CA Pau, 2e ch., sect. 1, 19 octobre 2021, n° 21/00274
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Hôtel FBJ 64 (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Darracq
Conseillers :
M. Magnon, M. Gracia
Rappel des faits et procédure :
Par acte authentique du 4 août 1997, Xavier R. a donné à bail pour une durée de 9 ans à la SARL LE PETIT HOTEL des lots dans une copropriété à BIARRITZ pour l'exploitation d'un commerce d'hôtellerie restauration, moyennant un loyer annuel de 72000 francs HT (10976,33 euros).
Le bail contient une clause résolutoire pour non-paiement d'un loyer, susceptible d'être mise en oeuvre un mois après un commandement de payer ou une mise en demeure visant ladite clause.
Le bail a été cédé à la SARL HOTEL FBJ 64 le 15 février 2013.
Le bail a été renouvelé en dernier lieu à compter du 20 mai 2017.
Le 8 septembre 2020, Xavier R. a fait délivrer à la SARL HOTEL FBJ 64 un commandement de payer la somme de 6675,62 euros en principal visant la clause résolutoire.
La SARL HOTEL FBJ 64 a remis à Xavier R. un chèque de 1786,72 euros daté du 15 septembre 2020, contestant devoir le surplus.
Par acte d'huissier du 19 octobre 2020, Xavier R. a assigné la SARL HOTEL FBJ 64 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de BAYONNE aux 'ns de l'entendre :
- constater le jeu de la clause résolutoire contenue dans le bail commercial du 4 août 1997,
- constater la résiliation du bail commercial à la date du 8 octobre 2020,
- débouter la SARL HOTEL FBJ 64 de ses demandes,
- la débouter de sa demande de délais,
- la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'expulsion de la SARL HOTEL FBJ 64 et de tous occupants de son chef,
- la condamner, à titre provisionnel, au paiement de la somme de 5000,60 euros, au titre du commandement de payer du 8 septembre 2020,
- la condamner au paiement de la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La SARL HOTEL FBJ 64 a soulevé une contestation sérieuse concernant l'obligation invoquée et demandé, de :
' à titre principal :
Dire et juger irrecevables les demandes de Xavier R.,
Condamner Xavier R. au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
' à titre subsidiaire :
Constater que la clause résolutoire a été mise en jeu de mauvaise foi,
Dire et juger que la clause résolutoire ne saurait produire le moindre effet,
Condamner Xavier R. à payer à la SARL HOTEL FBJ 64 :
+ la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus du droit d'agir,
+ la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
' a titre plus subsidiaire :
Suspendre les effets de la clause résolutoire,
Accorder à la SARL HOTEL FBJ 64 un délai d’un an pour répondre de la somme qui resterait due en 12 échéances d'un montant égal.
Par ordonnance du 19 janvier 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bayonne a :
Dit n'y avoir lieu à référé
Débouté les parties de leurs demandes respectives
Condamné Xavier R. au paiement de la somme de 2500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration en date du 27 janvier 2021, Xavier R. a relevé appel de cette décision :
L'affaire a été fixée à bref délai pour être plaidée le 31 août 2021, l'ordonnance de clôture étant rendue le 16 juin 2021.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Vu les conclusions de Xavier R., en date du 9 avril 2021, qui demande de :
Dire et juger son appel recevable et bien fondé
Réformer l'ordonnance de référé du 19/01/2021
Dire et juger que la SARL FBJ 64 doit régler les charges générales de copropriété au titre du bail commercial
Vu le commandement de payer du 08 septembre 2020 de la SELARL BES R. E. J. L.
Vu l'article R 211-4 du code de l'organisation judiciaire
Vu l'article L 145-41 du Code de Commerce
Constater le jeu de la clause résolutoire contenu dans le bail commercial du 4/08/1997
Constater en conséquence, la résiliation du bail commercial du 4/08/1997 à la date du 08 octobre 2020
Ordonner l'expulsion de la SARL JBL HOTEL 64 de tout occupant de son chef conformément aux dispositions des articles 61 à 66 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 194 à 209 du décret n° 92.755 du 31 juillet 1992
Condamner la SARL JBL HOTEL 64 à payer à titre provisionnel la somme de 5000,60' au titre du commandement de payer du 08/09/2020
Condamner la SARL JBL HOTEL 64 à verser la somme de 2.000' sur le fondement de l'article 700 du CPC
La condamner aux entiers dépens
Vu les conclusions de la société HOTEL FBJ 64, en date du 17 mars 2021, qui demande, au visa des articles 808 et 809 alinéas 2 du Code de procédure civile et L. 145-41 alinéa 2 du Code de commerce de :
A titre principal :
CONFIRMER la décision entreprise en date du 19 janvier 2021 en ce qu'elle a :
- Dit n'y avoir lieu à référé ;
- Débouté Xavier R. de ses demandes ;
- Condamné Xavier R. au paiement de la somme de 2.500 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Statuant à nouveau
CONDAMNER Xavier R. à payer à la SARL HOTEL FBJ 64 :
- La somme de 5.000 ' de dommages et intérêts au titre de l'abus du droit d'agir ;
- La somme de 3.000 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.
