TUE, 9e ch. élargie, 7 décembre 2022, n° T-130/21
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
CCPL - Consorzio Cooperative di Produzione e Lavoro SC, Coopbox Group SpA, Coopbox Eastern s.r.o.
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Papasavvas
Juges :
Mme Costeira, Mme Kancheva, M. Zilgalvis (rapporteur), M. Dimitrakopoulos
Avocats :
Me Cucchiara, Me Rocchi
LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),
1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, CCPL – Consorzio Cooperative di Produzione e Lavoro SC, Coopbox Group SpA et Coopbox Eastern s.r.o., demandent l’annulation de la décision C(2020) 8940 final de la Commission, du 17 décembre 2020 (ci-après la « décision attaquée »), modifiant le montant des amendes infligées par la décision C(2015) 4336 final de la Commission, du 24 juin 2015, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39563 – Conditionnement alimentaire destiné à la vente au détail) (ci-après la « décision de 2015 »).
Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours.
2 Les requérantes sont des sociétés appartenant au groupe CCPL actives, notamment, dans le secteur du conditionnement alimentaire.
3 CCPL est une société coopérative qui détient, par l’intermédiaire de CCPL SpA, des participations dans des sociétés d’exploitation, dont Coopbox Group et Coopbox Eastern.
4 Le 24 juin 2015, la Commission européenne a adopté la décision de 2015, par laquelle elle a constaté que des sociétés actives dans le secteur du conditionnement alimentaire destiné à la vente au détail avaient, au cours de la période comprise entre 2000 et 2008, participé à cinq infractions distinctes à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE. Aux termes de l’article 2 de cette décision, la Commission a infligé, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), des amendes pour un montant total de 33 694 000 euros, notamment, aux requérantes et à deux autres sociétés qui faisaient partie à l’époque du groupe CCPL.
5 Le montant final de ces amendes a été fixé après l’octroi aux cinq sociétés concernées, en vertu du paragraphe 35 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci après les « lignes directrices de 2006 »), d’une réduction de 25 % du montant final des amendes que la Commission aurait dû leur imposer, compte tenu de leur capacité contributive réduite.
6 Par ordonnance du 15 décembre 2015, CCPL e.a./Commission (T 522/15 R, EU:T:2015:1012), le président du Tribunal a sursis à l’obligation de constituer en faveur de la Commission une garantie bancaire pour éviter le recouvrement immédiat des amendes qui avaient été infligées aux cinq sociétés concernées, à condition, d’une part, qu’elles versent à la Commission la somme de 5 millions d’euros ainsi que l’intégralité des recettes dégagées de la cession envisagée de certaines participations et, d’autre part, qu’elles présentent par écrit à cette dernière, tous les trois mois jusqu’à l’adoption de la décision dans l’affaire principale ainsi que lors de chaque événement qui pourrait avoir une influence sur leur capacité future à s’acquitter des amendes infligées, un rapport détaillé sur la mise en œuvre du plan de restructuration intégré dans l’accord de restructuration de la dette conclu avec leurs créanciers (ci-après le « plan de restructuration ») et sur le montant des recettes dégagées de la vente des actifs de celui-ci tant en exécution qu’« en-dehors » de ce plan.
7 CCPL, agissant pour le compte des cinq sociétés concernées, a effectué des paiements provisoires à la Commission pour un montant total de 5 942 000 euros.
8 Par arrêt du 11 juillet 2019, CCPL e.a./Commission (T 522/15, non publié, EU:T:2019:500), le Tribunal a constaté que, en ce qui concerne la détermination de la réduction du montant des amendes infligées aux cinq sociétés concernées octroyée au titre de l’incapacité contributive, la décision de 2015 était entachée d’une insuffisance de motivation. Par conséquent, il a annulé l’article 2, paragraphe 1, sous f) à h), paragraphe 2, sous d) et e), et paragraphe 4, sous c) et d), de cette décision.
9 Par lettre du 18 septembre 2019, la Commission a informé CCPL notamment de son intention d’adopter une nouvelle décision infligeant des amendes aux sociétés concernées de son groupe et a invité ces dernières à présenter leurs observations.
10 Le 20 septembre 2019, les requérantes ont introduit un pourvoi contre l’arrêt du 11 juillet 2019, CCPL e.a./Commission (T 522/15, non publié, EU:T:2019:500).
11 Le 4 octobre 2019, les sociétés concernées ont demandé à la Commission d’examiner leur absence de capacité contributive, au titre du paragraphe 35 des lignes directrices de 2006, en vue d’une réduction du montant des amendes qu’elle pourrait appliquer à l’issue de la procédure en cours. Afin d’évaluer cette demande, la Commission a adressé au groupe CCPL des demandes d’informations au titre de l’article 18, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003, auxquelles ledit groupe a donné suite.
12 Le 7 octobre 2019, la Commission a, en exécution de l’arrêt du 11 juillet 2019, CCPL e.a./Commission (T 522/15, non publié, EU:T:2019:500), remboursé à CCPL le montant de 5 942 084 euros que cette dernière lui avait transféré à titre de paiement provisoire.
13 Le 17 décembre 2020, la Commission a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a, en substance, rejeté la demande de réduction du montant des amendes en cause fondée sur une absence de capacité contributive soumise par les requérantes et leur a infligé des amendes d’un montant total de 9 441 000 euros.
14 Par ordonnance du 20 janvier 2021, CCPL e.a./Commission (C 706/19 P, non publiée, EU:C:2021:45), la Cour a rejeté le pourvoi des requérantes comme étant manifestement irrecevable. La Cour a notamment indiqué que les requérantes pourraient invoquer, le cas échéant, les moyens et les arguments écartés par le Tribunal dans l’arrêt du 11 juillet 2019, CCPL e.a./Commission (T 522/15, non publié, EU:T:2019:500), dans le cadre d’un éventuel nouveau recours contre la décision qui viendrait à être adoptée à la suite de l’annulation de la décision litigieuse par le Tribunal (ordonnance du 20 janvier 2021, CCPL e.a./Commission, C 706/19 P, non publiée, EU:C:2021:45, point 26).
15 Par ordonnance du 22 juillet 2021, CCPL e.a./Commission (T 130/21 R, non publiée, EU:T:2021:488), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé des requérantes tendant au sursis à l’exécution de la décision attaquée et a réservé les dépens.
Conclusions des parties
16 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler les amendes qui leur ont été infligées dans la décision attaquée ;
– à titre subsidiaire, réduire le montant desdites amendes ;
– condamner la Commission aux dépens.
17 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
18 À l’appui du recours, les requérantes soulèvent trois moyens.
19 Le premier moyen est tiré, en substance, d’une violation de l’obligation de motivation et d’une violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. Le deuxième moyen est tiré d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement. Le troisième moyen est tiré, en substance, d’une violation de l’obligation de motivation et d’erreurs manifestes d’appréciation en ce que la Commission n’aurait pas tenu compte des données fournies par le groupe CCPL au soutien de son absence de capacité contributive.
Sur le premier moyen, tiré, en substance, d’une violation de l’obligation de motivation et d’une violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003
20 Ce moyen se divise en deux branches tirées, la première, d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne la responsabilité de la société mère du groupe CCPL en raison du comportement des sociétés du groupe CCPL et, la deuxième, de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 en ce que la Commission se serait fondée de façon erronée sur la présomption selon laquelle CCPL exerçait une influence déterminante sur les sociétés du groupe CCPL.
Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une insuffisance de motivation de la responsabilité de la société mère du groupe CCPL en raison du comportement des sociétés de ce groupe
21 Les requérantes soutiennent que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation, car elle n’indique pas les raisons pour lesquelles la responsabilité du comportement de Coopbox Group et de Coopbox Eastern a été imputée à CCPL.
22 La Commission conteste cette argumentation.
23 Il y a lieu de rappeler que la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle (voir arrêt du 18 septembre 2003, Volkswagen/Commission, C 338/00 P, EU:C:2003:473, point 124 et jurisprudence citée).
