Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 23 novembre 2022, n° 22/08306

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Speed Rabbit Pizza (SA), ABC Food (SARL)

Défendeur :

Domino's Pizza France (SAS), French Pizza INC (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, Mme Lignières

Avocats :

Me Lallement , Me Semoun , Me Riera Thiebault , Me Boccon Gibod , Me Saint Esteben , Me Schwab, Me Villey

T. com. Paris, 7 juill. 2014, n° 2012079…

7 juillet 2014

La société SPEED RABBIT PIZZA (ci-après « SRP ») intervient sur le marché de la vente à emporter et de la livraison à domicile de pizzas. Elle exerce son activité à travers des points de vente gérés en exploitation directe, ou, pour la majorité, exploités en franchise par des sociétés indépendantes.

La société ABC FOOD exerce à [Localité 9], en qualité de franchisé sous enseigne Speed Rabbit Pizza, l'activité commerciale de fabrication, vente à emporter et livraison à domicile de pizzas.

La société DOMINO'S PIZZA FRANCE (ci-après « DPF ») est spécialisée dans la livraison de pizzas à domicile ou à emporter et exerce cette activité à travers un réseau de franchise. Elle fournit à ses franchisés de manière exclusive les matières premières nécessaires à l'élaboration des produits commercialisés sous sa marque.

La société FRENCH PIZZA exerce à [Localité 9] et à [Localité 8], en qualité de franchisé sous enseigne Domino's Pizza, l'activité commerciale de fabrication, vente à emporter et livraison à domicile de pizzas.

Reprochant aux sociétés French Pizzza et DPF des actes de concurrence déloyale consistant en l'octroi de délais de paiement excessifs et de prêts contraires au monopole bancaire, la société ABC Food a assigné, par acte du 30 novembre 2012, les deux sociétés en cessation de ces pratiques et en paiement de dommages-intérêts devant le tribunal de commerce de Paris.

La société Speed Rabbit Pizza est intervenue volontairement à l'instance au soutien des prétentions de la société ABC Food et les sociétés DPF et French Pizza ont formé une demande reconventionnelle pour procédure abusive.

Par jugement du 7 juillet 2014, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la prescription de l'article 2224 du code civil n'était pas acquise à la défenderesse en ce qu'elle concerne les comptes de la société French Pizza,

- dit l'intervention volontaire accessoire de la société Speed Rabbit Pizza recevable,

- débouté la société ABC Food de l'ensemble de ses demandes,

- condamné in solidum la société ABC Food et la société Speed Rabbit Pizza à payer à la société French Pizza la somme de 85.000 euros et à la société Domino's Pizza France la somme de 50.000 euros pour procédure abusive,

- débouté les parties de leur demande de publication de la présente décision,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamné in solidum la société ABC Food et la société Speed Rabbit Pizza à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 10.000 euros à la société French Pizza et la somme de 57.515 euros à la société Dominons Pizza France,

- condamné in solidum la société ABC Food et la société Speed Rabbit Pizza aux dépens de la présente instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidé à la somme de 211,68 euros TTC (dont 34,84 euros de TVA).

Par arrêt du 12 décembre 2018, la cour d'appel de Paris a :

Rejeté la demande d'annulation du jugement ;

Confirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a écarté des pièces du dossier, et en ce qu'il a condamné les sociétés Speed Rabbit Pizza et ABC Food in solidum au paiement des sommes de 85.000 euros à la société French Pizza et 50.000 euros à la société Domino's Pizza France pour procédure abusive ;

Infirmé le jugement sur ces points,

Et statuant à nouveau,

Débouté les sociétés Domino's Pizza France et French Pizza de leur demande pour procédure abusive ;

Condamné les sociétés Speed Rabbit Pizza et ABC Food in solidum à supporter les dépens de la procédure d'appel ;

Condamné les sociétés Speed Rabbit Pizza et ABC Food à payer in solidum à la société Domino's Pizza France la somme de 20.000 euros et à la société French Pizza la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt rendu le 7 juillet 2020, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 12 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris et renvoyé l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt devant la cour d'appel de Paris autrement composée, notamment aux motifs que :

« Pour écarter l'existence d'un acte de concurrence déloyale résultant du dépassement par la société French pizza des délais légaux de paiement de son franchiseur, l'arrêt retient que le tableau produit par la société ABC Food, récapitulant chaque année le ratio dette fournisseur-chiffre d'affaires supérieur à 6 %, n'est étayé par aucune pièce comptable.

En se déterminant ainsi, sans examiner les extraits de comptes annuels de la société French pizza, versés aux débats au titre des année 2001 à 2004, afin de vérifier la vraisemblance de la méthode de calcul invoquée par la société ABC Food pour démontrer que la société French pizza avait bénéficié, de la part de la société DPF, de délais de paiement illicites ayant pour effet de l'avantager déloyalement au détriment des franchisés de la société SRP, et ainsi de porter atteinte à l'attractivité et à la rentabilité et du réseau concurrent exploité par la société SRP, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision »

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 21 avril 2022, les sociétés SRP et ABC Food ont saisi la cour de renvoi.

Vu les dernières conclusions des sociétés SRP et ABC Food, déposées et notifiées le 09 septembre 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu les articles 16, 325, 455 et 564 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1382 et suivants du Code civil,

Vu les articles L. 441-6, L. 442-6 I 7°, L. 443-1 du Code de commerce,

Vu les articles L. 511-5 et suivants du Code monétaire et financier,

A titre principal,

- RECEVOIR les Sociétés ABC FOOD et SPEED RABBIT PIZZA en leur déclaration de saisine après cassation,

- ANNULER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 7 juillet 2014, les premiers juges ayant écarté les pièces produites par la société ABC FOOD sur le fondement d'un moyen non soumis préalablement aux parties, l'ensemble du jugement étant dépourvu de toute motivation à cet égard ;

A titre subsidiaire,

- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 7 juillet 2014 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :

- DIT que la prescription de l'article 2224 du code civil n'est pas acquise à la défenderesse en ce qu'elle concerne les comptes de la SARL FRENCH PIZZA ;

- DIT l'intervention volontaire accessoire de la société SPEED RABBIT PIZZA recevable ;

- POUR LE SURPLUS, réformer en totalité ledit Jugement et notamment en ce qu'il a :

Écarté les pièces de la société ABC FOOD et a jugé celles-ci « sans lien direct, immédiat et effectif avec les faits de la cause » sans désigner celles-ci ;

Débouté la société ABC FOOD de l'ensemble de ses demandes ;

Condamné in solidum les sociétés ABC FOOD et SPEED RABBIT PIZZA, à payer à la société FRENCH PIZZA INC la somme de 85.000 euros et à la SAS DOMINO'S PIZZA FRANCE la somme de 50.000 euros à titre dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamné in solidum les sociétés ABC FOOD et SPEED RABBIT PIZZA à payer à la société FRENCH PIZZA INC la somme de 10.000 € et à la SAS DOMINO'S PIZZA France la somme de 57.515 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

1/ Sur la recevabilité des pièces

- Dire et juger recevables l'ensemble des pièces communiquées par les sociétés ABC FOOD et DOMINO'S PIZZA France et notamment les pièces E6, E7, E8, E9, E10, E11, E12 ; annexe 27 de la pièce Q3

D00110 - Côte n° DOMINO UN - Synthèse de la procédure menée par les services de la DIRECCTE sur l'accord des prêts de DOMINO'S à ses filiales ;

D00114 - Côte n° DOMINO TROIS - Documents complémentaires sur les prêts accordés par DOMINO'S PIZZA à ses franchisés ;

D00126 - Côte n° DOMINO SEPT - Liste de 13 franchisés ayant bénéficié de convention d'avances en compte courant ;

D 127 /1 et D 127/2 - Constatation BRDE ;

En vertu de l'autorisation donnée par le parquet du Tribunal judiciaire de PARIS le 25 novembre 2020.

