Cass. crim., 2 juin 2021, n° 20-86.930
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
Mme Pichon
Avocat général :
M. Bougy
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 15 avril 2017, après le classement sans suite de sa plainte déposé le 22 juillet 2016, M. [H] a porté plainte et s'est constitué partie civile pour des faits de faux et usage relatifs à un rapport d'expertise établi par M. [B] le 13 novembre 2012 pour le juge d'instruction en charge d'un dossier d'information sur l'accident de la circulation impliquant Mme [E] au cours duquel le plaignant avait été blessé.
3. Le juge d'instruction a prononcé une ordonnance de refus d'informer considérant que les faits dénoncés sont prescrits.
4. M. [H] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de refus d'informer alors que les faits d'usage ne sont pas prescrits, le rapport d'expertise ayant été utilisé à plusieurs reprises, dans le cadre des procédures pénale et civile, comme un argument à l'appui d'une démonstration dans le but de soutenir une demande, usages constitutifs d'actes positifs interruptifs de prescription.
Réponse de la Cour
Vu les articles 85 et 86 du code de procédure pénale et 441-1 du code pénal :
6. Selon les deux premiers de ces textes, la juridiction d'instruction, régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile, a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public ; cette obligation ne cesse que si pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale.
7. Le délai de prescription court, à l'égard du délit d'usage de faux incriminé par le dernier de ces textes, à partir de la date de chacun des actes par lesquels la personne se prévaut de la pièce fausse.
8. Pour confirmer l'ordonnance, retenir la prescription et dire n'y avoir lieu à informer, l'arrêt attaqué énonce que s'il est exact que les conclusions du rapport d'expertise ont été évoquées à plusieurs reprises au cours des instances civiles ainsi que par le procureur de la République de Bobigny, ces écritures ne sauraient avoir pour effet de repousser le point de départ de la prescription de l'usage de faux dès lors qu'elles se bornent à mentionner le rapport comme une des étapes de la procédure d'information judiciaire sans chercher à en tirer une valeur probatoire.
9. Il relève que ce seul fait ne saurait dès lors s'apparenter à un fait positif d'usage du rapport, étant rappelé que la critique du rapport repose sur l'évocation d'une photographie des lieux de l'accident litigieux, considérée comme tronquée, alors même que c'est l'ensemble des investigations menées qui ont permis de dégager la causalité de l'accident, à savoir la vitesse excessive et le non-respect du panneau stop par M. [H].
10. Les juges retiennent également que, selon la cour d'appel de Paris saisie d'un contentieux de la responsabilité à l'égard de l'expert, les erreurs commises par ce dernier dans l'accomplissement de sa mission ne sont pas à l'origine de la décision de non-lieu privant M. [H] de la possibilité de réclamer la réparation de ses préjudices.
11. Ils concluent que le seul usage du rapport à retenir est sa transmission au cabinet du magistrat instructeur mandant, soit le 16 novembre 2012, et que, dès lors, l'usage de faux était prescrit à la date du 22 juillet 2016, date de la plainte déposée par M. [H] auprès du procureur de la République.
12. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
13. En effet, l'utilisation du rapport argué de faux à l'appui de conclusions reconventionnelles déposées par la mutuelle des taxis, le 28 septembre 2015, dans le cadre de la procédure civile initiée par Mme [E] à l'encontre de M. [H], qui a été dénoncée par le plaignant, est susceptible de constituer un nouveau fait positif d'usage faisant courir un nouveau délai de prescription.
14. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 3 décembre 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.