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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ. A, 10 juin 2010, n° 09/00808

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Thorogood

Défendeur :

Labrador, Guinard Labrador, Pierre Fabre Médicament Production (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lafon

Conseillers :

M. Roux, M. Sabron

Avoués :

SCP Labory-Moussie & Andouard, SCP Casteja-Clermontel & Jaubert

Avocats :

Me Marcellin, Me Morvilliers

TGI Bordeaux, 1re ch., du 13 janv. 2009,…

13 janvier 2009

FAITS ET PROCEDURE ANTERIEURE :

Monsieur Jacques Labrador docteur en pharmacie et Madame Jeanne Guinard épouse Labrador ont créé la société anonyme Finagrosan qui a pour objet la réalisation de prestations de conseil dans l'industrie pharmaceutique.

Ils se sont rapprochés de la société Pierre Fabre Médicament Production qui souhaitait développer de nouveaux moyens de production industriels des médicaments injectables notamment son nouveau médicament anti-cancéreux la Vinorelbine.

A cet effet, il a été constitué la société API dans laquelle la société anonyme Finagrosan détenait 16,6 % des parts sociales, les époux Labrador chacun une part et la société Pierre Fabre Médicament Production était l'associée majoritaire.

La société API dont les locaux étaient situés à Pau avait pour directeur général et pharmacien responsable Monsieur Labrador et pour responsable des services généraux Madame Labrador.

Les époux Labrador ayant bénéficié de l'aide de Monsieur Douglas Thorogood consultant extérieur, ont conçu le procédé de conditionnement, sous forme injectable, dans un environnement stérile, des produits anti-cancéreux hautement actifs ne nécessitant pas de stérilisation finale qui aurait altéré leur efficacité, constitué d'un tunnel continu de chambres successives pressurisées de manière décroissante.

Monsieur Thorogood s'occupait des démarches auprès de la FDA américaine en vue de sa commercialisation dans ce pays.

Les époux Labrador, la société API et Monsieur Thorogood déposaient une demande de brevet le 7 juin 1991 par l'intermédiaire d'un cabinet conseil en propriété industrielle auprès de l'Institut National de la propriété industrielle qui l'enregistrait sous le numéro 9107007, les identifiant comme étant les inventeurs du brevet et la société API, la déposante.

Projetant de demander l'extension du brevet au niveau international, le cabinet conseil déposait la demande en ce sens le 9 juin 1991, une provision étant versée et un dépôt pays par pays effectué.

En mars 1992, Madame Labrador était licenciée pour refus de mutation géographique et en avril 1992, le contrat de travail de Monsieur Labrador était modifié.

En juillet 1992, la société Finagrosan cédait ses parts dans la société API à la société anonyme Pierre Fabre et en 1992 Monsieur Labrador était licencié pour motif économique.

Le 5 février 1993, la société Pierre Fabre indiquait ne pas être intéressée par l'extension internationale du brevet déposé mais autorisait les inventeurs à poursuivre cette procédure en leur nom et continuait l'exploitation du brevet français sur le site IDRON alors que la SA Finagrosan concluait un contrat de collaboration avec la SA API en vue de réaliser la promotion commerciale des produits Pierre Fabre jusqu'en 1994.

Par acte d'huissier en date du 15 septembre 2005, les époux Labrador et Monsieur Thorogood ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux la société Pierre Fabre sur le fondement des articles L. 611-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle plus particulièrement sur le fondement des articles L. 611-6 et 7 concernant le paiement par l'employeur du juste prix pour leur invention réalisée hors mission du contrat de travail.

Par jugement en date du 13 janvier 2009, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- déclaré prescrite l'action en revendication du titre de propriété du brevet présentée par Monsieur Thorogood

- dit que l'invention des époux Labrador et de Monsieur Thorogood réalisée à l'occasion du contrat de travail entre les époux Labrador et leur employeur la société API est une invention conçue hors mission de leur contrat de travail attribuée à la société API le 7 juin 1991 par le dépôt de la demande de brevet sous le numéro 9107007 au nom de celle-ci et aux droits de laquelle se trouve désormais la société Pierre Fabre

- dit que cette attribution du droit de propriété industrielle sur l'invention par la société Pierre Fabre doit être payée aux époux Labrador au juste prix

- dit que la société Pierre Fabre a commis une faute contractuelle en refusant le paiement de ce prix à la première demande en juin 1995

- sursis à statuer sur les demandes d'indemnisation réclamées

- ordonné une expertise comptable permettant d'établir la valeur du brevet en novembre 1992

- rejeté la demande de publication de la décision

- condamné la société Pierre Fabre à payer aux époux Labrador la somme de 15.000 € à titre de provision à valoir sur la réparation de leur préjudice et la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision.

