Livv
Décisions

Cass. crim., 3 juin 2004, n° 03-81.704

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Samuel

Avocat général :

M. Mouton

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Aix-en-Provence, du 12 févr. 2003

12 février 2003

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 441-1 du Code pénal, 121-3 du même Code, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, infirmant le jugement déféré, a déclaré Jean-Michel X... coupable de faux ;

"aux motifs que Gérard Y..., ayant perdu l'original de son contrat d'engagement, en a demandé une copie à Jean-Michel X..., précédent syndic de la copropriété, qui était à l'origine de son embauche ;

que ce dernier, ne retrouvant qu'une pelure dans ses archives, l'a recopiée in extenso, a porté la date d'origine et a signé le nouveau document établi (...) ;

qu'il ressort des faits ainsi exposés que ce document constitue un faux matériel ; que Jean-Michel X... et Gérard Y... ont ainsi fabriqué une preuve destinée à se substituer à un contrat écrit dont ils ne retrouvaient pas la trace, et que, même si ce document est conforme à l'original, le fait de forger cette pièce en vue de sa production en justice constitue le délit de faux susceptible de porter préjudice à autrui ; que le délit est dès lors constitué ;

"alors, d'une part, que le faux ne peut exister en l'absence d'une altération de la vérité atteignant la substance même de l'écrit, élément constitutif essentiel du délit ; qu'en l'espèce il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'acte argué de faux reproduit, sans altération de la vérité, la pelure de l'acte d'origine, que le prévenu a "recopié in extenso" ; que la seule circonstance que Jean-Michel X... ait dupliqué l'acte d'origine postérieurement à sa création, sans le mentionner, n'altère en rien la substance de l'écrit ; qu'ainsi, faute d'avoir caractérisé une quelconque altération de la vérité du contenu et de la substance de l'écrit original que Jean-Michel X..., qui en était aussi le rédacteur d'origine, s'est borné à reproduire à l'identique, l'arrêt attaqué n'a pas justifié sa décision ;

"alors, d'autre part, que le faux suppose en outre que l'altération de la vérité punissable soit de nature à causer à autrui un préjudice au moins éventuel ; qu'en l'espèce l'arrêt n'a pas justifié en quoi la reproduction à l'identique, par son signataire d'origine, d'un document en tout point conforme à l'original, et dont Jean-Michel X... disposait du double et pouvait attester de l'existence, était susceptible de porter préjudice à autrui, dès lors que l'acte reflétait exactement la situation juridique de son bénéficiaire ; qu'au demeurant la preuve de cette situation avait été rapportée, et que l'acte ne saurait donc être considéré comme ayant été forgé pour créer une apparence et servir de preuve au préjudice d'autrui ou en fraude des droits d'autrui ; que le Syndicat des copropriétaires était donc sans intérêt à se prévaloir de la "fausseté" formelle du contrat litigieux ;

"alors, enfin, que l'altération de la vérité dans un document n'est, de surcroît, punissable que si elle est frauduleuse ; qu'il ne résulte d'aucun élément de l'espèce que Jean-Michel X... ait agi en ayant conscience de faire un faux de nature à causer un préjudice, ni davantage qu'il ait eu l'intention de nuire, cette intention étant expressément et précisément exclue par la disposition de l'arrêt relative à la peine ; que, en cet état, l'arrêt, qui a statué par motifs contradictoires, n'a pu caractériser l'intention frauduleuse, élément indispensable du délit" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par contrat du 24 mars 1993, Jean-Michel X..., syndic d'immeuble, a conclu, en tant que représentant du syndicat des copropriétaires de la résidence Le Cap Vert un contrat de travail avec Gérard Y..., ; qu'ayant été licencié à la suite d'un changement de syndic, Gérard Y... a introduit une instance prud'homale au cours de laquelle il n'a pu produire l'original du contrat de travail ; que, courant 1997, Jean-Michel X... ayant retrouvé dans ses archives un double du contrat sur pelure, en a recopié le contenu sur une feuille, au bas de laquelle il a, comme Gérard Y..., apposé sa signature ; que le syndicat des copropriétaires s'étant aperçu que ce document, produit au cours de l'instance, portait l'en-tête de la SARL Cabinet X..., alors que Jean-Michel X..., à la date du contrat initial, exerçait sa profession en son nom personnel, a découvert que le document avait été reconstitué ; qu'à l'issue de linformation ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile du syndicat, Jean-Michel X... et Gérard Y... ont été poursuivis pour faux ;

Attendu que, pour les déclarer coupables de ce chef, l'arrêt énonce que le document constitue un faux matériel et que le fait de fabriquer une pièce destinée, fut-elle conforme à l'original, à se substituer à un contrat écrit dont ils ne retrouvaient pas la trace, en vue de sa production en justice, à titre de preuve, constitue le délit de faux de nature à porter préjudice à autrui ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent en tous ses éléments l'infraction de faux, la cour d'appel, qui a pu, sans se contredire, pour motiver la dispense de peine, constater l'absence d'intention de nuire, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.