24 En outre, lorsqu’une décision initiale de la Commission a été modifiée par une décision qui prévoit explicitement qu’elle constitue une décision modificative de cette décision, la procédure d’adoption de la décision modificative s’inscrit dans le prolongement de la procédure ayant abouti à la décision initiale (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2017, Toshiba/Commission, C 180/16 P, EU:C:2017:520, point 22).
25 Dans ces circonstances, la motivation de la décision initiale peut être prise en compte afin d’apprécier la légalité de la décision modificative, pour autant qu’elle n’a pas été affectée par un arrêt d’annulation et qu’elle n’est pas contredite par le libellé de la décision modificative (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2016, Toshiba/Commission, T 404/12, EU:T:2016:18, point 95).
26 En l’espèce, il ressort explicitement de l’intitulé et du contenu de la décision attaquée qu’elle constitue une décision modificative de la décision de 2015 en ce qui concerne les amendes imposées aux requérantes.
27 L’article 1er de la décision attaquée inflige ainsi des amendes aux requérantes pour les infractions mentionnées à l’article 1er de la décision de 2015.
28 En outre, il n’est pas allégué que les éléments de la décision de 2015 autres que ceux relatifs à la capacité contributive des requérantes ont été affectés par l’arrêt du 11 juillet 2019, CCPL e.a./Commission (T 522/15, non publié, EU:T:2019:500), ou qu’elle serait contredite par la décision attaquée en ce qui concerne la responsabilité de CCPL en raison des infractions commises par les sociétés du groupe CCPL, qui fait l’objet du présent moyen.
29 Il s’ensuit que, en application de la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus, la motivation de la décision attaquée doit être lue à la lumière de la décision de 2015 en ce qui concerne la responsabilité de CCPL en raison des infractions commises par les sociétés du groupe CCPL.
30 Au considérant 848 de la décision de 2015, la Commission a constaté que CCPL était la société faîtière du groupe CCPL pendant toute la durée des infractions en cause et que sa participation directe ou indirecte dans une ou plusieurs entités, dont Coopbox Group, participant directement à l’infraction était de 100 % jusqu’au 18 avril 2006, puis de 93,864 % entre le 18 avril 2006 et la fin desdites infractions.
31 Au considérant 849 de la décision de 2015, la Commission a estimé qu’une participation de 93,864 % était suffisante pour présumer qu’une société mère exerçait une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Elle a également précisé que bien que, pour elle, la présomption d’influence déterminante suffisait à établir la responsabilité des entités concernées, cette présomption était renforcée par l’analyse des liens juridiques, personnels et économiques existant entre les entités faisant partie de l’entreprise concernée, effectuée aux considérants 850 à 855 de la même décision.
32 Or, ces éléments sont de nature à permettre aux requérantes de comprendre l’appréciation qui a conduit la Commission à retenir la responsabilité de CCPL en raison des infractions commises par les sociétés du groupe CCPL et au Tribunal de contrôler le bien-fondé de ces motifs.
33 L’argument des requérantes relatif à une insuffisance de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la responsabilité de CCPL en raison des infractions commises par les sociétés du groupe CCPL doit donc être rejeté.
Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 en ce que la Commission s’est fondée de façon erronée sur la présomption selon laquelle CCPL a exercé une influence déterminante sur les sociétés du groupe CCPL
34 Les requérantes considèrent, en substance, que la décision attaquée est entachée d’erreurs de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission s’est fondée, aux fins de l’application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, sur la présomption selon laquelle CCPL avait exercé une influence déterminante sur les sociétés du groupe CCPL.
35 La Commission conteste cette argumentation.
36 Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, la Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et aux associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 101 TFUE.
37 Selon une jurisprudence constante, la notion d’entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. À cet égard, la Cour a précisé, d’une part, que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, devait être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique était constituée de plusieurs personnes physiques ou morales et, d’autre part, que, lorsqu’une telle entité économique enfreignait les règles de la concurrence, il lui incombait, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C 521/09 P, EU:C:2011:620, point 53 et jurisprudence citée).
38 En outre, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêt du 27 janvier 2021, The Goldman Sachs Group/Commission, C 595/18 P, EU:C:2021:73, point 31 et jurisprudence citée).
39 Il ressort également d’une jurisprudence constante que, dans le cas particulier où une société mère détient directement ou indirectement la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence. Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour qu’il puisse être présumé que cette dernière exerce effectivement une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme étant tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir arrêt du 27 janvier 2021, The Goldman Sachs Group/Commission, C 595/18 P, EU:C:2021:73, point 32 et jurisprudence citée).
40 À moins qu’elle ne soit renversée, une telle présomption implique, dès lors, que l’exercice effectif d’une influence déterminante par la société mère sur sa filiale est considéré comme étant établi et fonde la Commission à tenir la première pour responsable du comportement de la seconde, sans avoir à produire une quelconque preuve additionnelle. La mise en œuvre de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante n’est ainsi pas subordonnée à la production d’indices supplémentaires relatifs à l’exercice effectif d’une influence de la société mère (voir arrêt du 27 janvier 2021, The Goldman Sachs Group/Commission, C 595/18 P, EU:C:2021:73, point 33 et jurisprudence citée).
41 De surcroît, la Commission n’est nullement tenue de se fonder exclusivement sur ladite présomption. En effet, rien n’empêche cette institution d’établir l’exercice effectif, par une société mère, d’une influence déterminante sur sa filiale par d’autres éléments de preuve ou par une combinaison de tels éléments avec ladite présomption (voir arrêt du 27 janvier 2021, The Goldman Sachs Group/Commission, C 595/18 P, EU:C:2021:73, point 40 et jurisprudence citée).
42 En l’espèce, il importe de rappeler que, au considérant 846 de la décision de 2015, la Commission a indiqué que, afin d’attribuer la responsabilité des infractions en cause à CCPL en tant que société mère, elle avait utilisé la présomption de responsabilité selon laquelle CCPL avait exercé une influence déterminante pendant la période (ou les périodes) où au moins une entité directement impliquée dans l’infraction était entièrement (ou presque entièrement) contrôlée par cette société mère.
43 Ainsi qu’il a été rappelé aux points 30 et 31 ci-dessus, dans la décision de 2015, la Commission a constaté que CCPL était la société faîtière du groupe CCPL pendant toute la durée des infractions et que sa participation directe ou indirecte dans une ou plusieurs entités de ce groupe participant directement à l’infraction était suffisante pour présumer qu’elle exerçait une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. La Commission a également précisé que, bien que, pour elle, la présomption d’influence déterminante suffisait à établir la responsabilité des entités concernées, cette présomption était renforcée par l’analyse des liens juridiques, personnels et économiques existant entre les entités faisant partie de l’entreprise concernée.
44 Parmi les éléments démontrant les liens juridiques, personnels et économiques existant entre les entités faisant partie de l’entreprise concernée, la Commission a notamment mentionné que CCPL pouvait nommer tous les membres du conseil d’administration, ainsi que l’administrateur délégué de CCPL SpA, que CCPL approuvait le budget de CCPL SpA et déterminait les responsabilités des administrateurs, que le conseil d’administration de CCPL SpA disposait des plus larges pouvoirs de gestion ordinaire de l’entreprise et nommait un président, auquel il appartenait d’assurer l’orientation stratégique de la société en veillant à l’exécution correcte des décisions du conseil d’administration, que le pacte d’actionnaires reconnaissait explicitement que CCPL détenait une participation de contrôle dans CCPL SpA, que les actionnaires minoritaires ne jouissaient pas de droits spéciaux et que les 6,14 % résiduels du capital de CCPL SpA étaient détenus par les actionnaires propriétaires de CCPL eux mêmes. Elle a également relevé que le même modèle d’entreprise valait pour Coopbox Group.
