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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 5 mai 2022, n° 19/03494

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poirel

Conseillers :

M. Desalbres, Mme Leques

TGI Bordeaux, 7e ch., du 22 mai 2019, n°…

22 mai 2019

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Mme Vanina C. et M. Marc A. ont, selon devis accepté du 8 octobre 2014, confié à M. Rémi C. la réalisation du lot électricité dans le cadre de la construction d'une maison individuelle située au [...].

Se plaignant de n'avoir pas été intégralement réglé du solde de ses prestations pour un montant de 9 360,75 euros TTC, M. C. a, suivant acte d'huissier du 11 mai 2016, saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux d'une action en paiement dirigée contre Mme C. et M. A..

L'ordonnance du 16 décembre 2016 rendue par le juge de la mise en état a fait droit à la demande d'expertise judiciaire présentée par M. C. et désigné M. Joël B. pour y procéder.

Le rapport de ce dernier a été déposé le 7 avril 2018.

Par jugement contradictoire du 22 mai 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- condamné solidairement M. A. et Mme C. à payer à M. C. les sommes de :

- 6 855,01 euros TTC au titre du solde de travaux après compensation, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2016 ;

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. C. du surplus de ses demandes ainsi que de sa demande en dommages et intérêts ;

- débouté M. A. et Mme C. de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamné solidairement M. A. et Mme C. aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- rejeté toutes demandes plus amples ou contraire.

M. A. et Mme C. ont relevé appel de cette décision le 21 juin 2019.

Par ordonnance du 23 juin 2021, la présidente chargée de la mise en état de la deuxième chambre civile de la cour d'appel de Bordeaux a :

- prononcé la radiation de l'incident formé par M. C. ;

- dit que l'instance fera l'objet d'une fixation à la première date ;

- condamné M. C. aux dépens de l'incident.

Dans leurs dernières conclusions du 20 septembre 2019, M. A. et Mme C. sollicitent l'entière réformation du jugement attaqué et demandent à la cour ;

- de les déclarer recevables et bien fondés en leur action ;

- de débouter en conséquence M. C. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- de dire et juger qu'ils sont débiteurs, à l'égard de M. C., de la somme de 1 665,51 euros, au titre des travaux réalisés ;

- de condamner M. C. au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ;

- d'ordonner la compensation entre ces sommes ;

En conséquence :

- de condamner M. C. à leur régler la somme de 8 334,49 euros ;

- de condamner M. C. aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise, ainsi qu'à leur verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font notamment valoir que :

- par devis accepté n°DC0015 en date du 8 octobre 2014, ils ont confié à M. C. le lot 'électricité' concernant la construction de leur maison d'habitation pour un montant de 16 987,90 euros HT ; ce devis a été établi sans individualisation du prix ; aucun prix unitaire, aucun métré, aucune main d'oeuvre ne figure sur ce devis ; il s'agit d'un marché à forfait en ce qu'il s'agit d'un marché conclu directement entre l'entrepreneur et les maîtres d'ouvrage, le devis contient une description des travaux à réaliser, il s'agit de travaux de bâtiment et le prix indiqué est forfaitaire et global ; le devis décrit très précisément les travaux prévus pour le lot électricité et qu'un plan d'implantation a été établi entre les parties ;

- aux termes du rapport de M. B. ont été constatés des travaux non réalisés conformément aux devis et des travaux présentant des malfaçons ou non conformes au devis ;

- concernant la présence d'une gaine électrique de petite section, la cause du désordre est due à un vice de conception par la pose de la canalisation électrique non conforme aux règles de l'art UTE 15 520 réalisé par l'entreprise de M. C. ;

- concernant le désordre dans le local de chaufferie, la cause du désordre est due à une insuffisance dans la direction des travaux par le Maître d'ouvrage ayant la qualité de maître d'oeuvre ; il est également dû à une malfaçon dans l'exécution par l'entreprise CGE M. Rémi C. ;

- concernant les éclairages extérieurs sur la terrasse piscine, M. C. n'a pas réalisé le travail convenu ; M. A. ne s'est nullement comporté en maître d'oeuvre ;

- concernant la présence de trous, non rebouchés, dans le bardage à proximité de trois prises extérieures, l'expert retient que la cause du désordre est due à une mauvaise position des trous de bardage réalisés entre 2 lames par le lot bardage sous la direction du Maître d'ouvrage et qualité de Maître d'oeuvre ;

- ils ne sauraient être considérés comme maîtres d'oeuvre ; M. Da R. était celui qui officiait en qualité de maître d'oeuvre ;

