CA Douai, 2e ch. sect. 2, 27 janvier 2022, n° 21/00314
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Amadéveloppement (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bedouet
Conseillers :
Mme Cordier, Mme Fallenot
FAITS ET PROC''DURE :
Madame Azelart veuve N., venant aux droits de la SCI Saint Sauveur, est propriétaire d'un immeuble situé à [...].
En septembre 1993, la SCI Saint Sauveur avait consenti à la SARL Amadéveloppement, qui exploite un fonds de commerce d'imprimerie et photocopie, sous l'enseigne Copyrama, un bail dérogatoire portant sur un hall d'exposition avec un petit bureau et des WC, d'une durée de 23 mois à courir à compter du 15 octobre 1993, moyennant un loyer annuel de 48 000 francs HT, soit 7 317,55 euros HT, non indexé, payable mensuellement.
Le 2 avril 1999, la SCI Saint Sauveur avait également consenti à la SARL Amadéveloppement un bail portant sur un local à usage commercial exclusif, situé à [...], constitué d'une pièce de stockage de 60 m2 annexe aux locaux commerciaux loués à titre principal, pour un loyer mensuel de 1400 francs HT, soit 213,43 euros HT, ainsi qu'une provision sur charges de 288,04 francs HT soit 43,91 euros HT.
Le 1er décembre 2013, la SCI Saint Sauveur avait enfin consenti à la SARL Amadéveloppement un bail portant sur un local à usage commercial exclusif situé à [...], constitué d'une pièce de stockage de 32 m2 annexe aux locaux commerciaux loués à titre principal, pour un loyer mensuel de 240 euros HT.
Par acte d'huissier du 29 décembre 2015, Madame Azelart veuve N. a fait délivrer à la locataire un commandement de payer portant sur la somme principale de 6 709,01 euros, avant d'initier une procédure en constatation de la résiliation du bail commercial par acquisition de la clause résolutoire à effet au 30 janvier 2016 devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Arras.
Par ordonnance du 15 décembre 2016, ce magistrat a :
- dit n'y avoir lieu à constater la résiliation du bail conclu entre la SCI Saint Sauveur et la société Amadéveloppement avec effet au 15 octobre 1993 et ses avenants ;
- débouté la SCI Saint Sauveur de ses demandes de prononcé d'expulsion, d'indemnité d'occupation, et d'astreinte ;
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision sur les loyers impayés, taxe foncière et charge d'eau en raison de l'existence d'une contestation sérieuse ;
- débouté Madame Marie-Thérèse A. épouse N. et la société Amadéveloppement de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné Madame Marie-Thérèse A. épouse N. aux dépens.
Par acte d'huissier en date du 12 juin 2018, Madame Azelart veuve N. a fait assigner sa locataire devant le juge du fond, afin principalement d'obtenir sa condamnation à lui payer les sommes dues au titre des loyers.
En réponse, la société Amadéveloppement lui a opposé l'exception d'inexécution et a sollicité l'autorisation de consigner ses loyers sur le compte Carpa de son conseil dans l'attente de la réalisation de travaux à charge du bailleur.
Par jugement rendu le 19 novembre 2020, le tribunal judiciaire d'Arras a statué en ces termes :
Déboute la société AMADEVELOPPEMENT de sa demande visant à l'autoriser à consigner les loyers sur le compte CARPA de son conseil en l'attente de la réalisation des travaux à charge du bailleur,
Condamne la société AMADEVELOPPEMENT à payer à Mme Marie-Thérèse A. veuve N. la somme de 22186, 76 euros au titre des loyers impayés selon décompte arrêté au 1er juillet 2019, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
Déboute la société AMADEVELOPPEMENT de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société AMADEVELOPPEMENT à payer à Mme Marie-Thérèse A. veuve N. la somme de 2500, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société AMADEVELOPPEMENT aux dépens de l'instance, comprenant le coût du commandement de payer du 29 décembre 2015,
Prononce l'exécution provisoire du jugement, frais et dépens compris.
Par déclaration du 14 janvier 2021, la société Amadéveloppement a relevé appel de l'ensemble des chefs de cette décision.
