CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 1 octobre 2013, n° 12/00646
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Société la Venus (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Legras
Conseillers :
M. Pellarin, M. Delmotte
Par acte sous seing privé du 21 juillet 2006 Amador L. consentait à la SARL LA VENUS la location à usage commercial de locaux dans un immeuble sis [...] pour l'exploitation d'un cabaret-spectacles à l'enseigne 'La Vénus', pour neuf ans à compter du 1er juin 2006 et moyennant un loyer mensuel de 2.950€.
Une clause du bail prévoyait une dispense de paiement du loyer jusqu'en octobre 2006 en contrepartie de la prise en charge par le preneur de la mise en conformité des locaux avec les règles de sécurité applicables aux établissements recevant du public. Néanmoins la locataire ne s'acquittait pas des loyers jusqu'à la fin des travaux permettant l'ouverture au public en décembre 2008.
Le 11 décembre 2008 Amador L. faisait délivrer à la SARL LA VENUS un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail pour une somme de 137.363,86€ au titre des loyers échus impayés depuis le 1er octobre 2006 (106.205€) ainsi que du pas de porte (18.000€) et des pénalités de retard (12.450,38€) et demandant qu'il soit justifié de l'assurance locative, de la licence d'entrepreneur de spectacles et des autorisations municipales.
Par ordonnance du 9 janvier 2009 le juge des référés du tribunal de grande instance de TOULOUSE, saisi par la SARL LA VENUS, constatait la résiliation du bail à la date du 11 janvier 2009 et suspendait les effets de la clause résolutoire en accordant à celle-ci un délai pour se libérer de la somme de 137.363,86€ en prévoyant des modalités de paiement.
Par jugement du tribunal de commerce de TOULOUSE du 30 septembre 2009 la SARL LA VENUS était déclarée en redressement judiciaire. La créance locative faisait l'objet d'une fixation à la somme de 151.500,74€ par arrêt de la cour de céans du 27 mars 2012.
Par acte du 6 août 2010 la SARL LA VENUS faisait assigner Amador L. devant le tribunal de grande instance de TOULOUSE aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 280.000€ de dommages-intérêts en réparation des préjudices consécutifs à sa réticence dolosive consistant à ne pas révéler l'ampleur des travaux de mise en conformité nécessaires pour l'exercice de son activité dans les locaux donnés à bail. Amador L. concluait au débouté et demandait 3.000€ de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Par jugement du 16 janvier 2012 le tribunal a débouté la SARL LA VENUS de ses demandes, a débouté Amador L. de sa demande en dommages-intérêts et a dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL LA VENUS a interjeté appel le 14 février 2012. Elle a conclu récapitulativement le 11 septembre 2012 à l'infirmation en reprenant ses demandes de première instance, portant celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile à 3.000€. Elle fait valoir pour l'essentiel :
' que l'état de délabrement des locaux et leur non-conformité aux règles de sécurité qui avait déjà justifié plusieurs avis défavorables de la Commission Communale de Sécurité était méconnu d'elle et nécessitait des travaux beaucoup plus importants en coût et en durée que ceux prévus, ce que le bailleur ne pouvait pas ignorer ;
' qu'elle n’ait pu commencer son exploitation que près de 30 mois après la conclusion du bail et l'action en résiliation du bail intentée par L. l'a conduite à déposer le bilan ;
' qu'elle soit fondée à invoquer sa réticence dolosive alors que la durée de franchise de quatre mois prévus au bail ne concernait que des travaux d'aménagement et non de structure ou de mise en conformité et qu'il a attendu la fin des travaux pour délivrer son commandement ;
' que la responsabilité du bailleur soit également engagée au titre de sa mauvaise foi dans l'exécution du contrat en revenant sur leur accord tacite de dispense de paiement du loyer jusqu'à l'ouverture du cabaret, ce que confirme son absence de réclamation jusqu'en décembre 2008 ;
' qu'elle ait engagé pour 36.103€ de travaux et n'a pu exercer son activité pendant un an supplémentaire, sa marge brute annuelle prévisionnelle étant de 235.300€.
Amador L. étant décédé le 6 décembre 2011 ses héritiers sont Philippe et Danielle L. qui, par conclusions du 12 juillet 2012, demandent la confirmation du jugement sauf à ce qu'il soit fait droit à la demande en 10.000€ de dommages-intérêts pour procédure abusive et infondée. Ils demandent 2.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Ils répondent :
' que la preuve de travaux beaucoup plus importants que ceux prévus n'est pas rapportée et la connaissance par l'appelante de l'état des locaux et des travaux à réaliser est établie par le contrat de bail qui prévoyait un paragraphe spécifique et dans lequel elle déclarait avoir pris connaissance du rapport VERITAS du 19 mars 2002 ;
' qu'elle entretient une confusion entre les locaux loués, situés au rez -de-chaussée, et ceux précédemment occupés par le cabaret La Biscotte au premier étage et elle vise un rapport VERITAS de septembre 2006 qu'elle ne produit pas.
