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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 4 février 2021, n° 19/15149

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SCP BTSG (és qual.)

Défendeur :

FAPRC (Sté), Sawab LTD (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Picard

Conseillers :

Mme Rohart-Messager, Mme Coricon

T. com. Paris, du 31 mai 2019, n° 201400…

31 mai 2019

En 2002, monsieur N. créait la société IPE, ayant pour objet la gestion de fonds, l'acquisition, la gestion et la cession de participations dans des sociétés et des prestations de conseil en stratégie.

En avril 2002, monsieur A., via la société FAPRC, et monsieur Y., via la société Sawab, investissaient dans le capital d'IPE, à hauteur de 25% chacun, monsieur N. et la société ING Numismatique Groupe, dont il détenait le capital, détenant eux-mêmes chacun 25 %.

En 2003, IPE créait une filiale suisse IPES aux fins d'acquisition par celle-ci au moyen d'un LBO de 50,4% du capital de la société Ermewa aux côtés de la SNCF, spécialisée dans la location de wagons de transport ferroviaire. La société Ermewa détenait également à partir de 2005 100% de la société Eurotainer

En décembre 2005, monsieur N. arguant de difficultés de trésorerie de la société IPE, convainc monsieur A., d'accepter que IPE céde 12.000 actions de catégorie B de IPES pour le prix de 36, 75 euros par action.

Les sociétés FAPRC et Sawab acquièrent chacune 1200 actions B de IPES. Monsieur N. en acquiert 4620, deux cadre dirigeants d'IPE acquirent respectivement et 3000 actions et 540 actions et ING Numismatique 1800 actions

Ainsi, sur les 12000 actions cédées par la société IPE les sociétés FAPCR et Sawab en ont acheté 2400 alors que monsieur N. et les cadres dirigeants de IPE en ont acquis la grande majorité.

En 2007, le débouclage du LBO d'Ermewa aboutissait à une valorisation unitaire des actions préalablement détenues par IPES de 580 euros.

En 2009, monsieur N. cédait les actions IPE qu'il possédait à un Holding Fundamenta, dont il détenait l'intégralité du capital et qui est devenue présidente d'IPE.

Le 24 mars 2010 IPE est devenue François 1er Participations (ci-après F1P).

Considérant que monsieur N. avait commis une tromperie et un dol au détriment d'IPE et de ses associés, les sociétés FAPRC et Sawab l'ont assigné tant sur le fondement de leur préjudice personnel que sur le fondement de l'action ut singuli devant le tribunal de commerce de Paris par acte du 18 juillet 2012, dénoncé à François 1er Participations le 17 décembre 2012.

Par jugement du 12 mars 2014 la société F1P a été placée en liquidation judiciaire et la Scp BTSG, prise en la personne de Me G., désignée en qualité de liquidateur judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 17 juillet 2013.

La procédure a été régularisée par assignation du liquidateur judiciaire le 2 avril 2014.

Par ordonnance du juge-commissaire du 11 septembre 2014 une mesure d'expertise était ordonnée et par jugement avant dire droit du 23 décembre 2014, le sursis à statuer était prononcé.

Par jugement du 19 juin 2018 Monsieur N. a été condamné à payer au liquidateur la somme de 268.430 euros.

Par jugement du 31 mai 2019, le tribunal de commerce de Paris a dit irrecevables les actions des sociétés FAPRC et Sawab et la Scp BTSG, ès qualités, dans leurs demandes et a condamné les société FAPRC et Sawab in solidum à payer à monsieur N.-C.-D. la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Scp BTSG, prise en la personne de Me G., ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sas François 1er Participation a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 22 juillet 2019.

Les sociétés FAPRC et Sawab Ltd ont fait appel incident de cette décision.

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 17 septembre 2019, la Scp BTSG, prise en la personne de Me G., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société F1P demande à la cour de :

- Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

- Le dire et juger recevable à exercer l'action sociale ut singuli,

- Dire et juger que Monsieur N., en cédant les actions de la société suisse IPES appartenant à la société française IPE, le 30 décembre 2005, au prix de 36.75 € l'action, a commis un dol et un manquement à son devoir de loyauté, et en tout état de cause une faute de gestion engageant sa responsabilité à l'égard de la société IPE ;

- Dire et juger que Monsieur N., en cédant à lui-même et à d'autres personnes physiques et morales, l'intégralité des actions de catégorie C des sociétés IPE Tank and Rail Investment 1 SCA et IPE Tank and Rail Investment 2 SCA, a commis une faute de gestion et engagé sa responsabilité à l'égard de la société F1P ;

En conséquence,

- Condamner Monsieur N. à lui verser

La somme de 3 611 000 € à titre de dommages et intérêts, au titre d'ERMEWA I ;

La somme de 18 550 000 € au titre d'ERMEWA II ;

- Dire et juger que les dommages et intérêts sus visés porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.

- Condamner Monsieur N. à lui verser la somme de 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 3 décembre 2019, les sociétés FAPRC et Sawab demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement déféré

Statuer à nouveau et,

Vu les articles 227-8 du Code de Commerce et 1240 (anciennement 1382) du Code Civil,

- Les dire et juger recevables et bien fondées en leur action ;

- Dire et juger que Monsieur N., en cédant les actions de la société suisse IPE appartenant à la société française IPE, le 30 décembre 2005, au prix de 36.75 € l'action, a commis un dol et un manquement à son devoir de loyauté, et en tout état de cause une faute de gestion engageant sa responsabilité à leur égard et subsidiairement à l'égard de la société IPE ;

- Dire et juger que Monsieur N., en cédant à lui-même et à d'autres personnes physiques et morales, l'intégralité des actions de catégorie C des sociétés IPE Tank and Rail Investment 1 SCA et IPE Tank and Rail Investment 2 SCA, a commis un détournement, et à tout le moins une faute de gestion, contraire à l'intérêt social d'IPE, aujourd'hui F1P engageant sa responsabilité à leur égard et, subsidiairement, à l'égard d'IPE ;

