CA Riom, 1re ch. civ., 2 mars 2021, n° 20/01418
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Comcentre (Sté)
Défendeur :
HDL² (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Marcelin
Conseillers :
M. Acquarone, Mme Bedos
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte authentique en date du 05 septembre 2014, la Société Civile Immobilière HDL² a donné à bail commercial à la SARLU COMCENTRE EST les locaux situés 3 rue de l'Hôtel des Postes à Vichy et constitués d'un local commercial au rez-de- chaussée, d'un appartement au premier étage et de trois locaux au sous-sol, pour une durée de neuf années moyennant un loyer annuel de 19.800 euros hors taxe payable mensuellement.
Après avoir fait délivrer un commandement à la SARLU COMCENTRE EST d'avoir à lui payer la somme de 5.727,58 euros au titre des loyers et charges impayés, commandement resté vain, la SCI HDL² l'a fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Cusset qui, par ordonnance rendue le 23 septembre 2020, a :
- constaté que la clause résolutoire mentionnée dans le bail commercial signé entre la SCI HDL2 et la SARLU COMCENTRE EST portant sur un local commercial sis 3 rue de l'Hôtel des Postes à Vichy est acquise depuis le 09 juillet 2020,
- condamné la SARLU COMCENTRE EST à payer à la SCI HDL2 une somme de 6.670 euros au titre des loyers et charges impayés, arrêtée en juin 2020, avec intérêts au taux contractuel figurant en page 13 du bail,
- fixé à la somme de 1.650 euros le montant provisionnel de l'indemnité mensuelle d'occupation due par la SARLU COMCENTRE EST à la SCI HDL2 jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés,
- dit que faute pour la SARLU COMCENTRE EST de libérer spontanément le local commercial sis [...], passé le délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance, son expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef et le déménagement du mobilier lui appartenant pourront être poursuivis à ses frais avec le concours, en cas de besoin, de la force publique,
- condamné la SARLU COMCENTRE EST à payer à la SCI HDL2 une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile,
- condamné la SARLU COMCENTRE EST aux dépens.
Par déclaration électronique du 23 octobre 2020, la SARLU COMCENTRE EST a interjeté appel total en reprenant l'ensemble des chefs de cette décision.
Par conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 24 novembre 2020, la SARLU COMCENTRE EST demande à la cour de :
« - CONSTATER que l'exigibilité des mois de loyers entre le 15 mars et le 11 juin 2020 se heurtait à une difficulté sérieuse sur le fond ;
En conséquence,
- METTRE à néant la décision querellée en ce qu'elle a non seulement accordé le bénéfice de la clause résolutoire à la société bailleresse, mais aussi en ce qu'elle en a condamné la société concluante à verser les loyers d'avril, mai et juin 2020, ainsi que la clause pénale et les intérêts ;
- A titre subsidiaire, au cas où par impossible la Cour estimerait que les sommes, objet du commandement, étaient dues dans leur intégralité,
- DIRE n'y avoir lieu de constater l'acquisition de la clause résolutoire au profit de la société bailleresse, avec les conséquences qui en découlent ;
- DIRE n'y avoir lieu à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- STATUER ce que de droit sur les dépens. »
La SARLU COMCENTRE EST fait valoir que les sommes mises à sa charge ont été acquittées dans leur intégralité. Elle ajoute qu'une contestation sérieuse existe en ce qui concerne l'exigibilité des loyers d'avril et de mai 2020 car en raison de la crise sanitaire, elle n'a pas été en mesure d'ouvrir son établissement pendant deux mois.
Par conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 1er décembre 2020, la SCI HDL² demande à la cour de :
« - Constater que le preneur n'a pas à ce jour régularisé les sommes dues dans son intégralité,
- Constater que le règlement partiel est intervenu à la suite d’une tentative d'exécution forcée,
- Constater que le règlement du loyer courant n'a pas été repris
- En conséquence, confirmer l'ordonnance de référé du 23 octobre 2020 dans toutes ses dispositions,
- Y ajoutant condamner la SARLU COMCENTRE EST à porter payer à la SCI HDL² la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du Code Civil. »
La SCI HDL² expose que le 09 juillet 2020, soit un mois après la délivrance du commandement de payer, aucune régularisation n'était intervenue et ce n'est que sous menace d'une contrainte judiciaire que le preneur a partiellement régularisé les loyers impayés.
Elle ajoute avoir tenu compte de la situation sanitaire pour reporter les loyers non réglés pendant la période de confinement et précise que la SARLU COMCENTRE EST dispose d'avoir bancaires conséquents.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION :
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations' ou de 'dire' qui ne est pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Sur l'existence d'une contestation sérieuse :
En application de l'article 1103 du code civil, ledit contrat de bail tient lieu de loi entre les parties et l'article 1104 du code civil dispose que les contrats doivent être exécutés de bonne foi, ce dont il résulte que les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d'exécution de leurs obligations respectives.
La SARLU COMCENTRE EST fait valoir que l'exigibilité des loyers d'avril et mai 2020 se heurte à une contestation sérieuse en raison de la crise sanitaire, estimant qu'elle n'est pas redevable de ces loyers.
L'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'état d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période a pour effet d'interdire l'exercice par le créancier d'un certain nombre de voies d'exécution forcée pour recouvrer les loyers échus entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, mais n'a pas pour effet de suspendre l'exigibilité du loyer dû par un preneur à bail commercial dans les conditions prévues au contrat. Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de cette période si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme.
