Cass. com., 16 février 2010, n° 09-11.993
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Tric
Avocats :
Me Balat, Me Odent
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 janvier 2009), que la société le Cabinet d'affaires Eric Diaz (la société CAED) a reçu mandat de vente d'un fonds de commerce par la société X..., moyennant versement par l'acquéreur, à l'appui de toute offre d'acquisition d'un montant maximum de10 % du prix de vente comprenant la rémunération de 50 000 euros du mandataire et engagement du mandant de signer aux prix, charges et conditions convenues avec tout acquéreur présenté par le mandataire, et à défaut de verser à ce dernier une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération précitée ; qu'une lettre-proposition d'achat a été signée et la date du 1er mars 2006 prévue pour la signature de l'avant-contrat ; que la société X... ayant alors renoncé à la vente et refusé de payer l'indemnité compensatrice, la société CAED l'a assignée en paiement de cette indemnité ;
Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société CAED, outre la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles, la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2006, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'un processus contractuel est rompu par l'une des parties, il appartient au juge de rechercher si l'initiative prise par cette partie est justifiée au regard de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, sans que les courriers échangés à l'époque soient de nature à limiter les termes du débat ; qu'en énonçant que la société X... ne pouvait invoquer devant le juge un manquement de l'agent immobilier à ses obligations de mandataire, dès lors que ce motif n'avait été invoqué ni dans le courrier de la société X... du 26 janvier 2006, ni dans les réponses faites aux deux réclamations de la société CAED, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil ;
2°/ que le débiteur d'une obligation de conseil ne saurait éluder cette obligation en invoquant les compétences supposées de son client ; qu'en estimant que la société X... ne pouvait invoquer un manquement de la société CAED à son obligation de conseil, dès lors que M. Pascal X..., gérant de la société X..., dirigeait par ailleurs deux autres sociétés, ce qui signifie qu'il est un habitué du monde des affaires et n'a pas besoin de tous les conseils dont manquerait un vendeur profane, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ que le mandataire répond non seulement de son dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion ; que le contrat de mandat conclu entre la société X... et la société CAED le 14 janvier 2005 stipule expressément qu'en vue de garantir la bonne exécution des présentes, l'acquéreur devra, à l'appui de toute offre d'acquisition, effectuer un versement d'un montant maximum de 10 % du prix total de la vente à l'ordre du notaire ou de l'avocat séquestre et que ce versement s'imputera sur le prix de la vente si elle se réalise ; qu'en s'abstenant de rechercher si la société CAED n'avait pas manqué à ses obligations de mandataire en ne s'assurant pas du versement par les époux Y... de l'acompte mis à leur charge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1992 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le seul motif exprimé par la société X... dans sa lettre du 26 janvier 2006 pour refuser de poursuivre l'opération de vente de son fonds de commerce est une raison personnelle, que cette société n'a jamais répondu aux deux réclamations de la société CAED que son refus était motivé par un doute ou une inquiétude sur la solvabilité des acquéreurs et que la société X... est donc seule responsable de l'échec du mandat de vente qu'elle avait donné à la société CAED ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'à le supposer établi, le manquement de la société CAED à son obligation de conseil ne constituait pas la cause de cet échec, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de faire la recherche visée par la troisième branche qui ne lui était pas demandée, a retenu à bon droit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux premières branches, que la société X... était tenue de verser l'indemnité compensatrice stipulée au contrat ; que le moyen, non-fondé en sa troisième branche, ne peut pour le surplus être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Cabinet d'affaires Eric Diaz la somme de 2 500 euros ; rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour la société X....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la SNC X... à payer à la Société CAED, outre la somme de 6.000 au titre des frais irrépétibles, la somme de 20.000 à titre de dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2006 ;
