Cass. crim., 6 septembre 2011, n° 10-86.183
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
M. Fossier
Avocats :
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié, SCP Yves et Blaise Capron
Attendu que le pourvoi a été formé par déclaration de Me Le Noan Mercier, avocate au barreau de Rennes, substituant la société Cesbron Bures Fouassier, avocats au barreau de Laval ; qu'à cette déclaration est annexé un pouvoir spécial délivré à cet effet par le demandeur à la société Cesbron Bures Fouassier ;
Attendu qu'un mandataire, fût-il avocat, ne saurait exercer un tel recours sans justifier personnellement d'un pouvoir spécial, comme l'exige l'article 576 du code de procédure pénale ; que ni les termes de la déclaration de pourvoi, ni ceux de ce mandat ne font apparaître l'appartenance des deux avocats susnommés à la même société civile professionnelle ;
Que, dès lors, le pourvoi n'est pas recevable ;
Vu les mémoires ampliatifs, additionnels, en réplique et en défense produits ;
Sur le premier moyen de cassation de la société Banque populaire de l'ouest, pris de la violation des articles 2, 3 et 591 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1382 du code civil ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société Banque populaire de l'ouest ;
"aux motifs que les seuls délits de faux et d'usage de faux imputés à M. X... ne constituent pas pour les banques un préjudice direct au sens de l'article 2 du code de procédure pénale ; qu'en effet, d'une part, ces faux n'ont été présentés à la Banque populaire de l'ouest et à la caisse régionale de Crédit agricole que sous la forme de comptes sociaux dont le caractère infidèle ne résulte pas seulement desdits faux, mais également de l'incompétence ou de l'absence de sérieux des experts comptables et commissaires aux comptes chargés de les traiter ; que, d'autre part, ces mêmes comptes ne sont pas le seul élément sur lequel se sont fondées les banques pour octroyer ou maintenir des crédits à l'entreprise ; qu'il s'est agi pour celles-ci de l'acceptation d'un risque pondéré notamment par les garanties offertes par l'entreprise ou ses dirigeants ; qu'en conséquence, les constitutions de partie civile de la Banque populaire de l'ouest et de la caisse régionale de Crédit agricole seront déclarées irrecevables ;
"alors qu'est directement causé par l'infraction de faux et d'usage de faux le préjudice subi par une banque ayant octroyé des crédits à une société, en difficultés financières, sur la base d'éléments comptables falsifiés (impossibilité de recouvrer sa créance) ; qu'en se prononçant par les motifs précités, dont il résultait pourtant que le caractère infidèle des comptes sociaux présentés à la société Banque populaire de l'ouest résultait au moins pour partie, des faux établis par M. X... et que les crédits ont été octroyés ou maintenus à la société Rossignol notamment sur la base de ces comptes sociaux fictifs établis à cette fin, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a méconnu les textes susvisés" ;
Et sur le premier moyen de cassation de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine, pris de la violation de l'article 441-1 du code pénal, de l'article 1382 du code civil et des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine et l'a déboutée en conséquence de ses demandes ;
"aux motifs que la production des banques à la liquidation de l'entreprise n'est pas de nature à rendre irrecevable leur action contre un prévenu qui n'est pas lui-même susceptible d'être tenu de l'insuffisance d'actif de la société ; qu'en revanche, les seuls délits de faux et d'usage de faux imputés à M. X... ne constituent pas pour ces mêmes banques un préjudice direct au sens de l'article 2 du code de procédure pénale ; qu'en effet, d'une part, ces faux n'ont été présentés à la Banque populaire de l'ouest et à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel que sous la forme de comptes sociaux dont le caractère infidèle ne résulte pas seulement desdits faux, mais également de l'incompétence et de l'absence de sérieux des experts comptables et commissaires aux comptes chargés de les traiter ; que, d'autre part, ces mêmes comptes ne sont pas le seul élément sur lequel se sont fondées les banques pour octroyer ou maintenir des crédits à l'entreprise ; qu'il s'est agi pour celles-ci de l'acceptation d'un risque pondéré notamment par les garanties offertes par l'entreprise ou ses dirigeants ; qu'en conséquence, les constitutions de partie civile de la Banque populaire de l'ouest et de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel seront déclarées irrecevables ; qu'en revanche, les infractions commises par M. X... ont incontestablement participé de l'aggravation du passif de la société dont il était le salarié ;
