CA Besançon, 1re ch. civ. et com., 2 juillet 2019, n° 19/00481
BESANÇON
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mazarin
Conseillers :
Mme Chiaradia, M. Marcel
Faits et prétentions des parties
Saisi à la requête de Mme Monique B. veuve J., M. Jean-Christophe J. et Mme Patricia J. (les consorts J.) propriétaires d'un local commercial situé [...] qui reprochaient à leur locataire, la SASU KG Grill, d'avoir, sans leur autorisation, installé une terrasse en bois sur pilotis et laissé s'entreposer divers détritus, cartons, récipients sur cette terrasse, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier, par ordonnance réputée-contradictoire rendue le 6 février 2019, a notamment :
- condamné la société KG Grill à remettre, en son état initial, la terrasse visée au bail commercial du 19 septembre 2016 en démontant, à ses frais, l'intégralité de la terrasse en bois sur pilotis, parcloses et tout aménagement accessoires à cette terrasse, notamment l'abri édifié sous la terrasse de l'appartement des consorts J., et à déblayer tous dépôts d'ordures, de cartons, de récipients entreposés sur cette terrasse dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance sous peine d'astreinte de 150 euros par jour de retard pendant 90 jours,
- condamné la société KG Grill à payer aux consorts J. 500 euros à titre d'indemnité provisionnelle et 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- débouté les consorts J. de leur demande tendant à la condamnation de la société KG Grill à supporter le coût du procès-verbal de constat des 8 mai et 7 juin 2018.
La SASU KG Grill a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration parvenue au greffe le 5 mars 2019 et, au dernier état de ses écrits transmis le 7 mai 2019, elle conclut à son infirmation et demande à la cour de :
- dire qu'en l'absence de trouble manifestement illicite, il n'y pas lieu de retirer la terrasse ou, subsidiairement, de limiter l'enlèvement à la partie qui empiète sur le parking réservé aux consorts J.,
- débouter les consorts J. de leurs autres demandes et les condamner à lui payer 3 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Les consorts J. ont répliqué en dernier lieu le 9 avril 2019 pour demander à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et condamner l'appelante à leur verser 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2019.
Motifs de la décision
L'authenticité de la pièce n° 3 produite par l'appelante constituée d'un courrier signé 'Mme J.' censé l'autoriser à installer une terrasse structure bois est contestée par les intimés.
Eu égard au nombre de fautes d'orthographe et de grammaire qui l'émaillent sur six lignes et à la signature qu'elle porte, sensiblement différente de celle de Mme Monique B. veuve J. (pièces n° 11 et 12), son authenticité n'est pas démontrée par l'appelante à qui incombe cette preuve de sorte que cette pièce sera écartée des débats.
Pour le surplus, en prévoyant en page 1 que 'le parking privé (à l'exception de la place de parking réservée) pourra servir de terrasse pour y installer des tables pour les clients du restaurant, débit de boisson qui sera exploité dans les locaux', le bail liant les parties ne permet en aucun cas au locataire de transformer ledit parking en une terrasse surélevée structure bois, installée de manière pérenne, laquelle ne constitue en rien un 'embellissement'.
Ainsi, cause un trouble manifestement illicite susceptible d'engager la responsabilité personnelle des bailleurs, le locataire commercial qui construit une terrasse structure bois, sans l'autorisation de ces derniers, contre l'avis de l'architecte des Bâtiments de France (pièce n° 7) et en contravention avec l'arrêté d'opposition à déclaration préalable pris le 7 mars 2018 par le maire de la commune de Lons-le-Saunier (pièce n° 8) lequel n'a pas été attaqué à ce jour, étant en outre relevé, d'une part, que la déclaration préalable de travaux n'étant pas produite, il est impossible de vérifier que les travaux réellement effectués sont seulement conformes à cette déclaration et, d'autre part, que la société KG Grill ne justifie ni même ne prétend avoir procédé à l'affichage du récépissé de dépôt de sa déclaration préalable et à la pose d'un panneau décrivant le projet conforme au modèle réglementaire.
L'ordonnance entreprise sera par suite confirmée en ce qu'elle a ordonné sous astreinte la remise des lieux en leur état initial sauf en ce qui concerne l'abri édifié sous la terrasse de l'appartement des consorts J. dès lors qu'il n'est pas établi que cet abri a été construit par l'appelante après la signature du bail.
De même, il n'est pas démontré que la société KG Grill entreposerait illicitement des ordures, cartons ou récipients, le constat d'huissier ou les différents courriers adressés à celle-ci n'en faisant pas état et la seule pièce produite à ce sujet, à savoir une photographie (pièce n° 16) dont on ne sait ni où elle a été prise, ni quand, ni par qui n'étant pas de nature à administrer une telle preuve.
L'ordonnance déférée sera dès lors infirmée sur ces points.
Elle sera en revanche confirmée sur la provision allouée aux consorts J. pour les motifs exposés de manière pertinente par le premier juge que la cour adopte ainsi qu'en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Les demandes des consorts J. étant au moins partiellement accueillies, elles ne sauraient être qualifiées d'abusives de sorte que la société KG Grill sera déboutée de sa réclamation sur ce fondement.
La solution adoptée à hauteur de cour, qui voit chaque partie succomber partiellement en ses prétentions, justifie le rejet des demandes réciproques fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et le partage par moitié des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme l'ordonnance rendue le 6 février 2019 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier sauf en ce qu'elle a condamné la société KG Grill à démonter, à ses frais, l'abri édifié sous la terrasse de l'appartement des consorts J. et à déblayer tous dépôts d'ordures, de cartons, de récipients entreposés sur la terrasse en bois en dessous de la propriété des consorts J. et à les déposer dans des containers publics.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute les consorts J. de leurs demandes tendant à la condamnation de la société KG Grill à démonter, à ses frais, l'abri édifié sous la terrasse de leur appartement et à déblayer tous dépôts d'ordures, de cartons, de récipients entreposés sur la terrasse en bois en dessous de leur propriété et à les déposer dans des containers publics.
Déboute la société KG Grill de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive.
Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum Mme Monique B. veuve J., M. Jean-Christophe J. et Mme Patricia J. à payer la moitié des dépens d'appel et la SASU KG Grill à en payer l'autre moitié.