CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 14 février 2013, n° 12/01254
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Lixxbail (SA), Aurélia (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monin-Hersant
Conseillers :
M. Franchi, M. Picque
Dans le cadre d'une opération financière de défiscalisation, Messieurs Yves C. et Muhieddine O. ont constitué une SNC dénommée AURÉLIA avec la S.A. JET SEA, cette dernière en assurant la gérance, en vue de l'acquisition et de l'exploitation de bateaux de plaisance, le siège social étant fixé à Pointe-à-Pitre. La société JET SEA était aussi :
- d'une part, le vendeur du bateau catamaran de 12 mètres destiné à des croisières aux Antilles selon bon de commande du 29 décembre 1992 de SLIBAIL,
- d'autre part, l'exploitant du bateau auprès de la clientèle de plaisanciers, au titre d'un contrat de commercialisation souscrit le 22 décembre 1992 avec la SNC AURÉLIA.
Déclarant vouloir acquérir le bateau en copropriété, la société NATIO EQUIPEMENT a, le 29 décembre 1992, donné mandat à la société SLIBAIL de la représenter et d'agir en son nom dans l'opération en qualité de chef de file (SLIBAIL 66,86 % et NATIO EQUIPEMENT 33,14 %). La société SLIBAIL a signé le 29 décembre 1992 le bon de commande du bateau auprès du fournisseur JET SEA en mentionnant que la société AURÉLIA en serait la locataire. Le crédit-bail a été souscrit le 29 décembre 1992 par la SNC AURÉLIA auprès de SLIBAIL (devenue LIXXBAIL) et de NATIO ÉQUIPEMENT (devenue BNP PARIBAS LEASE GROUP) d'une durée de 5 ans moyennant des loyers trimestriels à échoir à partir du 1er janvier 1993. La SNC AURÉLIA (représentée par sa gérante, la société JET SEA) a signé le procès-verbal de réception et de prise en charge du navire dès le 30 décembre 1992 certifiant, tant en son nom qu'au nom et pour le compte du bailleur, avoir réceptionné le matériel conforme à la commande et en bon état de fonctionnement. Le 31 décembre 1992, SLIBAIL, au vu du procès-verbal de réception, a procédé au paiement du prix du bateau au fournisseur, soit 2.542.510 F (387.603,15 €).
En réalité, le bateau n'a jamais été livré.
La SNC AURÉLIA n'a payé que le premier loyer du crédit-bail. La société JET SEA, ayant encaissé le prix du bateau, a été placée en redressement judiciaire par jugement du 26 mars 1993 du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre. La gérance de la SNC AURÉLIA a alors été confiée à Monsieur O. par l'assemblée générale ordinaire de la SNC du 29 avril 1993.
Les 28 juillet, 5 août et 2 septembre 1997, les crédits-bailleurs ont attrait la société AURÉLIA et ses trois associés devant le tribunal de commerce de Paris aux fins, essentiellement, de l'entendre :
- à titre principal, constater la résiliation du crédit-bail et de condamner la SNC à leur payer 3.446.477,26 F (525.412,07 €), outre intérêts au taux légal à compter du 12 août 1993,
- subsidiairement, prononcer la résolution de la vente du bateau et de :
. Fixer au passif du redressement judiciaire de la société JET SEA la créance des crédits-bailleurs au titre du remboursement du prix et du manque à gagner à hauteur de 3.284.830,68 F (495.281,04 €),
. Condamner la SNC AURÉLIA, en application de l'article 18 du contrat, solidairement avec la société JET SEA à payer 3.284.830,68 F outre intérêts au taux légal à compter de la résolution de la vente,
- plus subsidiairement, condamner la SNC AURÉLIA, en application de l'article 2.3 du contrat, à payer 3.248.830,68 F (495.281,04 €) de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la demande, en réparation du préjudice résultant de la faute commise par la SNC dans l'exercice de son mandat, étant observé qu'aucune demande particulière n'était alors formulée à l'encontre de Messieurs C. et O. personnellement.