1°) "alors que, chaque responsable d'un même dommage doit, dans ses rapports avec la victime, être condamné à le réparer en totalité, ce dont il résulte, notamment, que la circonstance que la faute d'un tiers a contribué à la réalisation d'un dommage n'est pas de nature à dispenser l'auteur d'une infraction, qui a causé ce même dommage, de son obligation de le réparer en totalité ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que les délits de faux et usage de faux dont elle a déclaré coupable M. X... n'avaient pas causé un préjudice direct à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine et pour déclarer, en conséquence, cette dernière irrecevable en sa constitution de partie civile, que les faux établis par M. X... n'avaient été présentés à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine que sous la forme de comptes sociaux dont le caractère infidèle ne résultait pas seulement de ces faux, mais également de l'incompétence et de l'absence de sérieux des experts comptables et commissaires aux comptes chargés de les traiter, quand les fautes commises par les experts comptables et les commissaires aux comptes chargés de traiter les comptes sociaux de la société Rossignol n'étaient pas de nature à dispenser M. X... de son obligation de réparer, en totalité, dans ses rapports avec la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine, les dommages causés à cette dernière par les délits de faux et usage de faux dont il s'est rendu coupable, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
2°) "alors qu'en énonçant, pour retenir que les délits de faux et usage de faux dont elle a déclaré coupable M. X... n'avaient pas causé un préjudice direct à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine et pour déclarer, en conséquence, cette dernière irrecevable en sa constitution de partie civile, que les faux établis par M. X... n'avaient été présentés à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine que sous la forme de comptes sociaux et que ces comptes n'ont pas été le seul élément sur lequel la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine s'est fondée pour octroyer ou maintenir des crédits à la société Rossignol, quand ces circonstances étaient inopérantes, dès lors qu'il résultait de ses constatations que les faux établis par M. X... avaient bien été présentés à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine et que les comptes sociaux de la société Rossignol, établis sur la base des faux commis par M. X..., avaient été un élément sur lequel la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine s'était fondée pour octroyer ou maintenir des crédits à la société Rossignol, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
3°) "alors que, le fait de la victime, s'il ne constitue pas une faute volontaire, n'est pas de nature à dispenser l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens de son obligation de réparer, en totalité, le dommage causé par cette infraction ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que les délits de faux et usage de faux dont elle a déclaré coupable M. X... n'avaient pas causé un préjudice direct à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine et pour déclarer, en conséquence, cette dernière irrecevable en sa constitution de partie civile, que les faux établis par M. X... n'avaient été présentés à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine que sous la forme de comptes sociaux, que ces comptes n'ont pas été le seul élément sur lequel la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine s'est fondée pour octroyer ou maintenir des crédits à la société Rossignol et qu'il s'était agi pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine de l'acceptation d'un risque pondéré, notamment, par les garanties offertes par la société Rossignol ou ses dirigeants, quand les circonstances qu'elle relevait en se déterminant de la sorte ne caractérisaient pas l'existence d'une faute volontaire commise par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
4°) "alors que, l'acceptation des risques par la victime n'est pas de nature à dispenser l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens de son obligation de réparer, en totalité, le dommage causé par cette infraction ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que les délits de faux et usage de faux dont elle a déclaré coupable M. X... n'avaient pas causé un préjudice direct à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine et pour déclarer, en conséquence, cette dernière irrecevable en sa constitution de partie civile, que l'octroi ou le maintien par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine de crédits à la société Rossignol résultaient de l'acceptation, par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine, d'un risque pondéré, notamment, par les garanties offertes par la société Rossignol ou ses dirigeants, quand cette circonstance n'était pas de nature à dispenser M. X... de son obligation de réparer, en totalité, dans ses rapports avec la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine, les dommages causés à cette dernière par les délits de faux et usage de faux dont il s'est rendu coupable, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