AUX MOTIFS QUE la mention «1er mars 2005» figurant dans la lettre-proposition d'achat des époux Y... du 7 décembre 2005 doit être entendue comme «1er mars 2006», et que cette erreur n'a aucune conséquence juridique contrairement à ce que soutient la SNC X... ; que par ailleurs, Monsieur Romain X... a, le 7 février 2007, acquis une seule part du capital de la SNC X..., et non la totalité de celui-ci comme l'écrit la SARL CAED ; que la SNC X... a clairement accepté le 8 décembre 2005 la proposition d'achat de son fonds de commerce faite la veille par les époux Y..., et à un prix dont le montant (565.000 ), bien qu'inférieur à celui qu'elle avait demandé dans son mandat du 14 janvier 2005 (580.000 ), était pourtant sans répercussion pour elle puisque la commission due par les acquéreurs à la SARL CAED était diminuée de manière à ce qu'elle perçoive de toute façon la somme nette prévue au départ de 530.000 ; que par ailleurs, la SNC X... ne s'est jamais inquiétée ni des capacités financières des futurs acquéreurs, les époux Y..., à pouvoir honorer ce prix, ni du fait que ceux-ci n'aient versé aucun acompte alors pourtant que le mandat de vente stipulait le versement d'un montant maximum de 10 % du prix total ; qu'enfin, les articles L.141-1 et suivants du Code de commerce ne sont pas applicables, à la différence de ce que prétend la SNC X..., pour une proposition d'achat telle que celle qu'elle a acceptée, et qu'il est sans importance que cette proposition se réfère à tort à une vente immobilière ; qu'au surplus, Monsieur Pascal X... est à la fois, titulaire de 5999 des 6000 parts de la SNC X... et gérant de cette dernière, président de la SA SOCIETE HOTELIERE DE LA BARDE et président de la SAS MOHICHA, ce qui signifie qu'il est un habitué du monde des affaires et n'a pas besoin de tous les conseils dont manquerait un vendeur profane ; que les éléments précités permettent à la cour de retenir que la SNC X... savait clairement à quoi correspondait son acceptation de la proposition des époux Y..., et qu'elle n'avait nullement besoin d'être conseillée par la SARL CAED, comme l'a décidé à tort le tribunal de commerce ; que le seul motif exprimé par la SNC X... dans sa lettre du 26 janvier 2006 pour refuser de poursuivre l'opération de vente de son fonds de commerce est une raison personnelle, ce qui l'empêche d'invoquer aujourd'hui une autre raison, telle que le risque de ne pas être réglée du prix par les acquéreurs, les époux Y... ; que, d'autre part, cette société n'a jamais répondu aux deux réclamations de la SARL CAED que son refus était motivé par un doute ou une inquiétude sur la solvabilité financière des acquéreurs ; qu'elle est donc seule responsable de l'échec du mandat de vente qu'elle avait donné le 14 janvier 2005 à la SARL CAED, ce qui l'oblige, en raison de son refus de signer un compromis aux prix, charges et conditions convenues définitivement avec les acquéreurs, à verser à cette société une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la commission prévue, ce par la simple application des stipulations du mandat ci-dessus ; que la cour constate que la SARL CAED a réclamé la somme de 50.000 non à titre de commission comme le prétend la SNC X..., ce qui était impossible puisque la vente ne s'était pas réalisée, mais à titre d'indemnité compensatrice forfaitaire ; que l'article 1146 du Code civil n'impose pas à la SARL CAED de mettre la seconde en demeure de procéder à cette réalisation pour pouvoir réclamer ladite indemnité, d'autant que la SNC X... avait le 26 janvier 2006 clairement et définitivement renoncé à ladite réalisation, et n'est jamais revenue ensuite sur cette décision ; que cependant, le fait que la concrétisation de la vente n'aurait permis à la SARL CAED de ne percevoir que la somme de 35.000 au lieu de celle de 50.000 prévue au départ ne lui permet pas de réclamer la seconde somme ; que de plus, cette société, vu l'interruption du processus de la vente par la SNC X..., n'a accompli qu'une partie des diligences prévues, ce qui signifie que la première somme, constitutive d'une clause pénale, est manifestement excessive au sens de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil ; que ces 35.000 seront par suite réduits à 20.000 ;
ALORS, D'UNE PART, QUE lorsqu'un processus contractuel est rompu par l'une des parties, il appartient au juge de rechercher si l'initiative prise par cette partie est justifiée au regard de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, sans que les courriers échangés à l'époque soient de nature à limiter les termes du débat ; qu'en énonçant que la SNC X... ne pouvait invoquer devant le juge un manquement de l'agent immobilier à ses obligations de mandataire, dès lors que ce motif n'avait été invoqué ni dans le courrier de la SNC X... du 26 janvier 2006, ni dans les réponses faites aux deux réclamations de la SARL CAED (arrêt attaqué, p. 6 in fine), la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le débiteur d'une obligation de conseil ne saurait éluder cette obligation en invoquant les compétences supposées de son client ; qu'en estimant que la SNC X... ne pouvait invoquer un manquement de la SARL CAED à son obligation de conseil, dès lors que Monsieur Pascal X..., gérant de la SNC X..., dirigeait par ailleurs deux autres sociétés, «ce qui signifie qu'il est un habitué du monde des affaires et n'a pas besoin de tous les conseils dont manquerait un vendeur profane» (arrêt attaqué, p. 6 § 2), la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE le mandataire répond non seulement de son dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion ; que le contrat de mandat conclu entre la SNC X... et la SARL CAED le 14 janvier 2005 stipule expressément qu' « en vue de garantir la bonne exécution des présentes, l'acquéreur devra, à l'appui de toute offre d'acquisition, effectuer un versement d'un montant maximum de 10 % du prix total de la vente à l'ordre du notaire ou de l'avocat séquestre» et que «ce versement s'imputera sur le prix de la vente si elle se réalise» ; qu'en s'abstenant de rechercher si la SARL CAED n'avait pas manqué à ses obligations de mandataire en ne s'assurant pas du versement par les époux Y... de l'acompte mis à leur charge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1992 du Code civil.