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Décisions

Cass. 3e civ., 16 novembre 2022, n° 21-10.016

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

DG Holidays

Défendeur :

Carloc (SARL), Le Splendid (syndic.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

M. Zedda

Avocat général :

M. Brun

Cass. 3e civ. n° 21-10.016

15 novembre 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 4 novembre 2020), la société MT a obtenu un permis de construire pour transformer un hôtel en résidence de tourisme. Elle a divisé l'immeuble et l'a vendu par lots, avec obligation pour les acquéreurs de consentir un bail commercial à l'exploitant de la résidence.

2. L'exploitant a été mis en redressement judiciaire et un plan de cession a été arrêté au profit de la société DG résidences, avec faculté de substitution. La société DG Holidays s'est substituée au cessionnaire.

3. La société DG Holidays a assigné les copropriétaires, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier « Le Splendid » (le syndicat des copropriétaires) et la société MT aux fins d'indemnisation du coût des travaux nécessaires à l'achèvement de la transformation de l'immeuble. En cours d'instance, un nouveau litige est survenu quant à la charge des travaux de sécurité et d'accessibilité prescrits par l'autorité administrative.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur les deuxième et troisième moyens, pris en leur première branche, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux dernières branches

Enoncé du moyen

5. La société DG Holidays fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, de la condamner à payer à chaque copropriétaire la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts et de la condamner à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1 012 047,26 euros au titre des travaux de mise en conformité aux normes de sécurité et d'accès aux handicapés, alors :

« 2°/ que, subsidiairement, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; qu'il doit entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations nécessaires, autres que les locatives ; que les travaux prescrits par l'autorité administrative sont à la charge du bailleur, sauf stipulation expresse contraire ; qu'en retenant, pour condamner le preneur, la société DG Holidays, à payer les travaux de mise en conformité aux normes de sécurité et d'accès aux handicapés, que les baux d'origine, dont les stipulations doivent être maintenues, prévoyaient que « dans le cas où des transformations, améliorations ou aménagement seraient imposés par un quelconque règlement ou à venir en raison de l'activité ou de l'occupation des lieux par le preneur, [ce dernier] en supportera la charge », sans constater l'existence d'une stipulation expresse mettant les travaux de sécurité prescrits par l'autorité administrative à la charge du preneur, la cour d'appel a violé les articles 1719 et 1720 du code civil ;

3°/ que, subsidiairement, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; qu'il doit entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations nécessaires, autres que les locatives ; que les travaux prescrits par l'autorité administrative sont à la charge du bailleur, sauf stipulation expresse contraire ; qu'en retenant, pour condamner le preneur, la société DG Holidays à payer les travaux de mise en conformité aux normes de sécurité et d'accès aux handicapés, que le dirigeant de la société DG Résidence aurait reconnu lors d'une audience du 3 septembre 2010, que le prix faible qu'il offrait pour acquérir les actifs de la société Compagnie des aéroports était justifié par l'importance des travaux à réaliser dans l'hôtel, la cour d'appel a violé les articles 1719 et 1720 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a constaté que les baux contenaient une clause selon laquelle « dans le cas où des transformations, améliorations ou aménagements seraient imposés par un quelconque règlement existant ou à venir en raison de l'activité ou de l'occupation des lieux par le preneur, [ce dernier] en supportera la charge ».

7. Recherchant la commune intention des parties, au regard, notamment, des déclarations du représentant légal du repreneur selon lesquelles le prix très faible offert pour acquérir les actifs était justifié par l'importance des travaux à réaliser dans l'hôtel, elle a pu en déduire que la clause obligeait le preneur à supporter le coût des travaux nécessaires à l'exploitation des lieux, au premier rang desquels les aménagements ou améliorations exigés par l'administration conformément aux règles sur les établissements qui reçoivent du public.

8. Elle a ainsi constaté que les baux transféraient expressément au preneur la charge de travaux incombant en principe aux bailleurs.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

10. La société DG Holidays fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes et de la condamner à effectuer les démarches nécessaires au classement en résidence de tourisme en exécutant préalablement l'ensemble des travaux nécessaires et en installant les équipements adaptés à un tel classement, alors « que, subsidiairement, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; qu'il doit entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations nécessaires, autres que les locatives ; qu'en l'espèce, pour condamner la société DG Holidays, preneuse, à effectuer les démarches nécessaires au classement résidence de tourisme et à réaliser au préalable les travaux nécessaires à l'exploitation sous cette forme, la cour d'appel a considéré que si les baux d'origine prévoyaient que la destination convenue était celle d'une « résidence de tourisme », la lettre du 2 septembre 2010 indiquait que la preneuse supporterait « l'ensemble des coûts et dépenses générés par l'entretien, la réparation et l'exploitation de l'hôtel restaurant », que les baux d'origine, dont les clauses ont été maintenues, prévoient que « dans le cas où des transformations, améliorations ou aménagement seraient imposés par un quelconque règlement ou à venir en raison de l'activité ou de l'occupation des lieux par le preneur, [ce dernier] en supportera la charge » et que le preneur « reconnaissait expressément » avoir eu connaissance de la consistance des lieux loués, tant matérielle que juridique, et « en faire son affaire sans recours contre le bailleur », de sorte qu'étant censé connaître la consistance des lieux loués, il s'est engagé par ces clauses à prendre en charge les travaux nécessaires à l'exploitation des lieux conforme à leur destination contractuelle ; qu'en statuant ainsi quand ces clauses ne pouvaient décharger les bailleurs de leur obligation de délivrance d'un local en état de servir à l'usage contractuellement prévu, la cour d'appel a violé les articles 1719 et 1720 du code civil. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel a relevé que les baux contenaient une clause selon laquelle le preneur supporterait « l'ensemble des coûts et dépenses générées par l'entretien, la réparation et l'exploitation de l'hôtel-restaurant ».