PROCEDURE D'APPEL :

Par déclarations en dates des 13 et 16 février 2009, Monsieur Thorogood et les époux Labrador ont régulièrement relevé appel de ce jugement.

A l'appui de leur appel, ils soutiennent que :

- conformément à l'article L. 5124-2 du code de la santé publique, les époux Labrador avaient nécessairement la qualité de salariés de la société API dès la constitution de cette société

- ayant mis leurs compétences professionnelles en commun les époux Labrador et Monsieur Thorogood sont incontestablement les inventeurs du procédé

- prenant conscience de l'intérêt d'une telle invention, la société Pierre Fabre a alors décidé d'évincer les inventeurs par étapes :

* en rachetant les parts détenues par la société FINAGROSAN dans la société API pour un prix ne correspondant pas à la cession de l'activité inventive

* en licenciant les époux Labrador

* en autorisant in extremis la demande d'extension du brevet déposée par les époux Labrador mais en refusant la prise en charge des frais exposés à ce titre au préjudice de ces derniers qui ont perdu la possibilité de conquérir des marchés à l'international

- pour sa part la société Pierre Fabre a commercialisé aux Etats Unis l'invention sous la dénomination de Vinorelbine par l'intermédiaire de sous-traitants et en a tiré des bénéfices qui se sont élevés entre 1992 et 1998 à la somme de 70 millions d'euro et de 1994 à 2008 à la somme de 863 millions d'euro

- il est constant que leur invention est une invention de salariés réalisée en dehors de la mission fixée dans les contrats de travail mais ayant un rapport avec l'activité de l'employeur lequel pouvait donc en demander la cession moyennant versement d'un juste prix qui n'a pas été versé

- aucun accord de cession de brevet n'ayant été passé entre Monsieur Thorogood et la société Pierre Fabre, il peut en revendiquer une quote part en qualité de co-inventeur

- à son égard la prescription ne saurait être acquise en raison de la mauvaise foi de la société Pierre Fabre dont le comportement a empêché les appelants de déposer le brevet au niveau international

- en qualité de copropriétaire du brevet français, Monsieur Thorogood a droit au paiement de la somme de 5 millions d'euro à titre de provision sur la restitution des fruits qui lui sont dus et de la somme de 5 millions d'euro à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice qu'il a subi

- l'évaluation du juste prix devant être versé aux époux Labrador en contrepartie de la cession de leur brevet doit être réalisée au jour du jugement et non au jour de la cession, en tenant compte du chiffre d'affaires d'exploitation de la société Pierre Fabre

- une expertise judiciaire sera ordonnée à cet effet avec la possibilité pour l'expert de s'adjoindre tout sapiteur de son choix notamment la société International Médical Statistics

- la somme minimale de 5 millions d'euro sera allouée aux époux Labrador en réparation du préjudice subi

- il leur sera alloué la somme de 50.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures la société Pierre Fabre réplique que :

- Monsieur Thorogood est irrecevable à solliciter pour la première fois en cause d'appel la copropriété du brevet

- subsidiairement dès lors qu'il ne peut bénéficier que d'un acte en revendication sur le fondement de l'article L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle, la demande de Monsieur Thorogood est prescrite depuis le 16 juin 1999 ainsi d'ailleurs que l'a retenu le jugement entrepris qui sera confirmé, étant souligné que l'appelant ne démontre pas que son titre de co-inventeur lui avait été soustrait frauduleusement ou en violation d'une obligation légale ou conventionnelle

- les époux Labrador ne sauraient bénéficier des dispositions visées à l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle dès lors qu'ils ne démontrent pas avoir la qualité de salariés au moment de l'invention étant par ailleurs dirigeants de la société API

