CA Orléans, 29 mai 2008, n° 07/02711
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Conseillers :
M. Garnier, M. Monge
Avoués :
SCP Desplanques-Devauchelle, Laval-Lueger
Avocats :
Me Vautier, SCP Lavisse-Bouamrirène
EXPOSÉ DU LITIGE
La Cour statue sur l'appel, interjeté par Mme X, suivant déclaration du 19 octobre 2007 (n° 07/02711), d'un jugement rendu le 27 septembre 2007 par le tribunal de commerce d'Orléans.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les :
*28 mars 2008 (par Me J., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société DJET),
*28 avril 2008 (par Mme X).
M. Gilbert P. a été assigné par acte d'huissier de justice du 14 janvier 2008, mais n'a pas été touché à sa personne. Le présent arrêt sera rendu par défaut à son égard.
Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé ici que, la société DJET ayant été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 17 novembre 2004, le jugement déféré a condamné Mme X, gérante de la société - qui était alors une S.A.R.L. - jusqu'en septembre 2002, et M. Y, dirigeant postérieur de la société transformée en SAS, à supporter solidairement l'insuffisance d'actif à concurrence de la somme de 100.000 € et a prononcé à l'encontre de M. Y la sanction de l'interdiction de gérer pour une durée de 10 ans.
Mme X a relevé seul appel.
En appel, chaque partie a développé les demandes et moyens qui seront analysés et discutés dans les motifs du présent arrêt.
La cause a été communiquée au procureur général.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du magistrat de la mise en état du 7 mai 2008, dont les avoués des parties ont été avisés.
A l'issue des débats, le président d'audience a indiqué aux parties que l'arrêt serait rendu le 29 mai 2008.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Attendu que M. Y n'ayant pas interjeté appel du jugement déféré et Me J. n'ayant pas relevé appel incident contre lui, la Cour n'est pas saisie des chefs du jugement le concernant, mais devra, néanmoins, apporter à celui-ci des précisions compte tenu de la solidarité retenue ;
Que s'agissant de Mme X, il n'est pas contesté qu'elle était gérante jusqu'au 20 septembre 2002 et il n'est plus soutenu par Me J. qu'elle aurait été dirigeante de fait pour une période postérieure ; que Me J. ne reprochant plus, en appel, à Mme X une rémunération excessive - celle indiquée de l'ordre de 1.800 € par mois ne l'étant pas en tout état de cause - ou d'être à l'origine d'un redressement fiscal ou d'avoir omis de déclarer l'état de cessation, tous faits sur lesquels elle s'explique cependant, les fautes de gestion qui lui sont imputées ne sont qu'au nombre de deux, savoir la perception, en 2002, d'un dividende de 460.000 € et l'achat, en 2001, d'un navire sans rapport avec l'activité de l'entreprise ;
Que, sur le premier point, s'il apparaît, comme le soutient Mme X, et comme le tribunal l'a d'ailleurs retenu, que les résultats des exercices 2000 et 2001, d'un montant cumulé de 1.259.459 € , permettaient théoriquement le paiement d'un dividende, l'analyse de l'évolution du chiffre d'affaires et des résultats de l'entreprise, dont l'activité de dépollution, essentiellement maritime, était particulièrement fluctuante, et liée aux catastrophes pétrolières, montre qu'il s'agissait d'une situation tout à fait exceptionnelle, puisque ce sont les seuls exercices bénéficiaires, alors que la situation, avant 2000 et dès 2002 était très préoccupante - Mme X avait même dû en 1999 emprunter une somme d'argent à sa mère pour les besoins de l'entreprise -, de sorte qu'il appartenait aux dirigeants, dont Mme X, en 2002, de faire preuve de la plus grande prudence, en évitant, cette année, de décider d'une importante distribution de bénéfices ponctionnant les disponibilités financières de la société, dont la trésorerie n'avait jamais été assurée et de préférer, au contraire, une politique avisée de réserves, sachant l'avenir particulièrement incertain ; que, sans que l'on comprenne bien les raisons, que les conclusions de Mme X n'explicitent d'ailleurs pas, pour lesquelles, selon elle, ce serait la société Le Floch, qui s'était portée cessionnaire des parts de la société DJET - projet qui a finalement échoué -, qui serait à l'origine de cette distribution massive de dividendes, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la ponction ainsi opérée constituait, compte tenu de la fluctuation de l'activité et des caractéristiques de son secteur d'intervention, présentant un très fort aléa, une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif dès l'année 2002 ;
Que, sur le second point, concernant le navire, acquis par la société DJET en mai 2001 pour plus de 80.000 €, Mme X, qui était gérante à cette époque, est particulièrement discrète sur l'intérêt de cette acquisition pour l'entreprise, alors que, loin de correspondre à l'activité de dépollution de celle-ci, le bateau était affecté à la plaisance ; qu'un tel achat, sans intérêt et inopportun, constitue une faute de gestion ayant un peu plus asséché les disponibilités financières de l'entreprise pour faire face à un retournement de conjoncture, particulièrement fréquent dans son secteur d'activité ;
Et attendu que Mme X ne peut sérieusement contester que la somme de 100.000 € mise solidairement à la charge de son ex-époux et d'elle-même ne représente que 7 % de l'insuffisance d'actif qui, avec certitude, dépasse 1.300.000 € ni soutenir qu'en tant que gérante, elle n'aurait eu aucune part de responsabilité aux côtés de son ex-époux ; que, toutefois, compte tenu de sa situation matérielle et morale, il y a lieu de ramener le montant de sa condamnation à la somme de 30.000 € ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT publiquement, par arrêt contradictoire et de défaut à l'égard de M. Y, et rendu en dernier ressort :
CONFIRME le jugement déféré dans ses dispositions touchant Mme X, mais seulement en ce qui concerne le principe de sa condamnation à supporter l'insuffisance d'actif de la société DJET et, L'INFIRMANT sur le montant de cette condamnation, LA CONDAMNE personnellement à payer à Me J., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société DJET la somme de 30.000 €, cette condamnation étant solidaire avec celle de son ex-époux, mais à concurrence de cette somme, de sorte que Me J. pourra soit réclamer à Mme X la somme de 30.000 € et celle de 70.000 € à M. Y, soit, au titre de l'obligation à la dette solidaire, réclamer à M. Y la somme totale de 100.000 € déterminée par le premier juge, M. Y n'ayant, lui-même, un recours contre son ex-épouse qu'à concurrence de 30.000 € ;
CONDAMNE Mme X aux dépens d'appel et REJETTE toute autre demande des parties ;
ACCORDE à la SCP L.-L., titulaire d'un office d'avoué près la cour d'appel d'Orléans, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du Code de procédure civile ;