M O T I F S E T D E C I S I O N
La démonstration par l'appelante d'une réticence dolosive du bailleur lors de l'acte sous seing privé du 21 juillet 2006 ayant consisté à ne pas l'informer de l'importance réelle des travaux de mise en conformité des locaux loués à l'usage auquel ils étaient destinés implique la démonstration d'une part que les travaux en cause excédaient à l'évidence par leur ampleur ce qui était prévu au bail, d'autre part que le bailleur en avait une parfaite connaissance, et il resterait à établir l'intention de tromper et le caractère déterminant du dol sur la souscription au contrat de bail.
Le bail commercial du 21 juillet 2006 contenait un paragraphe 'Mise en conformité des locaux' stipulant que le preneur devra réaliser à ses frais tous travaux et toutes mesures nécessaires à la mise en conformité du local pour les activités prévues au bail sans qu'il puisse exiger quelque participation que ce soit du bailleur, mais il était d'autre part précisé qu'après visite des lieux et consultation du rapport final de contrôle technique établi par la SA BUREAU VERITAS en date du 19 mars 2002 le preneur entendait prendre à sa charge sous la maîtrise d'oeuvre d'un architecte DPLG les travaux de mise en conformité du local aux normes de sécurité correspondant notamment à une liste de travaux tels qu'isolement par rapport au local attenant , mise en coupe-feu de la charpente, création d'une issue de secours ou installation d'un système de désenfumage. Il s'y ajoutait, au titre des autres travaux préconisés par le Service d'Hygiène et Sécurité de la mairie de TOULOUSE, la suppression d'une partie du plancher avec pose d'un escalier permettant l'accès au premier étage.
Il apparaît à ce stade que la locataire disposait par la visite préalable des lieux, la connaissance du rapport VERITAS du 19 mars 2002 et les spécifications particulières du bail d'indications précises sur les travaux à réaliser et la franchise de loyer sur quatre mois correspondait à une participation financière du bailleur au financement des travaux.
Les documents produits par l'appelante relatifs aux travaux à réaliser soit :
' le rapport VERITAS du 26 octobre 2006 ;
' le rapport d'expertise ROUCH du 22 février 2010 ; sont postérieurs au bail
Les procès-verbaux de la Commission de Sécurité des 1ers févriers et 3 juillet 2002 émettant des avis défavorables à l'ouverture des locaux concernent le cabaret 'La Biscotte' qui occupait le premier étage du bâtiment, un autre procès-verbal du 3 juillet 2002 concerne les locaux occupés par un autre preneur (CUISIRAMA) et il en est de même du procès-verbal de réunion de la Commission de Sécurité du 6 janvier 2005 concernant le FORUM des ANTIQUAIRES. Le procès-verbal de la même commission du 29 novembre 2005 concernant le précédent occupant des locaux loués (LE HOME BLEU) contenait un avis favorable à la poursuite de l'exploitation sous réserve de réalisation de prescriptions de sécurité contre l'incendie.
S'il n'est guère contestable eu égard au permis de construire délivrer le 18 mars 2008 et aux factures de travaux produites que l'importance réelle des travaux nécessaires à la mise en conformité des locaux avait été sous-estimée par l'une et l'autre partie la démonstration de la connaissance par le bailleur de cette importance n'est pas rapportée.
L'appelante impute d'autre part au bailleur une mauvaise foi dans l'exécution du bail qu'elle déduit du fait qu'il aurait attendu la fin des travaux par elle financés pour délivrer son commandement de payer en revenant ainsi sur leur accord tacite de dispense du paiement du loyer jusqu'à l'ouverture du cabaret.
Un tel accord tacite, qui n'aurait été que verbal, est formellement contesté et ne peut se déduire du temps écoulé depuis octobre 2006 sans rappel de loyer alors que le commandement de payer a été précédé d'une LRAR du 9 juillet 2008.
L'appelante sera en conséquence déboutée et le jugement déféré confirmé.
Les intimés forment une demande reconventionnelle en dommages-intérêts sur le fondement d'un abus de procédure dont la preuve n'est pas rapportée et ils en seront déboutés.
Il sera fait droit à hauteur de 3.000€ au titre des deux instances à leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
' CONFIRME le jugement ;
' DEBOUTE Philippe et Danielle L. de leur demande en dommages-intérêts ;
' CONDAMNE la SARL LA VENUS à payer à Philippe et à Danielle L. la somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
' CONDAMNE la SARL LA VENUS aux dépens d'appel dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.