Par avis du 9 août 2021, les parties ont été avisées que l'ordonnance de clôture serait rendue le 19 octobre 2021 à 14h00 en vue d'une audience de plaidoiries fixée le 9 novembre 2021 à 9h30.
La société Amadéveloppement a notifié de nouvelles conclusions le 18 octobre 2021 à 12h42.
Par message régularisé par le RPVA le 18 octobre 2021 à 16h42, Madame Azelart veuve N. a sollicité le report de l'ordonnance de clôture.
Par message du 21 octobre 2021, les parties ont été avisées du report de l'ordonnance de clôture au 28 octobre 2021 à 14h00.
Madame Azelart veuve N. a notifié de nouvelles conclusions le 27 octobre 2021 à 10h55.
Le 28 octobre 2021 à 13h29, la société Amadéveloppement a signifié trois nouvelles pièces numérotées 58, 59 et 90.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 octobre 2021 et notifiée aux conseils des parties à 14h18.
Par message régularisé par le RPVA le 28 octobre 2021 à 16h40, Madame Azelart veuve N. a sollicité « le rejet de ces pièces ou le report de la clôture », sans cependant saisir la cour de conclusions procédurales en bonne et due forme.
Lors de l'audience du 9 novembre 2021, les conseils des parties ont fait déposer leurs dossiers de plaidoiries. Le délibéré a été fixé au 27 janvier 2021.
PR''TENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions régularisées par le RPVA le 18 octobre 2021, la société Amadéveloppement demande à la cour de :
Débouter Madame Marie-Thérèse N., venant aux droits de la SCI SAINT SAUVEUR de toutes ses fins, demandes et conclusions ;
Déclarer l'appel recevable et bien fondé ;
Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'ARRAS le 19.11.2020 ;
Statuant à nouveau,
Débouter Mme Marie-Thérèse A. Veuve N. de sa demande en condamnation au titre des loyers par application de l'exception d'inexécution ;
A titre subsidiaire
Dire et juger que la SARL AMADEVELOPPEMENT sera autorisée à consigner les loyers impayés sur le compte CARPA de son conseil dans l'attente de la réalisation des travaux à charge du bailleur ;
Dire et juger que les sommes dues au titre des loyers impayés ne sauraient excéder la somme de 8 019.12 € ;
Condamner Mme Marie-Thérèse A. Veuve N. au paiement de la somme de 3 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La SARL Amadéveloppement conteste le quantum des sommes qu'elle reste devoir à la bailleresse au titre des loyers, qu'elle chiffre à 8 019,12 euros, et non à 22 186,76 euros.
Elle ajoute qu'elle a eu à subir divers sinistres, consistant en des infiltrations d'eau dans ses locaux dès l'année1996, qu'elle a fait constater par huissiers de justice. Un rapport d'expertise a finalement été établi le 24 octobre 2016, lequel a confirmé les désordres constatés dans les locaux, à savoir une goutte à goutte au plafond, une teneur en humidité anormale et une présence d'eau stagnante au sous-sol sous le chauffe-eau. La bailleresse n'a donné aucune suite à ce rapport. Un nouveau sinistre a été constaté le 19 août 2017 en raison d'infiltrations en toiture, ciels vitrés et terrasses. Compte tenu des stipulations du bail, il appartient au bailleur d'entreprendre les réparations.
La société Amadéveloppement conclut qu'elle est obligée de bâcher ses machines, ce qui lui occasionne un préjudice de jouissance. Dans ces conditions, elle est fondée à opposer le principe de l'exception d'inexécution.
Par conclusions régularisées par le RPVA le 27 octobre 2021, Madame Azelart N. demande à la cour de :
Vu les articles 1101, 1134 et 1315 dans leur rédaction applicable au présent litige,
Vu les pièces versées au débat,
Déclarer Madame Marie-Thérèse N., venant aux droits de la SCI SAINT-SAUVEUR, recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Confirmer purement et simplement la décision dont appel en toutes ses dispositions,
Débouter la SARL AMADEVELOPPEMENT de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Condamner la SARL AMADEVELOPPEMENT à payer à Madame Marie-Thérèse N. la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,
Condamner la SARL AMADEVELOPPEMENT aux entiers frais et dépens d'appel.