2/ Sur la concurrence déloyale des sociétés DOMINO'S PIZZA FRANCE et FRENCH PIZZA

- DIRE ET JUGER que les sociétés DOMINO'S PIZZA FRANCE et FRENCH PIZZA ont commis des fautes délictuelles au préjudice de la société ABC FOOD en accordant et acceptant des délais de paiement qui contreviennent aux délais légaux tels que prévus par les articles L. 442-6 I 7° (ancien) à L. 441-6 et L. 443-1 du Code de commerce ;

- DIRE ET JUGER que les sociétés DOMINO'S PIZZA FRANCE et FRENCH PIZZA ont commis des fautes délictuelles à l'encontre de la société ABC FOOD en n'appliquant pas les dispositions contractuelles prévues relatives aux délais de paiement ;

- DIRE ET JUGER que la société DOMINO'S PIZZA FRANCE a commis des actes de concurrence déloyale en se livrant de façon habituelle à des opérations de banque par l'octroi de prêts à ses franchisés, dont la société FRENCH PIZZA, sans pouvoir bénéficier d'aucune dérogation au monopole bancaire ;

- DIRE ET JUGER que la société FRENCH PIZZA ne pouvait bénéficier d'un prêt octroyé le 28 avril 1999 par la société DOMINO'S PIZZA FRANCE sous forme de compte courant alors même que cette dernière n'était pas encore actionnaire de sa structure ;

- DIRE ET JUGER que le financement illicite de l'activité de FRENCH PIZZA par la société DOMINO'S PIZZA France lui a permis de bénéficier d'un avantage indu qui cause un préjudice à la société ABC FOOD ;

- CONDAMNER en conséquence in solidum les sociétés DOMINO'S PIZZA FRANCE et son franchisé, la société FRENCH PIZZA, à verser à titre de dommages-intérêts à la société ABC FOOD, franchisé SPEED RABBIT PIZZA, la somme 1.500.000 euros, avec intérêts au taux légal commençant à courir à compter du 30 novembre 2012 date de la signification de l'assignation introductive d'instance et avec capitalisation desdits intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil ;

3/ Sur les condamnations au titre de l'article 700

- DIRE ET JUGER que le Tribunal de commerce de Paris a statué ultra petita en condamnant in solidum les sociétés ABC FOOD et SPEED RABBIT PIZZA à payer au titre de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 10.000 € à la société FRENCH PIZZA INC et la somme de 57.515 € à la société DOMINO'S PIZZA FRANCE, alors que la société FRENCH PIZZA INC n'avait présenté aucune demande de ce chef à l'encontre de la société SPEED RABBIT PIZZA.

- DEBOUTER les sociétés DOMINO'S PIZZA FRANCE et FRENCH PIZZA de l'ensemble de leurs demandes à ce titre ;

4/ Sur les demandes reconventionnelles de DPF

- DEBOUTER la société DOMINO'S PIZZA FRANCE de sa demande de condamnation de la société SPEED RABBIT PIZZA pour violation du secret des affaires à hauteur de 150.000 euros ; cette nouvelle demande présentée en cause d'appel étant irrecevable et mal fondée ;

- DEBOUTER Domino's Pizza France de sa demande de condamnation de la société Speed Rabbit Pizza à hauteur de 80.000 euros au titre de l'article 700 ;

5/ Sur les demandes reconventionnelles de la société FRENCH PIZZA

- DEBOUTER la société FRENCH PIZZA de l'ensemble de ses demandes présentées tant à titre principal que subsidiaire :

- LA DEBOUTER notamment de sa demande de condamnation in solidum des sociétés ABC FOOD et SPEED RABBIT PIZZA à hauteur de 195.000 euros au total (85.000 euros de demande initiale et 110.000 euros de demande complémentaire) au titre de la procédure abusive ;

- LA DEBOUTER également de sa demande présentée à titre subsidiaire s'agissant de la condamnation de la société ABC FOOD à réparer un prétendu préjudice à hauteur de 1.500.000 euros ou à minima 1.009.927 euros ;

- CONSTATER à ce titre que la société ABC FOOD n'a commis aucun acte de concurrence déloyale, n'ayant pas dépassé les délais de paiement légaux ;

- REJETER toute demande de compensation ;

En tout état de cause,

- DEBOUTER les sociétés DOMINO'S PIZZA FRANCE et FRENCH PIZZA de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- CONDAMNER in solidum les sociétés DOMINO'S PIZZA FRANCE et son franchisé, la société FRENCH PIZZA solidum à verser à la société ABC FOOD la somme de 50.000 € (cinquante mille euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER in solidum les sociétés DOMINO'S PIZZA FRANCE et son franchisé, la société FRENCH PIZZA solidum à verser à la société SPEED RABBIT PIZZA la somme de 50.000 € (cinquante mille euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER in solidum les sociétés DOMINO'S PIZZA FRANCE et FRENCH PIZZA en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP BOLLING DURAND & LALLEMENT AVOCATS, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société DPF, déposées et notifiées le 13 septembre 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l'article 1240 (ex-article 1382) du Code civil

Vu les articles 9, 144, 146, 564 et 700 du Code de procédure civile

Vu les articles L. 312-2 et L. 511-5 et L. 511-7 du Code monétaire et financier

Vu les articles L. 151-1, L. 151-4, L. 151-5 et L. 152-1 du Code de commerce

Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 7 juillet 2020 ;

- CONFIRMER le Jugement sauf en ce qu'il a débouté DPF de sa demande de dommages et intérêts pour violation du secret des affaires ;

-INFIRMER le Jugement uniquement en ce qu'il a débouté DPF de sa demande de dommages et intérêts pour violation du secret des affaires ;

Statuant à nouveau,

- CONDAMNER in solidum SRP et ABC FOOD à verser à DPF la somme de 150 000 euros à titre de réparation des préjudices que cette dernière a subi du fait de la violation par SRP et ABC FOOD de ses secrets d'affaires ;

Y ajoutant,

- DECLARER irrecevables les pièces suivantes produites par SRP et ABC FOOD en violation du secret de l'instruction et du principe de licéité de la preuve :

- Pièce adverses E6, E7, E8, E9, E10, E11, E12 ;

- Annexe 27 à la pièce adverse Q3 :

D00110 - Cote n° DOMINO UN - Synthèse de la procédure menée par les services de la DIRECCTE sur l'accord des prêts de DOMINO'S à ses filiales ;

D114-2 à D-114-16 ;

D124 ;

D126-2 à D126-3 ;

D127-1 à D127-2.

- REJETER intégralement les demandes indemnitaires formulées par ABC FOOD ;

- CONDAMNER in solidum SRP et ABC FOOD à verser à DPF la somme de 80 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de la société French Pizza, déposées et notifiées le 14 septembre 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu les articles 1382 et 2224 du Code civil ;

Vu les articles 9, 122 et 700 du Code de procédure civile ;

Vu les pièces produites au débat ;

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 7 juillet 2014.

Y ajoutant :

- condamner in solidum les sociétés SPEED RABBIT PIZZA et ABC FOOD, et à défaut de solidarité, la société ABC FOOD, à verser à la société FRENCH PIZZA la somme complémentaire de 110.000 euros, en sus des 85.000 de dommages et intérêts versés au titre de l'abus du droit d'agir en justice en première instance ;

- condamner in solidum les sociétés SPEED RABBIT PIZZA et ABC FOOD à verser à la société FRENCH PIZZA la somme supplémentaire de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner in solidum les sociétés SPEED RABBIT PIZZA et ABC FOOD aux dépens conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour jugeait que la société FRENCH PIZZA a commis un acte de concurrence déloyale du fait de délais de paiement anormalement longs

- débouter les appelantes de leur demande de solidarité en ce qui concerne le préjudice qui résulterait de la violation du monopole bancaire exclusivement imputé à la société DOMINO'S PIZZA FRANCE ;

- juger recevable la demande en réparation du préjudice subi par la société French Pizza et débouter en conséquence, la demande contraire des sociétés ABC Food et Speed Rabbit Pizza ;

- juger que la société ABC FOOD a également commis un acte de concurrence déloyale du fait de délais de paiement anormalement longs ;

- juger que cette faute a causé un préjudice à la société FRENCH PIZZA ;

- condamner la société ABC FOOD à réparer le préjudice en résultant pour la société FRENCH PIZZA à hauteur de 1.500.000 euros ou, à minima, à hauteur de 1.009.927 € ;

- prononcer la compensation des sommes résultant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société FRENCH PIZZA avec celle résultant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société ABC FOOD.

