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Décisions

Cass. soc., 25 juin 2002, n° 01-41.848

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sargos

Rapporteur :

M. Bailly

Avocat général :

M. Duplat

Paris, du 18 janv. 2001

18 janvier 2001

Attendu que MM. Y..., X... et Z... étaient employés par la société STA, en leurs qualités de conducteurs ambulanciers, et affectés au Service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) du Centre hospitalier d'Argenteuil, en vertu d'un marché de mise à disposition conclu par cette société avec l'hôpital ; qu'une nouvelle convention de mise à disposition de personnel et d'ambulances ayant été conclue par le centre hospitalier avec la société CIR Médical, à compter du 1er avril 2000, les trois salariés de la société STA ont vainement demandé à la société CIR Médical qu'elle poursuive l'exécution de leurs contrats de travail ; qu'ils l'ont fait ensuite assigner devant la formation de référé du conseil de prud'hommes, pour que leur intégration dans cette société soit ordonnée et pour obtenir paiement de provisions sur leurs salaires ;

Sur le premier et le dernier moyens réunis, tels qu'ils figurent au mémoire en demande annexé au présent arrêt :

Attendu que les sociétés CIR Médical et PHS font grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu la compétence de la juridiction prud'homale pour statuer sur les demandes des salariés, pour les motifs exposés dans le mémoire susvisé, qui sont pris d'une violation de la loi des 16-24 août 1790, de l'article 13 du décret du 16 fructidor An III, et des articles L. 121-1 et L. 511-1 du Code du travail ;

Mais attendu que la société CIR Médical est, même si elle participait à l'exécution du service public hospitalier, une personne morale de droit privé ; qu'il s'ensuit que le litige qui l'oppose à MM. Y..., X... et Z... sur l'exécution et la rupture de leurs contrats de travail relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur la seconde branche du deuxième moyen, tel qu'il figure au mémoire en demande, annexé au présent arrêt :

Attendu que la société CIR Médical et la société PHS font encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance qu'elle soulevait, pour les motifs exposés dans le mémoire susvisés, qui sont pris d'une violation de l'article R. 516-9 du Code du travail ;

Mais attendu que le seul fait que les demandes distinctes des trois salariés aient été réunies dans une même assignation en référé n'était pas de nature à entraîner la nullité de l'acte introductif d'instance ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la première branche du deuxième moyen :

Vu les articles L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, interprété au regard de la directive 77 / 187 / CEE du 14 février 1977, et R. 516-31 de ce Code ;

Attendu que le premier de ces textes ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome, poursuivant un objectif propre et conservant son identité ; que, selon le deuxième, la formation de référé peut prescrire les mesures conservatoires qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite et, dans le cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ;

Attendu que, pour ordonner en référé la poursuite des contrats de travail des trois salariés de la société STA par la société CIR Médical et leur allouer des provisions égales au montant des salaires dus depuis le 1er avril 2000, la cour d'appel a retenu que la prestation de service faisant l'objet du marché conclu avec le Centre hospitalier d'Argenteuil constituait une entité économique autonome conservant son identité, que pour assurer les transports sanitaires visés au marché, le SMUR disposait d'un personnel qui lui était spécialement affecté, pour lequel figuraient les trois chauffeurs incriminés, l'hôpital envoyant pour chaque transport un médecin responsable et un infirmier, et de moyens matériels d'exploitation propres tels que des véhicules spécialement aménagés sur lesquels devait figurer le sigle SMUR d'Argenteuil, que cet ensemble organisé d'éléments corporels ou incorporels permettait l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre, la société attributaire étant payée de ses prestations au vu des factures qu'elle établissait, que, dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail étaient applicables aux contrats de MM. Y..., X... et Z..., en sorte que le refus de la société CIR Médical de les reprendre constituait un trouble manifestement illicite que le juge des référés devait faire cesser et que, par suite, l'obligation pesant sur la société CIR Médical de leur payer des salaires n'apparaissait pas sérieusement contestable ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que la société CIR Médical avait repris des éléments d'actif corporels ou incorporels nécessaires à l'exploitation de l'entité économique, à l'occasion de la conclusion du nouveau marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des textes susvisés ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a retenu la compétence de la juridiction prud'homale et rejeté l'exception de nullité opposée par la société CIR Médical, l'arrêt rendu le 18 janvier 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.