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Décisions

Cass. com., 30 janvier 2019, n° 17-31.009

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocats :

SCP Delamarre et Jehannin, SCP Richard

Rennes, du 10 oct. 2017

10 octobre 2017


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 octobre 2017), que la société par actions simplifiée Entreprise brestoise plâtrerie et carrelage (la société débitrice), dont M. A... était le président, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 14 mai et 30 septembre 2013, la société EMJ, devenue société Fides, étant nommée liquidateur ; que le 10 mars 2015, le liquidateur a assigné M. A... en responsabilité pour insuffisance d'actif ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ; que caractérise une faute de gestion, la poursuite d'une activité déficitaire qui ne peut que conduire à la cessation des paiements ; qu'en se bornant, pour décider que M. A... n'avait pas poursuivi fautivement une activité déficitaire, à examiner l'excédent brut d'exploitation de la société Entreprise brestoise de plâtrerie et de carrelage au titre des exercices 2008 à 2011, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la poursuite par M. A... d'une activité déficitaire résultait de la très forte dégradation de la capacité d'autofinancement de la société, mais aussi de son résultat net, qui était négatif en 2010, en 2011 et en 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2, alinéa 1er, du code de commerce ;

2°/ que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ; que caractérise une faute de gestion, la poursuite d'une activité déficitaire qui ne peut que conduire à la cessation des paiements ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que M. A... n'avait pas poursuivi fautivement une activité déficitaire, que la dégradation brutale du chiffre d'affaires et de l'excédent brut d'exploitation de la société ne pouvait s'expliquait par d'autres motifs que la crise économique qui s'était déclarée à la fin de l'année 2008, sans rechercher si la faute de gestion commise par M. A... consistait, non dans la dégradation du chiffre d'affaires et de l'excédent brut d'exploitation, mais dans le fait de s'être obstiné à poursuivre l'activité de la société Entreprise brestoise de plâtrerie et de carrelage tandis que sa situation ne cessait de se dégrader, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2, alinéa 1er, du code de commerce ;

