tort que la cour d'appel énonce que le versement des indemnités journalières litigieuses procède d'un fait générateur unique dès lors qu'elle constate que les versements sont intervenus d'une part entre le 23 septembre 2007 et le 2 novembre 2009 à la suite de la déclaration d'accident du travail du 24 septembre 2007 et d'autre part entre le 14 décembre 2009 et le 8 novembre 2010, à la suite de la déclaration de rechute postérieure.

15. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure.

16. En effet, il résulte de ses constatations que le dernier versement effectué par la CPAM à la suite de la déclaration d'arrêt de travail du 24 septembre 2007 a eu lieu le 2 novembre 2009, de sorte que c'est à cette date qu'a commencé à courir le délai de prescription pour les indemnités perçues entre ces deux dates.

17. Ainsi, le moyen doit être écarté.

18. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.