Puis Maître S., ès qualités d'administrateur judiciaire et de co-commissaire à l'exécution du plan de redressement par voie de cession de la société JET SEA, et Maître R. BES, ès qualités de représentant des créanciers de la procédure collective de la société JET SEA et de co-commissaire à l'exécution du même plan, sont volontairement intervenus à l'instance par conclusions déposées à l'audience collégiale du tribunal du 12 décembre 1997 réitérées lors de l'audience du 8 novembre 2000.
Sur demandes successives de la SNC AURÉLIA, le tribunal, par jugements des 18 septembre 1998 et 18 juin 2002, a sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale d'une instance en cours devant le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre à l'encontre des dirigeants de la société JET SEA.
L'instance a été reprise le 16 avril 2010 à l'initiative de LIXXBAIL venant aux droits de SLIBAIL et agissant également au nom de BNP PARIBAS LEASE GROUP, venant aux droits de NATIO EQUIPEMENT. Par conclusions déposées aux audiences des 11 juin et 26 novembre 2010 du tribunal, les crédit-bailleurs, dirigeant désormais leurs prétentions tant à l'encontre de la SNC AURÉLIA, qu'à l'encontre de Messieurs C. et O. personnellement, ont demandé :
- à titre principal, le constat de l'acquisition de la clause résolutoire à leur profit et de condamner les intéressés à leur payer 387.603,15 € majorés des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1992,
- à titre subsidiaire, les mêmes demandes subsidiaires que précédemment au titre de la résolution de la vente du bateau, sauf à ramener :
. En application de l'article 18 du contrat, à hauteur de 387.603,15 € le montant demandé à l'inscription du passif de la procédure collective de la société JET SEA,
. En application de l'article 2.3 du contrat [responsabilité du locataire en cas de mauvaise exécution du mandat donné par le bailleur], à hauteur de 400.000 € le montant demandé au titre des dommages et intérêts, augmentés des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 1997.
Par jugement réputé contradictoire du 23 mai 2011 assorti de l'exécution provisoire, Monsieur C. n'ayant pas comparu, (rectifié par jugement du 31 octobre suivant concernant l'orthographe de la dénomination de la société LIXXBAIL), le tribunal a essentiellement :
- prononcé la résolution judiciaire de la vente du catamaran entre JET SEA et LIXXBAIL ès nom et ès qualités, et la résiliation du contrat de crédit-bail entre la SNC AURÉLIA et LIXXBAIL ès nom et ès qualités,
- constaté l'inscription de la créance d'un montant de 387.603,15 € de LIXXBAIL ès nom et ès qualités, au passif du redressement judiciaire de la société JET SEA,
- condamné solidairement la SNC AURÉLIA et Messieurs C. et O. à payer à LIXXBAIL ès nom et ès qualités, en réparation du préjudice subi, 400.000 €, majorés des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 1997,
- condamné SNC AURÉLIA et Monsieur O. à payer à LIXXBAIL ès nom et ès qualités, 50.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la procédure dilatoire du fait des sursis à statuer antérieurement prononcés alors qu'ils se sont désistés de leur plainte avec constitution de partie civile depuis le 12 juin 2006 sans avertir les autres parties ni le tribunal, et 10.000 € de frais irrépétibles,
- condamné SNC AURÉLIA et Monsieur O., chacun, à une amende civile de 3.000 €.
Monsieur Yves C. a interjeté appel le 20 janvier 2012 en intimant LIXXBAIL ès nom et ès qualités, Monsieur Muhieddine O., la SNC AURÉLIA, Maître Didier S. et Maître Marie-Agnès R. B. respectivement ès qualités de commissaire à l'exécution du plan et de mandataire judiciaire de la société JET SEA.
La déclaration d'appel a été signifiée le 26 mars 2012 à Maître R. BES et le 22 mars 2012 à Maître S. ès qualités, l'appelant leur ayant, en outre, dénoncé ses écritures du 10 août 2012 par actes des 21 et 27 août 2012. Les mandataires de justice n'ont pas constitué avocat.
