Cass. 3e civ., 12 juin 1991, n° 89-20.140
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Senselme
Rapporteur :
M. Beauvois
Avocat général :
M. Angé
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Coutard et Mayer, Me Odent, SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin
Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi provoqué de la société Sols et Eaux, réunis :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Pau, 11 juillet 1988 et 20 juillet 1989), qu'en 1981, à la suite d'un glissement de terrain menaçant deux villas situées sur une falaise et appartenant à M. Z..., maître de l'ouvrage, ce dernier a fait réaliser des travaux confortatifs de son terrain par la société Soletanche et la STPCB, déclarée ensuite en liquidation de biens, M. X... étant désigné comme mandataire-liquidateur, la société Sols et Eaux ayant été chargée de la conception du projet ; qu'un nouveau glissement s'étant produit après achèvement des travaux, M. Z... a assigné les trois sociétés, après qu'une expertise ait été diligentée par M. Y... ;
Attendu que la société Soletanche et la société Sols et Eaux font grief à l'arrêt de les avoir condamnées à indemniser le maître de l'ouvrage, alors, selon le moyen, 1° que seuls les travaux de construction justifient que l'entrepreneur soit responsable de plein droit, envers le maître d'ouvrage, des vices affectant la solidité de la construction ou la rendant impropre à sa destination ; qu'en retenant, pour soumettre les travaux réalisés par la société Soletanche au régime de la responsabilité décennale, qu'il s'agissait de travaux de génie civil, tout en relevant qu'ils consistaient dans la mise en place de micropieux destinés à conforter provisoirement la stabilité d'une falaise, en contrebas de deux pavillons préalablement construits, d'où il résultait nécessairement que ces travaux, temporaires et extérieurs aux immeubles endommagés, n'avaient pas le caractère d'une construction, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1792 du Code civil ; 2° que le constructeur n'est responsable de plein droit que des vices qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination ; que, par suite, des dommages survenus à des pavillons sur le point de s'effondrer avant même l'exécution de travaux provisoires et qui ne visaient pas à rendre les pavillons durablement habitables ne sauraient engager la responsabilité décennale de l'entrepreneur, lequel ne pourra être tenu à réparation que si une faute est démontrée à son encontre ; qu'en l'espèce la cour d'appel a déclaré la société Soletanche responsable de plein droit des dommages survenus à ces pavillons, tout en relevant que ceux-ci, d'ores et déjà frappés d'un arrêté de péril, menaçaient de s'effondrer à brève échéance, et qu'il convenait de vérifier, pour estimer le préjudice subi, si les travaux auraient pu assurer la stabilité de la falaise de façon à permettre l'utilisation normale de ces immeubles ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel de Pau n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des dispositions de l'article 1792 du Code civil ; 3° que la cour d'appel a retenu, pour déclarer la société Soletanche responsable du dommage
subi par M. Z..., que cette société avait proposé une variante au projet initial, consistant à implanter 41 micropieux d'une résistance plus importante que les 81 initialement envisagés, afin d'accroître la traction admissible ; que la cour d'appel a cependant constaté que le bureau d'études Sols et Eaux, spécialement chargé par le maître d'ouvrage d'établir un projet de travaux susceptibles de conforter la falaise, avait décidé de retenir dans sa proposition définitive la suggestion de la société Soletanche ; qu'en statuant ainsi, sans déduire de ses propres constatations que la société Soletanche, dont la seule mission consistait à exécuter les travaux, n'avait pu, en se bornant à suggérer cette variante au bureau d'études, déterminer le préjudice subi par le maître d'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 1151 du Code civil ; 4° que la cour d'appel de Pau a déclaré la société Soletanche responsable à raison de la variante qu'elle a suggérée au bureau d'études Sols et Eaux, en dépit des réserves formulées par la société Soletanche au maître d'ouvrage ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher si l'entrepreneur n'avait pas, en avertissant formellement M. Z... du caractère temporaire des travaux envisagés, l'efficacité des micropieux étant subordonnée à la stabilité des terrains en aval, satisfait à son devoir de conseil envers le maître d'ouvrage, de sorte que M. Z... n'avait ensuite pu décider de procéder aux travaux projetés qu'à ses risques et périls, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; 5° que constitue un ouvrage susceptible d'engager la responsabilité de plein droit du concepteur la construction formant un ensemble viable composé d'une structure, d'un clos et d'un couvert ; qu'en décidant que les désordres dont il s'agissait relevaient de la garantie décennale des constructeurs, tout en ayant constaté que les travaux litigieux, commandés à la suite d'un glissement de terrain, avaient consisté en la stabilisation temporaire d'une falaise par l'implantation de micropieux et l'apport d'un remblai, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1792 du Code civil ; 6° que, au soutien de son appel, le maître de l'ouvrage avait exclusivement fait grief au concepteur d'avoir accepté la suggestion de l'entrepreneur quant au choix de l'option technique portant sur l'implantation des micropieux ; qu'en relevant d'office le moyen tiré d'un manquement de la société Sols et Eaux à son devoir de conseil relativement à la surveillance des travaux, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur cette question mélangée de fait et de droit, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; 7° qu'en imputant au concepteur un manquement à son devoir de conseil relativement à la surveillance des travaux, sans rechercher si, en attirant l'attention du maître de l'ouvrage sur la nécessité de mener avec prudence l'exécution du projet selon les processus bien définis par lui, la société Sols et Eaux, qui n'avait été investie que d'une mission de conception, n'avait pas suffisamment satisfait à son obligation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1137 et 1142 du Code civil ;
Mais attendu que, saisie d'une demande en réparation des dommages consécutifs aux travaux confortatifs et ayant relevé que ces travaux, consistant en la réalisation d'une butée par un rideau de micropieux, une purge des terrains, ainsi que la mise en place d'un remblai entre cette butée et les pavillons, avaient été exécutés par les trois entreprises concernées, la cour d'appel, qui a justement retenu que ces travaux de génie civil étaient des ouvrages au sens des articles 1792 et suivants du Code civil, dans leur rédaction résultant de la loi du 4 janvier 1978, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le second moyen du pourvoi principal et le second moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi provoqué de la société Sols et Eaux, réunis : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi provoqué formé le 1er juin 1990 par la STPCB et M. X... ;
REJETTE les autres pourvois.