45 Dans ce contexte, à l’article 1.1 de la décision de 2015, la Commission a considéré que Coopbox Group et CCPL avaient enfreint l’article 101 TFUE en participant, du 18 juin 2002 au 17 décembre 2007, à une infraction unique et continue, constituée de plusieurs infractions distinctes, ayant trait à des barquettes en polystyrène destinées au secteur du conditionnement alimentaire pour la vente au détail et couvrant le territoire de l’Italie.
46 À l’article 1.4 de la décision de 2015, la Commission a considéré que CCPL, du 8 décembre 2004 au 24 septembre 2007, et Coopbox Eastern, du 5 novembre 2004 au 24 septembre 2007, avaient enfreint l’article 101 TFUE en participant à une infraction unique et continue, constituée de plusieurs infractions distinctes, ayant trait à des barquettes en polystyrène destinées au secteur du conditionnement alimentaire pour la vente au détail et couvrant le territoire de la République tchèque, de la Hongrie, de la Pologne et de la Slovaquie.
47 Sur cette base, à l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a imposé, pour l’infraction mentionnée à l’article 1.1 de la décision de 2015, une amende de 4 627 000 euros conjointement et solidairement à Coopbox Group et à CCPL, pour l’infraction mentionnée à l’article 1.2 de la décision de 2015, une amende de 4 010 000 euros à CCPL et, pour l’infraction mentionnée à l’article 1.4 de la décision de 2015, une amende de 789 000 euros conjointement et solidairement à Coopbox Eastern et à CCPL, ainsi qu’une amende de 15 000 euros à Coopbox Eastern.
48 Elle a donc tenu CCPL responsable pendant toute la durée des infractions en raison, notamment, de sa participation directe ou indirecte dans une ou plusieurs entités du groupe CCPL.
49 En premier lieu, les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur de droit en imputant à CCPL des pratiques mises en œuvre par Coopbox Group et par Coopbox Eastern, que CCPL détient par l’intermédiaire de CCPL SpA, sans constater d’infraction à l’égard de CCPL SpA.
50 Toutefois, il résulte de la jurisprudence rappelée au point 38 ci-dessus que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques.
51 Dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE, la Commission peut adresser une décision imposant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C 521/09 P, EU:C:2011:620, point 55 et jurisprudence citée). En d’autres termes, ce n’est pas nécessairement une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et la filiale, ni à plus forte raison une implication de la première dans ladite infraction, qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère, mais le fait que les sociétés concernées constituent une seule entreprise, au sens de l’article 101 TFUE (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C 521/09 P, EU:C:2011:620, point 88).
52 Par ailleurs, en vertu de la jurisprudence, la présomption visée au point 39 ci dessus trouve également application lorsque la société mère détient le capital de sa filiale, non directement, mais par l’intermédiaire d’autres sociétés (voir, en ce sens, arrêts du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C 90/09 P, EU:C:2011:21, point 86 ; du 8 mai 2013, Eni/Commission, C 508/11 P, EU:C:2013:289, points 48 et 49, et du 15 juillet 2015, GEA Group/Commission, T 45/10, non publié, EU:T:2015:507, point 142).
53 Il résulte ainsi de la jurisprudence que la Commission peut imputer la responsabilité du comportement de filiales détenues indirectement par une société mère à cette société, même sans constater d’infraction à l’égard des sociétés intermédiaires.
54 En effet, le fait que de telles filiales soient détenues par l’intermédiaire d’une société à laquelle aucune infraction n’est imputée ne remet pas en cause la présomption de l’exercice effectif, par la société mère, du fait de sa participation indirecte dans ces filiales, d’une influence déterminante sur le comportement desdites filiales.
55 Il résulte également de la jurisprudence rappelée au point 37 ci-dessus qu’il incombe à une unité économique constituée de plusieurs personnes physiques ou morales qui enfreint les règles de la concurrence, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction.
56 Contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ne saurait donc être considéré que la décision attaquée a été adoptée en violation du principe de responsabilité personnelle en ce que CCPL a été tenue responsable d’une infraction qu’elle n’a pas commise et qui n’a pas été imputée à l’entité par l’intermédiaire de laquelle elle possédait l’entité ayant commis l’infraction.
57 Par conséquent, la décision attaquée n’est pas entachée d’une erreur de droit en ce que la Commission a imputé à CCPL des pratiques mises en œuvre par Coopbox Group et par Coopbox Eastern, que CCPL détient par l’intermédiaire de CCPL SpA, sans avoir constaté d’infraction à l’égard de CCPL SpA.
58 En deuxième lieu, les requérantes font valoir que la présomption de responsabilité de CCPL pour les agissements des sociétés du groupe CCPL n’était pas applicable, dès lors que CCPL ne détenait qu’une participation de 93,864 % dans CCPL SpA du 18 avril 2006 à la fin de la période infractionnelle.
59 Toutefois, la société mère qui détient la quasi-totalité du capital de sa filiale se trouve, en principe, dans une situation analogue à celle d’un propriétaire exclusif, en ce qui concerne son pouvoir d’exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, eu égard aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui l’unissent à ladite filiale. Par conséquent, la Commission est en droit d’appliquer à cette situation le même régime probatoire, à savoir recourir à la présomption selon laquelle ladite société mère fait un usage effectif de son pouvoir d’exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Il n’est cependant pas exclu que, dans certains cas, les associés minoritaires puissent disposer, à l’égard de la filiale, de droits permettant de remettre en cause l’analogie susvisée.
60 Or, d’une part, du fait de sa participation de 93,864 % dans le capital de CCPL SpA, CCPL détenait, pendant la période comprise entre le 18 avril 2006 et la fin de la période infractionnelle, la quasi-totalité du capital de CCPL SpA. D’autre part, les requérantes n’allèguent pas et, a fortiori, ne démontrent pas que les associés minoritaires disposaient, à l’égard de CCPL SpA, de droits permettant de remettre en cause la présomption d’exercice effectif, par CCPL, d’une influence déterminante sur le comportement de cette filiale.
61 Il en résulte que la décision attaquée n’est pas entachée d’une erreur de droit en ce que la Commission a fait usage de la présomption de responsabilité de CCPL pour le comportement des sociétés du groupe CCPL au cours de la période pendant laquelle CCPL ne détenait qu’une participation de 93,864 % dans CCPL SpA.
62 En troisième lieu, l’argument selon lequel la Commission ne pouvait faire usage de la présomption de responsabilité de CCPL pour le comportement des sociétés du groupe CCPL dans la mesure où, lors de l’adoption de la décision de 2015, la participation de CCPL dans le capital de CCPL SpA avait encore été réduite à environ 90 % doit être rejeté.
63 En effet, l’application de la présomption permettant d’imputer le comportement d’une filiale à sa société mère implique que la responsabilité de la société mère découle du comportement de sa filiale pendant la période durant laquelle l’infraction a été commise, de sorte que le montant de la participation de la société mère dans sa filiale à la date de la décision constatant une infraction est dénué de pertinence.
64 En quatrième lieu, d’une part, les requérantes font valoir qu’il appartenait à la Commission de démontrer l’exercice effectif d’une influence déterminante de CCPL sur les sociétés du groupe CCPL dès lors qu’elle s’était fondée à la fois sur la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante et sur un faisceau d’éléments.
65 Néanmoins, il suffit de constater que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 40 ci-dessus, la mise en œuvre de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante n’est pas subordonnée à la production d’indices supplémentaires relatifs à l’exercice effectif d’une influence de la société mère.
66 Il découle également de la jurisprudence rappelée au point 41 ci-dessus que rien n’empêche la Commission d’établir l’exercice effectif, par une société mère, d’une influence déterminante sur sa filiale par d’autres éléments de preuve ou par une combinaison de tels éléments avec ladite présomption.
67 Dès lors, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le fait que la Commission a relevé différents éléments destinés à renforcer le constat de l’existence d’une influence déterminante de CCPL sur les sociétés du groupe CCPL ne lui imposait pas une charge de la preuve plus élevée que si elle s’était limitée à faire usage de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante.