Vu les ultimes écritures signifiées le 19 décembre 2012, par Monsieur C. appelant, réclamant 5.000 € de frais irrépétibles et poursuivant :
- à titre principal, (en visant aussi le jugement rectificatif) la caducité des jugements au visa de l'article 478 du code de procédure civile et de renvoyer LIXXBAIL 'à mieux se pourvoir', le jugement (réputé contradictoire) du 23 mai 2011, lui ayant été signifié plus de 6 mois après son prononcé,
- subsidiairement, la nullité des jugements au visa des articles 16 et 56 du code précité, l'instance ayant été reprise après sursis à statuer et radiation sans que Monsieur C. en soit avisé, aucune demande n'étant initialement formulée à son encontre dans l'acte introductif d'instance et les écritures des 11 juin et 26 novembre 2010 de LIXXBAIL ne lui ayant pas été signifiées,
- plus subsidiairement, la péremption d'instance dès avant le prononcé des jugements, la décision pénale, à l'origine du sursis à statuer, étant intervenue le 18 février 2008 (date de l'ordonnance du magistrat instructeur prenant acte du désistement de la SNC AURÉLIA de sa plainte et ne renvoyant les mis en examen que d'autres chefs devant le tribunal correctionnel) aucune initiative procédurale n'étant prise avant le 16 avril 2010, outre que [conclusions page 11, non repris dans le dispositif] la créance invoquée par LIXXBAIL serait prescrite depuis le 29 juillet 2007 à l'encontre de Monsieur C., aucune demande n'ayant été formulée à son encontre avant le 1er avril 2011,
- encore plus subsidiairement, l'annulation du contrat de crédit-bail pour 'défaut de cause comme d'objet' et le rejet des demandes de LIXXBAIL, et sollicitant, en tout état de cause, la condamnation 'in solidum' de la société LIXXBAIL et de Monsieur O. à lui payer 72.505 € de dommages et intérêts et 'un montant équivalent à toutes condamnations principales ou accessoires prononcées à son encontre dans le cadre de l'instance objet des présentes' ;
Vu les ultimes écritures signifiées le 15 juin 2012, par Monsieur Muhieddine O. et la SNC AURÉLIA intimés, réclamant 15.000 € de frais irrépétibles et poursuivant :
- à titre principal, la nullité du crédit-bail pour 'inexistence et indétermination de l'objet' et de condamner LIXXBAIL ès nom et ès qualités à rembourser les loyers versés sans contre-partie à hauteur de 16.208,94 €, aux motifs que les crédits-bailleurs ne justifient pas de leur qualité de propriétaires, ni de la mise à disposition du navire objet du contrat,
- subsidiairement, la résolution judiciaire du crédit-bail aux torts exclusifs des crédits-bailleurs, pour défaut de respect des obligations qui leur incombent, et leur condamnation à rembourser les loyers versés sans contrepartie à hauteur de 16.208,94 € en estimant par ailleurs que les fautes ont été commises, non par la SNC, mais par sa gérante JET SEA, tout en s'opposant aux demandes indemnitaires des crédit-bailleurs, aux motifs qu'ils ne justifient pas d'un préjudice indemnisable et 'de l'absence de paiement de leur créance' dès lors que l'existence d'un plan de redressement de la société JET SEA doit leur permettre de la recouvrer dans le cadre de l'exécution dudit plan ;
Vu les ultimes écritures signifiées le 6 décembre 2012, par la société LIXXBAIL, agissant ès nom et ès qualités, réclamant 10.000 € de frais irrépétibles et priant la cour de constater l'acquisition de la clause résolutoire du crédit-bail en poursuivant :
- à titre principal, la condamnation de la SNC AURÉLIA et de Messieurs C. et O. à payer à LIXXBAIL et à BNP PARIBAS LEASE GROUP 387.603,15 €, majorés des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1992, outre, solidairement, 50.000 € de dommages et intérêts 'pour procédure abusive et dilatoire',
- subsidiairement, la confirmation du jugement, en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire de la vente du catamaran par JET SEA à LIXXBAIL et en ce qu'il a fixé à hauteur de 400.000 € majorés des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 1997, le montant du préjudice de la société LIXXBAIL en ayant retenu la faute lourde commise par la SNC AURÉLIA dans l'exercice de son mandat à l'égard des crédit-bailleurs ;
Vu la signification de la déclaration d'appel les 22 et 26 mars 2012 à Maître S. et à Maître R. BES ès qualités, lesquels n'ont pas constitué avocat devant la cour ;
SUR CE, la cour :
Sur les demandes de Monsieur C.