A titre subsidiaire,
A titre liminaire, sur l'incompétence du juge des référés,
CONSTATER la présence d'une contestation sérieuse grevant le présent litige ;
SE DECLARER incompétent au profit des juges du fond du Tribunal judiciaire de BAYONNE ;
REJETER dans son intégralité la demande de provision sollicitée ;
En tout état de cause,
A titre principal,
DIRE ET JUGER irrecevables les demandes en paiement de Xavier R. ;
CONDAMNER Xavier R. à payer à la SARL HOTEL FBJ 64 la somme de 3.000 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens ;
A titre subsidiaire,
CONSTATER que la clause résolutoire a été mise en jeu de mauvaise foi ;
DIRE ET JUGER que la clause résolutoire ne saurait produire le moindre effet ;
CONDAMNER Xavier R. à payer à la SARL HOTEL FBJ 64 :
- La somme de 5.000 ' de dommages et intérêts au titre de l'abus du droit d'agir ;
- la somme de 3.000 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens ;
A titre infiniment subsidiaire,
SUSPENDRE les effets de la clause résolutoire visée dans le commandement de payer signifié à la SARL HOTEL FBJ 64 ;
ACCORDER à la SARL HOTEL FBJ 64 un délai de paiement d'un an pour répondre de la somme qui resterait due en 12 échéances d'un montant égal.
MOTIVATION :
Par l'effet dévolutif de l'appel concernant l'ordonnance de référé attaquée, la cour statue avec les pouvoirs du juge des référés.
En application de l'article 834 du code de procédure civile dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Aux termes de 1'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'ob1igation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'ob1igation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Par ailleurs, le juge des référés doit se placer, pour ordonner ou refuser les mesures sollicitées, à la date à laquelle il prononce sa décision.
Xavier R. conclut à l'infirmation de l'ordonnance déférée, au motif qu'il n'existe pas de contestation sérieuse des obligations auxquelles est tenue la SARL HOTEL FBJ 64 de rembourser au bailleur les charges de copropriété (assurance, honoraires du syndic, charges générales etc...) et de régler l'augmentation indiciaire du loyer, selon la clause d'indexation triennale.
Il ajoute que le preneur ne peut s'exonérer de l'obligation de rembourser au bailleur les charges d'assurance de l'immeuble qui ne figurent pas sur la liste des charges qui ne peuvent être imputées au preneur, établie par l'article R. 145-35 du code de commerce dans sa rédaction issue du décret 2014-1317 du 3 novembre 2014.
La SARL HOTEL FBJ 64 soutient au contraire qu'il existe une contestation sérieuse à la fois sur l'application de la clause qui prévoit l'imputation des charges de copropriété au preneur, au regard des dispositions de l’article L. 145-40-2 du code de commerce complété par les articles R. 145-35 à L. 145-37, dans leur rédaction applicable au bail renouvelé, de même qu'une contestation sur l'indice à utiliser pour la révision triennale du loyer.
En l'espèce, le contrat de bail dispose que le preneur « devra rembourser au bailleur en même temps que chaque terme de loyer, les charges de copropriété, y compris le coût des grosses réparations prévues par l'article 606 du code civil et d'une manière générale toutes les réparations et entretien de l'immeuble incombant normalement au propriétaire ».
Il a été également convenu que le loyer serait révisé de plein droit à l'expiration de chaque période triennale, pour être augmenté ou diminué, suivant la variation de l'indice du coût de la construction du trimestre de l'année de la révision, considérée par rapport à l'indice de base retenu, soit l'indice national du coût de la construction du 4ème trimestre 1996 publié par l’INSEE, lequel était de 1046.
L'article L. 145-40-2 du code de commerce créé par la loi 2014-626 du 18 juin 2014, dite loi Pinel, dispose :
« Tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire.
En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.
Lors de la conclusion du contrat de location, puis tous les trois ans, le bailleur communique à chaque locataire :
1° Un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel ;
2° Un état récapitulatif des travaux qu'il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût.
Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l'exploitation de la chose louée. En cours de bail, le bailleur est tenu d'informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires.
Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d'information des preneurs. »
L'article 21-II de la loi prévoit l'application de ces dispositions aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de ladite loi, soit à compter du 1er septembre 2014.
L'article R. 145-35 du code de commerce, créé par l'article 6 du décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 relatif au bail commercial dispose que :
« Ne peuvent être imputés au locataire :
1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;
2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent ;
3° Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l'immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ;
4° Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble faisant l'objet du bail ;
5° Dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d'autres locataires.
La répartition entre les locataires des charges, des impôts, taxes et redevances et du coût des travaux relatifs à l'ensemble immobilier peut être conventionnellement pondérée. Ces pondérations sont portées à la connaissance des locataires.
Ne sont pas comprises dans les dépenses mentionnées aux 1° et 2° celles se rapportant à des travaux d'embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l'identique. »
Les dispositions transitoires du décret (article 8 alinéa 2) précisent que les dispositions des articles R.145-35 à R. 145-37 du code de commerce, dans leur rédaction résultant de l'article 6 du décret, sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication du présent décret, soit le 5 novembre 2014.
Il résulte ainsi des dispositions transitoires de la loi et de son décret d'application que les baux conclus ou renouvelés après le 5 novembre 2014 doivent comporter un inventaire précis et limitatif des charges, un état prévisionnel des travaux envisagés et un récapitulatif des travaux réalisés. Ils doivent en outre respecter l'interdiction de mettre à la charge du preneur certains travaux, charges et taxes.
Par ailleurs, l'article L. 145-15 du code de commerce a également été modifié par la loi du 18 juin 2014 qui a substitué la sanction du réputé non écrit à celle de la nullité.
Désormais, « sont réputés non écrits, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145 4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l'article L.145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54 ».
Les clauses des baux commerciaux contrevenant aux dispositions précitées de l'article L. 145-40-2 du code de commerce complétées par l'article R. 145-35 du même code sont donc désormais réputées non écrites.
Ainsi, le principe selon lequel le bail se renouvelle aux clauses et conditions du bail expiré, sauf désaccord concernant le loyer, est remis en cause par l'application de l’article L. 145-40-2 du code de commerce, issu de la loi Pinel, et de l'article R. 145-35 issu du décret pris pour son application.
Dès lors, il appartient au juge du fond d'interpréter le contrat et la commune intention des parties, pour dire si, en l'absence d'inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances notifié au preneur à la date d'effet du congé avec offre de renouvellement, les parties ont entendu renouveler le bail aux conditions antérieures, s'agissant des charges récupérables sur le preneur et de préciser ce que recouvre ces charges et ce qu'elles ne peuvent inclure au regard des nouvelles dispositions de l'article R. 145-35 précité.
Il s'agit là d'une première contestation sérieuse qui échappe au pouvoir juridictionnel du juge des référés.
En second lieu, les parties sont en désaccord sur le choix de l'indice trimestriel à appliquer à la révision triennale du loyer, le preneur soutenant que le bailleur ne pouvait retenir l'indice du 4 ème trimestre de l'année de révision, soit l'indice publié après l'expiration de la période triennale, mais devait appliquer l'indice du 4ème trimestre de l'année précédente.
Il s'agit là d'une seconde contestation sérieuse qui implique d'interpréter la clause du bail relative à la révision triennale du loyer.
Ces deux questions conditionnent la validité du congé donné par le bailleur et la mise en jeu de la clause résolutoire. Elles ne peuvent être tranchées par le juge des référés.
Il s'ensuit que l'ordonnance frappée d'appel doit être confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé, débouté Xavier R. de ses demandes et la SARL HÔTEL FBJ 64 de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts, l'abus du droit d'agir en justice n'étant nullement établi à l'encontre du bailleur, compte tenu des questions soulevées par l'application de la loi nouvelle.
Sur les demandes annexes :
Xavier R. qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
Au regard des circonstances de la cause et de l'issue du litige, l'équité justifie de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné Xavier R. au paiement de la somme de 2500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les mêmes considérations d'équité justifient de le condamner au paiement d'une somme supplémentaire de 1000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort
Confirme l'ordonnance de référé,
Y ajoutant,
Condamne Xavier R. aux dépens d'appel,
Le condamne à payer à la SARL HOTEL FBJ 64 une somme de 1000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, Conseiller, à la suite de l'empêchement de Monsieur Philippe DARRACQ, conseiller faisant fonction de Président et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.