68 D’autre part, les requérantes considèrent que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce que la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante aurait dû être renversée, car CCPL n’exerçait pas effectivement une influence déterminante sur les sociétés du groupe CCPL, non seulement au titre de la période où elle détenait la totalité du capital social des entités du groupe CCPL impliquées dans l’infraction, mais aussi lorsque la participation de CCPL était inférieure à 100 %.
69 Au soutien de cet argument, les requérantes indiquent que CCPL a cessé toute activité de gestion dans le secteur des conditionnements alimentaires et a accordé aux sociétés du groupe CCPL responsables de ce secteur une autonomie complète dans le domaine de la production et en matière commerciale, industrielle et de gestion. Elles indiquent également, en substance, que l’administrateur délégué de Coopbox Group définit en toute indépendance les politiques de gestion commerciale et stratégique de la société.
70 En outre, les requérantes affirment que CCPL est une société coopérative qui agit principalement en tant qu’actionnaire et détient des participations dans les sociétés d’exploitation à travers CCPL SpA, dont le rôle de sous-holding ne comporte aucune implication dans la gestion opérationnelle et courante des sociétés qu’elle contrôle, et que CCPL ne joue aucun rôle actif dans la gestion courante des sociétés du groupe CCPL.
71 Par ailleurs, les requérantes soulignent que CCPL était la société faîtière d’un groupe d’entreprises opérant dans six secteurs d’activité différents, que ni Coopbox Group ni aucune des autres sociétés impliquées dans les infractions litigieuses n’ont jamais informé CCPL des activités illicites, ni agi avec son autorisation préalable.
72 Les requérantes soutiennent également qu’aucun des trois membres du conseil d’administration de CCPL qui ont été simultanément membres du conseil d’administration des sociétés du groupe CCPL n’a exercé de fonction opérationnelle au sein de ces dernières ou participé, directement ou indirectement, aux réunions avec les entreprises concurrentes.
73 À cet égard, il importe de rappeler, premièrement, que, afin de renverser la présomption d’influence déterminante, une société mère doit, dans le cadre de recours dirigés contre une décision de la Commission, soumettre à l’appréciation du juge de l’Union tout élément relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre elle-même et sa filiale de nature à démontrer qu’elles ne constituent pas une seule entité économique (voir arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C 155/14 P, EU:C:2016:446, point 32 et jurisprudence citée).
74 En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que l’indépendance opérationnelle ne prouve pas, en soi, qu’une filiale définit son comportement sur le marché de manière indépendante par rapport à sa société mère. La division des tâches entre les filiales et leurs sociétés mères, et en particulier le fait de confier la direction opérationnelle aux dirigeants locaux d’une filiale, est une pratique habituelle des entreprises de grande taille et composées d’une multitude de filiales détenues, ultimement, par la même société faîtière (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2014, RWE et RWE Dea/Commission, T 543/08, EU:T:2014:627, point 49 et jurisprudence citée).
75 Par ailleurs, le fait que CCPL ne donnait pas d’instructions à CCPL SpA, à Coopbox Group ni à Coopbox Eastern concernant les ententes en question ou même qu’elle n’avait pas connaissance desdites ententes n’est pas, en tant que tel, en vertu de la jurisprudence, de nature à renverser la présomption d’influence déterminante (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2016, Ori Martin et SLM/Commission, C 490/15 P et C 505/15 P, non publié, EU:C:2016:678, points 59 et 60).
76 Il s’ensuit que les affirmations, au demeurant non étayées, selon lesquelles CCPL a cessé toute activité de gestion dans le secteur des conditionnements alimentaires et accordé aux sociétés du groupe CCPL responsables de ce secteur une autonomie complète, sans qu’elle ou CCPL SpA jouent aucun rôle actif dans la gestion courante de Coopbox Group et de Coopbox Eastern, ne sont pas susceptibles de renverser la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante.
77 Deuxièmement, il convient de rappeler que le juge de l’Union considère que la représentation de la société mère dans les organes de direction de sa filiale constitue un élément de preuve pertinent de l’exercice d’un contrôle effectif sur la politique commerciale de celle-ci (voir arrêt du 15 juillet 2015, Socitrel et Companhia Previdente/Commission, T 413/10 et T 414/10, EU:T:2015:500, point 213 et jurisprudence citée).
78 Les arguments des requérantes relatifs à l’absence de rôle opérationnel des trois membres du conseil d’administration de CCPL qui ont été simultanément membres du conseil d’administration des sociétés du groupe CCPL doivent donc être rejetés.
79 Pour le même motif, l’argument selon lequel aucun des documents versés au dossier de la présente procédure ne contiendrait de données sur l’implication de ces membres du conseil d’administration de CCPL dans les activités de gestion de l’une quelconque des sociétés du groupe CCPL doit également être rejeté.
80 Troisièmement, dès lors qu’une société mère peut être considérée comme responsable d’une infraction commise par une filiale, même lorsqu’il existe un grand nombre de sociétés opérationnelles dans un groupe (voir arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T 343/06, EU:T:2012:478, point 52 et jurisprudence citée), le fait que CCPL était la société faîtière d’un groupe d’entreprises opérant dans six secteurs d’activité différents n’empêche pas de lui imputer les infractions de Coopbox Group et de Coopbox Eastern.
81 Eu égard à ce qui précède, les éléments avancés par les requérantes, en tant que tels, ne suffisent pas à renverser la présomption appliquée par la Commission selon laquelle CCPL exerçait une influence déterminante sur les sociétés du groupe CCPL.
82 Par conséquent, la deuxième branche du premier moyen n’est pas fondée et le premier moyen doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement
83 Selon les requérantes, en substance, la décision attaquée est contraire aux principes de proportionnalité, d’équité, d’individualisation et de gradation des amendes, de rationalité et d’égalité de traitement en ce que la Commission a appliqué de façon séparée, pour chaque infraction, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires fixé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 et en ce que cette méthode d’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires a conduit la Commission à leur infliger des amendes bien supérieures aux amendes infligées aux autres entreprises concernées.
84 La Commission conteste cette argumentation.
85 À cet égard, en premier lieu, s’agissant de l’application dans la décision attaquée du plafond de 10 % de façon séparée pour chaque infraction, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, pour chaque entreprise participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.
86 En outre, selon la jurisprudence, qualifier certains agissements illicites de constitutifs d’une seule et même infraction ou d’une pluralité d’infractions distinctes n’est pas, en principe, sans conséquences sur la sanction pouvant être imposée, dès lors que la constatation d’une pluralité d’infractions distinctes peut entraîner l’imposition de plusieurs amendes distinctes, chaque fois dans les limites fixées à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, c’est-à-dire dans le respect du plafond de 10 % du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédant l’adoption de la décision (voir arrêt du 6 février 2014, AC Treuhand/Commission, T 27/10, EU:T:2014:59, point 230 et jurisprudence citée).
87 Aussi la Commission peut-elle constater, dans une seule décision, deux infractions distinctes et infliger deux amendes dont le montant total dépasse le plafond de 10 % fixé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, pour autant que le montant de chaque amende ne dépasse pas ledit plafond. En effet, il est indifférent, pour l’application dudit plafond de 10 %, que des infractions différentes aux règles de concurrence de l’Union soient sanctionnées au cours d’une procédure unique ou au cours de procédures séparées, décalées dans le temps, la limite supérieure de 10 % s’appliquant à chaque infraction à l’article 101 TFUE (arrêt du 6 février 2014, AC-Treuhand/Commission, T 27/10, EU:T:2014:59, points 231 et 232).
88 Dès lors que l’application du plafond de 10 % de façon séparée pour chaque infraction est conforme à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 tel qu’il est interprété par la jurisprudence, cet argument des requérantes n’est pas de nature à démontrer que la décision attaquée est contraire aux principes de proportionnalité, d’équité, d’individualisation et de gradation de l’amende, de rationalité et d’égalité de traitement.