En toutes hypothèses,

- débouter les parties de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de la société FRENCH PIZZA ;

- condamner in solidum les sociétés SPEED RABBIT PIZZA et ABC FOOD à verser à la société FRENCH PIZZA la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner in solidum les sociétés SPEED RABBIT PIZZA et ABC FOOD aux dépens dont distraction pour ceux-là concernant au profit de Maître HARDOUIN conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de la déclaration de saisine de la cour de renvoi après cassation,

La Cour constate qu'aucune contestation n'est émise de ce chef et dit recevable la déclaration de saisine.

Sur l'annulation du jugement

Les sociétés ABC Food et SRP demandent à la Cour, au vu des articles 16 et 455 du code de procédure civile, d'annuler le jugement, les premiers juges ayant écarté les pièces produites par elles sur le fondement d'un moyen non soumis préalablement aux parties, l'ensemble du jugement étant dépourvu de toute motivation précise à cet égard.

Elles soutiennent que le jugement du 7 juillet 2014 a méconnu le principe de la contradiction car le moyen selon lequel les pièces étaient dépourvues de tout lien avec le litige, non soutenu par les sociétés French Pizza et DPF, n'était pas entré dans le débat. Or, selon elles aux termes d’une jurisprudence constante, seule l'absence de respect du principe de la contradiction ou la déloyauté des éléments de preuve communiqués peuvent conduire une juridiction à les écarter des débats, et en l'espèce, les juges n'apportent pas cette précision.

Le tribunal ne pouvait donc soulever d'office ce moyen sans leur permettre préalablement d'y répondre.

Réponse de la Cour,

Il sera rappelé que lorsque la nullité alléguée concerne non pas la saisine du premier juge mais, comme en l'espèce, une défectuosité de la procédure suivie devant celui-ci, le juge d'appel, saisi de l'entier litige, est tenu de se prononcer sur le fond du droit, sans même devoir statuer préalablement sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement.

En l'espèce, il sera donc procédé directement à l'examen du fond du droit.

Sur l'infirmation du jugement en ce qu'il a écarté les pièces de la société ABC Food des débats pour un motif erroné soulevé d'office ABC Food et SRP demandent à la cour d'appel d'infirmer le jugement en ce qu'il a écarté les pièces de la société ABC Food au motif qu'elles seraient « sans lien direct, immédiat et effectif avec les faits de la cause », et ainsi pour un motif erroné, soulevé d'office.

Les sociétés French Pizza et DPF estiment au contraire que le jugement doit être confirmé.

Selon ces sociétés, parmi les 125 pièces versées par la société ABC Food dans le cadre de la présente procédure d'appel, seules 12 pièces présenteraient un lien direct, effectif et immédiat avec la société French Pizza. En effet, les pièces produites dans le cadre du présent litige correspondent pour l'essentiel aux pièces produites par SRP dans le cadre de la procédure « de référence » l'opposant à la société DPF.

Elles ajoutent qu'il n'y a pas eu de violation du principe de la contradiction au regard de l'oralité de la procédure devant le tribunal de commerce, de sorte que les parties sont libres de développer à l'audience des moyens et prétentions non repris dans leurs écritures qui sont alors débattus contradictoirement devant le juge. Elles disent que de jurisprudence constante, les prétentions et moyens formulés au cours de l'audience sont présumés avoir été débattus contradictoirement, sauf à ce que la preuve contraire soit rapportée.

Elles font observer que lors de l'audience du 2 mai 2014, le tribunal a invité la société ABC Food à lui fournir des explications sur les pièces dont Domino's Pizza France demandait l'irrecevabilité notamment en l'interrogeant pour déterminer dans quelle mesure les pièces qu'elle produisait étaient utiles et nécessaires à la solution du litige.

Réponse de la Cour,

Seules l'absence de respect du principe de la contradiction, la déloyauté dans le recueil des preuves ou l'illégalité des pièces peuvent conduire une juridiction à les écarter des débats. En conséquence, l'absence de lien direct, immédiat et effectif avec les faits de la cause et les demandes soumises au tribunal' ne peut justifier d'écarter des débats des pièces spontanément communiquées par une partie, à charge pour la juridiction d'en apprécier la pertinence et la valeur probante dans le cadre de son délibéré.

En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a écarté ces pièces des débats.

Sur la fin de non-recevoir de nouvelles pièces produites devant la cour de renvoi parABC Food et SRP prise de la violation du secret de l'instruction et du principe de licéité de la preuve

La société DPF soulève l'irrecevabilité des pièces adverses E6 à E12 reproduites également en annexe 27 de la pièce adverse Q3 (D00110, D114-2 à D114-6, D124, D126-2 à D126-3, D127-1 à D127-2) pour avoir été communiquées en violation du secret de l'instruction relatif à une procédure pénale pendante.

Elle soutient que l'autorisation dont se prévalent la société SRP et la société ABC FOOD aurait été obtenue de manière déloyale comme reposant sur des allégations erronées et trompeuses. Les pièces précitées contreviendraient ainsi au principe de licéité et de loyauté de la preuve, ce qui est contesté par ABC Food et SRP.

Réponse de la Cour,

La production des pièces produites par SRP E6 à E12 reproduites également en annexe 27 de la pièce adverse Q3 (D00110, D114-2 à D114-6, D124, D126-2 à D126-3, D127-1 à D127-2) a été autorisée par le ministère public le 25 novembre 2020 (pièce 57 de DPF).

La circonstance que le courrier du conseil de SRP édulcore à son profit la portée de l'arrêt de la Cour de cassation du 7 juillet 2020 en affirmant que la Cour aurait constaté 'l'existence d'actes de concurrence déloyale de la société Domino's Pizza France résultant de l'octroi de délais de paiement illicites et de prêts en violation du monopole bancaire' alors qu'il appartient à la cour de renvoi de se prononcer sur ces points, ne permet pas d'en déduire que cette production contrevient au principe de loyauté et de licéité de la preuve. En outre, il ne peut être reproché à une partie de ne pas produire la totalité des pièces, objet de l'autorisation mais seulement celles qu'elle estime utiles au soutien de ses prétentions.

La demande tendant ada voir écarter ces pièces des débats est rejetée.

Sur les actes de concurrence déloyale imputés aux sociétés DPF et French Pizza.

Sur la zone de chalandise concernée par les pratiques alléguées.

Les parties s'opposent sur la délimitation de la zone de chalandise pertinente, SRP et ABC Food souhaitant y inclure le magasin French Pizza situé à [Localité 8] et exploité depuis le 23 février 1998. Selon ces dernières, ABC Food et French Pizza opèrent sur la même zone de chalandise depuis la création d'ABC Food, le 21 mars 2001 alors que le tribunal a retenu l'existence d'une situation de concurrence locale entre ABC Food et French Pizza depuis le 9 mai 2003, date d'ouverture d'un magasin French Pizza à Puteaux.

Réponse de la Cour,

Ainsi que le font valoir DPF et French Pizza, la concurrence sur le marché de la restauration rapide s'exerce sur des zones de chalandise locales. Ainsi, le Conseil de la Concurrence dans sa décision n° 02-D -64 du 23 octobre 2002 a précisé que les zones de chalandise couvertes par les magasins de livraison de pizzas sont restreintes, faisant état de la contrainte de respecter un délai de 30 minutes entre la commande et la livraison et d'une zone de chalandise variant entre 3 et 5 kilomètres selon les représentants de l'enseigne Domino's Pizza et entre 4 et 7,5 kilomètres selon la société SRP. L'Autorité de la Concurrence dans sa décision n° 18-DCC-172 du 18 octobre 2018 a retenu un temps de trajet à pied de 10 minutes pour les restaurants situés dans Paris intra- muros ainsi que dans les 10 villes les plus peuplées de France et un temps de trajet de 10 minutes en voiture pour les restaurants situés dans le reste de la France.

