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Décisions

Cass. com., 19 octobre 2022, n° 21-21.378

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Terumo France (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Darbois

Rapporteur :

M. Blanc

Avocats :

SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Alain Bénabent, SCP Alain Bénabent

T. com. Versailles, du 8 mars 2019, n° 2…

8 mars 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 juin 2021), revendiquant le statut d'agent commercial au titre d'un contrat conclu avec la société Terumo France (la société Terumo), [P] [X] l'a assignée afin d'obtenir le paiement de commissions dues au titre de l'année 2017 pour la commercialisation de systèmes de fermetures artérielles, dits « VCD », l'accès aux documents lui permettant d'établir ses factures concernant la commercialisation de ces produits pour la période de janvier 2018 à septembre 2019 et l'indemnisation du préjudice moral causé par la remise en cause de son statut d'agent commercial.

2. [P] [X] étant décédé, ses héritiers, Mme [Y] [C] et MM. [F] et [S] [I] sont intervenus volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société Terumo fait grief à l'arrêt de dire que le contrat litigieux est un contrat d'agent commercial soumis aux dispositions des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce, alors « que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; qu'en l'espèce, pour décider que le contrat conclu entre la société Terumo et [P] [X] était un contrat d'agent commercial, la cour d'appel a énoncé que la "lecture du contrat fait […] apparaître que les parties ont très clairement entendu conclure un contrat d'agent commercial soumis aux dispositions spécifiques du code de commerce" et que, "même à supposer, comme le soutient la société Terumo, que la mission confiée à M. [X] ne comporte pas celle, cependant déterminante du statut d'agent commercial, de négocier les contrats et les prix, rien n'interdisait aux parties, y compris dans l'hypothèse d'une simple relation de "promotion commerciale", de soumettre leurs relations aux dispositions plus favorables du statut des agents commerciaux, cette volonté clairement exprimée devant alors prévaloir sur le contenu même des prestations réalisées par M. [X], de sorte qu'il n'y a pas lieu de rechercher quelle était la teneur exacte de ces prestations" ; qu'en se déterminant par de tels motifs, sans vérifier les conditions dans lesquelles l'activité était effectivement exercée par [P] [X], la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 134-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 134-1 du code de commerce :

4. L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.

5. Pour juger que le contrat litigieux est un contrat d'agence commerciale, l'arrêt relève d'abord que ce contrat est intitulé « contrat d'agence commerciale exclusive », que [P] [X] y est désigné comme un agent commercial au sens de l'article L. 134-1 du code de commerce et que les parties y déclarent expressément soumettre leur relation aux dispositions applicables du code de commerce, lesquelles sont citées à plusieurs reprises. Il retient ensuite que la lecture de ce contrat fait apparaître que les parties ont très clairement entendu conclure un contrat d'agent commercial soumis aux dispositions spécifiques du code de commerce. Il retient enfin que rien n'interdisait aux parties, y compris dans l'hypothèse d'une simple relation de promotion commerciale, de soumettre leurs relations aux dispositions plus favorables du statut des agents commerciaux, cette volonté clairement exprimée devant alors prévaloir sur le contenu même des prestations réalisées par [P] [X], de sorte qu'il n'y avait pas lieu de rechercher quelle était la teneur exacte de ces prestations.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher les conditions dans lesquelles [P] [X] exerçait effectivement son activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Terumo fait grief à l'arrêt de juger qu'il existait un accord tacite de sa part à compter du 16 janvier 2017 pour confier à [P] [X] la représentation des nouveaux produits de la gamme VCD, alors « que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé, d'un côté, que le courriel adressé le 4 avril 2017 par la société Terumo à [P] [X] confirmait que "la société Terumo devait confier à M. [X] la promotion des produits VCD, sous réserve de la signature d'un avenant ", ce dont il résultait qu'en l'absence de signature de cet accord, les parties en étaient toujours au stade des pourparlers concernant une éventuelle extension du contrat les unissant aux produits en cause, et d'un autre côté que devait être constatée "l'existence d'un accord tacite de la société Terumo pour confier à M. [X] la représentation des produits de la gamme VCD à compter du 16 janvier 2017" ; qu'en statuant par de tels motifs, manifestement contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.

9. Pour juger qu'il existait un accord tacite de la société Terumo pour confier à [P] [X] la représentation des nouveaux produits de la gamme VCD à compter du 16 janvier 2017, l'arrêt, après avoir retenu qu'il résulte d'un courriel adressé le 4 avril 2017 à son comptable par la société que celle-ci devait alors confier à [P] [X] la promotion des produits VCD sous réserve de la signature d'un avenant, retient ensuite qu'au regard des relations entretenues entre les parties tout au long de l'année 2017, la société Terumo a bien confié à [P] [X] la représentation de ces produits à compter du 16 janvier 2017.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt jugeant que le contrat litigieux est un contrat d'agence commerciale et qu'il existait un accord tacite de la société Terumo pour confier à [P] [X] la représentation des nouveaux produits de la gamme VCD à compter du 16 janvier 2017 entraîne la cassation des chefs de dispositif condamnant la société Terumo à payer à [P] [X] une certaine somme au titre de commissions sur les produits VCD et une autre à titre d'indemnisation de son préjudice moral, ordonnant à la société Terumo de donner accès à tout document concernant les commandes de produits VCD sur la période du 1er janvier 2018 au 30 septembre 2019 et rejetant tout autre demande des parties, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée