CA Bordeaux, 4e ch. civ., 18 novembre 2019, n° 17/01263
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Quartz Properties (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chelle
Conseillers :
Mme Fabry, Mme Puydebat
FAITS ET PROCÉDURE
La société Quartz Properties a consenti à la société C., par acte sous seing privé du 28 avril 2010, un bail commercial, intitulé « en l'état futur d'achèvement », portant sur un local situé dans la galerie marchande du [...], à effet du 1er mai 2010 pour une durée de 9 ans portée à 12 ans par les conditions particulières (pièce n° 1 de C., article 4.1 des conditions particulières).
Un litige est survenu sur la facturation par le bailleur le 29 juin 2010 de provisions sur des honoraires de gestion, puis sur ces honoraires de gestion, impayés par le preneur malgré mises en demeure.
Par acte d'huissier du 17 juin 2015, la société Quartz Properties a fait assigner la société C. devant le tribunal de grande instance de Bergerac pour demander sa condamnation à lui payer 10 822,24 puis 14 847,57 euros.
Par jugement du 3 février 2017, le tribunal de grande instance de Bergerac a déclaré mal fondées les demandes en paiement et débouté la société Quartz Properties de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société C., et l'a condamnée à lui payer 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens.
Par déclaration du 27 février 2017, la société Quartz Properties a interjeté appel de cette décision.
Le 17 mars 2017, une mesure de médiation judiciaire a été proposée aux parties, qui n'ont pas donné suite à cette proposition.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions déposées en dernier lieu le 24 mai 2017, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Quartz Properties demande à la cour de :
REFORMER le jugement dont appel,
CONDAMNER 1a SAS C. au paiement de la somme de 17431,19 € correspondant aux impayés de loyers et de charges arrétés au 6 avril 2017 avec intérêts à compter de la sommation signifiée le 7 mai 2012,
LA CONDAMNER au paiement d'une somme de 1 743 € sur le fondement de l'article 10.16 des conditions particulières du bail,
LA CONDAMNER au paiement d'une indernnité de 5 000 euros sur le fondement des dispositions prévues par l'arl:icle 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appe1, qui comprendront notamment le coût de la sommation de payer
La société Quartz Properties fait notamment valoir que la société C. s'abstient de procéder à l'exécution de l'une de ses principales obligations, le paiement des charges ; qu'elle est tenue au règlement des honoraires de gestion en vertu du bail, par une clause claire et précise ; sur le montant que les justificatifs sont versés aux débats.
Par conclusions déposées en dernier lieu le 12 juin 2017, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société C. demande à la cour de :
Recevoir la SAS C. en ses prétentions et l'y déclarant bien fondée,
A titre principal,
Constater le caractère aussi irrecevable que mal fondé de l'appel interjeté par la SAS QUARTZ PROPERTIES à l'encontre du jugement du Tribunal de grande instance de BERGERAC du 3 février 2017,
Débouter la SAS QUARTZ PROPERTIES de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Confirmer en tous points le jugement rendu le 3 février 2017 par le Tribunal de grande instance de BERGERAC (RG n°15/00791),
A titre subsidiaire, et si par extraordinaire une condamnation en paiement devait être prononcée à l'encontre de la SAS C.,
Réduire l'indemnité forfaitaire réclamée par la SAS QUARTZ PROPERTIES à la somme de 0 €.
En toutes hypothèses,
Condamner la SAS QUARTZ PROPERTIES à régler à la SAS C. la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Condamner la SAS QUARTZ PROPERTIES aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Me M., avocat soussigné, par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société C. fait notamment valoir que le nouvel article R. 145-35 du code de commerce prévoit que ne peuvent être imputés au locataire les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble faisant l'objet du bail ; que la demande en paiement méconnaissait la teneur de leurs engagements contractuels ; qu'elle a légitimement refusé d'acquitter les appels de provision en raison notamment du caractère indéterminé du montant des honoraires ; que les clauses ne fixent pas le montant des honoraires de gestion, qui ne sont ni déterminés ni déterminables, alors qu'il s'agit d'un supplément de loyer ; que l'imprécision du contrat justifie de l'interpréter à la faveur du preneur ; qu'il y a absence de justificatifs quant à la nature et au quantum des honoraires sollicités ; que l'indemnité forfaitaire est une clause pénale que la cour réduirait à 0 euro.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2019.
Malgré les prescriptions de l'article 912 alinéa 3 du code de procédure civile qui l'imposent, la société Quartz Properties n'a pas déposé à la cour quinze jours avant la date fixée pour l'audience de plaidoiries le dossier comprenant les copies des pièces visées dans les conclusions.
MOTIFS DE LA DECISION
Pour rejeter les demandes de la société Quartz Properties, le tribunal de grande instance a retenu, après analyse du contrat, que seuls les prix du loyer et le calcul des charges récupérables ont été clairement définis ; qu'à l'inverse il n'est pas possible de considérer que la prestation litigieuse « de provisions sur honoraires de gestion » a fait l'objet de dispositions contractuelles explicites, rendant ainsi son existence même contestable ; qu'au surplus, le caractère proportionné et justifié des honoraires de gestion demandés n'est pas suffisamment justifié.
A l'appui de son appel, la société Quartz Properties soutient que la société C. est bien tenue en vertu du bail au règlement des honoraires de gestion.
Elle se prévaut notamment des dispositions stipulées par l'article 23.1 du contrat de bail, dans l'article consacré aux charges locatives, qui prévoient notamment que « les honoraires de gestion directs et indirects restent à la charge du preneur. Il s'agit notamment des honoraires de gestion locative et de gestion technique ainsi que des honoraires des différentes missions », ainsi que par l'article 10.11 des conditions particulières traitant des charges locatives, énumérant notamment dans les charges récupérables les « frais et honoraires de gestion ».
Elle fait valoir que le bail met donc expressément à la charge du preneur les honoraires de gestion locative, par une clause claire et précise, et que les locaux concernés sont situés dans la galerie d'un centre commercial où précisément l'usage transfère sur le preneur un certain nombre de charges, dont les frais de gestion.
La société C. oppose plusieurs moyens au principe de la demande de paiement :
Elle soutient d'abord l'indétermination du prix, et fait valoir que le remboursement par le locataire des honoraires de gestion n'est ni déterminé ni déterminable par le contrat.
Elle observe qu'elle s'est toujours acquittée directement des honoraires du syndic de copropriété, entre les mains de ce syndic, mais qu'elle a refusé légitimement d'acquitter les appels de provisions sur honoraires de gestion au regard du caractère indéterminé du montant des honoraires, en l'absence de toute prévision au contrat de bail.
La clause litigieuse, insérée dans l'article 23 « charges locatives » du bail est plus précisément libellée ainsi :
« Les honoraires de gestion directs et indirects restent à la charge du preneur.
Il s'agit notamment des honoraires de gestion locative et de gestion technique ainsi que des honoraires des différentes missions que le bailleur a décidé de confier à un ou plusieurs mandataires d son choix et notamment les missions d'analyse, d'assistance et de conseil.
Cette liste ne présente aucun caractère limitatif ni exhaustif. »
L'article 10.11 des conditions générales également invoqué stipule plus exactement que les charges récupérables sont celles correspondant, notamment :
« Aux frais et honoraires de gestion ainsi qu'à tous les frais relatifs à l'association de gestion (syndicat des copropriétaires) ».
La société C. est donc fondée à soutenir que le montant de cette charge supplémentaire d'honoraires de gestion locative, expressément prévue au contrat contrairement à ce qu'elle affirme même si c'est parmi d'autres stipulations, n'en est pas moins ni déterminé ni déterminable.
La société Quartz Properties ne s'explique pas sur ce moyen tiré de l'indétermination dans le contrat du montant de cette charge.
La société C. ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 1129 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, qui prévoient que l'obligation ait pour objet une chose déterminée ou déterminable, mais qui n'est pas applicable au prix.
En revanche, le prix du bail doit être certain et résulter des clauses du contrat, ou rendu déterminable grâce à des éléments objectifs du contrat. Il en est de même des charges incombant au bailleur et qui sont transférées au locataire, qui sont alors un supplément de loyer.
Or, comme l'a relevé le tribunal de grande instance, la société Quarz Properties ne démontre pas que les sommes réclamées seraient des dépenses effectivement engagées pour la gestion locative des locaux donnés à bail.
Les demandes de la bailleresse ont donc été écartées à juste titre, et le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes
Partie tenue aux dépens d'appel, dont recouvrement direct par Me M., avocat qui en fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, la société Quartz Properties paiera à la société C. la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu entre les parties par le tribunal de grande instance de Bergerac,
Condamne la société Quartz Properties à payer à la société C. la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la société Quartz Properties aux dépens d'appel, dont recouvrement direct par Me M., avocat qui en fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par M. Chelle, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.