CA Versailles, 6 mai 2021, n° 1908848
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Karso (SARL)
Défendeur :
Commerces Rendement (SARL), Mars (Selarl), A Jassocies Es (Selarl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thomas
Conseillers :
Mme Muller, M. Nut
Avocats :
Me Arena, Me Gombert, Me Zerha , Me Cohen Trumer
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous-seing privé du 10 octobre 2001, l'établissement public d'aménagement de la Ville de Saint Quentin en Yvelines aux droits duquel se trouve la société Commerces Rendement, a donné à bail commercial en renouvellement à la société Canal Sud aux droits'de laquelle est venue la société Karso, le lot 1 de. L’Ilot de la Halle situé au sein ducentre commercial
Un litige a opposé les parties concernant le montant et le mode de calcul des charges locatives et une expertise judiciaire, confiée à M. Garrjier, a été ordonnée par le tribunal'de grande instance de Versailles le 12 juin 2012.
Après dépôt du rapport d'expertise du 28 novembre 2014, les parties se sont rapprochées et ont signé, le 28 janvier 2016, Un protocole d'accord mettant fin au différend en cours ainsi qu'un nouveau bail commercial, prenant effet rétroactivement le 1er octobre 2014.
Le 26 janvier 2017, la société Commerces Rendement a fait délivrer à la société Karso un commandement de payer la somme de 30.034,40 euros TTC, visant la clause résolutoire du contrat de bail.
Par acte d'huissier du 27 février 2017, la société Karso a formé opposition à ce commandement et assigné la société Commerces Rendement devant Ce tribunal de grande instance de Versailles aux fins de voir déclarer nul et de nul effet le commandement de payer du 26 janvier 2017 et subsidiairement, obtenir la suspension des effets de la clause résolutoire ainsi que des délais de paiement.
Par jugement du 21 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Versailles a :
- dit que la société Commerces Rendement devra recalculer la quote-part des charges dont est redevable la société Karso, à laquelle ne peuvent être imputées la facture d'électricité d'un montant de 15.550,04 euros relative à la période 2012 à 2015, la facture de travaux de mise en sécurité par l'installation de parois coupe-feu pour un montant de 10.800 euros, les honoraires de gestion et les honoraires administratifs, juridiques et techniques, ainsi qu'en appliquant la clé de répartition prévue par le contrat de 259/11 .861 m2 au titre des parkings ;
- dit n'y avoir lieu à acquisition de la clause résolutoire du bail consécutivement au commandement de payer du 26 janvier 2017 ;
-prononcé la résiliation judiciaire du bail signé le 28 janvier 2016 aux torts de la société Karso;
- ordonné l'expulsion de la société Karso et de tout occupant de son chef du local qu'elle occupe au sein du centre commercial ^^^^H, avec l'assistance d'un le concours de la force publique si besoin est ;
- ordonné le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, aux frais, risques et périls de la société Karso ;
- fixé l'indemnité d'occupation due par la société Karso à la Société Commerces Rendement et jusqu'à la libération effective des lieux, au montant du loyer trimestriel, augmenté des charges et taxes afférentes aux lieux loués, que la locataire aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié ;
- l'y a condamné en tant que de besoin ;
- rejeté la demande de remboursement de loyer de la société Karso ;
- condamné la société Karso à payer à la société Commerces Rendement la somme de 46.423 euros au titre de l'arriéré de loyers arrêté au 1er juillet 2019, outre les charges locatives qui devront être recalculées par la bailleresse ;
- rejeté la demande de délais de paiement de la société Karso ;
- débouté la société Commerces Rendement de sa demande de conservation du dépôt de garantie,
- débouté la société Commerces Rendement de sa demande de dommages et intérêts ;
- condamné la société Karso à payer à la société Commerces Rendement la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Karso aux dépens, dont distraction au profit de la société Fidu-Juris en la personne de Maître Isabelle Donnet, avocat au barreau de Versailles, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 24 décembre 2019, la société Karso a interjeté appel du jugement.
