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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 30 juin 2010, n° 09/08875

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mermet Gestion (SCI)

Défendeur :

Speedy France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gaboriau

Conseillers :

Mme Imbaud-Content, Mme Porcher

Avoués :

SCP Hardouin, Me Huyghe

Avocats :

Me Chotald, Me Poidatz-Kerjean

TGI Bobigny, du 4 mars 2009, n° 08/08722

4 mars 2009

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 5 février 1996, la SCI MERMET GESTION a donné à bail à la SA SPEEDY FRANCE un bâtiment indépendant à usage d'activités situé [...] pour une durée de neuf années et moyennant un loyer annuel en principal hors taxes de 204 000 F.

Le 4 février 2005, la SAS SPEEDY FRANCE a notifié à la SCI MERMET GESTION une demande en renouvellement du bail.

Le 28 juin 2005 la SCI MERMET GESTION a fait signifier à la SAS SPEEDY FRANCE son accord sur le principe du renouvellement du bail en réclamant toutefois une augmentation du loyer à 4 850 € HT par mois ainsi que la prise en charge de la taxe foncière.

Le 26 septembre 2006, la SCI MERMET a fait délivrer à la SAS SPEEDY FRANCE un commandement de payer la somme de 22 964 € au titre de la taxe foncière des années 2002 à 2006 en visant la clause résolutoire insérée au bail et l'article 145-17.1 du code de commerce.

Le 16 octobre 2006, la SAS SPEEDY FRANCE a formulé des protestations à l'encontre de ce commandement et a réglé, sous réserve de ses droits, les causes de celui-ci.

Le 1er juillet 2008, la SAS SPEEDY FRANCE a fait assigner la SCI MERMET GESTION devant le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY en nullité du commandement et en remboursement des sommes versées au titre de la taxe foncière.

Par jugement rendu le 4 mars 2009, le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY a déclaré nul et de nul effet le commandement de payer du 26 septembre 2006, ordonné la restitution par la SCI MERMET à la société SPEEDY de la somme de 34 967 € correspondant aux taxes foncières indûment payées, exercice 2008 inclus avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision, débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné la bailleresse aux dépens et au paiement de la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles.

Le 14 avril 2009, la société MERMET GESTION a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses conclusions signifiées et déposées le 4 juin 2009, la SCI MERMET GESTION fait valoir que conformément aux articles 7 et 8 du bail dont elle n'a pas renoncé à se prévaloir, la locataire est redevable de la taxe foncière.

Elle sollicite la réformation du jugement déféré en toutes ses dispositions, le débouté de la SA SPEEDY FRANCE de ses demandes en annulation des effets du commandement du 26 septembre 2006 et en restitution des sommes payées au titre de la taxe foncière ainsi que la condamnation de cette dernière en tous les dépens de première instance et d'appel et à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées et déposées le 12 janvier 2010, la SA SPEEDY FRANCE fait valoir que les dispositions de la convention locative n'opèrent en aucun cas un transfert de charge de la taxe foncière sur le preneur et invoque, en tout état de cause, la renonciation valant novation du bailleur à la lui répercuter ainsi que le caractère abusif du commandement de payer.

Elle demande de confirmer le jugement déféré sauf à condamner le bailleur à lui restituer la somme de 6 922 € au titre de la taxe foncière 2009, au versement des intérêts légaux sur la somme de 41 889 € à compter des dates de paiement des taxes litigieuses avec capitalisation des intérêts échus pour plus d'une année entière ainsi que de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts et de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Les parties peuvent convenir de mettre à la charge du preneur le paiement de la taxe foncière qui incombe normalement au propriétaire des lieux loués qui en est le redevable légal par une disposition expresse et exempte de toute ambiguïté dès lors qu'il s'agit d'une clause exorbitante de droit commun.