5°) "alors que, et à titre subsidiaire, l'acceptation des risques par la victime n'est pas de nature à dispenser l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens de son obligation de réparer, en totalité, le dommage causé par cette infraction lorsqu'elle ne revêt pas de caractère fautif ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que les délits de faux et usage de faux dont elle a déclaré coupable M. X... n'avaient pas causé un préjudice direct à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine et pour déclarer, en conséquence, cette dernière irrecevable en sa constitution de partie civile, que l'octroi ou le maintien par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine de crédits à la société Rossignol résultaient de l'acceptation, par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine, d'un risque pondéré, notamment, par les garanties offertes par la société Rossignol ou ses dirigeants, quand cette circonstance n'était pas de nature, en l'absence de caractérisation de son caractère fautif, à dispenser M. X... de son obligation de réparer de réparer, en totalité, dans ses rapports avec la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine, les dommages causés à cette dernière par les délits de faux et usage de faux dont il s'est rendu coupable, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
6°) "alors que, le fait de la victime n'exonère totalement le prévenu de sa responsabilité civile que si, d'une part, il est fautif et que si, d'autre part, il a été la cause unique et exclusive du dommage ou présente les caractères de la force majeure ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que les délits de faux et usage de faux dont elle a déclaré coupable M. X... n'avaient pas causé un préjudice direct à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine et pour déclarer, en conséquence, cette dernière irrecevable en sa constitution de partie civile, que les faux établis par M. X... n'avaient été présentés à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine que sous la forme de comptes sociaux, que ces comptes n'ont pas été le seul élément sur lequel la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine s'est fondée pour octroyer ou maintenir des crédits à la société Rossignol et qu'il s'était agi pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine de l'acceptation d'un risque pondéré, notamment, par les garanties offertes par la société Rossignol ou ses dirigeants, quand elle ne caractérisait pas, en se déterminant de la sorte, l'existence d'une faute commise par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine et quand il résultait de ses propres constatations que le fait de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine ne constituait pas la cause unique et exclusive du dommage dont celle-ci avait souffert et ne caractérisait pas un cas de force majeure, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
7°) "alors que, et en tout état de cause, les faits de faux et usage de faux qui ont rendu infidèles les comptes d'une société causent un préjudice direct et personnel à l'établissement de crédit qui a accordé des concours financiers sur le fondement de ces comptes sociaux inexacts ; qu'en retenant, dès lors, que les délits de faux et usage de faux dont elle a déclaré coupable M. X... n'avaient pas causé un préjudice direct à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine et en déclarant, en conséquence, cette dernière irrecevable en sa constitution de partie civile, quand elle constatait que les faux établis par M. X... avaient été présentés à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine sous la forme des comptes sociaux de la société Rossignol, que ces comptes sociaux avaient été un élément sur lequel la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine s'était fondée pour octroyer ou maintenir des crédits à la société Rossignol et que les délits commis par M. X... avaient incontestablement aggravé le passif de la société Rossignol, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et, pour cette raison, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour débouter les parties civiles de leurs demandes de dommages-intérêts, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Mais attendu qu'en prononçant par ces motifs insuffisants et contradictoires, dès lors qu'il n'existe de faux punissable qu'autant que la pièce contrefaite ou altérée est susceptible d'occasionner à autrui un préjudice, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de la société Banque populaire de l'ouest et de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes, en date du 27 juillet 2010 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Me Bach, de la société Banque populaire de l'ouest ou de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.