- ils ont d'ailleurs déposé le brevet en qualité de chefs d'entreprise

- dans l'hypothèse où ils auraient eu l'intention de demander le prix de la cession du brevet, ils auraient dû se soumettre à la procédure des conventions réglementées avec la société API

- les époux Labrador ne démontrent pas avoir eu la qualité d'inventeurs du brevet litigieux

- si la qualité de salariés inventeurs leur est reconnue, le juste prix de la cession doit être évalué au jour de l'attribution de l'invention en tenant compte des apports initiaux du salarié et de l'employeur

- les époux Labrador ont bénéficié d'indemnisations très importantes au titre de leur activité dans l'entreprise ainsi que d'indemnités de licenciement substantielles alors que le contrat de consultant de Monsieur Thorogood signé le 1er avril 1991, lui garantissait une rémunération de 360.000 F

- il ne peut y avoir lieu du seul fait de l'attribution et de l'exploitation postérieure une source de créance de dommages et intérêts, le salarié étant précisément protégé par le régime légal

- il ne saurait lui être reproché aucune défaillance dans la procédure d'extension à l'international du brevet qui aurait été à l'origine du préjudice subi par les époux Labrador qui sont seuls responsables des retards pris par cette procédure alors qu'il est apparu ultérieurement qu'ils ont eux-même renoncé au bénéfice de cette extension au Canada en refusant de régler les annuités correspondantes dans ce pays

- dès lors que la paternité de l'attribution du brevet a toujours été expressément mentionnée au profit des époux Labrador, ils ne peuvent invoquer l'existence d'un préjudice moral et pas davantage Monsieur Thorogood qui jusqu'à une époque récente ne s'était jamais manifesté

- si la recevabilité de l'action des époux Labrador était confirmée, la cour ne pourrait que reprendre le principe de l'expertise ordonnée par le tribunal sur la base de la mission confiée par le jugement entrepris qui sera confirmé

- il lui sera alloué la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les appelants seront condamnés aux dépens d'appel.

MOTIFS :

Ainsi que l'a rappelé le tribunal, le droit au titre de propriété d'un brevet peut être accordé selon deux modalités différentes d'accession :

- l'une régie par les dispositions de l'article L. 611-6 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit l'attribution de ce droit à l'inventeur ou à ses ayants cause tels que notamment ses héritiers ou ses cessionnaires en vertu d'un contrat de cession

- l'autre résultant des dispositions de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle qui confère des droits sur le brevet soit à l'inventeur salarié soit à son employeur à charge de respecter certaines conditions.

Il convient donc d'examiner les revendications des appelants sur la base de ces deux textes alternativement en ce qui concerne Monsieur Thorogood et les époux Labrador d'autre part.

- Sur les demandes présentées par Monsieur Thorogood :

Il est établi par les pièces produites aux débats que s'il n'est pas contesté ni contestable que Monsieur Thorogood a collaboré aux travaux des époux Labrador au titre de l'élaboration du brevet objet du présent litige, il n'est intervenu qu'en qualité de consultant indépendant de la société API rémunéré par des honoraires et non en tant que salarié de cette dernière dès lors ses prétentions à la reconnaissance d'un droit de propriété sur ledit brevet ne peuvent être examinées que sur le fondement de l'article L611-6 du code de la propriété intellectuelle.

Néanmoins l'action en revendication dont il était susceptible de bénéficier se prescrit par trois ans à compter de la publication de la délivrance du titre de propriété industrielle en application de l'article L611-8 du code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs ce même texte prévoit qu'en cas de mauvaise foi au moment de la délivrance ou de l'acquisition du titre, le délai de prescription est de trois ans à compter de l'expiration du titre.

Il apparaît certes que, si la demande de brevet d'invention déposée le 7 juin 1991 est intervenue expressément au nom de la société API comme demandeur, et des époux Labrador et Monsieur Thorogood en qualité de co-inventeurs, seule la première a procédé à l'exploitation dudit brevet encaissant l'intégralité des bénéfices depuis la délivrance de ce dernier intervenue le 15 octobre 1993, évinçant manifestement lesdits co-inventeurs de leurs droits dont elle n'avait pas obtenu la cession.