- il n'existe aucun devis de travaux supplémentaires acceptés par eux ; M. C. a établi une facture définitive le 23 juillet 2015, alors même que les travaux n'étaient pas terminés ; dès lors que M. C. qui a refusé de terminer les travaux malgré leurs demandes, il n'était pas fondé à réclamer le règlement définitif de sa facture du 23 juillet 2015 ; il en est de même des deux devis n°DC0031 et DC0032 concernant des travaux supplémentaires ; ils n'ont jamais accepté ces devis ; M. C. étant incapable de respecter ses propres devis, ne saurait réclamer le règlement de factures qui ne sont pas conformes à des devis qui n'ont jamais été au demeurant acceptés par eux ;

- depuis le mois de juillet 2015, ils ne peuvent jouir paisiblement de leur maison d'habitation dont les travaux d'électricité ne sont pas terminés ou ne sont pas conformes; ils sont donc fondés à solliciter l'octroi de dommages et intérêts au titre de la perte de jouissance.

Suivant ses dernières écritures en date du 17 décembre 2019, M. C. demande à la cour de :

- déclarer l'appel de M. A. et Mme C. recevable mais mal fondé ;

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. A. et Mme C. de toutes leurs demandes ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le chantier réalisé par lui ne peut recevoir la qualification de marché à forfait ;

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. A. et Mme C. à lui verser la somme de 6 855,01 euros TTC au titre du solde des travaux après compensation et avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2016 ;

Statuant à nouveau :

- juger que M. A. et Mme C. sont débiteurs, à l'égard de M. C., de la somme de 9 556,61 euros TTC, au titre des travaux réalisés ;

- lui donner acte de son engagement à prendre en charge le coût des travaux de reprise pour un montant total de 1 523,02 euros TTC ;

- ordonner la compensation entre ces sommes ;

Ainsi :

- condamner solidairement M. A. et Mme C. à lui verser la somme de 8 033,59 euros TTC au titre du solde des travaux après compensation et avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2016 ;

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. A. et Mme C. à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

- condamner solidairement M. A. et Mme C. à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté M. C. de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau :

- condamner solidairement M. A. et Mme C. à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de leur résistance abusive ;

Y ajoutant :

- condamner solidairement M. A. et Mme C. à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir relevé appel du jugement rendu de manière abusive et dilatoire ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a mis à la charge de M. A. et Mme C. les entiers dépens de l'instance de première instance, en ce compris les frais d'expertise ;

- condamner solidairement M. A. et Mme C., aux entiers dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait notamment valoir que :

- comme indiqué par l'expert, sur la responsabilité du défaut d'achèvement, il a été relevé que ces travaux n'avaient pas pu être terminés en raison du différend qui était né entre lui et M. A. qui refusait de procéder au paiement de la facture de solde ;

- la gaine électrique extérieure a été posée en attente, elle devait être remplacé à son retour sur le chantier en septembre ; cela n'a pas été fait en raison du différend né entre temps ; la pose de cette gaine ne doit donc être considérée comme non conforme et non comme un désordre caché;

- sur la dépose des lames de bardage percées et repose de nouvelles lames : les trous ont été réalisés par les poseurs du bardage ; c'est M. A. qui était chargé de coordonner les travaux ; cette reprise ne saurait donc être mise à sa charge ; M. A. a assumé ce rôle sur la quasi-totalité de la construction de sa maison et sur toute la durée d'intervention de M. C. ;

- sur le local chaufferie, M. A. a demandé des modifications actées dans le plan de mars 2015 ;

- tel que relevé par l'expert, les travaux supplémentaires ont été décidés et réalisés d'un commun accord ; M. A. était bien présent et à la source des demandes de travaux supplémentaires ; ne se trouve au dossier aucune demande d'arrêt de chantier ; l'ordre de mission a été donné oralement par M. A. ;

- l'article 1793 de code civil invoqué par les défendeurs ne concerne que les cas de construction du bâtiment ; en l'espèce il ne s'est chargé que du lot d'électricité ; le marché à forfait implique la stipulation expresse et précise d'un prix globale ; nulle mention de ce type ne se trouve sur son devis ; aucun plan n'est joint au devis ni aucune mention ne pouvant laisser penser que le marché était forfaitaire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2022.

MOTIVATION

Sur la nature du contrat

L'article 1793 du code civil dispose que lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.

Ce texte prévoit ainsi quatre conditions cumulatives :

- le contrat doit être passé avec le propriétaire du sol,

- le contrat doit avoir pour objet la construction d'un bâtiment :

- selon un plan arrêté et convenu avec le maître d'ouvrage,

- et pour un prix fixé globalement et définitivement avant la conclusion du contrat.