89 En ce qui concerne, en second lieu, la proportion de l’amende infligée aux requérantes par rapport à leur chiffre d’affaires global, laquelle serait nettement plus importante que celle des amendes infligées aux autres entreprises concernées, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, il n’est pas contraire aux principes de proportionnalité et d’égalité de traitement que, par application de la méthode de calcul des amendes prévue dans les lignes directrices de 2006, une entreprise se voie infliger une amende représentant une proportion de son chiffre d’affaires global plus élevée que celle que représentent les amendes infligées respectivement à chacune des autres entreprises. En effet, il est inhérent à cette méthode de calcul, laquelle n’est pas fondée sur le chiffre d’affaires global des entreprises concernées, que des disparités apparaissent entre ces entreprises en ce qui concerne le rapport entre ce chiffre d’affaires et le montant des amendes qui leur sont infligées (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C 101/15 P, EU:C:2016:631, point 64).
90 Il ressort également de la jurisprudence que la Commission n’est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes, de s’assurer, dans le cas où de telles amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finaux des amendes traduisent une différenciation entre les entreprises concernées quant à leur chiffre d’affaires global (voir arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C 101/15 P, EU:C:2016:631, point 65 et jurisprudence citée).
91 S’agissant de la prétendue violation du principe d’égalité de traitement invoquée par les requérantes, il y a lieu de relever que la différence de pourcentage que représenterait l’amende dans le chiffre d’affaires total des entreprises concernées ne saurait en soi constituer un motif suffisant pour justifier que la Commission s’écarte de la méthode de calcul qu’elle s’est elle-même fixée. En effet, cela reviendrait à avantager certaines entreprises sur la base d’un critère qui est sans pertinence au regard de la gravité et de la durée de l’infraction. Or, s’agissant de la détermination du montant de l’amende, il ne saurait être opéré, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C 101/15 P, EU:C:2016:631, point 66 et jurisprudence citée).
92 L’existence de disparités alléguées entre, d’une part, le rapport entre les amendes infligées aux requérantes et leur chiffre d’affaires total et, d’autre part, celui entre les amendes infligées aux autres entreprises concernées et leur chiffre d’affaires n’est donc pas susceptible de démontrer que la décision attaquée a été adoptée en violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.
93 Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument selon lequel le faible montant de l’amende imposée aux sociétés du groupe Vitembal dans la décision de 2015 démontrerait que la décision attaquée a été adoptée en violation du principe d’égalité de traitement, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C 580/12 P, EU:C:2014:2363, point 51).
94 À cet égard, il y a lieu de relever que les requérantes n’allèguent pas que la Commission aurait appliqué des méthodes de calcul différentes aux entreprises concernées. En effet, le seul élément avancé par les requérantes, qui concerne le montant total des amendes imposées aux entités concernées par rapport à leur chiffre d’affaires total respectif, est, ainsi que cela a été indiqué au point 92 ci-dessus, insuffisant afin d’établir la discrimination alléguée. Les requérantes n’ayant invoqué aucun autre élément concernant les circonstances factuelles et juridiques que la Commission aurait pris en considération dans le cadre du calcul du montant des amendes, il y a lieu de constater qu’elles restent en défaut de démontrer que la situation financière des autres sociétés concernées, notamment les sociétés du groupe Vitembal, était comparable à leur propre situation, de sorte que, en application de la jurisprudence rappelée au point 93 ci-dessus, leur argument doit être rejeté.
95 Eu égard à ce qui précède, les arguments des requérantes ne démontrent pas que la Commission a commis une erreur de droit en appliquant de façon séparée, pour chaque infraction, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires fixé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.
96 Le deuxième moyen doit donc être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré, en substance, d’une violation de l’obligation de motivation et d’erreurs manifestes d’appréciation de la capacité contributive des requérantes
97 Les requérantes invoquent une insuffisance de motivation de l’appréciation de la Commission relative à leur capacité contributive et reprochent à cette dernière des erreurs manifestes d’appréciation de cette capacité contributive.
98 La Commission conteste cette argumentation.
99 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le point 35 des lignes directrices de 2006 dispose, sous l’intitulé « Capacité contributive » :
« Dans des circonstances exceptionnelles, la Commission peut, sur demande, tenir compte de l’absence de capacité contributive d’une entreprise dans un contexte social et économique particulier. Aucune réduction d’amende ne sera accordée à ce titre par la Commission sur la seule constatation d’une situation financière défavorable ou déficitaire. Une réduction ne pourrait être accordée que sur le fondement de preuves objectives que l’imposition d’une amende, dans les conditions fixées par les présentes lignes directrices, mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur ».
100 Selon une jurisprudence constante, en adoptant des règles de conduite telles que des lignes directrices et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêt du 15 juillet 2015, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T 393/10, EU:T:2015:515, point 287 et jurisprudence citée).
101 En outre, une réduction d’amende ne peut être accordée au titre du point 35 des lignes directrices de 2006 que dans des circonstances exceptionnelles et aux conditions qui sont définies dans ces orientations. Ainsi, d’une part, il doit être démontré que l’amende infligée « mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur ». D’autre part, l’existence d’un « contexte économique et social particulier » doit également être établie. Il convient de rappeler, en outre, que ces deux ensembles de conditions ont été dégagés au préalable par les juridictions de l’Union (arrêt du 15 juillet 2015, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T 393/10, EU:T:2015:515, point 288).
102 S’agissant du premier ensemble de conditions, il a été jugé que la Commission n’est pas, en principe, obligée de tenir compte, lors de la détermination du montant de l’amende à infliger pour une violation des règles de concurrence, de la situation financière déficitaire d’une entreprise, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (voir arrêt du 15 juillet 2015, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T 393/10, EU:T:2015:515, point 289 et jurisprudence citée).
103 En effet, si tel devait être le cas, ces entreprises risqueraient d’être favorisées aux dépens d’autres entreprises, plus efficaces et mieux gérées. De ce fait, la seule constatation d’une situation financière défavorable ou déficitaire de l’entreprise concernée ne saurait suffire à fonder une demande visant à obtenir de la Commission qu’elle tienne compte de l’absence de sa capacité contributive pour accorder une réduction d’amende (arrêt du 15 juillet 2015, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T 393/10, EU:T:2015:515, point 290).
104 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, le fait qu’une mesure prise par une autorité de l’Union provoque la faillite ou la liquidation d’une entreprise n’est pas interdit, en tant que tel, par le droit de l’Union. Si une telle opération peut porter atteinte aux intérêts financiers des propriétaires ou des actionnaires, cela ne signifie pas pour autant que les éléments personnels, matériels et immatériels représentés par l’entreprise perdraient eux aussi leur valeur (voir arrêt du 15 juillet 2015, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T 393/10, EU:T:2015:515, point 291 et jurisprudence citée).
105 Il peut être déduit de cette jurisprudence que seule l’hypothèse d’une perte de la valeur des éléments personnels, matériels et immatériels représentés par une entreprise, en d’autres termes, de ses actifs, pourrait justifier la prise en considération, lors de la fixation du montant de l’amende, de l’éventualité de sa faillite ou de sa liquidation, à la suite de l’imposition de cette amende (voir arrêt du 15 juillet 2015, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T 393/10, EU:T:2015:515, point 292 et jurisprudence citée).
106 En effet, la liquidation d’une société n’implique pas nécessairement la disparition de l’entreprise en cause. Celle-ci peut continuer à subsister en tant que telle, soit en cas de recapitalisation de la société, soit en cas de reprise globale des éléments de son actif par une autre entité. Une telle reprise peut intervenir soit par un rachat volontaire, soit par une vente forcée des actifs de la société avec poursuite d’exploitation (arrêt du 15 juillet 2015, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T 393/10, EU:T:2015:515, point 293).