La bailleresse explique qu'il existe un décalage parfois conséquent entre la date d'exigibilité du loyer et la date à laquelle la société Amadéveloppement procède au règlement. A juste titre, elle impute les règlements qu'elle perçoit sur les échéances les plus anciennes. Elle tient rigoureusement à jour un tableau au sein duquel elle fait apparaître, avec leurs références, tous les paiements qu'elle reçoit. Compte tenu des loyers qui continuent de courir depuis la mise en œuvre de la procédure judiciaire et au regard des règlements opérés par la débitrice, la dette s'élève au 1er juillet 2019 à la somme de 22 186,76 euros.
Elle relève que la société Amadéveloppement a attendu d'être assignée dans le cadre de la présente procédure pour prétendre subir un trouble de jouissance. Si plusieurs sinistres (dégâts des eaux et début d'incendie) sont survenus, la bailleresse a toujours satisfait à ses obligations et agi en temps utile. Contrairement à ce que la locataire tente de faire croire, les désordres invoqués sont anciens et ont été résolus.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Par message adressé par le RPVA le 15 décembre 2021, les conseils des parties ont été invités par la cour, en application des dispositions des articles 15 et 16 du code de procédure civile, à présenter leurs observations sur la recevabilité des pièces n°58, 59 et 60 signifiées en dernière minute par la société Amadéveloppement, et ce par une unique note en délibéré chacun, avant le 17 décembre 2021.
Par note en délibéré en date du 16 décembre 2021, Madame Azelart veuve N. a sollicité le rejet des pièces tardivement signifiées par son adversaire, soulignant leur ancienneté et son impossibilité d'y répondre.
La société Amadéveloppement n'a pas répondu à la demande de la cour.
SUR CE :
I - Sur la recevabilité des pièces n°58, 59 et 60 de la société Amadéveloppement
Aux termes des articles 15 et 16 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense. Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
En l'espèce, la société Amadéveloppement a notifié le 28 octobre 2021 à 13h29, soit une demi-heure avant la clôture, trois nouvelles pièces.
Il s'agit indiscutablement d'un comportement des plus criticables, qui ne saurait être excusé par une 'vocation à apporter des précisions en suite des conclusions' déposées par Mme Azelart veuve N. le 27 octobre 2021 à 10h55 (pour une clôture annoncée le 28 octobre 2021 à 14h00), ces conclusions faisant en réalité elles-mêmes à la suite des conclusions notifiées par la société Amadéveloppement le 18 octobre 2021 à 12h42 (pour une clôture annoncée le 19 octobre 2021 à 14h00).
Il n'en demeure pas moins qu'elles ne peuvent être écartées que si elles font échec au principe de la contradiction ou caractérisent un comportement contraire à la loyauté.
En l'espèce :
- la pièce 58 est constituée par des extraits des baux en date du 2 avril 1999 et du 1er décembre 2013 ;
- la pièce 59 est constituée par un décompte manuscrit des sommes versées par la locataire au 31 décembre 2008 ;
- la pièce 60 est constituée par la copie d'un chèque n°0001057 de 597,60 euros associée à des mentions manuscrites détaillant les loyers supposés payés par ce moyen.
Il s'impose donc de constater qu'hormis en ce qui concerne la pièce 58 qui n'apporte rien aux débats, les contrats ayant déjà été intégralement communiqués, les pièces 59 et 60 constituent des éléments nouveaux, malgré leur ancienneté, et la partie adverse n'a manifestement pas pu juger utilement et sereinement de la nécessité d'y répondre.
En conséquence, les pièces 59 et 60 doivent être déclarées de dernière minute et écartées des débats.