Considérant que Monsieur C. n'a pas démenti la société LIXXBAIL qui a indiqué que le jugement dont appel (du 23 mai 2011) lui a été signifié une première fois, le 4 novembre 2011, sur procès-verbal de recherches infructueuses délivré à sa dernière adresse connue ([...]) et une seconde fois, le 27 décembre 2011, après recherche du nouveau domicile de l'intéressé, suivant acte délivré 'à sa personne' ;
Que dès lors, ayant été signifié une première fois avant l'expiration du délai de six mois, le jugement réputé contradictoire dont appel n'est pas devenu 'non avenu' ;
Considérant, en revanche, qu'il est constant que l'acte introductif d'instance ne formulait aucune demande à l'encontre de Monsieur C. personnellement et que ce dernier n'a pas comparu en première instance devant le tribunal ;
Qu'en se bornant à affirmer que Monsieur C. 'était régulièrement représenté tout au long de la procédure au travers de la SNC AURÉLIA, dont il est l'associé, tenu de ce fait au courant de la procédure' étant ' tenu solidairement et indéfiniment responsable des dettes', la société LIXXBAIL n'a pas pour autant justifié avoir signifié à Monsieur C., qui n'était pas comparant devant les premiers juges, les demandes désormais dirigées à l'encontre de ce dernier personnellement, formulées dans des écritures déposées devant le tribunal de commerce aux audiences des 11 juin et 26 novembre 2010, de sorte que le tribunal n'a pas été régulièrement saisi de prétentions des crédit-bailleurs à l'encontre de Monsieur C. personnellement ;
Qu'en conséquence, en condamnant solidairement Monsieur C. avec la SNC AURÉLIA et Monsieur O. à payer à LIXXBAIL ès nom et ès qualités, en réparation du préjudice subi, 400.000 €, majorés des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 1997, le tribunal a outrepassé ses pouvoirs et cette partie de la décision doit être annulée ;
Que la demande de nullité du jugement, pour ce qui concerne Monsieur C., étant accueillie, il n'y a pas lieu d'examiner les demandes subsidiaires de ce dernier sur la péremption d'instance et l'annulation du contrat de crédit-bail pour 'défaut de cause comme d'objet' ;
Que, par ailleurs, l'éventuelle prescription de la créance des crédit-bailleurs à l'encontre de Monsieur C. [invoquée page 11 des conclusions de l'intéressé] ne sera pas davantage examinée, la demande n'ayant pas été formellement reprise dans le dispositif des écritures de sorte que la cour n'en n'est pas valablement saisie ;
Considérant aussi qu'en se bornant à solliciter 'en tout état de cause 'la condamnation 'in solidum' de la société LIXXBAIL et de Monsieur O. à lui payer 72.505 € de dommages et intérêts, Monsieur C. n'a pas rapporté la preuve, qui lui incombe, de la réalité du préjudice qu'il allègue, la demande correspondante devant être rejetée ;
Sur les demandes de Monsieur Muhieddine O. et la SNC AURÉLIA
Considérant que pour demander la nullité du crédit-bail pour 'inexistence et indétermination de l'objet ', ou, subsidiairement la résolution judiciaire du crédit-bail aux torts exclusifs des crédits-bailleurs, pour 'défaut de respect des obligations qui leur incombent', et exiger, en conséquence, le remboursement des loyers qui ont été payés, Monsieur Muhieddine O. et la SNC AURÉLIA prétendent que les crédits-bailleurs ne rapportent pas la preuve de leur qualité de propriétaires du navire objet du crédit-bail, l'acte de francisation n'étant pas produit, que le bateau n'a jamais été livré [conclusions page 11] et n'a pas été mis à disposition du crédit-preneur [conclusions page 13], le crédit-bail n'ayant dès lors pas d'objet [conclusions page 14] ;
Mais considérant que la SNC AURÉLIA, en sa qualité de crédit-preneur, a accepté :
- de prendre livraison du matériel des mains du fournisseur pour compte commun et de demander elle-même la délivrance du certificat d'immatriculation (soit en l'espèce l'acte de francisation du navire) au nom du bailleur à l'adresse du locataire et d'accomplir, aux lieu et place du bailleur, toutes les formalités ou déclarations obligatoires en acquittant directement tous droits et taxes (article 2 du contrat),