107 Il convient donc de comprendre la référence qui est faite, au point 35 des lignes directrices de 2006, à la privation des actifs de l’entreprise concernée de toute valeur comme envisageant la situation dans laquelle la reprise de l’entreprise dans les conditions évoquées au point 106 ci-dessus paraît improbable, voire impossible. Dans une telle hypothèse, les éléments d’actif de cette entreprise seront offerts à la vente séparément et il est probable que beaucoup d’entre eux ne trouveront aucun acheteur ou, au mieux, ne seront vendus qu’à un prix considérablement réduit (voir arrêt du 15 juillet 2015, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T 393/10, EU:T:2015:515, point 294 et jurisprudence citée).
108 Quant au second ensemble de conditions, relatif à l’existence d’un contexte économique et social particulier, il renvoie, selon la jurisprudence, aux conséquences que le paiement de l’amende pourrait entraîner, notamment en termes d’augmentation du chômage ou de détérioration des secteurs économiques situés en amont et en aval de l’entreprise concernée (voir arrêt du 15 juillet 2015, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T 393/10, EU:T:2015:515, point 295 et jurisprudence citée).
109 Dès lors, si les conditions cumulatives envisagées précédemment sont réunies, l’imposition d’une amende qui risquerait de provoquer la disparition d’une entreprise s’avérerait contraire à l’objectif poursuivi par le point 35 des lignes directrices de 2006. L’application dudit point aux entreprises concernées constitue, de la sorte, une traduction concrète du principe de proportionnalité en matière de sanctions des infractions au droit de la concurrence (voir arrêt du 15 juillet 2015, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T 393/10, EU:T:2015:515, point 296 et jurisprudence citée).
110 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier les arguments des requérantes contestant la légalité de la décision attaquée.
111 En l’espèce, au point 3.4.2 de la décision attaquée, après avoir procédé à une analyse économique et financière de la capacité contributive des requérantes et de l’incidence d’une éventuelle amende sur leur viabilité économique, la Commission a conclu, au considérant 90 de ladite décision, que, malgré les faibles indices de solvabilité et de rentabilité du groupe CCPL et l’importance du montant total des amendes litigieuses par rapport à la taille du groupe, ledit groupe disposait de liquidités suffisantes pour payer le montant total desdites amendes et que la probabilité que la viabilité économique de ce groupe soit en elle-même menacée était faible.
112 À l’appui de son constat concernant l’existence de liquidités suffisantes, la Commission a indiqué tout d’abord, au considérant 90, sous a), de la décision attaquée que, au cours des années 2018 et 2019, le groupe CCPL avait présenté des soldes de trésorerie importants, s’élevant respectivement à 18,6 millions d’euros et à 22,8 millions d’euros. Au considérant 90, sous b), de ladite décision, elle a exposé que le solde moyen des liquidités dudit groupe sur la période 2014 2018, à savoir environ 11,6 % du chiffre d’affaires annuel moyen de ce groupe, constituait un bon indice permettant de déduire que le niveau de liquidités était suffisant pour honorer les engagements et les dépenses à court terme, assurer la continuité de l’activité et éviter les pénuries temporaires de liquidités. Au considérant 90, sous c), de cette décision, elle a indiqué que la même conclusion pouvait être tirée en se fondant sur le ratio solde des liquidités/ventes. Au considérant 90, sous d), de la même décision, elle a relevé que, puisque les liquidités étaient détenues le plus souvent par les sociétés holding du groupe en question, qui ne disposaient pratiquement pas de personnel et réalisaient un chiffre d’affaires très faible, il serait improbable que le paiement de l’amende au moyen des liquidités disponibles au niveau du groupe compromette la viabilité économique des deux principales sociétés d’exploitation du groupe. Au considérant 90, sous e), de la décision attaquée, elle a souligné que, dans ses observations et dans ses réponses, CCPL n’avait mentionné aucun besoin spécifique de liquidités pour faire face aux difficultés découlant de la pandémie de Covid 19 ni pour poursuivre le plan de restructuration pour la période 2020 2023. Enfin, au considérant 90, sous f), de la décision attaquée, elle a indiqué que, bien qu’elle ait explicitement demandé à CCPL de présenter ses observations sur la capacité de ce groupe à mobiliser des ressources financières pour payer les amendes, elle n’avait ni répondu ni indiqué la raison pour laquelle elle ne pourrait pas utiliser les liquidités disponibles au niveau du groupe pour ce paiement. Dans ce cadre, la Commission a ajouté qu’il convenait également de tenir compte du montant de 5 942 084 euros qu’elle avait remboursé à CCPL le 7 octobre 2019, en exécution de l’arrêt du 11 juillet 2019, CCPL e.a./Commission (T 522/15, non publié, EU:T:2019:500).
Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation.
113 Les requérantes font valoir, en substance, que la décision attaquée ne contient pas de motivation de l’absence de prise en compte de leur fonds de roulement net négatif, du caractère suffisant des liquidités du groupe CCPL malgré ses dettes importantes, de l’incidence des données prévisionnelles fournies sur Coopbox Group et sur Coopbox Eastern en matière de liquidités ni de l’analyse effectuée par les requérantes dans leur réponse à la cinquième demande de renseignements sur le caractère supportable de l’amende.
114 La Commission conteste cette argumentation.
115 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 9 septembre 2015, Philips/Commission, T 92/13, non publié, EU:T:2015:605, point 102 et jurisprudence citée).
116 En l’espèce, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du considérant 90 de la décision attaquée, rappelé au point 112 ci-dessus, la Commission a motivé de manière claire et non équivoque le constat selon lequel les requérantes n’avaient pas démontré qu’elles ne pourraient pas utiliser les liquidités du groupe CCPL pour payer les amendes sans remettre en cause leur viabilité. L’appréciation par la Commission des données prévisionnelles concernant les liquidités de Coopbox Group et de Coopbox Eastern ressort quant à elle des considérants 86 et 92 de la décision attaquée, qui reprennent en partie les éléments fournis par les requérantes dans leur réponse à la cinquième demande de renseignements. Par ailleurs, la Commission n’a pas une obligation générale de se prononcer, dans ladite décision, sur tous les documents ou sur toutes les informations qu’elle a demandés aux parties au cours de la procédure administrative.
117 En effet, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 9 septembre 2015, Philips/Commission, T 92/13, non publié, EU:T:2015:605, point 103 et jurisprudence citée).
118 Dès lors, l’appréciation de la Commission relative à la capacité contributive des requérantes n’est pas entachée d’une insuffisance de motivation.
119 La première branche du troisième moyen doit donc être rejetée comme non fondée.
Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation de la capacité contributive des requérantes.
120 À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi que cela ressort de la jurisprudence rappelée aux points 102 à 107 ci-dessus, afin d’établir que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de leur capacité contributive, il appartient aux requérantes de démontrer que, contrairement à ce que la Commission a considéré, le paiement des amendes d’un montant total de 9 441 000 euros mettrait irrémédiablement en danger leur viabilité économique et conduirait à priver leurs actifs de toute valeur.
121 En premier lieu, les requérantes font valoir, en substance, que les constats effectués au considérant 90, sous a), e) et f), de la décision attaquée, selon lesquels elles n’ont pas fourni les données prévisionnelles réclamées pour la période 2020-2023, ce qui justifiait de prendre en compte les liquidités disponibles en 2018 et en 2019, et selon lesquels le groupe CCPL n’a pas indiqué pourquoi il ne pourrait pas utiliser les liquidités disponibles au niveau du groupe pour payer l’amende, sont erronés en fait.
122 Tout d’abord, les requérantes rappellent le contenu de leur correspondance avec la Commission pour contester le constat effectué dans la décision attaquée selon lequel CCPL n’aurait mentionné aucun besoin spécifique de liquidités pour faire face aux difficultés découlant de la pandémie de Covid 19, ni pour poursuivre le plan de restructuration pour la période 2020 2023.