En l'espèce, l'article 7-7 du bail stipule que le preneur acquittera exactement, à compter du jour de son entrée en jouissance l'ensemble des impôts, contributions et taxes, créés ou à créer frappant les lieux loués, notamment les taxes de balayage, d'éclairage, de police et de voirie ainsi que la taxe professionnelle. Il fera exécuter à ses frais tous travaux d'entretien, quelles qu'en soit l'importance et la nature, de sorte qu'en toute hypothèse, le loyer sera fixé perçu net de toutes charges quelconques, à la seule exclusion des impôts susceptibles de grever les revenus de la location.

La généralité de l'expression l'ensemble des impôts, contributions et taxes, créés ou à créer frappant les lieux loués ne permet pas de considérer que la taxe foncière qui, ne figure pas parmi l'énumération des taxes notamment visées, est expressément mise à la charge du preneur.

Il en est de même pour la formule selon laquelle le loyer sera fixé perçu net de toutes charges quelconques qui se rattache aux charges d'entretien.

L'article 8 stipule que le preneur s'engage à satisfaire à toutes les charges de ville de police et de voirie ou autres taxes nationales, régionales, départementales, municipales ou autres, de quelque nature que soient ces charges, de manière à ce que le bailleur ne soit jamais inquiété à cet égard et notamment à acquitter toutes contributions personnelles et mobilières, taxes locatives, taxe professionnelle et plus généralement, tous autres impôts et taxes dont le bailleur pourrait être responsable à un titre quelconque, de manière que le loyer perçu par le bailleur soit net et franc de tous frais quelconques.

Il ne constitue qu'un rappel des impôts, taxes et charges incombant personnellement à tout locataire commerçant et l'engagement d'acquitter plus généralement, tous autres impôts et taxes dont le bailleur pourrait être responsable à un titre quelconque, ne peut s'assimiler aux impôts et taxes dont le bailleur pourrait être redevable et l'expression de manière que le loyer perçu par le bailleur soit net et franc de tous frais quelconques ne vise que les frais.

Aucune disposition du contrat de bail du 5 février 1996 ne met ainsi expressément et sans ambiguïté l'impôt foncier à la charge du preneur.

Par ailleurs, la condition de prise en charge de la taxe foncière dont le bailleur a expressément assorti son accord de principe sur le renouvellement du bail, l'absence de toute demande en paiement d'une telle taxe avant le commandement de payer du 26 septembre 2006 et la lettre adressée le 16 mars 2005 à la SAS SPEEDY FRANCE par Maître DALMAIS, notaire de la bailleresse, indiquant que dans le contrat d'origine, le locataire supportait la taxe foncière et que cette clause n'a pas été reprise lorsque vous avez signé un nouveau bail en 1996 avec Madame MERMET sont de nature à établir la commune intention des parties, lors de la conclusion du bail du 5 février 1996, de ne pas mettre la taxe litigieuse à la charge du preneur.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à actualiser le montant des sommes à restituer en l'état des versements effectués par le preneur au titre de la taxe foncière, suite au commandement de payer et sous réserve de ses droits, de 1997 à 2009 soit un total de 41 889 €, à faire courir les intérêts légaux à compter des dates de paiement des taxes litigieuses et de faire droit à la demande en capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant en dernier ressort

I - Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré nul et de nul effet le commandement de payer et a ordonné la restitution des taxes foncières indûment payées.

II - Condamne la SCI MERMET GESTION à restituer à la SAS SPEEDY FRANCE outre la somme de 34 967 €, 6 922 € au titre de la taxe foncière afférente à l'exercice 2009.

III - Condamne la SCI MERMET GESTION au paiement des intérêts au taux légal à compter des dates de paiement des taxes foncières par la SAS SPEEDY.

IV - Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de la première demande en justice de ce chef.

V - Condamne la SCI MERMET GESTION aux dépens qui seront recouvrés sur sa demande par Maître HUYGHE conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la SAS SPEEDY FRANCE la somme de 3 000 € en application de l'article 700 de ce même code.