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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 2, 16 septembre 2021, n° 20/00131

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Hopimmo (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bolteau-Serre

Conseillers :

Mme Tuffreau, M. Le Pouliquen

T. com. Lille, du 27 nov. 2019, n° 20180…

27 novembre 2019

EXPOSE DU LITIGE

Le 13 décembre 2016 la société Hopimmo faisait l'acquisition d'un immeuble dans lequel d'importants travaux de rénovation devaient être réalisés.

Le 30 juin 2017, un contrat d'entreprise générale de travaux était conclu entre les sociétés D. euroéquip et Hopimmo pour un budget définitif de 3 116 448,42 euros HT.

Ce contrat prévoyait le règlement par Hopimmo d'un acompte de 200 000 euros HT, à payer le 13 juillet 2017.

Le 31 août 2017, Hopimmo réglait 100 000 euros sur cette facture d'acompte.

Le démarrage des travaux était planifié au 1er septembre 2017, sous réserve que l'ordre de service émanant de la société Hopimmo soit transmis à D. euroéquip dès le 30 juin 2017. L'ordre de service a été émis à cette date.

Le 20 mars 2017, Hopimmo déposait une demande de permis de construire. Ce permis fut refusé, ce qui amenait Hopimmo à déposer une nouvelle demande le 25 octobre 2017. Ce permis fut accordé le 12 avril 2018.

Le 17 octobre 2017, Hopimmo proposait à D. euroéquip un avenant au contrat du 30 juin 2017 afin de modifier les dates d'intervention et fixait le démarrage des travaux au 1er juin 2018, la transmission de l'ordre de service intervenant le lendemain de l'obtention du permis de construire.

Le 6 novembre 2017, la société D. euroéquip refusait de signer cet avenant aux motifs d'une part, que le report de près d'un an du début des travaux engendrait des coûts supplémentaires par rapport au montant défini dans le contrat du 30 juin 2017 et d'autre part, qu'elle devait disposer d'un délai minimum de deux mois après la réception de l'ordre de service avant de commencer les travaux, afin de pouvoir s'organiser avec ses prestataires et fournisseurs.

Le 27 novembre 2017, la société Hopimmo mettait un terme à la poursuite du contrat.

Suite à cette rupture D. européquip réclamait le paiement de la somme de 1 378 559,79 euros HT, acompte déduit, au titre d'une indemnisation de cette rupture.

Faute de trouver un accord amiable avec la société Hopimmo, la société D. Européquip l'assignait le 09 juillet 2018 devant le tribunal de commerce de Lille Métropole.

Par jugement du 27 novembre 2019, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- dit que le contrat du 30 juin 2017 constitue un marché à forfait

- dit que la rupture dudit contrat du fait de la société Hopimmo est fautive

- condamné la société Hopimmo à payer à la société D. européquip la somme de 653 374,29 euros

- débouté la société D. européquip de sa demande au titre de la clause pénale

- débouté la société Hopimmo de ses demandes au titre d'une perte de chance et d'un préjudice moral

- condamné la société Hopimmo à payer à la société D. européquip la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société Hopimmo aux entiers frais et dépens de la présente instance, taxés et liquidés à la somme de 73,24 euros en ce qui concerne les frais de greffe

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du présent jugement

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires.

La société Hopimmo a formé appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions susvisées, elle demande à la cour d'appel de :

- débouter purement et simplement la société D. européquip de l'ensemble de ses demandes, fins et écritures et ce faisant de son appel incident.

- réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 27 Novembre 2019,

- ce faisant et statuant à nouveau :

- dire et juger que le contrat conclu le 30 juin 2017 entre les parties ne peut être qualifié de marché forfaitaire.

- à titre principal, dire et juger que la société Hopimmo a valablement mis en oeuvre la faculté de résiliation fondée sur les stipulations de l'article 5 du contrat.

- en conséquence, dire et juger que la société D. européquip n'aurait droit qu'au montant des prestations déjà exécutées ou engagées conformément au contrat.

