Cass. 1re civ., 10 février 1987, n° 85-12.074
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fabre
Rapporteur :
M. Béteille
Avocat général :
M. Charbonnier
Avocats :
Me Ryziger, SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin
Sur le premier moyen :
Attendu que la société La Brocherie, qui exploite une discothèque, ainsi que le syndic de la liquidation de ses biens, reprochent à l'arrêt confirmatif attaqué (Rouen, 24 janvier 1985) d'avoir rejeté leur demande en référé tendant à la mainlevée et subsidiairement au cantonnement d'une saisie-contrefaçon pratiquée par la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique, dite SACEM ; que, selon le pourvoi, la saisie-contrefaçon ne peut être ordonnée qu'à la demande de l'auteur lui-même ou de ses ayants droit, que la SACEM, simple organisme de gestion financière, n'aurait eu qualité pour requérir une saisie au nom des auteurs que si elle avait démontré être cessionniaire de leur droit d'exploitation, et qu'il résultait au contraire de ses écritures qu'elle n'avait agi qu'en tant que mandataire de sociétés d'auteurs étrangères dont certaines seulement sont titulaires des droits de leurs membres, les autres n'en étant elles-mêmes que les mandataires, de sorte que la cour d'appel aurait violé les articles 65 et 66 de la loi du 11 mars 1957 ;
Mais attendu qu'en reconnaissant aux organismes professionnels d'auteurs tels que la SACEM, visés à l'alinéa 2 de l'article 43 de la loi du 11 mars 1957, la " qualité pour ester en justice pour la défense des intérêts dont ils ont statutairement la charge ", l'alinéa 2 de l'article 65 de ladite loi leur a notamment donné le pouvoir de demander la saisie-contrefaçon prévue et organisée par les articles 66 et suivants du même texte, lorsque les oeuvres appartenant à leur répertoire sont représentées sans leur consentement ; que le moyen doit donc être écarté ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore prétendu que, la société La Brocherie s'étant bornée à programmer des disques, et un phonogramme ne constituant pas une oeuvre de l'esprit suceptible de contrefaçon, la cour d'appel aurait violé les articles 1er, 3, 27, 28 et 66 de la loi du 11 mars 1957 ;
Mais attendu que s'il faut distinguer l'oeuvre que constitue l'enregistrement lui-même et l'oeuvre de l'esprit qui fait l'objet de cet enregistrement, l'article 27 de la loi du 11 mars 1957 dispose que la représentation de celle-ci consiste notamment dans sa communication au public par voie de diffusion des paroles, des sons ou des images " par quelque procédé que ce soit ", et donc en particulier par le disque ; que le moyen n'est pas mieux fondé que le précédent ;
Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que, selon le pourvoi, les recettes dont la saisie-contrefaçon peut être autorisée s'entendant seulement du profit retiré de la contrefaçon, la cour d'appel aurait violé l'article 66 de la loi du 11 mars 1957 en maintenant la saisie qui avait été pratiquée sur la totalité des recettes des établissements exploités par La Brocherie ; qu'il est également soutenu qu'elle aurait derechef violé ce texte ainsi que les articles 48 et suivants du Code de procédure civile en s'efforçant de justifier ladite mesure par la prétendue créance de la SACEM, alors que la saisie-contrefaçon est essentiellement différente de la saisie conservatoire de droit commun ; que le moyen invoque enfin une violation des articles 1101 et suivants et 1315 du Code civil, 48 et suivants du Code de procédure civile et 66 de la loi du 11 mars 1957, celui qui réclame l'exécution d'une obligation devant la prouver et la SACEM, en l'absence de tout contrat avec La Brocherie, n'ayant aucun droit, contrairement à ce qu'a décidé la cour d'appel, à " une somme égale aux redevances qui auraient été payées si un contrat avait été conclu " ;
Mais attendu que, tant par motifs propres qu'adoptés, la cour d'appel a énoncé qu'il ne s'agissait pas pour elle de fixer le montant de l'indemnité due à la SACEM en réparation de son préjudice mais de se prononcer quant à la mainlevée ou au cantonnement d'une saisie présentant les caractères d'une mesure conservatoire et portant sur les " recettes " d'une unique soirée ; que l'arrêt attaqué se trouve ainsi légalement justifié, abstraction faite du motif selon lequel les " recettes " visées par l'article 66 de la loi du 11 mars 1957 ne s'entendraient pas des seuls bénéfices, et sans qu'il puisse y avoir violation des articles 48 et suivants du Code de procédure civile ; que le moyen doit donc être écarté en ses deux premières branches ; qu'il doit l'être également en sa dernière, la cour d'appel ne s'étant référée " aux redevances qui auraient été payées si un contrat avait été conclu " qu'à titre d'élément d'appréciation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.