Les appelants considèrent que le contrat conclu avec M. C. est un marché à forfait de sorte que M. C. ne peut réclamer à leur encontre le paiement de travaux supplémentaires qu'ils n'ont pas expressément autorisés.

Il est établi que l'opération projetée par M. A. et Mme C. consiste en l'édification d'un bâtiment et qu'un marché peut être forfaitaire pour une partie seulement des travaux convenus (3ème Civ, 25 juin 2020 n°19-11.412).

Si le marché à forfait doit contenir l'indication expresse et précise d'un prix global, ce qui est le cas en l'espèce, il exclut toute référence à des quantités réalisées (3ème Civ, 14 mars 2001 n°99-17.959).

Or, le devis accepté du 8 octobre 2014 apparaît très précis quant à l'établissement de la liste et du nombre des produits et matériels devant être installés dans chaque pièce de l'habitation à construire.

En conséquence, le contrat conclu entre M. A. et Mme C. et M. C. ne présente pas le caractère d'un marché à forfait.

La demande en paiement de travaux supplémentaires ne doit donc pas être écartée par principe. Les appelants sont donc redevables des sommes y afférentes à la condition toutefois que les travaux ont été effectivement réalisés par l'entrepreneur et acceptés par les maîtres d'ouvrage.

Sur l'existence de désordres

M. B. observe que le projet de construction de la maison individuelle a été initialement confié à un maître d'oeuvre, en l'occurrence M. J.. Ce dernier a établi les plans et le CCTP relatif au lot électricité-VMC mais a interrompu sa mission peu avant le début des travaux à la demande de M. A. et Mme C.. L'expert judiciaire relève ainsi que seul M. A. a agi en qualité de maître d'oeuvre à compter de cette date et lors de la réalisation par M. C. de sa prestation (rapport p12,13).

Sur les gaines

La première malfaçon relevée par l'expert concerne deux gaines électriques. Non apparent pour un profane, ce désordre se traduit par leur inadaptation à une installation souterraine extérieure dans la mesure où elles sont initialement prévues pour être encastrées en cloison creuse à l'intérieur de l'immeuble. Une non-conformité aux normes C15.100 et UTE 15 520 est soulignée. L'isolation attendue n'est donc pas assurée d'autant plus que le bris de ces gaines à certains endroits a été visuellement constaté. Un risque de disjonction de l'installation électrique est clairement évoqué (p24, 25, 33, 42, 53, 87).

Les contestations de M. C., reprises dans ses dernières écritures, ont été écartées par M. B. qui stigmatise un vice de conception et ajoute que les fabricants déconseillent l'installation en souterrain de ce type de gaine (p91).

Il n'est en outre pas établi que la pose de ce matériel inadapté était provisoire comme l'affirme l'entrepreneur.

En conséquence, ce dernier est bien responsable de la malfaçon relevée par l'expert judiciaire.

Sur le raccordement des appliques des chambres

L'expert judiciaire relève une mauvaise mise en oeuvre des raccordements des appliques des chambres fournies par les maîtres d'ouvrage, en l'occurrence l'absence d'installation des dominos de raccordement dan les boîtiers d'encastrement et la mise en place de boîtiers DCL non adaptables avec le type d'applique choisi. Il souligne ainsi une non-conformité à la norme C15-100 (p87).

M. C. estime qu'une dérogation lui permet de réaliser les travaux tels que constatés par M. B. mais ne démontre pas l'impossibilité d'interposer une boîte de connexion en raison du type d'appliques, étant ajouté que son argumentation de nature technique, qui s'appuie sur l'article 10.1.3.2.5. de la norme précité, n'a pas été soumise à l'expert judiciaire.

Le coût des travaux de reprise représente la somme de 210 euros.

Sur l'éclairage central de la chambre numéro 1

Le contrat prévoyait la mise en place d'un point lumineux et va et vient multiplié par deux et un point lumineux sur simple allumage.

Or, M. B. observe que ce schéma n'a pas été respecté par M. C. qui a posé un éclairage central avec un va et vient plus un simple allumage mural avec interrupteur. Il relève une non-conformité au plan initial (p38, 48, 54).

Si l'électricien fait observer que la solution technique mise en oeuvre est envisagée par la norme C15-100, il se devait de réaliser la prestation prévue de sorte qu'il doit être condamné au paiement des travaux de reprise (105,60 euros TTC, p64).