- constater que la société D. euroéquip ne justifie pas du principe ni du quantum de celles- ci.

- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- subsidiairement, si la qualification de marché forfaitaire était retenue par la cour et la faculté de résiliation sur le fondement de l'article 5 du contrat écartée,

- dire et juger que les parties ont entendu déroger aux dispositions de l'article 1794 du code civil et considérer que la société Hopimmo apparaît bien fondée à exciper de la faculté de résiliation unilatérale prévue contractuellement sous forme de dédit à l'article 9- 2 du contrat

- dire et juger que la société D. européquip est en droit de solliciter sur ce fondement la somme de 155 822,42 euros, laquelle devra nécessairement faire l'objet d'une compensation avec la somme de 100 000 euros HT versée par la concluante.

- en conséquence, dire et juger que le montant dû à la société D. européquip ne saurait être supérieur à 55 822,42 euros.

- de manière infiniment subsidiaire, constater, dire et juger que la société D. européquip succombe dans la charge de la preuve qui lui incombe s'agissant du principe et des montants des préjudices réclamés.

- débouter la société D. européquip de toutes prétentions contraires aux présentes.

- reconventionnellement, condamner la société D. européquip à verser la somme de 264 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la perte de chance de négocier une opération à un meilleur prix, outre une somme de 50 000 euros pour préjudice moral.

- ordonner la compensation entre les sommes auxquelles la concluante pourrait être tenue, celles déjà versées au titre du marché concerné et celles auxquelles la société D. européquip serait condamnée.

- condamner la société D. européquip à verser à la concluante la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens avec distraction au profit de la SCP Processuel.

Aux termes de ses conclusions susvisées, la société D. européquip demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 27 novembre 2019 en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de la société Hoppimo et l'a débouté de sa demande reconventionnelle.

- d'infirmer le jugement dont appel au titre du quantum de préjudices retenus et de condamner la société Hoppimo à verser à la société D. européquip la somme de 1 378 259,79 euros HT au titre des préjudices selon le décompte s'établi comme suit :

- au titre des dépenses engagées : 294 009,79 euros HT ;

- au titre du manque à gagner : 1 184 250 euros HT ;

- au titre de l'indemnité de 5 % prévue au contrat : 186 986 euros

soit un total de : 1 565 245,79 euros HT.

- à déduire le règlement effectué par la société Hopimmo : 100 000 euros HT

- y ajouter que cette somme portera intérêt légal à compter de l'acte introductif d'instance avec anatocisme

- y ajouter la condamnation à verser de 15 000 euros au titre du préjudice moral subi D. européquip compte tenu du comportement fautif et de mauvaise foi de la société Hopimmo

- condamner la société Hopimmo à verser à la société D. européquip la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Hopimmo aux entiers dépens de l'instance.

EXPOSE DES MOTIFS

I) Sur la qualification de marché à forfait du contrat conclu entre la société Hopimmo et la société D. européquip

Aux termes des dispositions de l'article 1793 du code civil : « Lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main- d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire. »

Aux terme du contrat conclu entre la société Hopimmo et la société D. Européquip :

'2. objet du contrat :

2.1 introduction

Le client souhaite faire la rénovation d'un ensemble de bâtiments destinés à usage de bureaux situé à [...].

En conséquence, le client a consulté différentes entreprises. La société D. Euroéquip a répondu par la production de prestations chiffrées (cf devis n°D04778V3, D04790V3, D04793V3, D04795V3, D04796V3 ci annexés et réputés indissociables), ci après dénommés « le programme ».

2.2 Budget

Le montant de l'investissement des travaux maximum budgété par le client est de 3 116 448,42 euros HT. Ce budget étant révisable à tout moment par le client en fonction des modification apportées sur le programme dans les conditions annoncées dans l'article intitulé « modification du programme ».

En réponse, la société D. Européquip a émis plusieurs devis ci- annexés pour un montant total de 3 116 448,42 euros HT.