12. Elle a également relevé qu'ils contenaient une clause selon laquelle « dans le cas où des transformations, améliorations ou aménagements seraient imposés par un quelconque règlement existant ou à venir en raison de l'activité ou de l'occupation des lieux par le preneur, [ce dernier] en supportera la charge ».

13. Recherchant la commune intention des parties, elle a pu en déduire que celles-ci avaient voulu transférer au preneur les travaux de mise en conformité aux règles de sécurité et ceux nécessaires à l'exploitation des lieux selon leur destination de résidence de tourisme.

14. Elle a ainsi constaté que les baux transféraient expressément au preneur la charge de travaux incombant en principe aux bailleurs.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

16. La société DG Holidays fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre la société MT, de la condamner seule à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1 012 047,26 euros au titre des travaux de mise en conformité aux normes de sécurité et d'accès aux handicapés et de la condamner à payer à la société MT une somme de 209 391,28 euros au titre des loyers, charges de copropriété et taxes foncières, alors « que le vendeur est tenu d'une obligation de résultat de délivrer une chose dont les caractéristiques correspondent à la destination convenue ; qu'en l'espèce, la société DG Holidays faisait valoir que la société MT avait manqué à son obligation de délivrance d'une résidence hôtelière telle que prévue par le permis de construire et respectant les normes de sécurité en vigueur, ce qui constituait une faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité délictuelle à son égard dans la mesure où elle avait été victime d'une fermeture administrative en raison d'une non-conformité aux normes de sécurité ; que pour décider que la société DG Holidays, preneuse était seule tenue de régler les travaux de mises aux normes de sécurité et la débouter de ses demandes dirigées contre la société MT en sa qualité de promoteur-vendeur des biens aux copropriétaires bailleurs, la cour d'appel a relevé que les acquéreurs copropriétaires bailleurs avaient pris les biens dans l'état où ils se trouvaient lors de leur entrée en jouissance sauf la charge particulière incombant à la société MT de réaliser certains travaux, que la société MT s'était seulement engagée à faire toutes diligences pour obtenir le certificat de conformité au permis de construire portant sur les travaux de restructuration de l'hôtel « Le Splendid » aux fins de le convertir en une résidence hôtelière et non pas sur des travaux de mise aux normes de sécurité ; qu'en statuant ainsi quand aucune de ces stipulations n'étaient de nature à exonérer le vendeur, la société MT, de son obligation de délivrance d'une résidence hôtelière telle que prévue par le permis de construire et respectant les normes de sécurité en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 1603 du code civil ensemble l'article 1382, devenu, 1240 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1603 du code civil :

17. Il résulte de ce texte que le vendeur doit délivrer la chose conformément aux stipulations de l'acte de vente.

18. Pour rejeter les demandes de la société DG Holidays contre la société MT, l'arrêt retient que, selon les actes de vente les acquéreurs prenaient les biens « dans l'état où ils se trouve[raie]nt lors de l'entrée en jouissance », sauf la charge particulière incombant au vendeur de réaliser, tant dans les parties communes que dans les parties privatives, des travaux dont le détail figurait dans une notice de vente annexée à chacun des actes, laquelle mentionnait des travaux de rénovation et d'équipement des chambres mais non de mise en conformité des lieux avec les règles de sécurité.

19. Il ajoute qu'aux termes des actes de vente, le vendeur s'obligeait à faire toutes diligences pour obtenir le certificat de conformité au permis de construire mais que le permis de construire portait expressément sur les seuls travaux de restructuration de l'hôtel aux fins de le convertir en une résidence hôtelière, avec notamment la création de kitchenettes, et non pas sur des travaux de mise aux normes de sécurité.

20. En statuant ainsi, alors que pour délivrer un bien conforme à la destination promise de résidence hôtelière et obtenir un certificat de conformité des travaux visés au permis de construire portant sur la transformation d'un hôtel en une telle résidence, le vendeur devait exécuter les travaux nécessaires à la mise en conformité de l'immeuble avec les règles de sécurité applicables aux établissements recevant du public, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

21. La cassation prononcée sur le quatrième moyen ne s'étend pas à la condamnation prononcée contre la société DG Holidays au profit de la société MT au titre des loyers et charges impayés, dès lors que cette condamnation n'est pas soutenue par les motifs critiqués par le moyen.

22. Elle ne s'étend pas, non plus, au rejet des demandes formées par le syndicat des copropriétaires contre la société MT, la société DG Holidays n'étant pas recevable à critiquer des dispositions qui ne lui font pas grief.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la société DG Holidays contre la société MT, l'arrêt rendu le 4 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.