Saisi par assignation de la société Karso délivrée le 13 mars 2020 en vue de l'arrêt de l'exécution provisoire assortissant le jugement, le 1er Président de la cour d'appel de Versailles a, par ordonnance du 14 mai 2020, rejeté l'ensemble des demandes de la société Karso.
Par jugement du 4 juin 2020, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de sauvegarde à l'encontre de la société Karso, désigné la Selarl Mars prise en la personne de Me Samzun en qualité de mandataire judiciaire, et la Selarl AJAssociés prise en la personne de Me Michel en qualité d'administrateur judiciaire.
Le 21 juillet 2020, la société Commerces Rendement a assigné en intervention forcée les organes de la procédure collective.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 15 février 2021, la société Karso, la société AJAssociés prise en la personne de Maître Franck Michel, ès qualité d'administrateur judiciaire, et la société Mars prise en la personne de Maître Philippe Samzun demandent à la cour de :
Vu l'article L.622-21.1 du code de commerce,
Vu le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 4 juin 2020,
- Infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du bail commercial, ordonné l'expulsion de la société Karso et fixé l'indemnité d'occupation due par elle.
- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Karso au paiement d'une somme. de-46 423 ? au titre des loyers dus au 1er juillet 2019 et d'une somme de '3 000 ? au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. -
Vu les déclarations de créance du 1er juillet 2020
Vu les redditions de charges rectifiées pour 2016, 2017 et 2018,
- Dire et juger que la société Commerces Rendement devra recalculer la quote-part de charges pour 2016, 2017, 2018 dont est redevable la société Karso à laquelle ne peuvent être imputées les dépenses sur exercices antérieurs au 1er avril 201 6, les honoraires de gestion, administratifs, juridiques et techniques, les dépenses de parking ou de gros entretien afférentes à d'autres ou à
(Carrefour, libraire), les dépenses afférentes au matériel de péage, ainsi que les charges communes sur parking en infraction avec la clé de répartition prévue au bail (259/11 661 m2).
Vu l'absence de reddition de charges 2019,
-Ecarter de la situation de compte pour la fixation de la créance privilégiée les provisions pour charges des 4 trimestres 2019, soit la somme de 25 304,48 ?.
- Rejeter partie de la dépense relative au fond de marketing 2020 pour sa quote-part non exigible au 3 juin 202 et Sa totalité de la taxe foncière 2020 comme n'étant pas justifiée dans son quantum, ainsi que les frais afférents au commandement de quitter les lieux.
-Dire que la situation de compte annexée à la déclaration de créance devra intégrer au crédit les règlements omis totalement ou partiellement par la bailleresse, soit les chèques n°0742426, 0742749, 0742776, 0742688, 0742737, 0742647 et 0742761.
Vu l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, Vu l'article 1722 du code civil, Vu le principe "resperit debitori ",
- Dire et juger que S'arrêté du 14 mars 2020 constitue un cas fortuit entraînant la perte partielle et temporaire des locaux loués,
- Subsidiairement, dire que l'obligation au paiement des loyers et charges est devenue sans cause durant la période de fermeture.
En conséquence,
- Dire et juger que la créance de la société Commerces Rendement devra être réduite de 15 571,98 ? au titre des loyers et charges des 1er et 2ème trimestres 2020.
En tout état de cause,
- Dire mal fondée la société Commerces Rendement en sa demande de compensation de sa créance admise à titre privilégié avec le montant du dépôt de garantie.
Vu l’article 564 du code de procédure civile,
Vu ensemble l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 et le décret du 30 décembre 2020,
Vu l’article 1722 du code civil,
- Déclarer irrecevable la demande de condamnation formée par la société Commerces Rendement au paiement de la somme de 42 377,81 ? au titre des loyers et charges postérieurs au jugement de sauvegarde et en tout cas mal fondée.