En l'espèce, SRP et ABC Food établissent (leur pièce P 5) que le magasin ABC Food de [Localité 9] est éloigné de 4 kilomètres (voire 5 kilomètres) du magasin French Pizza situé à la Garenne-Colombes pour un temps de trajet de 10 minutes en voiture, de sorte qu'il se situe dans la même zone de chalandise locale que le magasin French Pizza de la Garenne-Colombes.

Il convient, infirmant le jugement, de retenir que ABC Food et French Pizza opèrent sur la même zone de chalandise depuis la création d'ABC Food, le 21 mars 2001.

Sur les fautes imputées aux sociétés DPF et French Pizza

La responsabilité des deux sociétés DFP et French Pizza est recherchée, ainsi que leur condamnation in solidum, pour des pratiques illicites commises par le franchiseur dans le but d'offrir à ses franchisés un avantage concurrentiel indu.

* Sur les délais de paiement,

Selon les sociétés ABC Food et SRP, la société DPF aurait apporté à son franchisé, la société French Pizza, un soutien financier illicite en lui octroyant des délais de paiement violant les délais légaux maximum dans le cadre d'une pratique systémique propre à DPF révélée par les autorités administratives et en lui octroyant un prêt en compte courant alors qu'elle ne détenait plus aucune participation dans la société franchisée.

Elles soutiennent que ces agissements résultent des comptes de French Pizza et de DPF et s'inscrivent dans une pratique généralisée au sein du réseau DPF révélée par plusieurs enquêtes de l'administration, les aveux de plusieurs anciens franchisés DPF, les révélations de commissaires aux comptes de DPF, les travaux du cabinet OCA, la résistance abusive de DPF à publier ses comptes.

Pour démontrer le dépassement des délais de paiement légaux, ABC Food et SRP s'appuient sur deux méthodes :

- l'une fondée sur le ratio dette fournisseurs/ chiffre d'affaires, qui retiendrait dans le secteur de la vente de la pizza livrée ou à emporter, un ratio habituel au maximum de 6 %, sachant que le montant des achats de fourniture varierait peu d'un point de vente de pizzas à l'autre, de sorte que la variation de l'encours traduirait nécessairement un écart de délais de paiement et qu'une dette fournisseur durablement supérieure au ratio signalerait des délais de paiement excessifs,

- l'autre fondée sur les délais de paiement fournisseurs exprimés en jours.

Selon elles, l'observation des comptes de French Pizza ferait apparaître que, dès l'origine, cette société a bénéficié de délais de paiements anormaux (de 1999 à 2005) puisque sur cette période, la dette fournisseurs y aurait été de façon continue au-dessus du ratio de 6 % du chiffre d'affaires établissant de manière conservatrice un dépassement des délais légaux avec, en l'occurrence, des paiements moyens à plus de 60 jours (en moyenne 123 jours). Or, les délais légaux de paiement sur les denrées alimentaires périssables seraient simplement de 30 jours fins de décade de livraison (article L. 443-1 du code de commerce), contre 60 jours date d'émission de la facture pour les autres fournitures (article L. 441-6 du code de commerce).

Elles font valoir que :

- quatre décisions de justice ont été nécessaires pour que DPF publie ses comptes, ce qui a permis de « retrouver » près de 1.700.000 € de créances clients dans les comptes de DPF,

- au vu des différents éléments de preuve, il est établi que c'est bien DPF qui ne réclamait pas à ses franchisés le paiement des factures de matières premières et laissait volontairement leur dette s'accumuler, ne les poursuivant que lorsqu'il était certain que les franchisés ne pourraient jamais rembourser (après plusieurs années) les montants astronomiques dus (plusieurs centaines de millier d'euros),

- l'ensemble des éléments présentés rend les délais abusifs de paiement incontestables, met à jour une stratégie généralisée et volontaire de financement illicite au moyen de délais de paiement accordés par DPF à ses franchisés dans le but de conserver des parts de marché,

- de telles pratiques permettent de caractériser une violation massive et systémique de la réglementation en matière de délais de paiement, ainsi qu'une faute constitutive de concurrence déloyale, qui au plan civil constitue une faute délictuelle engageant la responsabilité de DPF au regard du préjudice causé.

Elles considèrent que les preuves apportées démontrent l'ampleur du non-respect de la législation relative aux délais de paiement reprochés, à savoir :

- les contrôles et constatations de la DIRECCTE, de la DDPP et les DGCCRF,

- les litiges opposant DPF à ses franchisés,

- les aveux de certains franchisés,

- les révélations de commissaires aux comptes de DPF,

- l'analyse des comptes de la société et de certains de ses franchisés.

Elles en déduisent que sont établies, la réalité d'un dépassement généralisé des délais de paiement accepté par DPF, l'importance des montants en jeu (plusieurs millions d'euros), et l'ampleur systémique de cette pratique.

Elles concluent que la preuve de la violation de la règlementation relative aux délais de paiement par les sociétés DPF et French Pizza résulte d'une démonstration fondée sur l'analyse des comptes de French Pizza, et corroborée par les faits avérés de dépassement généralisé au sein du réseau DPF, ajoutant que cette violation d'une règle de droit constitue, au plan civil, un acte de concurrence déloyale entraînant un avantage indu au profit de French Pizza, et un préjudice pour ABC Food.

Les sociétés DPF et French Pizza répliquent que sur la base des comptes sociaux de French Pizza, la société ABC Food a élaboré deux méthodes alternatives contradictoires et non productives pour prétendre démontrer que French Pizza aurait bénéficié de délais de paiement anormalement longs sur la période 1999-2005 alors qu'il n'en est rien.

S'agissant du ratio dette fournisseurs/ chiffre d'affaires proposé par SRP et ABC Pizza pour démontrer le dépassement des délais de paiement légaux par les franchisés DPF, cette dernière société oppose qu'elle ne serait pas le seul fournisseur de French Pizza.

Également, selon DPF, les dettes fournisseurs concernant les sociétés Franca Americana et Télépizza, créances au demeurant abandonnées par cette dernière, qui ne la concernent pas, ne peuvent être prises en compte pour l'établissement des délais de paiement de French Pizza en jours et en %.

Elles ajoutent que la société ABC Food n'aurait elle-même jamais respecté les dispositions relatives aux délais de paiement sur la période 2003-2010 et que la société French Pizza, respectant la règlementation en matière de délais de paiement, serait au contraire victime d'agissements déloyaux de la part de la société ABC Food.

Réponse de la Cour,

Pour démontrer le dépassement des délais de paiement légaux, ABC Food et SRP s'appuient sur deux méthodes : l'une fondée sur le ratio dette fournisseurs/ chiffre d'affaires, l'autre fondée sur les délais de paiement fournisseurs exprimés en jours.

Selon ABC Food et SRP, la politique de soutien de ses franchisés par DPF résulte du dépassement des délais de paiement en jours (leurs pièces P6, P7, P9, P10, P12 à P15) et en pourcentage de chiffre d'affaires (pièces P6 et H1) et les bilans de French Pizza établiraient que cette dernière a été systématiquement en dépassement des délais légaux de 1999 à 2005.

La méthode du ratio dette fournisseurs/ chiffre d'affaires retient dans le secteur de la vente de la pizza livrée ou à emporter, un ratio habituel au maximum de 6 %, (pièces Q4 page 5 et H1) sachant que le montant des achats de fourniture varie peu d'un point de vente de pizzas à l'autre, de sorte que la variation de l'encours traduit nécessairement un écart de délais de paiement et qu'une dette fournisseur durablement supérieure au ratio signale des délais de paiement excessifs. Cette méthode de calcul est explicitée par le commissaire aux comptes de la société ABC Food (pièce H1).