Sur la présence de trous non rebouchés

L'expert judiciaire a relevé la présence de trous, non rebouchés, dans le bardage à proximité de trois prises extérieures (p28, 37). Il a estimé que ce désordre est dû à une mauvaise position des trous du bardage réalisés entre 2 lames par l'entrepreneur titulaire du lot bardage, opérations réalisées sous la direction du maître d'ouvrage en qualité de maître d'oeuvre (p54).

Il est techniquement établi que la fixation des prises par M. C. était impossible à réaliser (id).

En conséquence, il ne peut être reproché au titulaire du lot ''électricité et VMC' une mauvaise exécution de ses travaux sur ce point, la cause des désordres étant manifestement imputable à un autre entrepreneur.

Pour ce qui concerne le local chaufferie

L'expert judiciaire a relevé l'absence d'interrupteur permettant d'allumer l'éclairage central mais l'existence d'un détecteur de présence fixé au plafond qui allume en même temps non seulement l'éclairage central de la chaufferie mais également celui de la cage d'escalier d'accès au sous-sol, alors même qu'existe un interrupteur au début de cette cage qui permet d'éclairer le mur (p29, 37, 48).

M. B. a exclu toute faute de la part de M. C. dans la mesure où la situation dénoncée par M. A. et Mme C. résulte de leur seule volonté de changer l'implantation de la porte d'accès au sous-sol après la réalisation par l'électricien de sa prestation (p55).

Il ne s'agit donc pas d'un désordre imputable au titulaire du lot électricité-VMC.

Sur les travaux non réalisés

L'abandon du chantier par M. C. à la suite du défaut de paiement de la facture du 8 octobre 2014 est à l'origine de cette situation.

L'expert a relevé l'existence de travaux non exécutés sur marché de base. Il s'agit notamment :

- de l'absence de toute centrale interphone dans l'entrée de l'habitation et du portillon d'entrée (p24, 43) ;

- du défaut de fonctionnement, dans la montée de l'escalier extérieur, des 3 points lumineux en raison de l'absence de branchement (p25, 43) ;

- de l'absence de branchement de câbles dans le garage (p27, 36, 46) ;

- de la présence d'un boîtier pour la détection de véhicule démuni de détecteur (p37),

- de l'absence des deux indicateurs de consommation RT2021 (p55).

Aucun élément de nature technique fourni par l'une ou l'autre des parties ne permet de remettre en cause cette appréciation.

Pour ce qui concerne la réalisation de la liaison électrique entre le portillon extérieur et l'entrée principale, M. B. a arbitré le devis nettement sous-évalué de M. C. et celui d'un montant qualifié d'excessif de M. A. et Mme C. pour chiffrer son coût à la somme de 324 euros TTC (p6). Dans ses dernières conclusions, l'intimée reprend les arguments ayant été définitivement écartés par l'expert judiciaire de sorte que la contestation du montant retenu doit être rejetée.

Le coût des opérations de reprise des alimentations électriques situées dans le garage ont été effectivement comptabilisés deux fois comme l'affirme M. C. (rapport p 62) de sorte qu'il convient de ne retenir que la somme de 202 euros TTC et non celle de 337 euros TTC (202 +135).

Sur les travaux supplémentaires

La facture du 13 janvier 2016 émise par M. C. n'a pas été honorée par les appelants.

L'expert judiciaire a estimé que les travaux supplémentaires réalisés par M. C. peuvent être chiffrés, après correction, à la somme de 4 189,50 euros TTC.

Les appelants contestent être redevables de ce montant et ce même si la qualification de marché à forfait n'est pas retenue par la cour.

Ils observent tout d'abord à raison qu'ils n'ont pas signé un devis ou un quelconque document validant la réalisation de ces travaux alors que la preuve d'une obligation dont la valeur excède 1 500 euros exige la production d'un écrit en application des dispositions des articles 1341 et 1347 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016.

M. A. conteste ensuite son intervention sur le chantier en qualité de maître d'oeuvre à la suite du retrait de l'architecte. Il affirme que cette fonction a été occupée par M. Da R., ce dernier produisant une attestation en ce sens.

