Cass. 2e civ., 23 juin 2011, n° 10-18.396
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Loriferne
Avocats :
Me Le Prado, SCP Baraduc et Duhamel
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 16 mars 2010) et les productions, que la SCI Nagor (la SCI) a conclu avec les sociétés Banque populaire rives de Paris et Norbail immobilier (le crédit-bailleur) un contrat de crédit-bail immobilier ; qu'à la suite d'un retard de paiement de la redevance, le crédit-bailleur a fait délivrer à la SCI un commandement de payer visant la clause résolutoire figurant au contrat puis a fait assigner celle-ci en référé aux fins de constat de l'acquisition de la clause ; qu'entre-temps, la SCI a saisi un juge de l'exécution d'une demande de report ou de rééchelonnement de sa dette ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de constater l'acquisition de la clause résolutoire et d'ordonner l'expulsion de la SCI et de tous occupants de son chef des locaux occupés par elle dépendants de l'immeuble Les Portes de l'Océane à Saint-Saturnin, au besoin avec l'assistance de la force publique et sous astreinte, d'ordonner le transport et le séquestre des meubles garnissant les lieux, de condamner par provision la SCI à payer la somme de 175 613,41 euros, outre intérêts de retard, et de débouter la SCI de l'exception de litispendance qu'elle avait soulevée en raison de la saisine préalable du juge de l'exécution, alors, selon le moyen,
qu'après signification d'un commandement ou d'un acte de saisie, le juge de l'exécution a compétence pour accorder un délai de grâce ; qu'en affirmant l'incompétence du juge de l'exécution, tandis qu'elle avait constaté que ce dernier avait été saisi par la SCI après la délivrance d'un commandement de payer visant la clause résolutoire du contrat de crédit-bail immobilier, de sorte que le juge de l'exécution, saisi avant le juge des référés, était compétent pour statuer sur le délai de grâce sollicité et sur l'annulation du commandement en cas de respect de ce délai, la cour d'appel, qui aurait dû accueillir l'exception de litispendance, a violé les articles 8, alinéa 2, du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 et 100 du code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est seulement après l'engagement d'une mesure d'exécution forcée que les articles 510 du code de procédure civile et 8, alinéa 2, du décret du 31 juillet 1992 attribuent compétence au juge de l'exécution pour accorder un délai de grâce ; qu'ayant constaté que la SCI avait saisi le juge de l'exécution d'une demande de délais de paiement et d'annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire après apurement de la dette hors toute exécution forcée, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que le juge de l'exécution n'était pas compétent, en a justement déduit que l'exception de litispendance ne pouvait être accueillie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SCI fait encore grief à l'arrêt de constater l'acquisition de la clause résolutoire et d'ordonner l'expulsion de la SCI et de tous occupants de son chef des locaux occupés par elle dépendants de l'immeuble Les Portes de l'Océane à Saint-Saturnin, au besoin avec l'assistance de la force publique et sous astreinte, d'ordonner le transport et le séquestre des meubles garnissant les lieux, de condamner par provision la SCI à payer la somme de 175 613,41 euros, outre intérêts de retard, et de débouter la SCI de sa demande de délais de grâce, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article 1244-1 du code civil que, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues ; que toute stipulation contraire est réputée non écrite ; qu'en affirmant qu'aucun texte ne permet à un crédit-preneur de bénéficier de ce délai de grâce pour faire obstacle aux effets immédiats de la clause résolutoire stipulée dans un contrat de crédit-bail immobilier, tandis que, faute de disposition légale spéciale contraire, cette disposition d'ordre public bénéficie à ce crédit-preneur et que la stipulation d'une clause résolutoire de plein droit qui y fait obstacle doit être réputée non écrite, la cour d'appel a violé les articles 1244-1 et 1244-3 du code civil ;
2°/ que le crédit-preneur d'un contrat de crédit-bail immobilier résilié conserve la faculté de solliciter un délai de grâce pour obtenir le report ou l'échelonnement des sommes réclamées par le crédit-bailleur ; qu'en jugeant qu'aucun texte ne permet au crédit-preneur immobilier de solliciter un délai de grâce, tandis que, à supposer même que le commandement de payer resté sans effet ait pu entraîner la résolution du contrat de crédit-bail, la SCI conservait la possibilité d'obtenir un délai de grâce pour le paiement des sommes réclamées par le crédit-bailleur et la banque populaire Rives de Paris, sans qu'il soit besoin d'une disposition spéciale le prévoyant, la cour d'appel a violé les articles 1244-1 et 1244-3 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement énoncé qu'aucun texte n'autorisait la suspension des effets d'une clause résolutoire acquise d'un contrat de crédit-bail ;
Et attendu que la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que la SCI ne versait à l'appui de sa demande de délais aucun document justificatif de sa situation financière ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.