- Subsidiairement, ramener la créance de la société Commerces Rendement au titre des loyers et charges échus postérieurement au 4 juin 2020 à la somme de 22 527,64 ? arrêtée au 1er janvier 2021.
- Débouter la société Commerces Rendement de ses demandes plus amples ou contraires et notamment de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Commerces Rendement a signifié des conclusions le 17 février 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2021,
Par dernières conclusions notifiées le 26 février 2021, la société Commerces Rendement demande à la cour de :
- Constater que la société Commerces Rendement acquiesce purement et simplement à la demande des appelants de voir déclarer irrecevable la demande de condamnation formée par la société Commerces-Rendement au paiement de la somme de 42.377,81 euros au titre des loyers et charges postérieurs au jugement de sauvegarde, comme étant nouvelle en cause d'appel,
- Débouter la société Karso de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Juger la société Commerces Rendement recevable en son action et. bien fondée en, ses demandes,
- Fixer la créance antérieure de la société Commerces Rendement au passif de la sauvegarde de la société Karso à hauteur de :
/ 65 190,62 ? à titre chirographaire, / Et 109 070,06 ? à titre privilégié.
- Admettre au passif de la sauvegarde de la société Karso la somme de 174 260,28 ? au titre des loyers, charges et accessoires, arrêtés au 3 juin 2020,
- Condamner la société Karso et Maître Franck Michel ès qualités, en tous les dépens, dont distraction sera ordonnée au profit de la société AARPI Ohana-Zerhat, avocat au Barreau de Versailles, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, qui seront inscrits en frais privilégiés de procédure,
- Condamner la société Karso et Maître Franck Michel es qualité, à payer à la société Commerces Rendement la somme de 1 0.000 ? au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience du 2 mars 2021, il a été procédé à l'a révocation de l'ordonnance de clôture, et une nouvelle clôture a été prononcée.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
Motifs
MOTIVATION
Il sera rappelé que la société Commerces Rendement acquiesce, dans le dispositif de ses dernières conclusions, à la demande de la société Karso tendant à voir déclarer irrecevable sa demande tendant au paiement de la somme de 42,377,81 euros au titre des loyers et charges postérieurs au jugement de sauvegarde, comme étant nouvelle en cause d'appel.
Sur la résiliation judiciaire du bail
La société Karso indique avoir été admise au bénéfice de la sauvegarde par décision du tribunal de commerce de Versailles, de sorte que la bailleresse admet que Sa demande de résiliation n'a plus d'objet, et la société Commerces Rendement en convient dans ses conclusions.
L'article L622-21 I du code de commerce prévoit notamment que "le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d’argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d’argent.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du bail, ordonné l'expulsion de la société Karso, et fixé l'indemnité d'occupation à sa charge.
Sur la fixation de la créance
La société Commerces Rendement sollicite la fixation de sa créance antérieure au jugement de sauvegarde de la société Karso à hauteur de 174.260,28 euros au titre des loyers, charges et accessoires arrêtées au 3 juin 2020, soit 65.190,62 euros à titre chirographaire et 109.070,06 euros à titre privilégié.
Elle justifie avoir réalisé deux déclarations de créances, le 1er juillet 2020, pour ces montants.
Et 1er trimestre 2016, la société Karso observe qu'elles figurent sur la déclaration de créance chirographaire et en constituent une partie, alors qu'elles sont prévues par le protocole d'accord comme devant être payées par des mensualités de 3.974,23 euros, lesquelles ont été effectivement payées.
Le protocole d'accord signé entre les parties le 28 janvier 2016 retient une dette de charges entre les parties au 31 janvier 2016 de 143.072,38 euros, et que la société Karso réglera cette dette en 36 mensualités d'un montant de 3974,23 euros chacune, la 1ère mensualité intervenant le 1er mars 2016 et la dernière le 1er février 2019.