II ' Sur la demande en paiement présentée par la bailleresse
Aux termes de l'article 1334 ancien du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Aux termes des articles 1103 et 1104 nouveaux du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du Code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
Aux termes de l'article 1184 ancien du Code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Aux termes des articles 1217 et 1231-1 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- solliciter une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
En l'espèce, il est établi par les pièces versées au dossier que :
- le premier local pris à bail par la société Amadéveloppement est situé sous des appartements, tandis que les deux autres locaux sont situés sous un hangar beaucoup plus vaste ;
- la société Amadéveloppement a signalé à sa bailleresse l'existence de plusieurs fuites d'eau affectant le premier local pris à bail dès le 20 décembre 1993, puis à nouveau le 1er octobre 1996 ;
- elle a fait constater le 19 novembre 1996 par un huissier de justice d'importantes infiltrations en faux plafond, avec percement des dalles, du faux plafond en bois, laine de verre imbibée par endroits et flaques d'eau au sol ;
- elle a de nouveau fait constater le 9 juin 1997 par un huissier de justice des infiltrations d'eau par le plafond ayant dégradé ses fournitures et machines ;
- elle a écrit à la bailleresse les 17 et 27 juin 1997 pour l'alerter de l'urgence à effectuer les travaux, compte tenu des graves dégâts susceptibles d'être occasionnés à son matériel informatique, photocopieurs et plusieurs tonnes de papier ;
- des déclarations de dégâts des eaux survenus le 28 août 2005, le 18 février 2006, le 26 et le 29 septembre 2007 ont été effectuées par la locataire ;
- par courrier du 24 janvier 2008, le cabinet d'experts Sogedex a alerté la SCI Saint Sauveur qu'il y avait « urgence de réfectionner la totalité de la couverture de tout le bâtiment industriel, de simple rez-de-chaussée, et, de renforcer la charpente métallique sur la partie avant sur rue », les dégâts des eaux étant « inévitables » « au vu de la toiture existante » « et seront à répétition sur du matériel informatique et des papiers sensibles à l'humidité » ;
- un dégât des eaux est survenu le 21 juillet 2015, à la suite d'un violent orage, ayant entraîné des écoulements et des dégradations aux aménagements d'origine et locatifs ainsi qu'aux marchandises et matières premières ; les investigations menées par un couvreur ont permis de découvrir un ballon au droit de la descente des eaux pluviales du chéneau ; le bailleur a fait installer une bâche dans l'attente de la venue de l'expert mandaté par l'assureur de la locataire ;
- la locataire a mis en demeure sa bailleresse de réaliser des travaux les 9 et 17 septembre 2015 ;
- l'expert, intervenu le 17 février 2016, a préconisé des travaux dont la nature n'est pas précisée, lesquels devaient être effectués dans un délai de deux mois ;
- le 3 juin 2016, l'expert a demandé à la bailleresse de l'informer du calendrier de réalisation des travaux ;
- le 6 juillet 2016, l'expert a demandé à la bailleresse d'effectuer les travaux sans délai, les écoulements persistant avec aggravation et risque d'écroulement du plafond ;
- un autre dégât des eaux est survenu le 21 juillet 2016 dans les locaux donnés à bail ; les investigations réalisées ont mis en évidence un défaut d'installation du groupe de sécurité du chauffe-eau de l'appartement situé au-dessus du local commercial, occupé par Madame Laëtitia P., entraînant un goutte-à-goutte, refoulant l'eau au sol à l'aplomb des dégâts ;
- la locataire s'est plainte de l'absence de réalisation des travaux par lettres du 26 septembre 2016 et du 18 octobre 2016, puis de nouveau par lettre du 13 février 2017 ;
- à une date indéterminée, la bailleresse lui a répondu que le problème venait de la poche d'eau qui s'était formée et avait provoqué les infiltrations, et qu'il n'existait plus de problème de fuite hormis les « écoulements supplémentaires encore à effectuer » ;
- la locataire a fait une déclaration de dégât des eaux à son assureur le 19 août 2017 de type « infiltration toiture, ciels vitrés, terrasses », dont l'origine exacte et les suites sont inconnues ;
- elle en a informé la bailleresse et lui a rappelé la persistance de la fuite en provenance de l'appartement du dessus et d'une fuite au niveau du lavabo par lettre du 21 août 2017 ;
- la locataire a fait constater par un huissier de justice, en date du 9 avril 2019, la persistance de problèmes d'infiltrations et d'humidité à l'intérieur des locaux donnés à bail, caractérisée par la présence, au fond du local, d'un goutte-à-goutte à proximité d'un plafonnier, avec trace d'humidité, présence de cloques et décollement du revêtement, le matériel à proximité devant être recouvert d'une bâche, ainsi que des traces d'humidité anciennes dans d'autres parties des locaux.