En conséquence,

-Condamner Monsieur N. à verser :

- à la société FAPRC la somme de :

950.000 € à titre de dommages et intérêts au titre d'ERMEWA I

4 191 000 € à titre de dommages et intérêts au titre d'ERMEWA II ;

- à la société SAWAB Ltd la somme de :

950.000 € à titre de dommages et intérêts au titre d'ERMEWA I

4 191 000 € à titre de dommages et intérêts au titre d'ERMEWA II

- Dire et juger que les dommages et intérêts sus visés porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

A titre subsidiaire,

- Dire et juger la Scp BTSG recevable en son action et bien fondée en ses demandes ;

En tout état de cause,

- Condamner Monsieur N. à leur chacune verser la somme de 30.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur N., bien que régulièrement assigné selon les modalités de l'article 656 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.

SUR CE

Sur la recevabilité de l'action personnelle des sociétés FAPRC et Sawab

Les sociétés FAPRC et Sawab soutiennent qu’elles ont subi un préjudice personnel, distinct de celui de la société du fait de la méconnaissance par monsieur N. de leurs droits d'associés, notamment en les induisant en erreur dans le but de les forcer à accepter la vente à vil prix des actions d'IPES. Elles font valoir que les manouvres de monsieur N. leur a causé un préjudice lié à l'absence des bénéfices qu'elles auraient pu tirer des opérations de LBO. Il semble qu'elles se plaignent également de ne pas avoir eu la possibilité d'acquérir plus d'actifs à vil prix.

La cour rappelle que les associés peuvent obtenir réparation du préjudice individuel causé par le dirigeant social à condition d'établir que le préjudice est individuel distinct du préjudice de la société.

En l'espèce, la cour relève que c'est la société IPE (F1P) qui est la seule victime des agissements de monsieur N'G. Puisque les actions d'IPES qu'elle détenait ont été cédées pour un prix inférieur à leur valeur.

En tout état de cause, les actionnaires, dont notamment les appelants, qui ont acquis les actions, les ont acquis à un vil prix et en conséquence ils ont réalisé une plus-value importante sur ces titres lors du débouclage de l'opération. Ils ne peuvent invoquer un préjudice du fait qu'ils n'ont pu acquérir plus d'actifs à vil prix au préjudice de la société.

La cour confirmera en conséquence le jugement attaqué en ce qu'il a jugé que les actions personnelles des sociétés FAPRC et Sawab était irrecevables.

Sur la recevabilité de l'action ut singuli

Le liquidateur judiciaire soutient que l'action ut singuli lui reste ouverte nonobstant la condamnation prononcée par ailleurs en comblement de l'insuffisance d'actif à l'encontre de monsieur N. dès lors que dans le cadre de l'action ut singuli il n'invoque pas l'insuffisance d'actif et qu'à la date à laquelle elle a été formée par les associés, soit antérieurement au jugement d'ouverture, elle était recevable.

Il précise qu'il n'a fait que reprendre l'action préalablement engagée.

Les sociétés FAPRC et Sawab soutiennent que l'action en responsabilité qu'elles ont engagées préalablement à la liquidation judiciaire de la société F1P peut être valablement reprise par le liquidateur judiciaire dès lors qu'elles n'ont jamais invoqué l'insuffisance d'actif au soutien de leurs prétentions.

La cour rappelle que le principe de non-cumul des actions en responsabilité civile et en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre du dirigeant social est limité à la liquidation judiciaire, aux seuls dirigeants et aux seules fautes antérieures au jugement d'ouverture.

En l'espèce, monsieur N. et la société Fundamenta ont été condamnés par jugement du 19 juin 2018 à combler l'insuffisance d'actif à hauteur de 268.430 euros.

Toutefois l'action ut singuli a été introduite par les sociétés FAPRC et Sawab le 18 juillet 2012, soit avant le jugement d'ouverture de la procédure collective le 12 mars 2014.

La recevabilité d'une action s'apprécie au jour où elle est introduite. Cependant l'ouverture de la procédure collective a une incidence sur l'action sociale. En effet, si cette dernière prospère la condamnation pécuniaire que le dirigeant aura à payer reviendra à la société, en l'espèce au liquidateur qui représente la société et, en cas d'insuffisance d'actif, les sommes payées viendront combler cette insuffisance. De fait, si le liquidateur constate une insuffisance d'actif il devra introduire une action en responsabilité sur ce fondement sauf à considérer qu'il dispose d'un choix sur le fondement de son action, ce qui serait contraire aux principes d'ordre public qui régissent les procédures collectives.

Ainsi, dès lors qu'il existe une insuffisance d'actif l'action ut singuli ne peut se poursuivre et doit être rejetée.

La cour déboutera en conséquence la Scp BTSG de sa demande au titre de l'action ut singuli.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Le liquidateur judiciaire sollicite la somme de 15.000 euros.

Les société FAPRC et Sawab sollicitent la somme de 30.000 euros chacune.

Compte tenu des circonstances particulières de l'espèce il n'y a pas lieu de faire application de cette disposition.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 31 mai 2019 en ce qu'il a déclaré irrecevables les sociétés FAPRC et Sawab dans leur action en responsabilité à l'encontre de Monsieur Philippe N. C. D. fondée sur leur préjudice personnel,

Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les sociétés FAPRC et Sawab et la Scp BTSG, ès qualités de liquidateur de la société François 1er Participations, dans leur action sociale en responsabilité à l'encontre de Monsieur Philippe N. C. D.,

Statuant à nouveau sur ce point,

Les déboute de leur action,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.