Cass. com., 8 septembre 2021, n° 19-23.187
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Vallansan
Avocat général :
Mme Henry
Avocats :
SCP Delvolvé et Trichet, SCP Yves et Blaise Capron
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 juillet 2019), la société d'avocats Cabinet [F] et associés, dont Mme [L] était gérante, a été mise en redressement judiciaire le 19 février 2013 puis, après résolution du plan qu'elle avait obtenu, en liquidation judiciaire par un jugement du 16 février 2016, qui a désigné M. [B] en qualité de liquidateur. Celui-ci a assigné Mme [L] en responsabilité pour insuffisance d'actif.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
2. Mme [L] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au liquidateur la somme de 120 000 euros au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif, alors « qu'aucune faute de gestion ne peut être reprochée à un dirigeant pour avoir omis de faire constater la perte de la moitié du capital social de la société et de ne pas avoir favorisé la régularisation de la situation de la société avant l'expiration des délais prévus à l'article L. 223-42, alinéa 2, du code du commerce, soit à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue ; qu'en opposant à Mme [L] une faute de gestion tenant au fait "de ne pas avoir tiré les conséquences d'un défaut de reconstitution" des capitaux propres de la société, cependant qu'il résulte de ses propres constatations que c'est à la date du 10 août 2011 qu'il a été constaté que les capitaux propres du cabinet [F] étaient devenus inférieurs à la moitié du capital social d'où il résultait que le délai pour reconstituer ses capitaux propres expirait à la fin de l'exercice 2013, de sorte que ni au 30 novembre, date de la demande de sauvegarde, ni au 19 février 2013, date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société, ce délai n'était expiré, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code du commerce, ensemble le texte susvisé ;
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 651-2 du code de commerce :
3. Pour condamner Mme [L] à supporter l'insuffisance d'actif de la société Cabinet [F] et associés, après avoir notamment relevé que l'assemblée générale de cette société, tenue le 10 août 2011, avait constaté que les capitaux propres étaient devenus inférieurs à la moitié du capital social et que celle du 10 août 2011 avait décidé de ne pas dissoudre la société, l'arrêt retient qu'en méconnaissance de l'article L. 223-42 du code de commerce, le capital social n'a pas été réduit ni les capitaux propres reconstitués. Après avoir énoncé que, si la reconstitution appartient aux actionnaires et non aux dirigeants, c'est en revanche à ces derniers de tirer les conséquences d'un défaut de reconstitution, il en déduit que Mme [L] a commis une faute de gestion pour s'en être abstenue.
4. En se déterminant ainsi, sans dire en quoi consistait précisément la faute de gestion imputée à Mme [L], quand, en application de l'article L. 223-42, alinéa 2, du code de commerce, elle disposait d'un délai n'expirant qu'à la clôture de l'exercice 2013, deux ans après la constatation des pertes, pour provoquer la régularisation de la situation des capitaux propres et que, dans l'intervalle, la société ayant été mise en redressement judiciaire, les dispositions du texte précité ne s'appliquaient pas, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
5. La condamnation à supporter l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une d'entre elles entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation de l'arrêt de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.