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Décisions

Cass. 3e civ., 2 mars 1994, n° 92-16.329

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cathala

Rapporteur :

M. Chemin

Avocat général :

M. Baechlin

Avocats :

SCP Nicolay et de Lanouvelle, Me Ryziger, Me Vuitton

Aix-en-Provence, du 17 mars 1992

17 mars 1992

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 mars 1992), qu'à la suite d'un dégât des eaux, M. B..., preneur à bail d'un local àà usage commercial, a assigné son bailleur, Mme C..., aux droits de qui viennent ses héritiers, les consorts C..., en exécution des travaux de réparation du système d'évacuation des eaux et en indemnisation de son préjudice matériel, économique et commercial ;

qu'un expert judiciaire a été désigné et que les consorts C... ont appelé en garantie leur assureur, la compagnie Assurances générales de France et le syndicat des copropriétaires de l'un des immeubles voisins ;

Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation des bailleurs à remettre en état les canalisations d'évacuation d'eau, parties communes d'un immeuble en copropriété, alors, selon le moyen, "qu'il résulte de la combinaison des articles 1165, 1719 et 1720 du Code civil qu'aucun lien contractuel n'existant entre le locataire et le syndicat des copropriétaires, c'est aux bailleurs qu'il incombe d'accomplir, à l'égard de celui-ci, les diligences nécessaires pour satisfaire à la demande du locataire ; qu'en s'abstenant de rechercher si les bailleurs avaient, en l'espèce, accompli ces diligences, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Mais attendu que la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant que les canalisations litigieuses étant soumises au statut de la copropriété, les héritiers C... ne pouvaient être condamnés personnellement à effectuer les travaux préconisés par l'expert, qui nécessitaient, de surcroît, l'intervention du propriétaire d'un immeuble voisin ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en dispense de paiement de la totalité des loyers et charges locatives du mois d'août 1979 jusqu'à la remise en état des canalisations d'évacuation d'eaux de l'immeuble et en condamnation des bailleurs à lui rembourser toutes les sommes versées au titre des loyers et charges pendant l'instance, alors, selon le moyen, "1 ) qu'en cas d'inexécution, par l'une des parties, de son engagement, l'autre partie a le choix, ou de forcer son cocontractant à l'exécution de la convention, ou d'en demander la résolution avec dommages-intérêts ;

qu'en rejetant la demande du locataire, au motif que, loin d'invoquer une exception d'inexécution, il revendique le respect, par le bailleur, de ses propres obligations, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1184 du Code civil ; 2 ) qu'invoquant, nécessairement par sa demande, l'exception non adimpleti contractus, le locataire avait fait valoir qu'outre l'invasion d'une partie des locaux par les eaux polluées, les odeurs pestilentielles, causées par les débordements du WC, suffisaient àempêcher l'exploitation normale du fonds de commerce de brocante, décoration et antiquités ;

que les amateurs de meubles anciens et objets d'art ne pouvaient raisonnablement fréquenter un établissement envahi par de telles odeurs ; que l'arrêt de l'activité, après la réouverture, fin 1979, était prouvé ; que le locataire avait déplacé toute son activité

dans un autre magasin, et qu'un huissier avait relevé le panneau renvoyant la clientèle à une autre boutique ; qu'ainsi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions du locataire et a violé les articles 4 et 455 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu qu'ayant constaté que M. B... avait conservé dans son magasin une activité commerciale, et relevé que le locataire n'invoquait aucune exception d'inexécution, la cour d'appel, qui a retenu que le paiement des loyers constituant l'obligation essentielle du preneur, qui ne pouvait en être exonéré, a, sans dénaturation ni modification de l'objet du litige, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt de limiter à 20 000 francs le montant des préjudices qu'il a subis, alors, selon le moyen, "1 ) que si les juges du fond sont souverains pour évaluer le montant des dommages-intérêts, leur décision ne saurait être fondée sur une contradiction de motifs ; qu'en retenant, d'abord, que le locataire demande, à juste titre, à être indemnisé par les bailleurs, à la suite des refoulements d'eaux usées, qui se sont produits le 28 juillet 1979, le 12 octobre 1979, le 12 juin 1980, le 26 novembre 1982 et le 18 janvier 1985, puisque le locataire ne peut prétendre que les bailleurs doivent l'indemniser de la perte de son fonds de commerce et, notamment, de la clientèle, l'expert ayant constaté que le magasin, fermé après le 19 juin 1979, et donc au moment des sinistres postérieurs, disposait d'un écoulement d'eaux usées "normal" en mars 1981, sous réserve de l'entretien régulier de la canalisation, et qu'il était à l'époque "semi-ouvert", la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ; 2 ) qu'en retenant que l'activité réduite du magasin s'explique par de nombreux facteurs, parmi lesquels il est très difficile d'isoler le problème des débordements du WC de l'arrière-magasin, sans toutefois l'évacuer, ce qui est le cas de le dire, la cour d'appel a entaché sa décision d'un motif dubitatif et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. B..., sans avoir totalement perdu son fonds de commerce, y avait conservé une activité réduite qui était secondaire par rapport à ses activités principales situées dans deux autres locaux mieux achalandés, la cour d'appel, qui a retenu que les débordements de WC ne constituaient que l'un des nombreux facteurs ayant contribué à la réduction de l'activité du magasin, a, sans se contredire et sans motifs dubitatifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.