Même à admettre ainsi que le fait valoir la société DPF que les dettes fournisseurs concernant les sociétés Franca Americana et Télépizza, qui ne la concernent pas, ne peuvent être prises en compte pour l'établissement des délais de paiement de French Pizza en jours et en %, le tableau produit (P6) fait apparaître sur la période du 21 mars 2001 à 2005 un crédit fournisseurs en jours et des délais de paiement en pourcentage de :

- au 30 avril 2002, de 45 jours et de 6,22 %,

- au 30 avril 2003, de 63 jours et de 9,59 %,

- au 30 avril 2004, de 48 jours et de 7,65 %,

- au 30 avril 2005, de 61 jours et de 9,87 %.

Au vu des comptes annuels de la société French Pizza et des critiques suivantes formulées par DPF :

- ABC Food postule que la dette accumulée par French Pizza à la clôture de ses comptes ne correspondrait qu'à des dettes vis-à-vis d'elle alors que cette société a recours à d'autres fournisseurs non seulement pour les produits alimentaires mais aussi pour des prestations nécessaires à la gestion quotidienne de ses points de vente (loyer, électricité, achat de sous-traitance, locations, travaux divers...),

- ABC Food suppose que tous les fournisseurs French Pizza autres qu'elle-même, seraient réglés à date,

- ABC Food ne distingue pas entre les produits alimentaires périssables et les autres dépenses (royalties et NAF), alors que les délais de paiement diffèrent selon ces types d'achat,

- les dettes fournisseurs concernant les sociétés Franca Americana et Télépizza ne la concernent pas et doivent être écartées de l'analyse, ce qui aboutit à des conclusions contradictoires s'agissant des deux méthodes puisqu'à des délais de paiement inférieurs à 60 jours correspondent un délai de paiement en pourcentage supérieur au seuil de 6 %,

- le tableau d'ABC Food (pièce P6 ) établit que French Pizza a toujours respecté les délais de paiement, ne justifiant pas que les dettes en cause seraient exclusivement liées à des achats de produits alimentaires périssables pour se prévaloir du délai 30 jours fin de décade qu'elle invoque alors qu'elle avait à son égard des créances autres qu'alimentaires périssables (royalities, NAF, fournitures, ...), outre d'autres fournisseurs de produits et services non alimentaires pour la gestion de ses points de vente,

- le rapport OCA communiqué par SRP démontre que French Pizza n'a pas bénéficié de délais de paiement anormalement longs après 2003 (Pièce adverse Q3 annexe 17), soit un délai moyen de 38 jours sur la période 2002-2008,

La Cour estime nécessaire de désigner, avant dire-droit sur les demandes présentées, un expert afin de :

- Recueillir son avis sur la pertinence de la méthode du ratio dette fournisseurs/ chiffre d'affaires de 6 % dans le secteur de la vente de la pizza livrée ou à emporter appliquée à la société Food Pizza, dans l'affirmative, d'en vérifier les pourcentages retenus, en faisant toutes observations utiles à la bonne solution du litige,

- Donner son avis sur le dépassement par la société ABC Food de ce pourcentage de 6 % au vu des éléments invoqués par French Pizza au soutien de l'établissement de ce ratio, en particulier la prise en compte des « factures à recevoir » et de l'absence de prise en compte du poste « avances et acomptes » ;

- Rechercher si la dette accumulée par French Pizza à la clôture de ses comptes ne concerne que des dettes vis-à-vis de son franchiseur ou concerne aussi d'autres fournisseurs, et faire toutes observations utiles à la bonne solution du litige à cet égard,

- Préciser en pourcentage les dettes relatives aux produits alimentaires périssables relevant du délai 30 jours fin de décade des autres dépenses, en faisant toutes observations utiles à la bonne solution du litige,

- D'une manière générale, fournir tous éléments utiles permettant à la Cour d'apprécier l'existence d'une violation de la réglementation relative aux délais de paiement par les sociétés DPF et French Pizza.

* Sur la violation du monopole bancaire par DPF

Les sociétés ABC Food et SRP font valoir que :

- le 28 avril 1998, MM [S] signent avec la société ADCO (ancienne dénomination sociale de DPF) une promesse synallagmatique de cession et d'achats de parts sociales de la société French Pizza,

- le 30 avril 1999 apparaît au bilan French Pizza un compte courant d'associé de 221 717 francs,

- le 29 mai 1999, la société ADCO rachète 100 % des parts de la société French Pizza,

- le 31 décembre 1999, figure au bilan de DPF, dans le tableau des filiales et participation, un prêt de 221 716 francs au profit de French Pizza,

- le 30 avril 2000, un compte courant d'associé de 221 717 francs figure toujours au passif du bilan de la société French Pizza,

- le 9 décembre 2000, DPF vend 100 % de ses parts de French Pizza à la société BFC, l'acte de cession de parts faisant état du remboursement du compte courant d'associés de 232.216 francs prévoyant son remboursement par la société French Pizza, sans intérêts en 4 échéances trimestrielles entre avril 2001 et janvier 2002,

- le 31 décembre 2000, le bilan DPF mentionne le prêt French Pizza à la rubrique "débiteurs divers" au lieu et place de la rubrique "emprunts participatifs" pour 232 216 francs au lieu de 221 717 francs, ce dont elle déduit que son compte courant d'associé a produit intérêt puisque son montant a varié entre le 31 décembre 1999 et le 9 décembre 2000 pour un montant de 4,5 %,

- le 30 avril 2001, le compte courant d'associé de 221 717 francs demeure au passif du bilan de la société French Pizza, ce dont il résulte que DPF a maintenu son prêt au profit de cette dernière alors qu'il n'existait plus aucun lien de capital entre DPF et French Pizza, et a violé le monopole bancaire en maintenant au profit du franchisé un compte courant d'associé postérieurement au 9 décembre 2000,

- DPF ne peut invoquer le bénéfice de l'une des dérogations au monopole bancaire, et ainsi le tribunal ne pouvait retenir la dérogation de l'article L. 511-7, I du code monétaire et financier en faisant référence à la nature de filiale à 100 % de la société French Pizza à la seule date de l'octroi du prêt, ce d'autant que le prêt a été octroyé le 28 avril 1998, jour de la signature de la promesse synallagmatique de cession des parts sociales de French Pizza détenues par MM [S] (pièces P 11 et P7) alors que la cession des parts n'est intervenue que le 29 mai 1999 et qu'elle ne pouvait en tout état de cause plus bénéficier de la dérogation au monopole bancaire à compter de la cession de ses parts à BFC le 9 décembre 2000.

Elles ajoutent qu'il s'agit de pratiques habituelles de DPFvis-à-vis de ses franchisés qui s'inscrivent dans une stratégie de développement, de sorte que les prêts et avances en comptes courants accordés aux franchisés doivent s'analyser en des opérations de crédit soumises au monopole bancaire, faisant valoir que le financement par compte courant est l'une des techniques employées par DPF pour financer indûment, au plan national, ses franchisés et la pluralité de bénéficiaires permet de retenir contre DPF le délit d'exercice illégal de la profession de banquier.

Elles soutiennent que la dérogation visée à l'article L. 511-7, I, 1° du code monétaire et financier ne permettait pas à DPF de consentir un prêt à French Pizza mais seulement des délais de paiement dans la limite du respect des délais légaux.

De la même manière, elles disent que la dérogation des prêts inter-entreprises de l'article L. 511-6 du même code soumet les avances en compte courant d'associés à nombre de conditions, notamment celle d'être consenties pour des durées inférieures à deux ans, ce qui n'est pas le cas des avances de DPF à ses franchisés.

Également, elles font valoir que French Pizza ne pouvait bénéficier de la dérogation de l'article L. 312-2 du code précité permettant à des sociétés de capitaux de recevoir des fonds de leurs associés détenant 5 % du capital sans recourir à l'emprunt bancaire et sans violer le monopole bancaire, dans la mesure où le prêt a été octroyé avant que DPF ne soit actionnaire de la société.

Elles ajoutent que cet article instaure une dérogation pour la personne qui reçoit le crédit et non pour celui qui l'octroi, de sorte que DPF ne peut se prévaloir de cette dérogation pour consentir des avances en compte courant à plusieurs de ses franchisés.