Il ressort du relevé de situation de compte versé par la société Karso et de son relevé de compte courant du mois de janvier 2019 qu'elle justifie avoir effectué 33 versements de 3.974,38 euros, les derniers étant constitués d'un règlement du 10 décembre 2018 et du chèque 0742426 du 17 janvier 2019. La société
Commerces Rendement ne peut soutenir qu'il s'agit du même mouvement (soit le chèque 0742426), la remise d'un chèque le 10 décembre 2018 ne pouvant figurer sur les documents comptables alors qu'il n'aurait été encaissé que le 7 janvier 2019, et débité le 17 janvier 2019.
La société Commerces Rendement fait état de trois autres paiements intervenus postérieurement au titre de l'arriéré de charges locatives, soit un chèque n°0742688 du 10 février 2019 de 3.974,23 euros, un chèque n°0742737 du 10 mars 2019 de 3.937,82 euros, et un chèque n°0742749 du 10 avril 2019 de 3.974,23 euros.
Elle indique du reste dans ses conclusions qu'elle a fait figurer dans les décomptes les charges de 2015 et du 1er trimestre 2016, qui ont fait l'objet du protocole, car la société Karso lui reprochait de ne pas en respecter les termes, de sorte qu'elle a été contrainte de faire figurer tous les mouvements du compte, dont ceux en exécution du protocole.
Au vu de ce qui précède, il apparaît que la société Karso a effectué les versements prévus par le protocole, de sorte qu'il convient de déduire de la déclaration de créance chirographaire réalisée par la société Commerces Rendement la somme de 21.369,98 euros enregistrée au titre des provisions sur charges des 2ème, 3ème, 4ème trimestres 2015 et 1er trimestre 2016.
. S'agissant des charges des 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2016, la société
Karso soutient que la somme figurant sur la déclaration de créances à hauteur de 15.521,22 euros doit être réduite de 840,99 euros, soit l'addition d'une quote-part correspondant à un trimestre de la rémunération d'un gestionnaire (2132,91 : 4 = 533,23) et d'une quote-part de 307,76 euros indûment appelée sur le locataire au titre des charges sur les exercices antérieurs au titre des parkings.
La société Commerces Rendement soutient que le poste de rémunération d'un gestionnaire correspond aux honoraires d'assistance immobilière, de sorte qu'ils peuvent être refacturés aux locataires.
Si l'article R145-35 du code de commerce prévoit que ne peuvent être imputés au locataire "les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble faisant l'objet du bait, le bailleur distingue les honoraires perçus au titre de la gestion locative de ceux afférents à la rémunération du gestionnaire de l'immeuble -en l'espèce, les honoraires d'assistance immobilière-qui peuvent être refacturés au preneur, ce que celui-ci ne conteste pas, l'article 18-2-1 du bail prévoyant notamment dans les charges de fonctionnement "tous les honoraires liés à la gestion des loyers du local loué ou de l'immeuble".
Pour autant, la société Karso relève que le protocole ayant porté sur le règlement de la dette locative existant au 31 janvier 2016 et la facture des honoraires d'assistance immobilière datant du 4 janvier 2016, Il convient de retirer un quart, soit un trimestre, de la quote-part de la rémunération du gestionnaire devant être supportée par le preneur, soit 533,23 euros (quote-part annuelle soit 2132,91 divisée par 4),
Il convient également de déduire une quote-part correspondant à une facturation de charges liées au parking pour des exercices antérieurs ainsi qu'elle figure sur la reddition des comptes au titre de l'année 2016, à hauteur de 307,76 euros.
En conséquence, la déclaration de créances pour le 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2016, présentée à hauteur de 15.521,22 euros sera réduite de 840,99 euros.
S'agissant des charges de l'année 2017 la société Karso indique qu'elle contient divers postes prohibés, ce que ne contesterait pas le bailleur, qui ne facture pas correctement la quote-part de charges relatives aux frais de parking. Elle ajoute que lui sont refacturés des travaux de gros entretien qui ne lui incombent pas, que les données du bailleur sont inexactes, et qu'il convient de réduire de 2970,36 euros la situation de la créance chirographaire à ce titre.