La SARLU COMCENTRE EST, locataire, reproche à son bailleur de ne pas lui assurer la jouissance paisible des lieux loués conformément à l'article 1719 du code civil. Or, l'impossibilité pour le locataire d'exercer son activité dans les lieux n'est pas la conséquence d'un manquement du bailleur à son obligation de garantie de jouissance paisible, mais d'une décision de l'autorité qui s'impose au locataire comme au bailleur. Le bailleur ne dispose d'aucun moyen pour interdire lui-même l'accès des locaux loués au public. Si le bailleur doit assurer la jouissance du preneur, il ne lui garantit pas que le bail sera fructueux, que le preneur réalisera les profits espérés, cette mesure de fermeture n'affectant pas les lieux loués mais le fonds de commerce, le locataire conservant la possibilité de sous louer, de stocker sa marchandise, de faire des travaux d'amélioration ou de rénovation.
Le contrat de bail conclu entre les parties le 05 septembre 2014 stipule au chapitre 'Obligations du bailleur' dans son article 1 que "le preneur renonce à tous recours en responsabilité ou réclamation contre le bailleur, et tous mandataires du bailleur, et leurs assureurs et s'engage à obtenir les mêmes renonciations de tous assureurs pour les cas suivants : (...)
e) en cas d'agissements générateurs de dommages de tous tiers en général, le preneur renonçant notamment à tous recourt contre le bailleurs sur le fondement de l'article 1719 alinéa 3 du Code Civil.
f) en cas d'incidents survenant dans les locaux loués ou du fait des locaux loués pendant le cours du bail, quelle qu'en soit la cause. Il prendra donc à son compte personnel et à sa charge entière toute responsabilité civile en résultant à l'égard soit de son personnel, soit du bailleur, soit des tiers, sans que le bailleur puisse être inquiété ou poursuivi de ce chef".
L'article 2 énonce que "il est expressément convenu que le preneur fera son affaire personnelle, sans recours contre le bailleur de tous dégâts causés aux locaux pour troubles, émeutes, grèves, guerre civile ainsi que des troubles de jouissance en résultant".
Par ailleurs, la SCIHDL², bailleresse, n'avait pas exigé le paiement immédiat du loyer dans les conditions prévues au contrat (paiement mensuel et à terme d'avance le 1er de chaque mois), mais dans son courrier en date du 17 avril 2020 avait proposé "de reporter des loyers non réglés pendant la période de confinement (à savoir avril et à fortiori mai 2020) et de mettre en place à la fin du confinement un échelonnement pour le règlement lesdits loyers jusqu'à la fin de l'année en cours". La bailleresse avait donc exécuté de bonne foi ses obligations au regard des circonstances.
La SARLU COMCENTRE EST, locataire, titulaire de nombreux comptes bancaires créditeurs ouverts dans les livres de la Banque Populaire Auvergne-Rhone-Alpes, dont l'un de la somme de 343.863,56 euros à la date du 03 novembre 2020, ne démontre pas une insuffisance de trésorerie qui l'empêcherait d'exécuter son obligation de payer le loyer. En outre, la mise en place d'un fonds de solidarité et de mesures pour reporter ou étaler le paiement des loyers pour une catégorie d'entreprises exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences de la propagation du covid-19, démontre que le législateur ne reconnaît pas le caractère de force majeure à la pandémie.
Au demeurant, le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant la force majeure (Com. 16 septembre 2014 n°13-20.306).
L'inexécution qui découle de l'interdiction d'ouvrir le commerce ne saurait engager la responsabilité contractuelle du bailleur et le preneur ne peut en tirer argument pour s'exonérer de sa propre obligation.
En conséquence, l'obligation au paiement n'est pas sérieusement contestable. La SARLU COMCENTRE EST ne produit aucune pièce démontrant qu'elle s'est acquittée des loyers des mois d'avril et mai 2020 et la décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle l'a condamnée verser à la SCI HDL² la somme de 6.670 euros au titre des loyers et charges impayées en juin 2020.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire :
L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux.
Comme indiqué supra, l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période a pour effet d'interdire l'exercice par le créancier d'un certain nombre de voies d'exécution forcée pour recouvrer les loyers échus entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.
La SCI HDL² a fait délivrer un commandement de payer à la SARLU COMCENTRE EST le 09 juin 2020. Le délai expirait le 09 juillet 2020, soit postérieurement à l'expiration de la période d'état d'urgence sanitaire fixée au 23 juin 2020.
Le commandement de payer les sommes dues au titre des loyers impayés visait la clause résolutoire contenue dans le bail. Ce commandement étant resté infructueux, le locataire refusant de payer les loyers des mois d'avril et de mai 2020, le bail s'est trouvé résilié le 09 juillet 2020, soit antérieurement à la loi n° 2020-856 du 09 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire et applicable à compter du 11 juillet 2020.
La décision de première instance sera confirmée.
Sur les demandes accessoires :
Il n'est pas inéquitable que la SARLU COMCENTRE EST verse à la SCI HDL² la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARLU COMCENTRE EST sera condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme l'ordonnance rendue le 25 septembre 2020 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Cusset,
Condamne la SARLU COMCENTRE EST à verser à la Société Civile Immobilière HDL² la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SARLU COMCENTRE EST aux entiers dépens.