La société D. Euroéquip s'engage à ne pas dépasser le budget ci- dessus fixé pour les prestations incluses dans le programme. Ceci est une condition essentielle du présent contrat sans laquelle le client n'aurait pas contracté, ce que la société D. Euroéquip reconnaît expressément.'

Le contrat conclu entre la société Hopimmo et la société D. Européquip ne prévoit pas un prix forfaitaire dont l'entreprise ne peut demander l'augmentation mais un budget maximum que la société D. Européquip s'engage à ne pas dépasser.

La sanction du dépassement de budget prévu au contrat réside dans la résiliation du contrat de plein droit à l'initiative du client et non dans l'obligation pour l'entrepreneur de supporter la charge du dépassement. Ainsi l'article 9.2 du contrat résiliation pour faute prévoit : « (') En cas de dépassement du budget fixé à l'article 2.2 des présentes concernant la réalisation du programme non justifié par une modification du programme à l'initiative du client, ou en cas de force majeur et sauf accord contraire formalisé par écrit, le client pourra demander de plein droit et sans mise en demeure préalable, si bon lui semble, la résolution du présent contrat. Le paiement des prestations déjà réalisées et/ou engagées restant dues, s'il y a lieu, toutes les sommes versées en sus devront être remboursées au client ou faire l'objet d'une compensation. La société D. européquip devra en outre au client, à titre de clause pénale, une somme égale à 5% du montant total de la prestation en cause. »

En conséquence, le contrat conclu entre la société Hopimmo et la société D. européquip n'est pas un marché à forfait.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

II) Sur la résiliation du contrat

Le marché conclu entre les parties n'étant pas un marché à forfait, les dispositions de l'article 1794 du code civil ne lui sont pas applicables.

Par lettre du 27 novembre 2017, la société Hoppimo, invoquant les dispositions de l'article 5 du contrat a prononcé la résiliation du contrat.

Aux termes des dispositions de l'article 5 du contrat : « Dans l'hypothèse où un défaut d'autorisation administrative surviendrait en cours de chantier empêchant l'exécution de prestations et travaux, il est entendu que le client ne sera redevable que des prestations réalisées et/ou engagées et pourra mettre fin à l'exécution du programme impacté par ce défaut et cela sans pénalité.

Le client n'étant obligé que du paiement du montant des prestations déjà exécutées et/ou engagées et non celles à venir ».

La société Hopimmo fait valoir que le défaut d'autorisation administrative est caractérisé dans la mesure où elle n'a pu obtenir le permis de construire requis.

Contrairement à ce que soutient la société D. européquip, l'autorisation administrative visée à l'article 5 du contrat vise le permis de construire nécessaire à la réalisation des travaux, peu important que le contrat n'ait pas été conclu sous condition suspensive de l'obtention du permis de construire. De plus, le fait que la demande de permis de construire du 20 mars 2017 lui ait été communiquée et qu'un ordre de service ait été établi le 30 juin 2017 pour un démarrage des travaux au 1er septembre 2017 n'interdit pas l'application des dispositions de l'article 5 du contrat.

En revanche, la société D. européquip fait justement valoir que si, à la date du 27 novembre 2017, la demande de permis de construire déposée par la société Hoppimo le 20 mars 2017 avait été rejetée, la société Hopimmo avait déposé une nouvelle demande de permis de construire le 25 octobre 2017. Le permis de construire a été accordé le 12 avril 2018. Il n'est pas contesté que les travaux ont été réalisés par un tiers. Il est justifié de l'affichage de ce permis de construire par une photographie (pièce 24 de la société D. européquip).

En conséquence, si le défaut d'autorisation administrative empêchait temporairement l'exécution des prestations et travaux, cet empêchement temporaire ne justifiait pas la résiliation du contrat conclu entre les parties.