Selon les sociétés Domino's Pizza France et French Pizza, l'article L. 511-7,1,3 du code monétaire et financier permet de « procéder à des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elle, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l'une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres ». Or en l'espèce, comme l'a rappelé le tribunal, la société ADCO détenait 100 % du capital de la société French Pizza au moment où elle lui a consenti ce prêt. De plus, l'article L. 312-2,1 du code monétaire et financier dispose que de manière générale, les apports en compte courant ne relèvent pas du monopole bancaire instauré par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier. La licéité du prêt n'est donc pas contestable.

Elles ajoutent que lors de la cessation d'activité de la société French Pizza, DPF et BFC ont simplement convenu des modalités d'apurement du compte courant d'associés, remboursé par French Pizza dans les délais convenus contractuellement aux termes de l'acte de cession de parts sociales, ce qui contrevient aux dires des appelantes selon lesquels French Pizza aurait bénéficié de soutiens financiers de DPF.

Selon la société French Pizza, le fait que DPF ait prétendument exercé de manière illégale la profession de banquier à titre habituel n'est en aucun cas de nature à démontrer l'existence d'une faute qui lui serait imputable.

Réponse de la Cour

Selon l'article L. 511-5 du code monétaire et financier,

« Il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel.

Il est, en outre, interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement. »

Mais l'article L. 511-7 du même code dispose :

« Les interdictions définies à l'article L. 511-5 ne font pas obstacle à ce qu'une entreprise, quelle que soit sa nature, puisse :

(...)

Procéder à des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elle, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l'une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres ;

(...) ».

En l'espèce, la Cour retient qu'au regard de la détention de 100 % des parts de la société French Pizza par ADCO, ancienne dénomination sociale de DPF, au moment de l'apport litigieux, peu important que le versement soit intervenu le mois précédant la signature de l'acte de rachat des parts de la société French Pizza dès lors que le versement est intervenu postérieurement à la signature de la promesse synallagmatique de cession et d'achats de parts sociales de la société French Pizza, aucun manquement à l'interdiction posée par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier ne peut être retenu.

Il sera ajouté que le maintien de cet avantage sous forme d'apport en compte courant d'associé lors de la vente par DPF de ses parts dans la société French Pizza à la société BFC, ne peut davantage s'analyser comme une violation par DPF du monopole bancaire alors que les parties à l'acte de cession des parts sociales du 9 décembre 2000 ont convenu des modalités d'apurement du compte courant d'associés par French Pizza en 4 versements trimestriels de 58 054 francs à compter du 1er avril 2001.

En outre, l'article L. 312-2,1 du code monétaire et financier dispose dans sa version en vigueur du 01 janvier 2014 au 24 mai 2019 :

« Sont considérés comme fonds remboursables du public les fonds qu'une personne recueille d'un tiers, notamment sous la forme de dépôts, avec le droit d'en disposer pour son propre compte mais à charge pour elle de les restituer. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions et limites dans lesquelles les émissions de titres de créance sont assimilables au recueil de fonds remboursables du public, au regard notamment des caractéristiques de l'offre ou du montant nominal des titres. Toutefois, ne sont pas considérés comme fonds remboursables du public :

1. Les fonds reçus ou laissés en compte par les associés en nom ou les commanditaires d'une société de personnes, les associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social, les administrateurs, les membres du directoire et du conseil de surveillance ou les gérants ainsi que les fonds provenant de prêts participatifs ; »

Il s'en déduit que, les apports en compte courant des associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social ne sont pas considérés comme fonds remboursables du public et ne relèvent donc pas du monopole bancaire instauré par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier.

La faute constituée par la violation du monopole bancaire par DPF n'est donc pas établie.

Sur le lien de causalité,

Selon les sociétés ABC Food et SRP, le chiffre d'affaires de la société French Pizza aurait connu une progression continue, alors que celui d'ABC Food n'aurait pas profité d'une progression en proportion de la croissance normale du marché. Les pratiques dénoncées auraient permis le développement d'une société au détriment de son concurrent et la création d'un nouveau point de vente à [Localité 9] près du concurrent ciblé. Se basant sur les rapports OCA et SORGEM, elles en déduisent la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre les pratiques illégitimes reprochées à DPF et son franchisé et les préjudices subis par ABC Food, franchisé de SRP.

La société DPF conteste le bienfondé des éléments établis par le rapport du cabinet OCA et souligne que ce dernier ne fait aucunement référence à la situation de la société ABC Food, mais concerne des sociétés étrangères à l'instance.

Elle estime que :

- n'est pas rapportée la moindre preuve que les pratiques alléguées auraient permis à French Pizza d'obtenir un quelconque financement bancaire lui ayant permis de développer son activité ou que son chiffre d'affaires aurait augmenté en raison de ces pratiques, alors que si le point de vente DPF de [Localité 9] a réalisé de bonnes performances, cela s'explique par la réussite du modèle DPF, qui a su attirer et fidéliser les clients en leur proposant des produits de qualité répondant à leurs attentes,

- il n'est pas démontré que l'évolution du chiffre d'affaires de la société ABC Food ainsi que les préjudices rapportés résultent directement des pratiques alléguées et font abstraction de facteurs objectifs susceptibles de les expliquer, passant sous silence la pression concurrentielle exercée sur elle par les multiples autres acteurs du marché de la pizza livrée et à emporter, de sorte que les préjudices allégués ne peuvent pas sérieusement être imputés aux deux seuls points de vente exploités par la société French Pizza à [Localité 9] et à [Localité 8], celle-ci n'étant qu'un acteur du marché parmi beaucoup d'autres.

La société French Pizza soutient que :

- Si la Cour venait à considérer que la société ABC Food a subi un préjudice, seule une infime proportion du préjudice allégué pourrait être imputé à ses agissements dès lors que la société ABC Food se contente de procéder par présomption et affirmation en faisant référence à des faits qui ne sont pas liés à la société French Pizza et qui portent sur des pratiques prétendument systémiques reprochées à la société DPF dans le cadre du contentieux l'opposant à la société SRP dans un autre instance, et dont il n'est pas prouvé qu'elles seraient à l'origine des difficultés alléguées par la société ABC Food,

- s'il venait à être juger qu'elle a bénéficié de délais de paiement anormalement longs ayant causé un préjudice à la société ABC Food, elle sollicite de tenir compte du comportement fautif équivalent de la société ABC Food qui lui aura causé un préjudice qu'elle évalue, selon les mêmes méthodes de calcul, à hauteur de 1.500.000 € ou, à minima, à hauteur de 1.009.927 €,

- la demande des appelantes visant à obtenir sa condamnation solidaire à réparer le préjudice causé par les pratiques de la société DPF auxquelles elle est parfaitement étrangère, ne peut prospérer.

Réponse de la Cour,

Il s'infère nécessairement l'existence d'un préjudice, fut-il seulement moral, d'un acte de concurrence déloyale.

Aussi, convient-il de donner, avant dire droit, une mission complémentaire à l'expert désigné pour donner à la Cour tous éléments lui permettant de dire, le cas échéant, dans quelle mesure une violation de la règlementation relative aux délais de paiement par DPF a eu ou a pu avoir pour effet d'avantager son franchisé, la société French Pizza au détriment du franchisé de SRP, la société ABC Food.

Sur le préjudice subi par la société ABC Food.

La société ABC Food procède au chiffrage de son préjudice en se référant aux données d'un logiciel d'aide à la décision financière pour établir des ratios précalculés, permettant d'apprécier l'évolution réelle et prévisible de l'entreprise. Selon elle, le préjudice subi (incluant la perte du résultat courant avant impôt entre 2003 et 2017, le préjudice d'image ou encore la perte de valeur du fonds de commerce) s'élève à 1.500.000 euros.

Les sociétés DPF et French Pizza critiquent les deux méthodes de calcul de son préjudice avancé par la société ABC Food et estiment que les préjudices invoqués sont, tant dans leur principe que leur quantum totalement fantaisistes.