La société Commerces Rendement soutient que la rémunération du gestionnaire est licite, comme pour l'année précédente, et elle admet une erreur quant aux charges de parking qui a été rectifiée dans ses dernières données communiquées au preneur. Enfin, elle déclare avoir correctement appliqué la clé de répartition concernant le remplacement des portes automatiques.
Il ressort des développements précédents que la quote-part des frais de gestionnaire peut être refacturée au preneur (soit 51 9,51 euros), mais que les charges pour les exercices antérieurs ne pourront être retenues (soit 53,59 euros).
Faute de justification de leur caractère "refacturable", les "autres honoraires" au titre des charges communes générales, refacturés à la société Karso à 51,20 euros, seront déduits.
Le bail précise que rentrent dans les charges de fonctionnement "les charges du parking situé dans l'Ilot "la Halle" ", de sorte que c'est à raison que la société Karso dénonce la refacturation qui lui est faite des charges afférentes au parking les loggias, soit un montant de 2232,67 euros.
De même est-elle fondée à relever que le remplacement d'un caisson de VMC au Rialto (53,94 euros), les honoraires du maître d'oeuvre. (43, 83 euros) ou le remplacement d'une porte automatique d'un commerce de librairie
(1 14,22 euros) ne lui étaient pas refacturables, et il convient de les déduire - soit une déduction globale de 2444,66 euros.
S'agissant des charges de l'année 2018 la société Karso dénonce la même refacturation pour les charges afférentes au parking les Loggias, pour des charges antérieures et refacturations d'honoraires. Elle relève que sa quote-part pour le parking de l'îlot de la Halle n'est pas correctement calculée, que plusieurs facturations sont effectuées sans qu'il ne soit justifié qu'elles correspondent à des charges, et émet des doutes sur les calculs opérés par le bailleur,
La société Commerces Rendement soutient que les "autres honoraires" et rémunération du gestionnaire sont bien dus par le preneur, et explique que le remplacement des portes automatiques qui permettent l'accès au parking situé sur l'îlot de la Halle lui est aussi refacturable. De même soutient-elle la présence des frais de contentieux dans les comptes,
La société Commerces Rendement justifie avoir supporté en 2018 une formation à la conduite à tenir en cas d'incendie, qui entrerait dans le poste intitulé "autres honoraires", et devrait être refacturé à la société Karso pour un montant supérieur au 11,29 euros refacturé de sorte que ce montant sera retenu. Il n'apparaît pas que 6 euros au titre des charges antérieures aient été refacturés au preneur, qui est pour les raisons précédemment exposés fondé à solliciter que soient exclus des charges refacturées celles correspondantes au parking les loggias soit 2.259,26 euros, Au vu de la clé de répartition 259/11661 , il apparaît que les charges refacturables au titre du parking de l'îlot de la Halle (total : 218/744,37 euros) sont de 4858,48 euros, et non de 4.939,83 euros, de sorte qu'il convient de procéder à la rectification en ce sens (trop-facturé : 81,35 euros).
S'agissant du matériel de péage, refacturé à hauteur de 3.354,66 euros outre 167,73 euros de main. d'oeuvre, la société Karso soutient qu'il ne relève pas des charges incombant au locataire faute pour le bailleur d'en justifier, et le bailleur ne produit aucune pièce ni n'apporte dans ses conclusions aucun développement pour justifier le caractère refacturable de ce matériel, de sorte qu'il sera exclu des charges incombant au preneur.
Les portes automatiques dont il a été procédé au remplacement sont, selon la facture, celles du magasin Carrefour Markett et il n'est pas justifié par le preneur que ce sont celles qui donnent sur le parking, de sorte que la société Karso est fondé à solliciter leur exclusion (soit 11 0,82 euros). En conséquence, alors que la société Commerces Rendement a, au titre de sa créance chirographaire, indiqué les provisions sur le 1er et 2ème trimestres 2018 (soit 12652,24 euros), il convient de déduire les sommes précédemment indiquées, (soit 5973,82 euros).