Aux termes des dispositions de l'article 9.2 du contrat conclu entre les parties : « (') En cas de résiliation à l'initiative de l'une des parties qui ne serait pas justifiée par le comportement fautif de l'autre partie, une indemnité égale à 5% du montant du programme restant à réaliser sera due par la par la partie initiatrice. (...) »

En conséquence le contrat prévoit pour chaque partie une faculté de résiliation unilatérale de contrat moyennant une indemnité de résiliation de 5% du montant du programme restant à réaliser. L'indemnité de résiliation est payable en sus des prestations déjà réalisées et/ou engagées. La partie n'étant pas à l'initiative de la résiliation ne peut demander une indemnité supérieure à celle prévue au contrat.

La clause ne constitue pas une clause pénale. En conséquence, les dispositions de l'article 1231- 5 du code civil ne lui sont pas applicables.

La société D. européquip demande à la cour d'appel d'écarter cette clause au motif que son montant serait dérisoire. Il convient à titre préalable de constater que cette clause n'est pas une clause limitant la responsabilité des parties dans l'hypothèse où elle ne respecterait pas leurs obligations mais une clause permettant la résiliation du contrat par chacune des parties moyennant une indemnisation. D'autre part, la clause de résiliation permet la résiliation du contrat à l'initiative des deux parties et non uniquement à l'initiative du maître de l'ouvrage. En outre, elle prévoit une indemnité à la charge de la partie n'étant pas à l'initiative de la résiliation. Le montant de cette indemnité de 5% du montant du programme n'est pas d'une faiblesse telle qu'elle pourrait s'analyser en une absence d'indemnité.

Les dispositions de l'article 9.2 du contrat sont applicables.

La société Hopimmo ayant prononcé la résiliation unilatérale du contrat est tenue de payer à la société D. européquip le montant des prestations déjà réalisées et/ou engagées et une indemnité de 5% du montant du programme restant à réaliser.

La société D. européquip demande le paiement de la somme de 294 009,79 euros HT au titre des dépenses engagées, ce à quoi la société Hopimmo s'oppose arguant du fait que les travaux n'ont pas commencé.

La société Hopimmo s'oppose au paiement du temps passé par la société D. Euroéquip antérieurement à la signature du contrat le 30 juin 2017. S'agissant du temps passé postérieurement à la signature du contrat, elle fait valoir qu'il n'en est pas justifié utilement et que seuls les travaux effectivement réalisés en application du marché peuvent être payés.

En l'espèce, le contrat signé entre les parties mentionne au titre du paragraphe 4. Programme des travaux 4.1 études préliminaires : « La société D. européquip a :

- analysé les demandes du client ainsi que les documents fournis ; les documents ci- dessus énumérés ne définissent pas le contenu du programme. Il est rappelé que le contenu du programme est défini dans l'article 2.1.

-  s'est rendue sur place pour visiter le bâtiment

-  a établi des propositions de prestations chiffrées sous forme de devis (devis ci- annexés dénommés le programme)

-  s'est assurée de la disponibilité des prestataires et des matériaux nécessaires à la prestation dans le respect des délais et moyens à mettre en oeuvre pour la bonne exécution de la prestation.) »

Les prestations réalisées par la société D. européquip pendant la phase dite d'études préliminaires ayant été expressément mentionnées dans le contrat, la société D. européquip peut demander le paiement du temps passé pendant la phase dite d'études préliminaires même si ces prestations n'ont pas été chiffrées dans les devis. Leur coût aurait été couvert par le montant des travaux réalisés si le contrat n'avait pas été résilié à l'initiative de la société Hopimmo.

La société D. européquip estime le temps effectivement passé entre le début des échanges avec la société Hopimmo et la signature du contrat à 2447 heures et le temps passé postérieurement à la signature du contrat à 320 heures.

La société D. européquip justifie de l'organisation des réunions entre la société D. euroéquip, ses sous- traitants, le maître de l'ouvrage et l'architecte avant la signature du contrat. De plus, elle justifie avoir élaboré plusieurs devis.