Elles soutiennent ainsi que :

- Sur la perte de marge :

ABC Food n'apporterait aucune précision concernant les chiffres d'affaires contrefactuels retenus, manifestement déconnectés de la réalité et qu'elle n'a jamais été en mesure de réaliser,

Les deux méthodes proposées par ABC Food aboutissent à des chiffres d'affaires contrefactuels significativement différents,

Les deux méthodes proposées par ABC Food pour calculer la perte de marge sont totalement différentes sans qu'aucune explication ne soit avancée,

En tout état de cause, quelle que soit la méthode de détermination de la perte de marge, les pièces versées aux débats par ABC Food démontrent qu'elle n'a jamais atteint de tels taux de rentabilité.

-Sur le préjudice d'image :

L’existence même d'un préjudice d'image n'est pas démontré dans son principe, les dépenses de DPF et French Pizza en matière de publicité n'ayant pu causer un préjudice à ABC Food que dans l'hypothèse où cette publicité aurait été dénigrante, ce qui n'est pas soutenu par cette dernière,

Les deux méthodes de calcul proposées sont fondées sur des hypothèses contradictoires et incohérentes entre elles,

En tout état de cause, le raisonnement de ABC Food selon lequel elle aurait subi un préjudice d'image lié aux dépenses marketing national et local ainsi que de marketing digital de la part de DPF est fantaisiste et non démontré.

-Sur le préjudice lié à « l'investissement matériel » :

Les deux méthodes censées justifier et estimer cet unique poste de préjudice font en réalité référence à des préjudices de nature totalement différente,

En tout état de cause, aucune de ces méthodes n'est de nature à démontrer l'existence d'un quelconque préjudice,

Les méthodes d'ABC Food pour démontrer l'existence de ces préjudices sont dépourvues de tout caractère sérieux.

Réponse de la Cour,

Au vu des critiques émises ci-dessus, la Cour estime nécessaire, avant dire droit, de compléter la mission de l'expert désigné à l'effet de fournir tous éléments utiles lui permettant de se prononcer sur les divers chefs de préjudices invoqués par ABC Food du fait de la concurrence déloyale alléguée exercée par les sociétés DPF et French Pizza.

Sur la demande de DPF au titre de la violation du secret des affaires.

A titre reconventionnel, la société DPF prétend que la production par les sociétés ABC Food et SRP de pièces provenant du réseau DPF couvertes par le secret des affaires et obtenues de façon illicite lui a causé un préjudice pour lequel elle réclame une indemnisation à hauteur de 150 000 €.

Selon elle, l'obtention par les sociétés SRP et ABC Food de son savoir-faire a remis en cause l'efficacité de ses efforts de différenciation, dont il résulte un manque à gagner certain ainsi qu'un préjudice moral, ajoutant que les appelantes ont pu utiliser de façon indue son savoir-faire pour améliorer le fonctionnement de leur propre réseau, parasitant ainsi les investissements consentis par DPF.

Les sociétés ABC Food et SRP répondent que cette demande doit être considérée comme nouvelle et déclarée irrecevable dès lors qu'elle vise la réparation d'un prétendu préjudice tiré de la violation des secrets d'affaires de DPF, dont l'indemnisation n'a pas été demandée lors de la première instance.

Réponse de la Cour,

Aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou la révélation d'un fait.

Il résulte du jugement entrepris que DPF a effectivement formulé une demande de dommages-intérêts au titre de la violation du secret des affaires devant les premiers juges.

En outre, la demande porte sur les pièces de ABC Food et SRP numérotées B9, D2, D3, Q1 et Q3 qui sont des pièces nouvellement communiquées en cause d'appel. La demande est recevable.

L'article L. 151-1 du code de commerce dispose :

« Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :

1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ;

2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;

3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. »

Selon l'article 151-2 du code précité, « Est détenteur légitime d'un secret des affaires celui qui en a le contrôle de façon licite ».

L'article 151-4 précise : « L'obtention d'un secret des affaires est illicite lorsqu'elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime et qu'elle résulte :

1° D'un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou dont il peut être déduit, ou bien d'une appropriation ou d'une copie non autorisée de ces éléments ;

2° De tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale. »

Selon l'article L. 151-5 « L'utilisation ou la divulgation d'un secret des affaires est illicite lorsqu'elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime par une personne qui a obtenu le secret dans les conditions mentionnées à l'article L. 151-4 ou qui agit en violation d'une obligation de ne pas divulguer le secret ou de limiter son utilisation.

(...). »

L'article L.151-6 ajoute : « L'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret des affaires est aussi considérée comme illicite lorsque, au moment de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation du secret, une personne savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret avait été obtenu, directement ou indirectement, d'une autre personne qui l'utilisait ou le divulguait de façon illicite au sens du premier alinéa de l'article L. 151-5. »

L'article L. 151-7 indique : « Le secret des affaires n'est pas opposable lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l'Union européenne, les traités ou accords internationaux en vigueur ou le droit national, notamment dans l'exercice des pouvoirs d'enquête, de contrôle, d'autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives »

L'article L. 151-8 précise :

« A l'occasion d'une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n'est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue :

1° Pour exercer le droit à la liberté d'expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, et à la liberté d'information telle que proclamée dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2° Pour révéler, dans le but de protéger l'intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, y compris lors de l'exercice du droit d'alerte défini à l'article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dans les conditions définies aux articles 6 et 8 de la même loi ;

3° Pour la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union européenne ou le droit national. »

Enfin, l'article L. 152-1 du code de commerce dispose :

« Toute atteinte au secret des affaires telle que prévue aux articles L. 151-4 à L. 151-6 engage la responsabilité civile de son auteur. »

En l'espèce, la pièce B9 est un bon de commande "FOOD DOMINO'S PIZZA" vierge mis à jour le 19 avril 2021 constitué d'une liste d'ingrédients, de l'unité de commande (ex: sachet de 500 G ou carton de 6 kg) et du code du produit, sans indication de prix.

Il n'est pas justifié en quoi ce document aurait pour DPF une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret, alors qu'il ne résulte pas de cette pièce qu'elle expose, ainsi qu'il est soutenu, de manière détaillée les éléments du savoir-faire secret permettant à DPF de se différencier des autres opérateurs et de rester compétitif et permettrait à SRP et à ses franchisés de bénéficier d'un avantage concurrentiel indu.

La pièce D2 est un courriel de DPF du 18 mai 2018 adressé par l'équipe marketing de DPF aux membres du réseau.

Il n'est pas justifié en quoi ce document aurait pour DPF une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret, alors que ce courriel fait état d'une nouvelle fonctionnalité disponible sur le site internet de DPF et que les informations qu'il relate concernent des éléments factuels publics accessibles à tous sur le site DPF et ainsi dépourvues de caractère secret.

La pièce QI est un rapport d'expertise de la société OCA du 14 décembre 2020. La circonstance que figure à ce rapport une liste des annexes parmi lesquelles une annexe 7 intitulée « Document de support de la conférence donnée par Grant Bourke aux franchisés DOMINO'S PIZZA en novembre 2005 » et une annexe 8 intitulée « Document de support de la présentation ayant eu lieu lors de la réunion des franchisés DOMINO'S PIZZA du 5 mai 2004 » ne saurait permettre d'établir l'existence d'une violation du secret des affaires. En effet, au regard de leur ancienneté, s'agissant de documents présentés aux franchisés DPF en 2004 et en 2005, leur valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de leur caractère secret au jour où la Cour statue n'est pas démontré.

Parmi les annexes du rapport d'expertise OCA du 31 août 2021 (pièce Q3 intitulée "Les Annexes OCA") figure à l'annexe 9, un programme "Emerging leader" pour les cycles 2019-2020 et 2020-2021, cycle de formation pour former des salariés du réseau DPF au métier de chef d'entreprise et de leur permettre d'ouvrir leur propre point de vente.

Cependant cette annexe qui ne fait que détailler le programme de la formation, ne contient aucun document spécifique relatif au savoir-faire. En outre, il ne mentionne pas son caractère confidentiel.