Il sera ajouté que les services de la mairie d'Arras sont saisis depuis mars 2019 de l'état de délabrement du toit du hangar, attesté par des photographies, les voisins se plaignant de morceaux de verre atterrissant dans leur jardin.
L'ensemble de ces éléments établit que la société Amadéveloppement subit, depuis son entrée dans les lieux, des problèmes d'infiltrations récurrents, entravant gravement son exploitation commerciale, sans que la bailleresse ne prenne de mesures durablement efficaces.
Les deux attestations produites par Madame Azelart veuve N., datées des 17 et 19 janvier 2019, aux termes desquelles les témoins n'ont pas constaté de « dégâts », de « taches au plafond », de « délabrement » ou de « récipient au sol » dans les parties du local commercial auxquelles ils ont pu accéder, à des dates d'ailleurs indéterminées, sont impuissantes à rapporter la preuve contraire, étant battues en brèche par toutes les pièces produites aux débats telles que précédemment synthétisées.
Quant à l'attestation de Madame Laëtitia P., datée du 17 janvier 2019, locataire de l'appartement situé au-dessus d'un partie des locaux loués par la société Amadéveloppement, elle indique uniquement qu'un « plombier est venu remettre un tuyau à la sortie du cumulus suite à la cause déterminée par l'expert », sans aucune précision sur la date de cette intervention et sa réelle efficacité.
Il sera encore souligné la mauvaise foi patente de la bailleresse, qui a tenté de s'exonérer de sa responsabilité en prétendant de manière péremptoire que les fuites pouvaient provenir d'un « raccordement d'eau frauduleux sur l'appartement n°1 » réalisé par la société Amadéveloppement, allégation manifestement dénuée de toute crédibilité et qui n'est d'ailleurs pas étayée par la moindre offre de preuve.
L'interdépendance des obligations réciproques résultant d'un contrat synallagmatique comme le bail permet à l'une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l'autre n'exécute pas la sienne. En conséquence, la locataire est fondée à refuser de payer ses loyers dans la mesure où la bailleresse n'effectue pas les travaux nécessités par l'état de chacun des locaux donnés à bail, lequel, au regard des pièces produites, justifierait une suspension complète des paiements, la cour ne pouvant cependant statuer que dans les limites du litige.
Madame Azelart veuve N. sera donc déboutée de sa demande en paiement et la décision entreprise infirmée en ce qu'elle a condamné la société Amadéveloppement à lui payer la somme de 22 186, 76 euros au titre des loyers impayés selon décompte arrêté au 1er juillet 2019, avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
III ' Sur les demandes accessoires
1) Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
L'issue du litige justifie de condamner Madame Azelart veuve N. aux dépens d'appel et de première instance. La décision entreprise sera réformée de ce chef.
2) Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l'article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
La décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné la société Amadéveloppement à payer à Madame Azelart veuve N. la somme de 2 500 euros au titre au titre de ses frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Madame Azelart veuve N., tenue aux dépens d'appel, sera en outre condamnée à verser à la société Amadéveloppement la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles, et déboutée de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans les limites de la dévolution,
Ecarte des débats les pièces n°59 et 60 de la société Amadéveloppement ;
Infirme le jugement rendu le 19 novembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Arras en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute Madame Marie-Thérèse A. veuve N. de sa demande en paiement des loyers dus par la société Amadéveloppement ;
Condamne Madame Marie-Thérèse A. veuve N. à payer à la société Amadéveloppement la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
Déboute Madame Marie-Thérèse A. veuve N. de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Condamne Madame Marie-Thérèse A. veuve N. aux dépens de première instance et d'appel.