123 Ensuite, les requérantes affirment avoir fourni les données prévisionnelles jusqu’à 2023 pour Coopbox Group et Coopbox Eastern, dont les ventes représentaient 94 % du chiffre d’affaires consolidé pour l’exercice 2019, que la Commission n’aurait pas analysées.
124 Elles ajoutent, en substance, qu’aucune donnée prévisionnelle n’était disponible pour l’ensemble du groupe CCPL à la date de la décision attaquée, en particulier puisque les autres sociétés du groupe n’opéraient plus sur le marché et se contentaient de céder leurs actifs et d’utiliser les sommes obtenues et celles distribuées pour rembourser leurs dettes dans le cadre du plan de restructuration.
125 Enfin, les requérantes rappellent le contenu de leur correspondance avec la Commission pour contester le constat effectué dans la décision attaquée selon lequel le groupe CCPL n’a ni répondu ni indiqué pourquoi il ne pourrait pas utiliser les liquidités disponibles au niveau du groupe pour payer l’amende.
126 La Commission conteste cette argumentation.
127 À cet égard, il convient de relever que les requérantes reconnaissent qu’elles ont seulement fourni, au cours de la procédure administrative, les données prévisionnelles pour la période 2020-2023 pour Coopbox Group et Coopbox Eastern, dans la mesure où les données prévisionnelles pour l’ensemble du groupe CCPL n’étaient pas disponibles ou pertinentes.
128 Il ne saurait donc être reproché à la Commission d’avoir constaté que les requérantes n’avaient pas fourni les données prévisionnelles consolidées réclamées pour la période 2020-2023.
129 S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les données prévisionnelles pour l’ensemble du groupe CCPL n’étaient pas pertinentes, il importe de souligner que, dans le cadre de l’appréciation de la capacité contributive d’un groupe d’entreprises, la Commission doit tenir compte de la situation financière de l’ensemble des entités de ce groupe dans la mesure où les ressources de toutes ces entités peuvent être mobilisées pour faire face à des amendes (voir, en ce sens, arrêts du 16 septembre 2013, Rubinetteria Cisal/Commission, T 368/10, non publié, EU:T:2013:460, point 118, et du 11 juillet 2019, Italmobiliare e.a./Commission, T 523/15, non publié, EU:T:2019:499, points 180 à 182).
130 Il en va d’autant plus ainsi que, comme le souligne la Commission, à la fin de l’année 2019, 96 % des liquidités du groupe CCPL se situait en dehors de Coopbox Group et de Coopbox Eastern.
131 Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les données prévisionnelles relatives aux sociétés du groupe autres que Coopbox Group et Coopbox Eastern, notamment les données relatives à la cession d’actifs, étaient pertinentes pour apprécier la capacité contributive du groupe CCPL.
132 Pour le même motif, l’argument des requérantes selon lequel les ressources de CCPL SpA ne pouvaient pas être prises en compte pour apprécier la capacité contributive du groupe CCPL dans la mesure où cette société n’était pas destinataire de la décision attaquée doit être rejeté.
133 En outre, les requérantes avancent qu’il ressort de leurs réponses aux demandes de renseignements que les ressources financières du groupe CCPL ne pouvaient pas être mobilisées pour payer l’amende. Toutefois, force est de constater que la réponse des requérantes, du 31 juillet 2020, à la cinquième demande de renseignements de la Commission, figurant à l’annexe A.22 et mentionnée par les requérantes, se limite à présenter l’état de la dette bancaire et de leur actif net, ainsi qu’une évaluation de la rentabilité, de la capitalisation, de la solvabilité et des liquidités du groupe CCPL, sans présenter les raisons pour lesquelles les requérantes estimaient que les liquidités et les ressources du groupe CCPL ne pouvaient pas être affectées au paiement des amendes en raison du plan de restructuration.
134 Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le constat, effectué dans la décision attaquée, selon lequel le groupe CCPL n’a pas indiqué pourquoi il ne pourrait pas utiliser les liquidités disponibles au niveau du groupe pour payer l’amende serait erroné en fait.
135 Les arguments des requérantes visant à démontrer que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au motif que la Commission se serait fondée sur des constatations factuelles erronées en indiquant dans ladite décision que les requérantes n’avaient pas produit les données prévisionnelles consolidées réclamées pour la période 2020-2023 et que le groupe CCPL n’avait pas indiqué pourquoi il ne pourrait pas utiliser les liquidités disponibles au niveau du groupe pour payer l’amende doivent donc être rejetés.
136 En deuxième lieu, les requérantes avancent, en substance, que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a pris en compte les soldes de liquidités du groupe CCPL au titre des exercices 2018 et 2019 sans tenir compte de ses dettes et de l’indisponibilité de ces liquidités pour d’autres fins que le remboursement de ses dettes imposé par le plan de restructuration, alors que ces éléments démontrant un niveau de passifs largement supérieur à celui des actifs avaient été présentés en détail au cours de la procédure administrative.
137 En outre, les requérantes affirment, en substance, que la prise en compte du solde moyen des liquidités de 2014 à 2018 serait également erronée, puisque ces liquidités ne représentaient pas des fonds immédiatement et librement mobilisables et qu’elles devaient être affectées au remboursement de leurs dettes en raison de leurs obligations au titre du plan de restructuration.
138 Pour le même motif, les requérantes indiquent également que la décision attaquée est erronée en ce qu’elle s’appuie sur le ratio solde des liquidités/ventes pour établir l’existence de liquidités permettant de payer les amendes.
139 En effet, le groupe CCPL comprendrait désormais uniquement des sociétés holding ou sous-holding n’opérant pas sur le marché, d’autres sociétés sans activité et uniquement engagées dans la cession de leurs biens immobiliers respectifs, qui produisent des liquidités presque exclusivement en cédant leurs actifs en exécution du plan de restructuration, et deux uniques sociétés d’exploitation (Coopbox Group et Coopbox Eastern), qui sont les seules à générer des fonds d’exploitation issus d’une activité normale de vente de biens et de services à des clients tiers.
140 D’une part, les requérantes précisent que les liquidités générées par des cessions d’actifs sont indisponibles, car elles sont destinées à rembourser la dette en exécution du plan de restructuration et que celles dégagées par les sociétés d’exploitation ne se sont élevées qu’à 1,4 million d’euros.
141 D’autre part, les requérantes soutiennent que le ratio solde des liquidités/ventes ne permet pas d’évaluer la capacité à répondre à des besoins de liquidités, puisque les liquidités dépendent de la possibilité concrète de cession des actifs résiduels, de l’obligation d’affecter la quasi-totalité des cessions au plan de restructuration et du faible nombre ainsi que du manque d’attractivité des actifs encore cessibles.
142 La Commission conteste cette argumentation.
143 À cet égard, il y a lieu de souligner que, ainsi qu’il ressort du point 135 ci-dessus, les requérantes n’ont pas produit les données prévisionnelles consolidées réclamées pour la période 2020-2023 et n’ont pas indiqué pourquoi elles ne pourraient pas utiliser les liquidités disponibles au niveau du groupe pour payer les amendes infligées par la décision attaquée.
144 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir pris en compte les soldes de liquidités du groupe CCPL au titre des exercices 2018 et 2019 sans tenir compte de ses dettes et de l’indisponibilité de ces liquidités pour d’autres fins que le remboursement des dettes imposé par le plan de restructuration.
145 Par ailleurs, conformément à la jurisprudence citée au point 102 ci-dessus, la Commission n’est pas, en principe, obligée de tenir compte, lors de la détermination du montant de l’amende à infliger pour une violation des règles de concurrence, de la situation financière déficitaire d’une entreprise, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché.
146 Dès lors, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la présence d’éléments démontrant un niveau de passifs largement supérieur à celui des actifs ne saurait suffire, à elle seule, à démontrer que l’imposition d’amendes mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique des entreprises concernées et serait susceptible de priver les actifs des entreprises concernées de toute valeur au sens du point 35 des lignes directrices de 2006.