En revanche, la pièce D3 est un guide d'évaluation des points de vente de 2018 de 23 pages communiqués par DPF à ses franchisés, qui contient de nombreux conseils à destination de ces derniers pour leur permettre d'améliorer la qualité de leur gestion et ainsi la rentabilité de leur point de vente. Tel est notamment le cas de la "Préparation pour le Rush". Il y a lieu d'admettre que ce document constitue un vecteur de transmission du savoir-faire distinctif et secret de DPF.

Cette pièce n'est pas généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité, en l'espèce, la fabrication, la vente à emporter et la livraison à domicile de pizzas.

En ce qu'elle participe au savoir-faire secret de DPF et à la gestion d'un point de vente, cette pièce qui a une valeur commerciale effective ou potentielle du fait de son caractère secret, n'avait pas vocation à être partagée.

En outre, DPF avait pris des mesures pour empêcher la diffusion de ces informations hors de réseau, notamment en mentionnant en bas de chacune de ses pages : 'Ce guide est strictement confidentiel et à destination exclusive des membres du réseau Domino's Pizza. Toute communication partielle ou totale est strictement interdite'.

Il n'est pas démontré que la production de cette pièce constituerait une exception à la protection du secret des affaires prévues par les articles L. 151-7 et L 151-8 du code de commerce, notamment qu'elle serait justifiée par la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union européenne ou le droit national.

Cette pièce est donc protégée au titre du secret des affaires.

Faute d'élément contraire, il convient de retenir que ce document a été obtenu ou divulgué sans le consentement de DPF et ainsi de façon illicite au sens des articles L. 151-4 et L. 151-5 du code de commerce par SRP et ABC Food. Par conséquent, ces dernières ont engagé leur responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article L. 152-1 du code de commerce.

Selon l'article 152-6 du code de commerce :

« Pour fixer les dommages et intérêts dus en réparation du préjudice effectivement subi, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte au secret des affaires, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée, y compris la perte de chance ;

2° Le préjudice moral causé à la partie lésée ;

3° Les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte au secret des affaires, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte.

La juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui tient notamment compte des droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le secret des affaires en question. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. »

Si DPF soutient que la connaissance des informations que cette pièce contient par le concurrent SRP et ses franchisés a permis à ceux-ci, d'ajuster leur comportement sur le marché et de bénéficier ainsi d'un avantage concurrentiel indu en parasitant ses investissements pour acquérir, perfectionner et synthétiser son savoir-faire, qu'elle a remis en cause l'efficacité de ses efforts de différenciation, dont il résulte un manque à gagner certain ainsi qu'un préjudice moral, outre l'utilisation de façon indue son savoir-faire pour améliorer le fonctionnement de leur propre réseau, parasitant ainsi ses investissements, force est de constater qu'elle ne produit aucun élément permettant de chiffrer son préjudice relativement aux conséquences économiques négatives de l'atteinte au secret des affaires et les bénéfices réalisés par SRP et ses franchisés.

En revanche, s'agissant du préjudice moral, la Cour dispose d'éléments suffisants lui permettant d'évaluer à 30 000 euros, le montant des dommages-intérêts qui sera alloué à DPF à ce titre sur le fondement de l'article L. 152-6 du code de commerce.

Sur les autres demandes,

Il convient de surseoir à statuer sur les autres demandes présentées dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique du 7 juillet 2020,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Dit recevable la déclaration de saisine ;

Dit sans objet la demande d'annulation du jugement ;

Infirme le jugement en ce qu'il a écarté certaines pièces des débats produites par la société ABC Food ;

Statuant à nouveau de ce chef infirmé,

Rejette la demande de la société Domino's Pizza France (DPF) tendant à voir déclarer irrecevables les pièces adverses E6 à E12 reproduites également en annexe 27 de la pièce adverse Q3 (D. 00110, D. 114-2 à D. 114-6, D. 124, D. 126-2 à D. 126-3, D. 127-1 à D. 127-2) ;

Sur les demandes relatives à la concurrence déloyale,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société ABC FOOD de ses demandes fondées sur la violation du monopole bancaire ;

Avant-dire droit sur les demandes présentées prise du dépassement allégué des délais légaux,

Ordonne une mesure d'expertise,

Désigne pour y procéder, Mme [Z] [B], en qualité d'expert, Eight Advisory & Associés - [Adresse 2] - Téléphone : [XXXXXXXX01] - courriel : [Courriel 7]

Avec mission de, après avoir convoqué et entendu les parties et tous sachants, et s'être fait remettre tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission :

- Donner son avis, s'agissant de la faute de dépassement alléguée des délais légaux, sur la pertinence de la méthode du ratio dette fournisseurs/ chiffre d'affaires de 6 % dans le secteur de la vente de la pizza livrée ou à emporter appliquée à la société Food Pizza, dans l'affirmative, d'en vérifier les pourcentages retenus, en faisant toutes observations utiles à la bonne solution du litige,

- Donner son avis sur le dépassement par la société ABC Food de ce pourcentage de 6 % au vu des éléments invoqués par la société French Pizza au soutien de l'établissement de ce ratio, en particulier la prise en compte des "factures à recevoir" et de l'absence de prise en compte du poste 'avances et acomptes,

- Rechercher si la dette accumulée par la société French Pizza à la clôture de ses comptes ne concerne que des dettes vis-à-vis de son franchiseur ou concerne aussi d'autres fournisseurs, et faire toutes observations utiles à la bonne solution du litige à cet égard,

- Préciser en pourcentage les dettes relatives aux produits alimentaires périssables relevant du délai 30 jours fin de décade des autres dépenses, en faisant toutes observations utiles à la bonne solution du litige,

- D'une manière générale, fournir tous éléments utiles permettant à la Cour d'apprécier l'existence d'une violation de la réglementation relative aux délais de paiement par les sociétés DPF et French Pizza,

- Fournir à la Cour tous éléments utiles lui permettant de dire, le cas échéant, dans quelle mesure une violation de la règlementation relative aux délais de paiement par DPF a eu ou a pu avoir pour effet d'avantager son franchisé, la société French Pizza au détriment du franchisé de SRP, la société ABC Food,

- Fournir à la Cour tous éléments utiles lui permettant de se prononcer, le cas échéant, sur les divers chefs de préjudices invoqués par la société ABC Food du fait de la concurrence déloyale alléguée exercée par les sociétés DPF et French Pizza en raison de la violation alléguée de la règlementation relative aux délais de paiement, en particulier sur le scénario contrefactuel,

- Faire toutes observations utiles à une bonne solution du litige.

- Dit que l'expert aura accès aux dossiers des parties et à leur comptabilité ainsi qu'à tout élément de facturation de celles-ci,

- Dit que l'expert devra préalablement communiquer aux parties un pré-rapport et recueillir contradictoirement leurs observations ou réclamations écrites dans le délai qu'il fixera, puis joindra ces observations ou réclamations à son rapport définitif en indiquant quelles suites il leur aura données,

- Rappelle qu'en application de l'article 276 du Code de procédure civile, les parties devront dans leurs dernières observations ou réclamations reprendre sommairement le contenu de celles qu'elles avaient précédemment présentées, à défaut de quoi, elles seront réputées abandonnées,

- Fixe à 30 000 Euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que versera la société Speed Rabbit Pizza et/ou la société ABC Pizza entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Paris et ce, avant le 20 février 2023,

- Rappelle qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque, toute conséquence étant tirée du refus ou de l'abstention de consigner,

- Dit que l'expert déposera le rapport de ses opérations au greffe de la cour dans les six mois de sa saisine par signification qui lui sera faite de la consignation,

- Dit que l'affaire sera examinée à l'audience de mise en état du mardi 28 février 2023 à 10 heures pour vérification du versement de la consignation ;

Sur la demande relative à la violation du secret des affaires,

Infirme le jugement de ce chef et statuant à nouveau,

Condamne in solidum les sociétés SRP et ABC Food à verser à la société DPF la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi par cette dernière du fait de la violation de ses secrets d'affaires ;

Rejette le surplus des demandes présentées de ce chef ;

Sursoit à statuer sur les autres demandes ;

Réserve les dépens.