Postérieurement à la signature du contrat et des ordres de service, elle a communiqué un planning prévisionnel à la société Hopimmo.

La société D. euroéquip fait valoir avoir établi de nombreux plans, ce qui est contesté par la société Hopimmo qui fait valoir avoir confié la réalisation de plans à la société Geolys. La société Hopimmo produit une facture de cette société, datée du 18 juillet 2016. Cependant, la société D. européquip produit plusieurs plans différents portant le cartouche de la société D. européquip annexés à ses différents devis ce qui établit qu'elle a réalisé des plans pendant le cours de l'élaboration du projet, même si ces plans ont pu être réalisés à partir de ceux établis par la société Geolys.

La durée réelle des heures passées sur le dossier Hopimmo n'est pas justifiée. En effet, le temps passé par chacun des intervenants sur le dossier est mentionné dans un tableau établi par la société D. européquip signé de l'expert-comptable de la société. Cependant, l'expert-comptable ne peut justifier du temps effectivement passé par le personnel de l'entreprise sur un dossier particulier.

Le coût des prestations réalisées par la société D. européquip sera évalué à la somme de 125 000 euros HT.

La société Euroéquip sera condamnée au paiement de cette somme.

L'indemnité de 5% du coût des travaux restant à réaliser sera calculée sur la somme de 3 116 448,42 euros HT- 125 000 euros=2 991 448, 42 euros soit 149 572,42 euros.

La société Hopimmo sera condamnée au paiement de la somme de 149 572,42 euros au titre de l'indemnité de résiliation.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

III) Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de la société Hopimmo

La société Hopimmo demande la condamnation de la société D. européquip à lui payer la somme de 264 000 euros au titre de la perte de chance de négocier une opération à un meilleur prix. Elle demande également le paiement de la somme de 50 000 euros pour préjudice moral.

Elle fait valoir que la société D. européquip avait initialement établi un budget de travaux d'un montant de 2 076 038 euros HT à la suite duquel elle a formé une offre d'acquisition de l'ensemble immobilier d'un montant de 7 300 000 euros. Après avoir chiffré un budget de travaux de l'ordre de 2 000 000 euros pendant plusieurs mois, elle a finalement porté celui- ci quelques jours après la vente à 2 500 000 euros pour aboutir finalement à plus de 3 000 000 euros.

Elle estime que la société D. européquip a manqué à son obligation de conseil à son égard et qu'elle aurait pu obtenir un prix de vente inférieur si le montant des travaux avait été initialement évalué à la somme de 3 000 000 euros.

Contrairement à ce que fait valoir la société D. européquip, la société Hopimmo a effectivement déposé son offre le 12 mai 2016 après avoir pris connaissance d'un chiffrage du budget travaux de la société D. européquip du 11 mai 2016 (pièce Hopimmo 5). Ce chiffrage a été confirmé par le dossier descriptif des prestations prévues dans la pré- étude avant travaux daté du 24 juin 2016 et dans son devis communiqué le 30 août 2016. La présentation du budget travaux du 30 août 2016 mentionnait que « l'étude a été réalisée sans RICT. Celui- ci devra être transmis pour consultation et mise à jour éventuelle de notre offre fonction des remarques qui pourraient être faites par le bureau de contrôle ».

Postérieurement à la vente, le 15 décembre 2016, la société D. européquip a communiqué à la société Hopimmo un devis complémentaire de 530 836,36 euros HT. Ce devis réalisé à la suite d'une réunion avec la Socotec et l'obtention du RICT du 12 décembre 2016, a pour objet de « répondre aux règlementations incendie et ERP ».

De nouveaux devis ont été établis postérieurement pour tenir compte des spécificités du nouveau preneur prévu par la société Hopimmo : l'ENAP (pièces D. européquip 94 à 100) ce qui a conduit à une augmentation du prix de 500 000 euros.