147 Au demeurant, force est de constater que, ainsi qu’il ressort du considérant 84 de la décision attaquée, la Commission a pris en compte le niveau des dettes des requérantes dans le cadre de son appréciation de leur capacité contributive.
148 En troisième lieu, les requérantes contestent la possibilité d’utiliser, pour payer l’amende, l’intégralité des ressources restées en dehors du plan de restructuration, comprenant les 5 942 084 euros rendus par la Commission et mentionnés au point 12 ci-dessus, le produit de la vente d’Erzelli Energia Srl (évalué au considérant 91 de la décision attaquée à 1,4 million d’euros), et de la vente des participations de Refincoop Srl lors de l’éventuelle cession de société.
149 En effet, en substance, ces ressources restées en dehors du plan seraient les seules sommes disponibles pour assurer la survie de Coopbox Group et de Coopbox Eastern, en leur permettant d’effectuer des investissements compte tenu de l’absence de sources de financement alternatives.
150 Les requérantes soulignent aussi que les seules liquidités qui pouvaient être prises en compte, évaluées pour la période 2020-2023 à 1,8 million d’euros, étaient celles générées par les deux uniques sociétés d’exploitation du groupe CCPL, soit Coopbox Group et Coopbox Eastern, qui avaient une capacité extrêmement limitée à générer des flux de liquidités susceptibles d’être affectés à des fins autres que la gestion de l’exploitation. Les requérantes indiquent à cet égard que les liquidités de Coopbox Group et de Coopbox Eastern sont insuffisantes pour couvrir leurs opérations de gestion courantes.
151 Selon les requérantes, le paiement des amendes, notamment par l’utilisation des ressources non couvertes par le plan de restructuration, empêcherait ces sociétés de faire face à certaines dépenses opérationnelles indispensables, mais aussi de réaliser des investissements nécessaires à la modernisation de leurs usines, au développement de leurs technologies et à leur survie.
152 En outre, les requérantes contestent le constat de la Commission, effectué au considérant 90, sous d), de la décision attaquée, selon lequel il serait improbable que le paiement de l’amende au moyen des liquidités disponibles au niveau du groupe compromette la viabilité économique des deux principales sociétés d’exploitation du groupe.
153 Premièrement, les requérantes soulignent que les liquidités au 31 décembre 2019 représentent à peine un sixième de la seule dette financière à laquelle il faut ajouter une dette non financière, y compris les dettes envers les fournisseurs.
154 Deuxièmement, les requérantes rappellent que la quasi-intégralité du groupe CCPL est composée de sociétés qui ne sont plus actives sur le marché, ne génèrent pas de revenus et consacrent leurs très faibles liquidités résiduelles aux affaires courantes en vue de l’achèvement du plan de restructuration.
155 Troisièmement, le fait que les deux sociétés d’exploitation (Coopbox Group et Coopbox Eastern) ont des dettes financières plus de dix fois supérieures à la valeur de leurs liquidités, qui sont insuffisantes pour couvrir les opérations de gestion courantes, rendrait nécessaire des apports de liquidités de la part de CCPL, de sorte que l’affectation des liquidités des sociétés holding au paiement de l’amende nuirait nécessairement à la rentabilité de Coopbox Group et de Coopbox Eastern.
156 La Commission conteste cette argumentation.
157 À cet égard, il importe de souligner que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 101 ci-dessus, pour qu’une réduction d’amende soit accordée au titre du point 35 des lignes directrices de 2006, il doit être démontré que l’amende infligée mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur.
158 Dès lors qu’une réduction d’amende ne peut être justifiée que par l’objectif d’éviter de mettre irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et de priver ses actifs de toute valeur, l’intention de réaliser des investissements destinés à développer les sociétés d’exploitation du groupe CCPL ou des paiements destinés à ne pas nuire à leur rentabilité ne saurait en principe justifier une telle réduction.
159 En effet, les requérantes n’ont pas allégué que de tels investissements étaient indispensables pour leur fonctionnement et qu’ils ne pouvaient pas être différés sans que cela mette irrémédiablement en danger la viabilité économique des sociétés concernées. Il en va de même de paiements effectués afin de ne pas nuire à la rentabilité des entreprises concernées.
160 Il en résulte que l’argument des requérantes relatif à la nécessité d’affecter les ressources non couvertes par le plan de restructuration à la réalisation d’investissements au profit de Coopbox Group et de Coopbox Eastern afin d’assurer leur fonctionnement ou leur rentabilité doit être rejeté.
161 De même, les arguments selon lesquels la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en ne prenant pas en compte le fonds de roulement net négatif du groupe CCPL, en considérant que la provision de 16,4 millions d’euros prévue dans le budget de 2018 pour payer les amendes ne peut être considérée comme des liquidités nouvelles, ou sur l’incidence plus forte des amendes sur leur chiffre d’affaires en valeur relative par rapport aux amendes infligées dans la décision de 2015, doivent être rejetés.
162 En effet, les éléments identifiés par la Commission au considérant 90 de la décision attaquée et rappelés au point 112 ci-dessus, tels que les soldes de trésorerie pour 2018 et 2019 s’élevant respectivement à 18,6 millions d’euros et à 22,8 millions d’euros, le solde moyen des liquidités sur la période 2014-2018, à savoir environ 11,6 % du chiffre d’affaires annuel moyen du groupe, qui ne sont pas utilement contestés par les requérantes, constituent, ainsi que l’a considéré la Commission, un bon indice permettant de déduire que le niveau de liquidités était suffisant pour honorer les engagements et les dépenses à court terme, assurer la continuité de l’activité et éviter les pénuries temporaires de liquidités.
163 En outre, il convient de souligner que, après avoir été informées par la Commission de son intention d’adopter une nouvelle décision leur infligeant des amendes, les requérantes ont reçu, le 7 octobre 2019, la somme de 5 942 084 euros en remboursement de la somme qu’elles avaient payée à titre provisoire en exécution de l’ordonnance du 15 décembre 2015, CCPL e.a./Commission (T 522/15 R, EU:T:2015:1012). Il en découle que le montant additionnel à payer pour atteindre la somme totale des amendes en cause s’élève à moins de 3,5 millions d’euros.
164 Au regard de la situation financière globale du groupe CCPL, et en particulier de l’existence de ressources non couvertes par le plan de restructuration qui n’est pas utilement contestée par les requérantes, les arguments de ces dernières ne sont pas de nature à démontrer que le paiement des amendes était susceptible de mettre irrémédiablement en danger la viabilité économique du groupe CCPL.
165 Par ailleurs, il importe de constater que l’allégation des requérantes selon laquelle les liquidités générées par Coopbox Group et Coopbox Eastern sont insuffisantes pour couvrir leurs opérations de gestion courantes est insuffisamment étayée, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme établie par le Tribunal.
166 Eu égard à ce qui précède, les requérantes restent en défaut de démontrer que, contrairement à ce que la Commission a considéré, le paiement des amendes d’un montant total de 9 441 000 euros mettrait irrémédiablement en danger leur viabilité économique et conduirait à priver leurs actifs de toute valeur.
167 Le troisième moyen doit donc être rejeté.
168 À titre subsidiaire, les requérantes demandent au Tribunal de procéder à un nouveau calcul du montant des amendes infligées par la décision attaquée en fonction de leur capacité contributive réelle.
169 Toutefois, dans la mesure où les arguments invoqués par les requérantes au soutien de leur troisième moyen n’ont pas démontré que la décision attaquée était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ni invoqué une évolution substantielle de leur situation, notamment économique, depuis l’édiction de cette décision, il n’y a pas lieu, pour le Tribunal, d’exercer sa compétence de pleine juridiction.
Sur les dépens.
170 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière, y compris ceux afférents à la procédure en référé.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)
Déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) CCPL - Consorzio Cooperative di Produzione e Lavoro SC, Coopbox Group SpA et Coopbox Eastern s.r.o. supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, y compris les dépens relatifs à la procédure en référé.