S'agissant des charges de l'année 2019, l'article 19 du bail prévoit que les charges sont payables par le preneur, à titre provisionnel d'avance chaque trimestre, chaque provision étant égale au quart du budget prévisionnel de l'année considérée ; il indique aussi que "la régularisation des charges de l'année écoulée, sur la base des dépenses réelles, sera effectuée chaque année au plus tard le 30 septembre de l'année suivante.
Si la société Karso avance qu' "un bailleur doit, pour conserver les provisions sur charges qu'il a reçues du preneur, justifier du montant des dépenses et que, faute d'y satisfaire, il doit restituer au preneur les sommes versées au titre des provisions", en l'espèce le bailleur n'a pas reçu les sommes correspondantes aux dites charges, dont il n'est pas contesté que les appels de charges avaient été régulièrement adressés à la société Karso au jour où la déclaration de créances a été réalisée, avant même la date du 30 septembre de l'année suivante.
En conséquence, ces charges ne sauraient être retirées de la déclaration de créances.
Sur les frais de contentieux, si Sa société Karso relève que l'appel qu'elle a interjeté met en cause sa condamnation, il n'en demeure pas moins que le jugement l'a condamnée au paiement de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, décision assortie de l'exécution provisoire et dont la demande de suspension a été rejetée.
Par ailleurs, il résulte des propres indications de la société Karso que sa dette de loyers s'élevait au 15 juillet 2019 à 26.474,74 euros, ce qui constituait un manquement d'une gravité suffisante pour que la résiliation puisse être prononcée à ce titre, de sorte que la société Commerces Rendement est fondée à insérer les frais de contentieux à sa déclaration de créance.
Sur la provision pour fond marketing et taxe foncière, la société Karso relève que selon la situation de compte annexée à la déclaration de créance privilégiée, la. "provision marketing" de 591,60 euros porte sur une année complète, de sorte que la créance pour l'année 2020 doit être réduite à la quote-part portant sur la période 1er er janvier 2020-3 juin 2020 (l'ouverture de la procédure de sauvegarde ayant été prononcée le 4 juin 2020). En conséquence, la provision pour fond marketing sera réduite à 249,6 euros (591,60 : 365 x 154).
S’agissant de la taxe foncière, la société Karso indique que le bailleur a inclus dans sa déclaration de créance une somme de 3.455,74 euros au 2 juin 2020, alors que la taxe foncière n'est réclamée qu'en octobre ou novembre de l'année d'imposition, de sorte qu'elle n'est pas exigible à la date d'ouverture de la procédure collective. La société Commerces Rendement souligne que sa date d'exigibilité est au 1er janvier, mais accepte de proratiser, et de voir ce montant déduit de sa créance antérieure, et ajouter à sa créance postérieure.
Au vu de ce qui précède, la provision pour la taxe foncière enregistrée sur la déclaration de créance au 2 juin 2020 en sera retirée.
Au titre de règlements non pris en compte, la société Karso soutient avoir adressé trois chèques de 3,974,23 euros chacun (n°0742426, 0742688 et 0742737), débités par le bailleur, qui figurent sur la situation de compte détaillée du bailleur mais pas dans celle annexée à sa déclaration de créance. Elle fait état d'une situation identique pour deux autres chèques, de 2.592,25 euros et 286,29 euros.
Selon les développements précédents, les quatre chèques de 3.974,23 euros chacun portant les n°0742426, 0742688, 0742737 et 0742749, ont été effectués dans le cadre des versements prévus par le protocole, et il a été vu que la déclaration de créance chirographaire réalisée par la société Commerces Rendement en sera réduite d'autant.