Il doit être observé :

- qu'à la date de réalisation des opérations d'expertise, plus de 90% de la prestation de M. C., comprenant les travaux supplémentaires contestés, avaient été entrepris (p86) ;

- que cette situation permet de considérer, compte-tenu du temps nécessaire à leur réalisation tel qu'évalué par M. B., que les époux A. ou M. A. seul ne se sont jamais opposés à leur accomplissement ou ont interrogé M. C. sur leur nécessité (p60) ;

- que les travaux supplémentaires apportent incontestablement une plus-value à l'immeuble ;

- que M. A. et Mme C. ne précisent pas les raisons pour lesquelles il a été mis fin à la mission de l'architecte alors que l'ampleur du chantier justifiant un suivi dans l'exécution des différents entrepreneurs ;

- que l'expert judiciaire s'est interrogé sur les fonctions de maître d'oeuvre exercées par M. A. après le départ de l'architecte dès le 9 juillet 2014, soit avant le début des travaux, au regard des relations de confiance ayant existé entre celui-ci et M. C., et a recensé des éléments et indications permettant de considérer qu'il a pleinement substitué l'architecte et assumé pleinement ce rôle (p41, 59) ;

- que le décès d'un proche de M. A. ne l'a que temporairement éloigné du rôle de maître d'oeuvre dont il s'est chargé afin de terminer les travaux ;

- que l'écrit de M. Da R. ne constitue pas un élément suffisant pour invalider les conclusions de M. B., étant observé d'une part qu'aucun contrat de maîtrise d'oeuvre n'est versé aux débats et que d'autre part l'expert judiciaire n'a pu interroger celui-ci pour vérifier la véracité du contenu de son attestation.

Ainsi, comme l'a justement relevé le tribunal, le rapport écrit de l'expert judiciaire contient des éléments qui permettent de démontrer que les travaux supplémentaires réalisés par M. C. ont été acceptés par les maîtres d'ouvrage.

Sur les comptes entre les parties

Le marché du 8 octobre 2014 représente la somme de 16 987,90 euros TTC.

M. A. et Mme C. ont procédé au règlement de la somme de 10 192,74 euros TTC.

Au regard des observations ci-dessus, les maîtres d'ouvrage sont tenus du paiement du montant des travaux supplémentaires (4 189,50euros TTC).

Doivent être déduits les travaux de reprises imputables à un défaut d'exécution de M. C. ainsi que le coût de ceux non exécutés.

En conséquence, il convient de prononcer la compensation des sommes respectivement dues par les parties comme celles-ci le réclament dans leurs dernières écritures. M. A. et Mme C. sont donc redevables à l'encontre de M. C. de la somme de 8 033,59 euros TTC (9 556,61 euros TTC-1 523,02 euros TTC).

Sur le préjudice de jouissance

M. A. et Mme C. réclament le versement d'une somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance résultant de l'impossibilité de procéder à l'ouverture des chambres d'hôtes en raison de la défaillance de M. C..

Cependant, comme l'observe ce dernier, aucun des travaux visés comme restant à effectuer n'empêche une jouissance paisible du bien.

Il sera en outre observé que les appelants ne contestent pas l'affirmation de M. C. selon laquelle ils ont été en mesure, à compter de l'été 2015, de louer une partie de leur maison en chambre d'hôtes, communiquant à l'expert judiciaire le détail des locations effectuées.

L'expert judiciaire observe que les propriétaires ont disposé d'une attestation de conformité leur permettant, dès le 9 juillet 2015, de l'électricité de sorte qu'ils ont été en capacité de louer les hébergements prévus.

Enfin, M. A. et Mme C. sont responsables de la situation dénoncée en refusant de procéder au règlement de travaux supplémentaires dont ils ont pourtant accepté la réalisation, créant ainsi un conflit avec M. C. qui est à l'origine de son départ du chantier.

Ces éléments motivent la confirmation du jugement qui a rejeté cette prétention.

Sur le caractère abusif de l'action intentée par M. A. et Mme C.

Il résulte de l'examen de la procédure que M. A. et Mme C. ont usé des voies de droit offertes à tout justiciable pour faire valoir leurs prétentions. Il n'est pas démontré que ceux-ci ont agi de manière abusive, dilatoire, ou motivée par une intention de nuire. En conséquence, la demande de dommages et intérêts présentée par M. C. ne peut qu'être rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Outre la somme mise à la charge de M. A. et Mme C. en première instance, il y a lieu en cause d'appel de les condamner au versement à M. C. d'une indemnité complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

- Infirme le jugement en date du 22 mai 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a condamné solidairement Mme Vanina C. et M. Marc A. à payer à M. Rémi C. la somme de 6 855,01 euros TTC au titre du solde de travaux après compensation, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2019 :

et, statuant à nouveau dans cette limite :

- Condamne, après compensation, in solidum Mme Vanina C. et M. Marc A. à payer à M. Rémi C. une somme de 8 033,59 euros TTC au titre du solde des travaux, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2016 ;

- Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant ;

- Rejette les autres demandes présentées par Mme Vanina C. et M. Marc A. et M. Rémi C. ;

- Condamne in solidum Mme Vanina C. et M. Marc A. au paiement des dépens d'appel.