- de prendre livraison du bateau pour compte commun et d'adresser au bailleur le procès-verbal de réception et de prise en charge après l'avoir établi contradictoirement avec le fournisseur avec photocopie des documents administratifs attachés au matériel (acte de francisation notamment) et, le cas échéant, de refuser la livraison si le matériel n'est pas conforme, la responsabilité du bailleur ne pouvant être recherchée si le locataire n'a pas adressé au bailleur les documents susvisés ou son refus de prendre livraison, cette responsabilité du bailleur étant même expressément déchargée en ce qui concerne l'obligation de délivrance (article 4 du contrat) ;
Que la société JET SEA a été désignée gérante de la SNC AURÉLIA par la décision collective du 22 décembre 1992 des associés ;
Qu'il ne soit pas contesté qu'à la date du 30 décembre 1992, la SNC AURÉLIA, représentée par sa gérante, a établi un procès-verbal de réception et de prise en charge concernant le catamaran 'privilège 12M JEANTOT ' en certifiant :
- en sa qualité de mandataire du bailleur, avoir réceptionné le matériel en le reconnaissant conforme à la commande et en bon état de fonctionnement, tout en donnant au bailleur son accord pour régler la facture correspondante,
- avoir reçu du fournisseur tant en son nom qu'au nom et pour le compte du bailleur tous documents légalement exigés attestant la conformité du matériel loué avec les dispositions techniques et réglementaires applicables en matière de sécurité et d'hygiène ;
Qu'en se bornant à prétendre que les fautes auraient été commises par sa gérante JET SEA, la SNC AURÉLIA et Monsieur Muhieddine O. n'ont pas pour autant allégué, et a fortiori démontré, que la gérante se serait écartée de ses pouvoirs et de l'objet social de la SNC, de sorte que, vis-à-vis des tiers, cette dernière est engagée par les actes de sa gérante ;
Que dès lors, Monsieur Muhieddine O. et la SNC AURÉLIA ne sont pas fondés dans leurs prétentions à l'encontre des crédit-bailleurs ni dans leurs demandes d'annulation ou subsidiairement de résolution du contrat de crédit-bail ;
Sur les demandes des crédit-bailleurs
Considérant, liminairement, que les demandes des crédit-bailleurs à l'encontre de Monsieur C. personnellement n'ayant pas été formulées en première instance se trouvent nouvelles en cause d'appel et par suite irrecevables en application de l'article 564 du code de procédure civile ;
Considérant que la déclaration d'appel ayant été signifiée à Maître S. et à Maître R. BES ès qualités, la société JET SEA est dans la cause ;
Que devant la cour, les crédit-bailleurs ne sollicitent pas la résolution de la vente du catamaran par JET SEA à titre principal, mais la condamnation de la SNC AURÉLIA et de Monsieur O. à payer à LIXXBAIL et à BNP PARIBAS LEASE GROUP, la somme de 387.603,15 €, majorés des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1992 ;
Mais considérant que les crédit-bailleurs ayant indiqué que leur créance de remboursement du prix à hauteur de 2.542.510 F (387.603,15 €) a été admise au passif de la procédure collective de la société JET SEA, ce que le tribunal a constaté dans le dispositif du jugement dont appel sans être critiqué par les crédit-bailleurs, il convient, à la lumière de l'évolution des rapports entre le fournisseur du bateau et les crédit-bailleurs, d'examiner d'abord la demande subsidiaire de ces derniers tendant à la confirmation du jugement déféré 'en qu'il a prononcé la résolution judiciaire de la vente du catamaran par JET SEA à LIXXBAIL', pour ensuite en déduire les sommes dues par le crédit-preneur, objet de la demande principale des crédit-bailleurs ;
Considérant qu'il n'est plus contesté qu'agissant au titre du mandat donné par le crédit-bailleur, la société crédit-preneur AURÉLIA a faussement attesté le 30 décembre 1992 la réception et la prise en charge concernant le catamaran 'privilège 12M JEANTOT ' objet de la commande du 29 décembre précédent de la société SLIBAIL ;
