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Décisions

Cass. crim., 19 octobre 1995, n° 94-83.884

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gondre

Rapporteur :

M. de Mordant de Massiac

Avocat général :

M. le Foyer de Costil

Avocat :

SCP Tiffreau et Thouin-Palat

Orléans, ch. corr., du 20 juin 1994

20 juin 1994

Vu le mémoire ampliatif produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 modifiée par la loi du 2 août 1989, 121-3 du nouveau Code pénal, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

" en ce que la cour d'appel retient la responsabilité pénale de François X... en sa seule qualité de président-directeur général de la société OPFI Paribas, du chef du délit prévu et réprimé par l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 modifié par la loi du 2 août 1989 ;

" aux motifs qu'en application de l'alinéa 2 de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 issue de la loi du 3 janvier 1983, les dirigeants de droit et de fait de la personne morale ayant réalisé les opérations seront pénalement responsables des infractions commises ; qu'il appartient au prévenu, dirigeant de la personne morale ayant réalisé les opérations critiquées, de combattre la présomption en en administrant éventuellement la preuve contraire ; que François X..., président-directeur général de l'OPFI Paribas, soutient qu'existait une délégation de pouvoirs consentie à Gilles Y..., de nature à exonérer sa responsabilité ; qu'il fait valoir que, selon les déclarations de Gilles Y..., le groupe Paribas est organisé autour d'un principe d'autonomie et de large démultiplication des responsabilités et que ce dernier était investi de tous les pouvoirs et de l'autorité nécessaire à la gestion du dossier SGF ; qu'outre le fait qu'une délégation de pouvoirs écrite n'est pas alléguée, il ne résulte pas des déclarations de Gilles Y... que ce dernier avait reçu précisément pour le dossier SGF une délégation de pouvoirs même verbale ; que l'affirmation de l'existence par ce dernier d'une démultiplication des responsabilités au sein de Paribas et la déclaration suivant laquelle il a assisté et suivi personnellement le destin de la SGF jusqu'à mi-1985 ne suffisent pas à rapporter la preuve de cette délégation pour l'affaire SGF, ce d'autant plus que François X..., qui n'a dans aucune de ses dépositions fait état d'une telle délégation, a déclaré lui-même avoir été associé à la décision de céder les 100 000 titres ; que Jean-François Z... a confirmé ce point en déclarant (D 879) que " la décision dans un premier temps a été prise par Gilles Y... ou plus précisément par l'OPFI ", ce qui implique nécessairement la participation de François X... dans la prise de cette décision ; qu'en outre, l'exécution de cet ordre de vente était suivie par François X... dans la mesure où, d'une part, M. A...du groupe Paribas a indiqué (D 919) que pour la vente des actions, un compte rendu quotidien était adressé à l'attention de M. B... avec pour destinataire François X... et, d'autre part, M. B... a précisé que pour chaque mouvement de ventes, un compte rendu quotidien était donné au président de l'OPFI ; qu'il est ainsi établi que François X..., en ayant été associé à la décision de cession des titres et en étant régulièrement informé de l'exécution de cet ordre de vente n'a pas délégué ses pouvoirs à Gilles Y... pour cette opération ; que s'il avait délégué ses pouvoirs, la décision aurait dû être prise par Gilles Y... seul, ce qui n'est pas le cas, ainsi qu'il vient d'être exposé ; que François X..., n'ayant pas rapporté la preuve contraire de la présomption édictée par l'alinéa 2 de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 1983, se trouve pénalement responsable sans qu'il y ait lieu de rechercher l'existence d'une intention délictueuse " ;

" 1o) alors que, en ayant retenu la responsabilité du prévenu sur le seul fondement de la présomption simple d'imputabilité de l'infraction édictée par l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, sans avoir recherché si les dispositions de l'article 121-3 du nouveau Code pénal, entrées en vigueur depuis le ler mars 1994, n'avaient pas pour effet nécessaire de limiter l'application de la présomption à l'imputabilité des faits poursuivis en laissant à la charge du ministère public la preuve de l'intention coupable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2o) alors que, en ayant écarté la preuve de la délégation de pouvoirs invoquée par François X..., président-directeur général de l'OPFI Paribas, aux seuls motifs insuffisants que le prévenu avait été " associé à la décision de cession des titres " et tenu " informé de l'exécution de cet ordre de ventes ", motifs dont aucun n'excluait l'existence d'une telle délégation, sans avoir écarté l'allégation du " principe d'autonomie et de large démultiplication des responsabilités " au sens du groupe Paribas, et après avoir constaté que " l'ordre de vendre " avait été " donné par Gilles Y... (v. arrêt attaqué, p. 7, in fine) en sa qualité de " directeur général " (v. arrêt attaqué, p. 7, al. 1er), laquelle impliquait la compétence, l'autorité et les moyens nécessaires à la prise d'une telle décision sur délégation du président, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, qu'utilisant des informations révélant la situation financière critique de la Société Générale de Fonderie, cotée en bourse, qu'il avait reçues en sa qualité d'actionnaire et de banquier de l'entreprise l'Omnium de Participation Financières (OPFI) de Paribas, a revendu sur le marché à terme, pendant que les titres étaient encore à la hausse, l'essentiel des actions SGF qu'il détenait ;

Que l'opération de bourse ayant été réalisée au nom de l'OPFI Paribas, le président de cette société, François X..., a été poursuivi en cette qualité, sur le fondement de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, en même temps que ses deux plus proches collaborateurs ;

Que devant la cour d'appel François X... a fait valoir le moyen de défense pris de l'existence d'une délégation de pouvoirs au profit de l'un de ses deux coprévenus qui, exerçant les fonctions de directeur général adjoint, avait le pouvoir et l'autorité nécessaires pour assumer la responsabilité de l'opération ;

Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu et le déclarer coupable des faits visés à la prévention, la cour d'appel énonce que la délégation invoquée pour combattre la présomption de responsabilité posée par l'article 10-1 précité était, en l'espèce, sans effet, la décision de réaliser les titres sur le marché ayant été prise au plus haut niveau de la hiérarchie de la banque, par François X..., lui-même, comme en avaient attesté certains témoins, ainsi que le démontrait, en outre, le fait que ce dernier se soit constamment tenu informé par la suite de l'exécution de l'ordre de vente ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, dès lors qu'elle relevait que le prévenu avait pris une part personnelle à la commission de l'infraction, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.