S'agissant du chèque n°0742776, il est débité sur le compte bancaire du preneur le 9 juillet 2019 pour un montant de 6.000 euros, et il n'apparaît au titre de la déclaration de créance privilégiée de la société Commerces Rendement que pour un montant de 286,29 euros, Si la société Commerces Rendement soutient qu'il est intégré dans le décompte au crédit de la société Karso pour différents postes (286,29 + 92,54 + 106,54 + 943,18 + 4571,45) d'un montant total de 6.000 euros, ce qui correspond au montant du chèque, elle ne fournit aucune explication sur la nature de ces différentes sommes, ni n'allègue fournir de pièces les justifiant. En conséquence, il convient de retenir la différence de 5,713,71 euros au profit de la société Karso.
Sur la fixation de la créance des loyers
Le jugement a notamment relevé que, selon le décompte versé par le bailleur arrêté au 15 juillet 2019, la dette locative était de 157.048,55 euros, dont 46.423 au titre du solde des loyers dus pour la période 1er avril 2018 -1er juillet 2019.
La société Karso soutient que pour cette période la dette n'est que de 26.474,74 euros, et qu'il convient de déduire le 1er trimestre 2018 de la déclaration de créance chirographaire. Elle fait état de trois chèques d'un montant chacun de 6000 euros (n°0742501, 0742761, 0742647), Elle sollicite donc que le bailleur établisse une situation de compte excluant le solde du 1er trimestre 2018 (508,96 euros) et les règlements susmentionnés pour 12.000 euros.
La société Commerces. Rendement indique verser aux débats la situation de compte détaillée du 1er avril 2018 au 1er juillet 2019, et déclare qu'il est inexact de prétendre qu'elle aurait omis de prendre en compte les trois chèques de 6.000 euros chacun, comme le montre l'analyse des décomptes.
Si le solde dû pour le 1er er trimestre de l'année 2018 n'entre pas dans la période allante, du 1er avril 2018 au 1er juillet 2019, la société. Karso n'explique pas pourquoi le solde dû au titre du 1er trimestre 2018 devrait être exclu de la déclaration de créances de la société Commerces Rendement. Sa demande en ce sens ne sera donc pas reçue.
S'agissant des trois chèques n°0742501, 0742647, 0742761 d'un montant chacun de 6000 euros, ils ont été débités du compte bancaire de la société Karso les 18 avril et 18 octobre 2018, 4 juin 2019.
Si le chèque n°0742501 figure sur la déclaration de créance chirographaire adressée le 1er juillet 2020 par la société Commerces Rendement aux organes de la procédure de la société Karso, les deux autres chèques n°0742647 et 0742761 n'y figurent pas, alors qu'ils apparaissent en crédit sur la situation de compte de la société Karso tenue par le bailleur.
La société Commerces Rendement ne peut soutenir que le chèque n° 0742761 est intégré dans le décompte au crédit du locataire au 28 mai 2019, ce qui expliquerait qu'il n'est pas pris en compte par la déclaration de créance, et ne fournit pas d'explication concernant l'absence de prise en compte du chèque n°0742647 dans la déclaration de créance.
En conséquence, il convient de prendre en considération le versement de 12000 euros dans la déclaration de créance.
Sur l'exigibilité des
La société Karso déclare avoir demandé à son bailleur la suspension des loyers et charges du fait de la mise en oeuvre de l'état d'urgence sanitaire depuis le 15 mars 2020, évoque son impossibilité d'exploiter les locaux à compter de cette date. Elle invoque la destruction temporaire de la chose, le cas fortuit et la force majeure, pour solliciter une diminution des 1er et 2ème termes 2020.
La société Commerces Rendement conteste la bonne foi de la société Karso, fait état des arrêtés des 14 et 15 mars 2020, et écarte les arguments adverses sur la destruction de la chose ou la force majeure. Elle évoque une prétendue exception d'inexécution, et soutient avoir parfaitement respecté ses obligations.