Que c'est à juste titre que le tribunal a estimé que la vente était parfaite suite à l'accord sur la chose et sur le prix entre le fournisseur du bateau et les crédit-bailleurs co-acheteurs, même si la livraison de la chose n'était pas encore (réellement) intervenue ;
Que le défaut de livraison du bateau n'est plus aujourd'hui contesté de sorte que les crédit-bailleurs sont fondés à demander la résolution de la vente du navire pour défaut de délivrance, laquelle sera prononcée à compter de l'intervention volontaire dans l'instance de Maître S. et de Maître R. BES ès qualités à l'audience collégiale du tribunal du 12 décembre 1997, date à laquelle la demande subsidiaire, formulée dans l'acte introductif d'instance du 28 juillet 1997, de voir prononcer la résolution de la vente du bateau leur est devenue opposable ès qualités de représentants de la société JET SEA ;
Qu'en application de l'article 18 des conditions générales du contrat de crédit-bail, la résolution de la vente du catamaran entre JET SEA et les crédit-bailleurs étant confirmée ci-après, emporte résiliation du contrat de crédit-bail avec les conséquences contractuellement à la charge de la société AURÉLIA crédit-preneur, concernant la restitution, solidairement avec le fournisseur, de la totalité des sommes versées par le bailleur, majorée des intérêts à compter du versement du prix du bateau les autres stipulations de l'article 18 du contrat n'étant pas applicables compte tenu des circonstances particulières de l'espèce ;
Qu'il n'a pas été allégué que les crédits-preneurs auraient perçu le moindre règlement des organes de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société JET SEA ;
Qu'il résulte des stipulations des conditions particulières du crédit-bail que le prix HT versé par les crédit-bailleurs s'est élevé à hauteur de 2.542.510 F, soit 387.603,15 €, et qu'il convient de faire droit à la demande principale des crédit-bailleurs en condamnant la SNC AURÉLIA à payer à la société LIXXBAIL (tant pour elle-même que pour le compte de la société BNP LEASE GROUP) la somme de 387.603,15 €, majorés des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1992 ;
Considérant qu'en se bornant à demander la condamnation solidaire de la SNC AURÉLIA et de Monsieur O. au versement de 50.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la procédure 'abusive et dilatoire', les crédit-bailleurs n'ont pas pour autant justifié du préjudice allégué qui serait résulté de l'allongement des effets du sursis à statuer au-delà du désistement de la plainte pénale qui l'avait provoquée, le montant de la restitution du prix du bateau par le crédit-preneur étant contractuellement assorti des intérêts à compter du versement initial du prix ;
Que le jugement sera infirmé de ce chef ;
Que par ailleurs, la demande d'indemnisation de l'éventuel préjudice résultant de la mauvaise exécution du mandat par le crédit-preneur n'a pas à être examinée, celle-ci ayant été formulée à titre subsidiaire et la demande principale des crédits-preneurs étant intégralement accueillie ;
Considérant qu'il ressort implicitement des écritures des crédit-bailleurs qu'ils ont attrait dans la cause Monsieur O. en sa qualité d'associé solidairement indéfiniment responsable du passif de la SNC AURÉLIA ;
Mais considérant que Monsieur O. n'a pas de lien contractuel avec les crédit-bailleurs, les associés d'une société en nom collectif n'étant pas codébiteurs avec la société, leur obligation indéfinie et solidaire au passif social ayant un caractère subsidiaire nécessitant une vaine poursuite préalable de la SNC elle-même avant de poursuivre les associés ;
Que les crédit-bailleurs ne pouvant disposer d'un titre définitif exécutoire à l'encontre de la SNC AURÉLIA qu'après prononcé de l'arrêt à intervenir, ils n'ont pas pu justifier d'une vaine poursuite préalable de la SNC, de sorte que les demandes dirigées à l'encontre de Monsieur O. personnellement ne sont pas recevables à ce stade de la procédure ;
Sur l'amende civile prononcée par le tribunal à l'encontre de la SNC AURÉLIA et de Monsieur O.
