Cass. 1re civ., 31 mars 2016, n° 15-10.799
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
Mme Mouty-Tardieu
Avocat général :
M. De La Gatinais
Avocat :
Me Le Prado
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 18 novembre 2014), qu'Hortense X... a été condamnée, par un jugement du 1er décembre 2008, à verser une indemnité à la société Etablissements Y..., dite Candiflor (la société Y...) ; qu'elle est décédée le 27 mars 2009, en laissant pour lui succéder sa fille, Mme X... ; que, le 28 août 2009, la société Y... a signifié ce jugement à M. Z..., notaire ; que la déclaration de Mme X... du 3 novembre 2009 de l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net et de son élection de domicile chez M. Z... a été publiée au BODACC le 23 novembre 2012 par le greffe du tribunal ;
Attendu que la société Y... fait grief à l'arrêt de déclarer sa créance éteinte à l'égard de la succession, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article 792 du code civil, les créanciers de la succession déclarent leurs créances en notifiant leur titre au domicile élu de la succession ; que cette disposition n'assortit la déclaration de créance d'aucune formalité ; qu'il suffit qu'il en résulte l'expression de la volonté du créancier de réclamer le paiement de sa créance, peu important que cette expression intervienne avant que n'ait commencé à courir le délai de quinze mois, à compter de la publicité nationale de la déclaration par l'héritier de l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net, prévu par les articles 788 et 792 du code civil ; que la notification au domicile élu de la succession du jugement constatant la créance du créancier vaut déclaration de créance ; que la cour d'appel a constaté que le jugement du 1er décembre 2008 était revêtu de la formule exécutoire et avait été notifié au notaire en charge de la succession ; qu'en décidant cependant qu'il ne peut être utilement soutenu que la signification à Me Z... par acte d'huissier de justice du 28 août 2009 du jugement du 1er décembre 2008 revêtu de la formule exécutoire vaudrait déclaration de créance de la part de la société Etablissements Y... dans le cadre de la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net, dès lors que, d'une part, cette signification du titre qui ne mentionne que le délai d'appel ne vaut pas déclaration de créance en elle-même et ne contient aucune évaluation, que, d'autre part, elle a été réalisée avant même que la déclaration par l'héritière d'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net soit intervenue et que soit déterminé le domicile élu auprès duquel les créanciers devront procéder à leurs déclarations de créances, en sorte qu'elle ne peut donc entrer dans le cadre de la procédure de déclaration des créances mais tendait uniquement à informer le notaire chargé de la succession de l'existence d'un titre de créance, titre dont il a tenu compte dans l'inventaire du 21 octobre suivant et enfin, qu'aux termes de l'article 796 du code de procédure civile lire : code civil, les créanciers autres que les créanciers inscrits qui ont déclaré leurs créances dans le cadre de la procédure définie par les articles 787 et suivants du code civil dans les quinze mois de la publicité prévue à l'article 788 sont désintéressés dans l'ordre de leurs déclarations, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
2°/ qu'aux termes de l'article 501 du code de procédure civile, le jugement est exécutoire à partir du moment où il passe en force de chose jugée ; que la créance constatée par un jugement exécutoire n'a pas à être déclarée suivant la procédure prévue aux articles 792 et suivants du code civil ; que le jugement du 1er décembre 2008, constatant la créance de la société Etablissements Y... était exécutoire, suivant les propres constatations de l'arrêt ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
Mais attendu que, selon les articles 788 et 792 du code civil, lorsque la succession a été acceptée par un héritier à concurrence de l'actif net, les créanciers de la succession doivent déclarer leurs créances en notifiant leur titre au domicile élu de la succession, lequel est indiqué dans la déclaration d'acceptation de l'héritier ; que le délai de déclaration des créances soumises à cette formalité, d'une durée de quinze mois, court à compter de la publicité nationale dont fait l'objet la déclaration d'acceptation de l'héritier ; que, selon l'article 796 du même code, les créanciers tenus de déclarer leurs créances sont désintéressés dans l'ordre des déclarations ;
Et attendu qu'après avoir relevé que la société Y... s'était bornée à signifier le jugement du 1er décembre 2008 au notaire chargé de la succession avant que l'acceptation à concurrence de l'actif net ait été régulièrement portée à la connaissance de l'ensemble des créanciers par une publication au BODACC intervenue le 23 novembre 2012, et retenu, à bon droit, que cette signification, effectuée en méconnaissance de la procédure spécifique instituée en la matière, aurait pour effet de faire bénéficier ce créancier d'une priorité de paiement illégitime par rupture d'égalité devant la loi, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle ne pouvait valoir déclaration de créance, au sens de l'article 792 du code civil, et que, dès lors, la créance était éteinte ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.