L'appropriation du brevet qui en découle au profit de la société API autorisait donc Monsieur Thorogood à agir en revendication. Cependant celle-ci s'est manifestement poursuivie pendant de nombreuses années sans aucune revendication de sa part et sans qu'il puisse sérieusement prétendre avoir ignoré l'exploitation exclusive du brevet par la déposante, qui, compte tenu de la portée de l'invention consacrée par ledit brevet n'a pu y procéder à l'insu des spécialistes qui l'avaient mis au point dont faisait partie Monsieur Thorogood et qui étaient à l'initiative de sa procédure de dépôt.

Dès lors l'action en revendication dont disposait Monsieur Thorogood s'est prescrite par trois ans à compter de la publication de la délivrance du titre de propriété industrielle soit du 15 octobre 1993.

Compte tenu de la date de l'acte introductif de la présente instance soit le 15 septembre 2005, c'est donc à bon droit que le tribunal a considéré que l'action en revendication introduite par Monsieur Thorogood était prescrite. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le bien-fondé de l'action comme l'a fait de manière superfétatoire le tribunal.

- Sur les demandes dirigées à l'encontre des époux Labrador :

En dépit des contestations soulevées par la société Pierre Fabre Médicament Production il apparaît des pièces versées aux débats que les époux Labrador ont été salariés de la société API à compter du 1er janvier 1990 même si aucun contrat écrit n'a été établi. Les bulletins de salaire qu'ils produisent aux débats pour la période contemporaine du dépôt du brevet et de son enregistrement soit les années 1991 et 1992 confirment en effet l'existence de contrats de travail en mentionnant d'ailleurs expressément une reprise d'ancienneté au 1er septembre 1989 dans la société API puisque celle-ci lors de sa constitution reprenait leurs contrats de travail conclus avec la société Finagrosan.

Il est démontré que Monsieur Labrador, pharmacien de formation qui exerçait à l'époque du dépôt du brevet les fonctions de directeur général salarié de la société API ne disposait cependant d'aucun mandat d'administrateur.

Dès lors qu'aucun contrat de travail n'a été établi, il n'existe à l'évidence pas de définition précise du contenu de sa mission. Il n'en demeure pas moins que du fait du profil de son poste, il convient de considérer qu'il incluait la direction de l'entreprise, sa gestion au titre du budget, du personnel et des moyens mis à sa disposition. La nature de sa tâche à ce titre, dès lors qu'il n'a été défini expressément aucune mission spécifique de recherche ou d'études dans ses attributions personnelles qu'il aurait pu techniquement assumer compte tenu de sa formation de pharmacien crée une présomption suffisante d'exclusion d'un tel complément d'attribution.

Dès lors, en constituant au sein de l'entreprise, une activité de recherches ayant manifestement conduit au dépôt du brevet litigieux dans un secteur stratégique et en ayant pris soin de s'adjoindre un consultant spécialisé qu'il a lui-même recruté, Monsieur Labrador établit qu'il a initié la découverte brevetable dont l'exploitation démontre l'aspect particulièrement innovant. Il convient d'ailleurs de souligner que la société Pierre Fabre Médicament Production se garde bien d'invoquer et a fortiori de rapporter la preuve de modalités de découverte de l'invention excluant la participation déterminante de Monsieur Labrador.

Sur la base de ces éléments, il convient donc de considérer que Monsieur Labrador a réalisé l'invention objet du brevet hors mission par rapport à son contrat de travail salarié, de telle sorte que lui est ouverte la faculté de se prévaloir des dispositions de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle.

Il en est de même, ainsi que l'a estimé le tribunal, en ce qui concerne Madame Labrador dès lors qu'en sa qualité de salariée de la société API, responsable des services généraux, le descriptif de fonction rédigé le 26 novembre 1991 qui la concernait ne prévoyait aucune mission d'invention, d'études ou de recherches sur la fabrication ou le façonnage des médicaments. En effet sa formation initiale d'infirmière permet de considérer qu'elle a pu mettre à profit son expérience professionnelle dans la mise au point de médicaments injectables anti-cancéreux fabriqués sous milieu stérile notamment par des suggestions pratiques d'utilisatrice de tels conditionnements.