Considérant qu'en sollicitant, dans leurs dernières écritures devant la cour, 'la réformation en toutes ses dispositions' du jugement déféré, Monsieur O. et la SNC AURELIA critiquent aussi implicitement la décision du tribunal leur ayant infligé à chacun une amende civile d'un montant de 3.000 € ;
Mais considérant que, défendeurs à la présente instance, Monsieur O. et la SNC AURELIA ont chacun sollicité le sursis à statuer en arguant de la procédure pénale pendante devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre à l'encontre des dirigeants de la société JET SEA en indiquant qu'ils y étaient parties en faisant état de la plainte avec constitution de partie civile qu'ils avaient déposée en 1993 et dont ils se sont désistés le 12 juin 2006 sans en avertir leurs adversaires ni le tribunal ;
Qu'en prolongeant ainsi sciemment et de mauvaise foi pendant plus de quatre années les effets du sursis à statuer qui avait été prononcé à leur demande, ils ont opposé une résistance malicieuse dans l'exercice de leur droit de se défendre, ce qui justifie l'amende civile prononcée à leur encontre par le tribunal ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à Monsieur C. et aux crédit-bailleurs, la charge des frais irrépétibles supplémentaires qu'ils ont dû exposer devant la cour ;
Que la société LIXXBAIL étant à l'origine des condamnations prononcées en première instance à l'encontre de Monsieur C., sera condamnée à verser à ce dernier cinq mille euros (5.000 €) de frais irrépétibles ;
Que succombant dans ses rapports avec les crédit-bailleurs, la SNC AURELIA sera condamnée à verser 10.000 € de frais irrépétibles à la société LIXXBAIL ;
PAR CES MOTIFS,
Annule le jugement en ce qu'il a condamné solidairement Monsieur C. avec la SNC AURÉLIA à payer à LIXXBAIL ès nom et ès qualités, 400.000 €, majorés des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 1997, en réparation du préjudice subi, et statuant à nouveau de ce chef,
Dit n'y avoir lieu à examiner cette partie des demandes de la société LIXXBAIL en appel, celles-ci n'ayant pas été valablement signifiées à Monsieur C.,
Confirme le jugement du 23 mai 2011 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :
- prononcé la résolution judiciaire de la vente du catamaran entre JET SEA et LIXXBAIL ès nom et ès qualités, et la résiliation du contrat de crédit-bail entre la SNC AURÉLIA et LIXXBAIL ès nom et ès qualités,
- constaté l'inscription de la créance d'un montant de 387.603,15 € de LIXXBAIL ès nom et ès qualités, au passif du redressement judiciaire de la société JET SEA,
- condamné la SNC AURÉLIA aux dépens de première instance et à payer à LIXXBAIL ès nom et ès qualités, 10.000 € de frais irrépétibles,
- condamné la SNC AURÉLIA et Monsieur O., chacun, à une amende civile de 3.000 €,
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la SNC AURÉLIA à payer à la société LIXXBAIL (tant pour elle-même que pour le compte de la société BNP LEASE GROUP) la somme de 387.603,15 €, majorés des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1992,
Déboute la société LIXXBAIL de ses demandes (ès nom et ès qualités) :
- de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- à l'encontre de Monsieur O. personnellement, et décharge ce dernier des dépens de première instance,
Condamne la société LIXXBAIL aux dépens de la partie de l'instance concernant Monsieur Yves C. et à lui verser cinq mille euros (5.000 €) de frais irrépétibles,
Condamne la SNC AURÉLIA aux autres dépens de l'instance et à verser dix mille euros (10.000 €) de frais irrépétibles à la société LIXXBAIL,
Admet les avocats postulants de la cause, chacun pour ce qui le concerne, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile,
Dit que pour permettre le recouvrement de l'amende civile, le greffier de la cour adressera directement une copie conforme du présent arrêt aux recettes-perceptions :
- du lieu du siège social de la SNC AURÉLIA : [...] ([...]),
- du domicile de Monsieur Muhieddine O. : [...].