Cass. 2e civ., 21 mars 2019, n° 17-10.663
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Rapporteur :
Mme Kermina
Avocat général :
Mme Vassallo
Avocats :
Me Haas, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 novembre 2016), que la société Montpellier rugby club a interjeté appel le 17 août 2015 devant la cour d'appel de Paris d'un jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 28 juillet 2015 dans un litige l'opposant à M. E..., et qui lui a été notifié le 6 août 2015 ; que le 8 avril 2016, la société Montpellier rugby club a interjeté appel du même jugement devant la cour d'appel de Montpellier ; que par arrêt du 30 juin 2016, la cour d'appel de Paris a déclaré l'appel du 17 août 2015 irrecevable, comme formé devant une juridiction territorialement incompétente ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Montpellier rugby club fait grief à l'arrêt de rejeter la note en délibéré et l'exception de communication de pièces et de déclarer irrecevable l'appel interjeté le 8 avril 2016, alors, selon le moyen, que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ; que le juge doit, en toutes circonstances et même lorsque la procédure est orale, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, qui constitue le fondement du droit à un procès équitable ; que dans le dossier qu'il a remis à la cour d'appel le jour de l'audience, M. E... a communiqué à la juridiction des spécimens d'accusés de réception de courriers et notifications adressés à la société Montpellier rugby club dont celle-ci, par hypothèse, ne disposait pas et qu'elle n'avait pu consulter ; qu'en refusant néanmoins d'écarter des débats ces pièces qui n'avaient pas été communiquées en temps utile pour permettre à la société Montpellier rugby club d'organiser sa défense, la cour d'appel a violé les articles 15 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant exactement relevé que les avis de réception de convocation devant le bureau de conciliation et à l'audience de départage du conseil de prud'hommes étaient des pièces de la procédure, c'est sans violer le principe de la contradiction et sans méconnaître l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'elle a refusé de les écarter des débats ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Montpellier rugby club fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel interjeté le 8 avril 2016, alors, selon le moyen :
1°/ que la notification d'un jugement, effectuée en application de l'article 665-1 du code de procédure civile, est réputée faite à personne lorsque l'avis de réception est signé par son destinataire, et réputée faite à domicile ou à résidence lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet ; qu'en l'absence d'avis de réception signé par un représentant de la personne morale destinataire ou d'une personne munie d'un pouvoir, le greffe doit inviter la partie à procéder par voie de signification ; que la société Montpellier rugby club faisait valoir que l'avis de réception de la notification du jugement du conseil de prud'hommes du 28 juillet 2015 n'avait pas été signé par son représentant légal, ni par une personne disposant d'une délégation de pouvoir ; que pour juger néanmoins la notification régulière, la cour d'appel, qui a constaté que l'avis de réception n'avait été signé ni par le président de la société ni par les personnes ayant reçu délégation de pouvoir à cette fin, a considéré que cet avis avait été nécessairement signé par un préposé de la société et que la signature était identique ou similaire à celle portée sur d'autres notifications ; qu'en statuant ainsi, sans constater l'identité du signataire de la notification ni l'existence d'une délégation de pouvoir reçue par ce signataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 665-1, 670 et 675 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que la demande en justice portée devant une juridiction incompétente interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; que la déclaration d'appel portée devant une cour d'appel territorialement incompétente interrompt le délai d'appel ; que la décision constatant l'irrecevabilité de l'appel résultant de l'incompétence de la cour d'appel saisie ne rend pas non avenue l'interruption du délai d'appel ; que la société Montpellier rugby club a interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes de Montpellier du 28 juillet 2015 devant la cour d'appel de Paris le 17 août 2015 ; que la déclaration d'appel, portée devant une cour d'appel incompétente, a interrompu le délai d'appel ; que pour déclarer irrecevable l'appel interjeté par la société Montpellier rugby club devant la cour d'appel de Montpellier le 8 avril 2016, cette dernière a considéré que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2016 déclarant irrecevable l'appel formé devant cette cour, en application de l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire relatif à la compétence territoriale de la cour d'appel, avait rendu non avenue l'interruption du délai d'appel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 2241 et 2243 du code civil, ensemble les articles R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que la société Montpellier rugby club avait pu interjeter appel dans le délai requis, la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inutile ;
Et attendu, d'autre part, que si, en application de l'article 2241 du code civil, une déclaration d'appel, serait-elle formée devant une cour d'appel incompétente, interrompt le délai d'appel, cette interruption est, en application de l'article 2243 du même code, non avenue lorsque l'appel est définitivement rejeté par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir ; qu'ayant constaté que l'appel avait été déclaré irrecevable, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a retenu que l'interruption du délai d'appel était non avenue ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, est mal fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.