Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 13 avril 1988, n° 86-16.495

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ponsard

Rapporteur :

M. Grégoire

Avocat général :

M. Charbonnier

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, Me Choucroy

Paris, du 13 mai 1986

13 mai 1986

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mai 1986) que la Librairie Larousse a publié, sous la direction de M. X..., un ouvrage collectif dont deux chapitres, dus à Mme Y... et à Mme A..., sont consacrés à l'argenterie et à l'horlogerie ; que M. Maurice Z..., soutenant que ces chapitres " démarquaient " deux ouvrages publiés sur les mêmes sujets par son père, Henri Z..., dit B..., aujourd'hui décédé, a fait assigner la Librairie Larousse pour lui réclamer paiement de quatre millions de francs de dommages-intérêts et la destruction des ouvrages incriminés ; que la Librairie Larousse a appelé en garantie les trois auteurs susnommés ; que la cour d'appel a débouté M. Z... de l'intégralité de ses demandes ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche et le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que les deux chapitres litigieux ne constituaient pas des " résumés contrefaisants ", alors, selon le moyen, que la contrefaçon doit s'apprécier au regard des ressemblances et non des différences et que faute d'avoir examiné les points de ressemblance des ouvrages considérés et de s'être expliquée sur le prétendu défaut d'originalité de certains éléments du livre de M. B... sur les poinçons, la cour d'appel a violé les articles 1, 2 et 26 de la loi du 11 mars 1957 ;

Mais attendu que, loin de se borner à relever les seules différences existant entre les chapitres litigieux et les ouvrages de M. B..., la cour d'appel, qui a examiné les points de comparaison énumérés de façon précise dans les conclusions de M. Z..., a souverainement estimé que ces divers rapprochements ne révélaient pas les ressemblances incriminées, dès lors que, pour écrire leurs articles de vulgarisation, les auteurs de la Librairie Larousse, s'ils ont puisé une partie de leur documentation dans l'oeuvre de M. B..., n'ont adopté " ni la même présentation ni la même forme d'expression " ; que par ces seuls motifs l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef ;

Sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches :

Attendu que M. Z... fait encore grief à l'arrêt de n'avoir pas admis la contrefaçon de l'ouvrage intitulé " La Pendule française ", alors, d'une part, que la cour d'appel aurait violé les articles 1er et 2 de la loi du 11 mars 1957 et 455 du nouveau Code de procédure civile en jugeant qu'une sélection de photographies ne peut constituer un élément de l'originalité d'un ouvrage et qu'elle se serait, d'autre part, contredite en énonçant qu'étaient protégés " les rapprochements faits sur le plan historique et artistique avec l'histoire des pendules, ainsi que les reflexions personnelles ou les détails inédits ", mais que l'auteur ne pouvait revendiquer un droit exclusif sur " l'idée de présenter les diverses formes de pendules à travers l'histoire et les régions " ;

Mais attendu d'abord que l'arrêt n'énonce pas le principe dont il lui est fait reproche mais constate que les photographies rassemblées par M. B... ne sont pas reproduites dans le chapitre litigieux ; d'où il suit que le grief manque en fait ;

Qu'en second lieu la cour d'appel ne s'est pas contredite en distinguant le contenu de l'ouvrage et l'idée non protégeable qui l'a inspiré ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Rejette le premier moyen en sa première branche et le second moyen ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche ;

Vu les articles 1er, 3 et 41 de la loi du 11 mars 1957 ;

Attendu qu'après avoir constaté que seize dessins exécutés à la plume par M. B... et représentant des poinçons se trouvaient reproduits dans l'ouvrage publié par la Librairie Larousse, la cour d'appel énonce qu'extraits en " très petit nombre " de l'ouvrage de M. B... " ils apparaissent comme une courte citation autorisée par la loi " ; qu'en statuant ainsi, alors que chacun de ces dessins, qui constituaient en eux-mêmes des oeuvres protégées par la loi du 11 mars 1957, faisait l'objet d'une reproduction intégrale, qui ne pouvait s'analyser comme une courte citation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la reprodution dans le chapitre " les poinçons d'argent ", de seize dessins illustrant l'ouvrage de M. B... ne constituait pas une contrefaçon, l'arrêt rendu le 13 mai 1986, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.