L'article 4 de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 indique que les astreintes, clauses pénales, résolutoires ou prévoyant une déchéance ayant pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet si ce délai a expiré pendant la période d'état d'urgence sanitaire.
Si la société Karso invoque l'article 1722 du code civil, qui prévoit la destruction en totalité ou partiellement de la chose louée pendant la durée du bail, il n'est pas contesté qu'en l'espèce le bien loué n'est détruit ni partiellement ni totalement ; il n'est pas davantage allégué qu'il souffrirait d'une non-conformité, l'impossibilité d'exploiter du fait de l'état d'urgence sanitaire s'expliquant par l'activité économique qui y est développée et non par les locaux, soit la chose louée en elle-même. L'impossibilité d'exploiter durant l'état d'urgence sanitaire est de plus limitée dans le temps, ce que ne prévoit pas l'article 1722 du code civil, lequel ne saurait être appliqué en l'espèce.
Par ailleurs, le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure.
De même, aucune exception d'inexécution ne saurait être avancée par la société Karso, la délivrance du local par le bailleur n'étant pas contestée, et l’impossibilité d'exploitation étant sans lien avec le local en lui-même.
En conséquence, il ne sera pas fait droit aux demandes présentées à ce titre par la société Karso.
Sur la Soi du 14 novembre 2020
La société Karso fait état de la loi du 14 novembre 2020 autorisant le prolongement de l'état d'urgence sanitaire, indique en remplir les conditions d'application, et soutient que la demande de condamnation présentée par le bailleur, doit être rejetée car contraire à l'article 14 de cette loi. Elle fait subsidiairement état de sommes qui devraient être exclues des créances.
La société Commerces Rendement soutient que le texte rappelle expressément que les loyers et charges concernés restent dus, indique ne pas solliciter le jeu de la clause résolutoire ni engager de procédure d'exécution. Elle ajouté que la loi ne peut rétroagir et porter sur des sommes nées antérieurement au 15 novembre 2020.
La loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prolongation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire, dont la société Commerces Rendement ne conteste pas que la société Karso peut bénéficier, prévoit notamment en son article 14 :
II. - Jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesuré de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non- paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée. . . .
III. - Le Il ne fait pas obstacle à la compensation au sens de l'article 1347 du code civil.
IV. -Le II s'applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l'activité de l'entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au l....
En outre, les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l’encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu'à la date mentionnée au même premier alinéa. . ..
VII. - Le présent article s'applique à compter du 17 octobre 2020."...
Comme précédemment indiqué, l'intimé acquiesce à l'irrecevabilité de sa demande au titre de loyers et charges postérieurs au jugement de sauvegarde.
Sur les autres demandes
En conséquence, la créance antérieure de la société Commerces Rendement au passif de la société Karso sera fixée à la somme 34.456,38 euros à titre chirographaire, et à la somme de 87.558,61 euros à titre privilégié.
Il sera précisé qu'il ne saurait être procédé à une compensation entre les créances et le dépôt de garantie, le bail n'étant pas résilié.
Les condamnations prononcées en Ve instance au titre des dépens et des frais irrépétibles seront confirmées.
Chaque partie supportera la charge de ses dépens d'appel, et il ne sera pas fait droit aux demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire
Infirme le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du bail, ordonné l'expulsion de la société Karso, et fixé l'indemnité d'occupation à sa charge et l'y a condamnée, et en ce qu'il a condamné la société Karso.au paiement de 46.423 euros,
y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de la société Commerces Rendement tendant au paiement de la somme de 42.377,81 euros au titre des loyers et charges postérieurs au jugement de sauvegarde,
Fixe la créance antérieure de la société Commerces Rendement au passif de la sauvegarde de la société Karso à hauteur de : / 34.456,38 ? à titre chirographaire, / 87.558,61 ? à titre privilégié,
Confirme le jugement pour le surplus,
Déboute les parties de toutes autres demandes,
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.