Le défaut d'information et de conseil de la société D. européquip sur le prix réel des prestations aurait été commis selon la société Hopimmo avant la signature du contrat la liant à la société D. européquip. Bien que les sociétés ne soient pas liées par un contrat à cette époque la société D. européquip était effectivement tenue d'une obligation d'information et de conseil à l'égard de son interlocuteur. Il convient cependant de constater que le dossier accompagnant les devis communiqués par la société D. européquip le 30 août 2016 mentionnait le fait que « l'étude a été réalisée sans RICT. Celui- ci devra être transmis pour consultation et mise à jour éventuelle de notre offre fonction des remarques qui pourraient être faites par le bureau de contrôle ». Un devis complémentaire a effectivement été établi sur la base des remarques du bureau de contrôle. De plus, une augmentation de 500 000 euros du devis est lié aux spécificités du nouveau preneur. En conséquence, la preuve du défaut d'information et de conseil commise par la société D. avant la signature du contrat n'est pas établie.

En outre, le contrat conclu le 30 juin 2017 fait état au titre des études préliminaires des démarches effectuées par la société D. européquip avant la signature du contrat et fixe le budget maximum des travaux à la somme de 3 116 448,20 euros. Il en résulte que la société Hopimmo a accepté contractuellement le budget des travaux tel qu'il résulte des derniers devis.

La société Hopimmo sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour perte de chance et de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

IV) Sur la demande en dommages et intérêts de la société Hopimmo au titre de son préjudice moral

La résiliation du contrat a été prononcée par la société Hopimmo à la suite d'échanges avec la société D. européquip portant sur le report de la date de début des travaux compte tenu du rejet de la première demande de permis de construire et le refus de la société Hopimmo de modifier le montant du devis tel que sollicité par la société D. européquip pour tenir compte du report des débuts des travaux d'une année.

La résiliation unilatérale du contrat par l'une des parties est expressément prévue au contrat. La résiliation prononcée par la société Hopimmo n'est pas abusive.

V) Sur la compensation

Les condamnations prononcées à l'encontre de la société Hopimmo se compenseront avec l'acompte de 100 000 euros HT versée par la société Hopimmo.

VI) Sur les intérêts

Les condamnations prononcées à l'encontre de la société Hopimmo porteront intérêts au taux légal à compter du 09 juillet 2018, date de l'assignation en justice.

La société D. européquip n'a pas demandé la capitalisation des intérêts devant le tribunal. Elle l'a demandée pour la première fois devant la cour d'appel par conclusions déposées le 09 juillet 2020.

En conséquence, les intérêts échus dus pour une année entière porteront eux même intérêts à compter du 09 juillet 2020, date de la demande en justice.

VII) Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Succombant partiellement à l'appel, la société Hopimmo sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la société D. européquip la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Hopimmo de ses demandes au titre d'une perte de chance et d'un préjudice moral ; condamné la société Hopimmo à payer à la société D. européquip la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la société Hopimmo aux entiers frais et dépens de la présente instance, taxés et liquidés à la somme de 73,24 euros en ce qui concerne les frais de greffe ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

- DIT que la contrat conclu le 30 juin 2017 entre la société Hopimmo et la société D. européquip n'est pas unmarchéà forfait ;

- CONDAMNE la société Hopimmo à payer à la société D. européquip :

- la somme de 125 000 euros HT au titre des prestations effectuées

- la somme de 149 572,42 euros au titre de l'indemnité de résiliation

- DIT que ces condamnations se compenseront avec l'acompte de 100 000 euros HT payé par la société Hopimmo ;

- DIT que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 09 juillet 2018 ;

- DIT que les intérêts échus dus pour une année entière porteront eux même intérêts à compter du 09 juillet 2020, date de la demande en justice ;

- DEBOUTE la société D. européquip de sa demande en dommages et intérêts ;

- CONDAMNE la société Hopimmo à payer à la société D. européquip la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel ;

- DEBOUTE la société Hopimmo de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la société Hopimmo aux dépens d'appel.