Il ne saurait, pour s'opposer à sa demande sur le fondement de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, y avoir lieu d'invoquer ses fonctions de direction au sein de la société API en qualité d'administratrice dès lors qu'elle n'avait été désignée à ce titre qu'en qualité de représentante de la société FINAGROSAN actionnaire minoritaire de la société API et ne pouvait jouer un rôle prééminent.

Par ailleurs, s'il en était besoin, il apparaît qu'aux termes de sa correspondance en date du 5 février 1993, la société Pierre Fabre en concédant aux époux Labrador la concession de l'extension en PCT du brevet litigieux dont API conservait 'la propriété pleine et entière en France' a implicitement mais nécessairement reconnu à ces derniers un droit à exploitation qui constituait la contrepartie de leurs prérogatives d'inventeurs.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accueilli la demande présentée par les époux Labrador sur le fondement de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle étant souligné que l'absence des formalités requises par l'article R. 611-7 du code de la propriété intellectuelle prévoyant une information par l'employeur du salarié n'a vocation à s'appliquer que dans l'hypothèse d'une revendication par l'employeur du droit d'attribution d'une invention déclarée par un salarié qui ne constitue pas le fondement du présent dossier.

Par ailleurs, c'est également à bon droit, que le tribunal a relevé qu'aucune pièce du dossier n'établissait l'existence d'un accord entre les parties sur le juste prix que les époux Labrador étaient fondés à réclamer au titre de leur invention attribuée à la société.

Il ne peut en effet y avoir lieu de considérer que l'indemnité de 500.000 F accordée à Madame Labrador le 25 mars 1999 en dédommagement de la rupture de son contrat de travail imputable à son refus d'accepter une mutation sur un autre site ait pu rétribuer pour partie la concession de l'invention en l'absence de disposition exprès à ce titre.

Il en va de même du contrat de collaboration conclu après son licenciement en novembre 1992 par Monsieur Labrador pour le compte de la société FINAGROSAN avec la société API qui n'inclut pas de référence à l'invention précitée.

Dès lors en l'absence de preuve du versement d'une rémunération en contrepartie de leur invention ayant fait l'objet du brevet, les époux Labrador sont fondés à réclamer le juste prix de cette dernière au sens de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ainsi que l'a admis le tribunal.

Compte tenu de la nature des relations de travail salarié ayant lié la société API aux époux Labrador, ayant donné lieu à l'allocation de rémunérations négociées et des délais nécessaires pour que l'entreprise puisse mettre en pratique le brevet litigieux, il y a lieu de considérer que c'est à bon droit que le tribunal a décidé que la fixation du juste prix devrait être opérée à la date de la rupture des contrats de travail des époux Labrador soit novembre 1992.

Il y a lieu également de confirmer les dispositions du jugement entrepris relatives à l'organisation d'une mesure d'expertise pour réunir les éléments permettant de fixer le juste prix sur la base des critères légaux et jurisprudentiels.

Par ailleurs, en l'état, si le principe de l'obligation à paiement du juste prix est acquis, la cour tout comme le tribunal ne dispose pas d'éléments d'appréciation suffisants pour fixer le montant de la provision sollicitée par les époux Labrador au-delà d'une somme de 15.000 €.

Sur le fond, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a sursis à statuer sur la réparation du préjudice moral invoqué par les époux Labrador, sur l'évaluation du juste prix et les demandes d'indemnités présentées au titre de la réparation du préjudice résultant du refus opposé jusqu'à ce jour par la société API dont il est argué qu'il engage sa responsabilité contractuelle.

La nature du litige opposant les parties qui relève ainsi que l'a estimé le tribunal de relations internes opposant l'employeur à ses anciens salariés dans le cadre de leurs relations mutuelles ne justifie pas que soit ordonnée la publication du jugement et du présent arrêt. Le jugement entrepris sera donc confirmé à ce titre.

Les appelants succombant en leur appel seront tenus aux dépens d'appel.

En revanche l'équité ne commande pas à ce stade de la procédure d'allouer à l'intimée une quelconque indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris.

Y ajoutant

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.

Condamne in solidum Monsieur Douglas Thorogood et les époux Jacques Labrador et Jeanne Guinard épouse Labrador aux dépens d'appel et en accorde distraction à la SCP Castéja-Clermontel et Jaubert en application de l'article 699 du code civil.