3°/ que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ; que commet une faute de gestion, le dirigeant qui reste passif face aux difficultés de la société ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que M. A... n'avait commis aucune faute de gestion, que si en 2012 une partie de l'effectif salarié aurait pu être licenciée pour favoriser le redressement de l'entreprise, cette mesure, par sa lourdeur et son coût, n'aurait pu avoir d'effet immédiat, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la faute de gestion de M. A... tenait au fait qu'il s'était abstenu de prendre une telle mesure en 2009 et 2010, années au cours desquelles les performances de la société avaient d'ores et déjà commencé à se dégrader, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2, alinéa 1er, du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que M. A... avait déclaré la cessation des paiements le 13 mai 2013, date de cet état retenue dans le jugement ouvrant la procédure collective, l'arrêt examine la gestion du dirigeant sur deux périodes de temps ; que s'agissant de la première, comprise entre 2008 et septembre 2011, l'arrêt retient, d'abord, qu'une crise économique s'est déclarée à la fin de l'année 2008 en raison de la restriction brutale de la demande, que face à la concurrence accrue qui en est résultée, la société a réduit ses prix et que, pourtant toujours bénéficiaire jusqu'alors, son chiffre d'affaires s'est réduit de 6 486 000 à 5 113 000 euros et son excédent brut d'exploitation de 332 000 à 47 000 euros entre les 30 septembre 2008 et 30 septembre 2009, sans que des motifs autres que la conjoncture économique ne puissent éclairer cette dégradation brutale ; que constatant que la situation a continué de se détériorer en 2010, l'excédent brut d'exploitation devenant négatif de 75 000 euros en dépit du maintien de l'activité à un niveau comparable, l'arrêt relève un redressement de l'équilibre de l'exploitation au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2011, l'excédent brut d'exploitation redevenant positif de 37 000 euros, tandis que les conditions d'exploitation de la société débitrice étaient demeurées identiques à celles qui avaient fait son succès depuis 2003 ; que l'arrêt retient qu'aucune autre explication que la conjoncture économique ne peut être mise en relation avec la dégradation durable de la rentabilité de la société débitrice, et en déduit, d'un côté, que ce retour à l'équilibre d'exploitation exclut que puisse être imputée à la direction une passivité face au déficit constaté au 30 septembre 2010, le résultat net étant seulement obéré par un résultat exceptionnel déficitaire constitué par une provision imposée par un litige prud'homal, de l'autre, que ces éléments ne révèlent ni la responsabilité de M. A... dans la dégradation de la rentabilité de la société, ni la poursuite abusive d'une activité durablement déficitaire entre 2008 et le 30 septembre 2011 ; que s'agissant de la seconde période de temps relative à l'année 2012, l'arrêt relève que les résultats catastrophiques sont en relation avec une nouvelle baisse significative du chiffre d'affaires, passé de 5 464 000 euros en 2011 à 4 633 000 euros, ceci s'expliquant, au vu des pièces produites, par la conjoncture économique, et qu'aucune faute ne peut être reprochée à M. A... , l'entreprise calculant annuellement son coût de revient horaire, ce qui démontre la volonté de la direction de résister à la tentation de conclure des marchés à perte ; que l'arrêt retient encore que cette nouvelle baisse d'activité, alliée à l'importance des charges fixes, suffit à expliquer que l'excédent brut d'exploitation devienne négatif de 388 000 euros au 30 septembre 2012 ; que l'arrêt ajoute qu'il ne peut être reproché au dirigeant de n'avoir pris immédiatement les mesures de restructuration suffisantes, dès lors que M. A... , qui n'a pas tiré profit de la poursuite d'exploitation en 2012 ni au début de l'année 2013, justifie avoir poursuivi sa politique de réduction des frais généraux initiée en 2009, réduit la masse salariale en licenciant le directeur et apporté un soutien financier à la société débitrice par un apport en compte courant de 200 000 euros en septembre 2012 et un cautionnement de 400 000 euros consenti par sa holding à l'organisme Oseo afin que ce dernier maintienne ses concours financiers ; que, relevant que la seule autre mesure envisageable eût été le licenciement immédiat d'une partie des salariés, l'arrêt retient que, par sa lourdeur et par son coût, cette mesure n'aurait pu avoir un effet immédiat et que son impact sur l'insuffisance d'actif n'est pas démontré, et en déduit que M. A... n'est pas demeuré passif ni ne s'est désintéressé du sort de la société débitrice ; que l'arrêt relève, enfin, que les comptes arrêtés au 30 septembre 2012 montrent une réduction des dettes des fournisseurs de 469 274 à 429 080 euros, ainsi que des dettes fiscales et sociales de 401 816 à 337 960 euros, ce qui démontre une absence de fuite en avant au détriment des créanciers, et que, pendant la période d'observation, l'administrateur concluait, dans son rapport, à la poursuite d'activité bénéficiaire ; que l'arrêt en déduit qu'en l'absence de recul suffisant quant à l'évolution de la conjoncture, la poursuite de l'activité en 2012, année précédant le dépôt de bilan, ne révèle pas un entêtement fautif du dirigeant à poursuivre une activité dont il aurait eu conscience du caractère inéluctablement déficitaire ; que par ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que M. A... n'est pas resté passif face aux difficultés de la société débitrice, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à examiner l'excédent brut d'exploitation de la société débitrice entre 2008 et 2011, a procédé à la recherche prétendument omise invoquée par la deuxième branche, et n'était pas tenue de procéder aux recherches non demandées invoquées par les première et troisième branches, a légalement justifié sa décision d'écarter toute faute de gestion imputable à M. A... et, en conséquence, de rejeter la demande de condamnation de ce dernier à contribuer à l'insuffisance d'actif de la société débitrice ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.