Cass. crim., 30 janvier 1995, n° 93-85.345
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Schumacher
Avocat général :
M. Amiel
Avocat :
SCP de Chaisemartin et Courjon
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 25 octobre 1993, qui l'a condamné, pour recel de banqueroute par détournement d'actif, à 13 mois d'emprisonnement avec sursis et 200 000 francs d'amende ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 321-1 du Code pénal, 197 de la loi n 85-98 du 25 janvier 1985, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné X à la peine de 13 mois d'emprisonnement avec sursis et 200 000 francs d'amende pour recel de banqueroute par détournement d'actif ;
"aux motifs que X a perçu une somme totale de 830 000 francs d'honoraires entre le 18 novembre 1988 et le mois de mars 1989, par chèques bancaires émis par la SARL Y, ainsi qu'une lettre de change tirée par Y sur la société "La Paysanne" d'un montant de 356 101,38 francs, demeurée impayée ; que ces versements devaient tenir lieu de paiement des honoraires réclamés par X par lettre du 11 janvier 1989, d'un montant hors taxes de 1 000 000 francs ; qu'il est constant que les versements des honoraires litigieux effectués par la société Y et encaissés par X sont intervenus entre le 18 novembre 1988 et le mois de mars 1989 ; qu'au cours de cette période, force est de constater que plusieurs protêts avaient été inscrits par deux des plus importants créanciers de la société Y, à savoir : - le 30 novembre 1988 par la société Tricotex pour un montant de 138 668 francs ; - le 13 décembre 1988 par la société Tricotex pour un montant de 250 000 francs ; le 30 décembre 1988 par la Commerzbank pour un montant de 370 824 francs ; - le 31 janvier 1989 par la société Tricotex pour un montant de 196 459 francs ; qu'en outre, il y a lieu de relever que la SARL Y avait fait l'objet d'un nantissement de son fonds de commerce le 29 mars 1988 au profit du CEPME pour une valeur de 1 495 000 francs, ce qui souligne la fragilité financière de la société au regard, notamment, de projets de reprise d'activités ou d'entreprises nouvelles ; que le prévenu, qui se présente comme un familier des procédures commerciales et plus particulièrement des procédures de redressement judiciaire se devait de vérifier, par une consultation, ouverte à tous, des divers registres du greffe du tribunal de commerce de Paris, la situation réelle de la société Y à l'égard de ses fournisseurs, de ses banques et autres créanciers, et de contrôler par ce moyen qu'elle ne se trouvait pas en état virtuel de cessation de paiements ; qu'en omettant de surcroît de procéder ou de faire procéder à des vérifications comptables élémentaires sur ladite société, qu'il pressentait comme le repreneur de l'entreprise Z, le prévenu, qui ne pouvait au surplus ignorer que ces deux entreprises constituaient une même entité économique animée par le même individu, a délibérément perçu de la société Y des sommes d'argent élevées, lesquelles étaient sans rapport avec les prestations prétendument fournies, et alors qu'il était en mesure de s'assurer par lui-même que cette société se trouvait d'ores et déjà dans une situation lourdement obérée ; que X a eu ainsi nécessairement conscience de l'origine frauduleuse des sommes d'argent perçues par lui à titre d'honoraires au préjudice des créanciers de la société Y et que, dans ces conditions, se trouve caractérisé en tous ses éléments matériels et intentionnel le délit de recel de banqueroute par détournement d'actif qui lui est reproché ;
"alors que le délit de recel de banqueroute par détournement d'actif suppose chez son auteur la connaissance de l'état de cessation des paiements de la société ou du commerçant qui lui remet des actifs ; que l'arrêt attaqué n'a pu légalement déduire du fait que le prévenu était en mesure de s'assurer par lui-même - par la consultation des registres du greffe du tribunal de commerce ou par des vérifications comptables élémentaires sur la société Y- que cette société se trouvait d'ores et déjà dans une situation lourdement obérée, qu'il aurait eu ainsi nécessairement conscience de l'origine frauduleuse des fonds perçus ; qu'en effet, les constatations de l'arrêt démontrent au contraire que le prévenu n'avait pas eu connaissance de l'état de cessation des paiements ; que, dès lors, l'arrêt attaqué manque de base légale au regard des textes susvisés" ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Y, par jugement devenu définitif, a été condamné en qualité de dirigeant de fait de la SARL Y pour banqueroute par détournement d'actif pour avoir émis, entre le 23 novembre 1988 et le 30 janvier 1989, des chèques d'un montant global de 830 000 francs à l'ordre de X, conseiller financier de Y, qui avait servi d'intermédiaire auprès du tribunal de commerce pour obtenir l'homologation d'une convention de location-gérance d'un fonds de commerce à l'enseigne Z, exploité jusqu'alors par Y ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de recel de l'actif détourné, les juges d'appel relèvent que la société Y n'avait ni fonds propres ni trésorerie et que la convention de location-gérance n'avait eu pour but que de permettre la continuation de l'activité commerciale personnelle de Y, tout en mettant, sous le couvert d'honoraires injustifiés d'un montant de 830 000 francs en faveur de X, son patrimoine à l'abri des poursuites de ses créanciers ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, d'où il résulte que X connaissait l'origine frauduleuse des fonds perçus, la cour d'appel a caractérisé, sans insuffisance ni contradiction, le délit retenu à la charge du prévenu ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.