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Décisions

CA Agen, sect. com., 23 novembre 2022, n° 21/00647

AGEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Isocomble (SARL), Isopartner (SAS)

Défendeur :

Isol. 7 (SARL), Sud Ouest (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gaté

Conseillers :

Mme Benon, Mme Segonnes

Avocats :

Me Dupouy, Me De Balmann

CA Agen n° 21/00647

22 novembre 2022

FAITS :

Le groupe Isoweck a développé une activité d'isolation des maisons selon les techniques suivantes : isolation des combles par soufflage, isolation en sous-face de plancher, isolation sous chape. 
 
En 2001, le groupe a créé la SAS Isocomble qui a ouvert plusieurs établissements secondaires et décidé de poursuivre son développement en franchisant des sociétés partenaires.
 
Le groupe a également créé la SAS Isopartner dont l'activité était de superviser le réseau de franchisés, membre de la Fédération Française de la Franchise.
 
Selon acte sous seing privé du 2 mai 2014, la SAS Isocomble, représentée par [R] [P], et la SARL Isol.7 Sud Ouest, représentée par [M] [V], ont signé un contrat en vertu duquel cette dernière a adhéré à la franchise Isocomble.
 
Le contrat stipule :
 
« Le franchiseur consent au franchisé, en sa qualité de commerçant, une exclusivité de la franchise Isocomble pour le territoire suivant : secteur de [Localité 5], ci-après désigné « le territoire ».
Figure en annexe 1 un plan et la liste des communes correspondant au territoire, lequel n'est qu'une exclusivité d'implantation d'agence réservée au franchisé.

Son adresse commerciale, seule habilitée à bénéficier de la marque à l'enseigne Isocomble sur le territoire est celle de l'agence située sur ce territoire à l'adresse suivante : à indiquer suite à la signature avant le 1er septembre 2014.

Ce territoire représente une population totale suffisante et correspond, sur le plan économique et commercial à la date des présentes, à un marché considéré par les parties comme cohérent en tant que zone de chalandise et/ou zone d'attractivité de la clientèle. La population définissant les secteurs sera modulée par la zone géographique du secteur selon le tableau en annexe 1.

Le franchiseur s'interdit en conséquence de l'exclusivité ainsi accordée, d'implanter une autre agence pour un autre franchisé sur le territoire, sauf accord préalable et écrit du franchisé et sous réserve de l'exception prévue à l'article 15-2 du contrat relatif aux accords nationaux. »
 
Un droit d'accès au réseau de 20 000 Euros HT, soit 24 000 Euros TTC a été payé par le franchisé.
 
La rémunération de la SAS Isocomble a été ainsi fixée :
 
« Le franchisé s'engage à verser au franchiseur une redevance proportionnelle à son chiffre d'affaires. Cette redevance est fixée à 5 % du chiffre d'affaires hors taxes du franchisé.
Elle sera facturée mensuellement sur les bases des déclarations du franchisé.
Les parties déclarent que cette redevance proportionnelle correspond à la rémunération par le franchisé du bénéfice des droits incorporels qui lui sont licenciés et/ou communiqués par le franchiseur et de sa participation aux coûts du réseau de franchise, notamment au coût de fonctionnement, d'animation et de gestion du réseau ; en tenant compte du potentiel socio-économique et commercial de la zone géographique donnée en exclusivité, cette redevance est proportionnée à l'avantage que le franchisé va retirer de la franchise.
 
A l'effet de couvrir les frais de publicité, de communication et de promotion du réseau, le franchisé s'oblige à participer au budget de publicité prévu à l'article 6 qui précède.
Le montant annuel correspond à 2,5 % du chiffre d'affaires hors taxes du franchisé.
Le paiement de la participation du franchisé au budget publicitaire se fera dans les mêmes conditions de répartition annuelle que le paiement de la redevance proportionnelle annuelle.
(...)
Le franchiseur s'oblige à mener des actions de publicité et de promotion ayant pour objet :
- d'une part de promouvoir et développer la notoriété de l'image de marque, des services et des méthodes du savoir-faire « Isocomble » auprès de la clientèle potentielle et future,
- et d'autre part, d'orienter cette clientèle auprès de ses franchisés. »
 
Ce contrat avait effet du 2 mai 2014 au 2 mai 2019.
 
Par avenant du 9 juillet 2014, il a été convenu que la SAS Isopartner était substituée à la SAS Isocomble en qualité de franchiseur.
 
Par courriel du 23 mars 2016, la SARL Isol.7 Sud Ouest s'est plainte de l'installation d'un autre franchisé à [Localité 10] en indiquant qu'il s'agissait du secteur qui lui était contractuellement réservé.
 
Par lettre recommandée du 31 janvier 2017, la SARL Isol.7 Sud Ouest s'est plainte auprès du franchiseur de démarchages par le franchisé de [Localité 9] sur son secteur réservé et de ne pas se voir adresser des clients bénéficiant de l'offre d'isolation au prix d'un Euro, réservée à la marque Isolation Solidaire, alors que son secteur comprend de nombreuses personnes éligibles à ce dispositif, mettant en cause un conflit d'intérêts.
 
Par lettre recommandée du 13 avril 2017, la SAS Isopartner a admis qu'un commercial d'une autre agence, précisant l'avoir muté, avait pris des commandes sur le secteur dévolu à la SARL Isol.7 Sud Ouest, a proposé une remise de 20 % sur une prochaine commande, et précisé lui envoyer les clients non éligibles au dispositif d'isolation à un Euro, déniant tout conflit d'intérêts.
 
Après d'autres échanges infructueux, par lettre recommandée du 29 mai 2018, la SARL Isol.7 Sud Ouest a mis en demeure la SAS Isocomble de respecter son exclusivité territoriale, lui reprochant également de lui imposer l'achat d'un produit Isotextil exclusivement fabriqué par cette dernière et plus cher que d'autres matériaux d'isolation.
 
La SAS Isopartner a répliqué que les bilans de la SARL Isol.7 Sud Ouest ne lui étaient pas transmis, a indiqué que la marque Isolation Solidaire était distincte de la franchise et déclaré que la SARL Isol.7 Sud Ouest était la société la plus livrée en produits commandés, de meilleure qualité.
 
Par lettre recommandée du 7 décembre 2018, la SARL Isol.7 Sud Ouest a déclaré résilier le contrat de franchise, en réclamant remboursement des redevances versées, soit 120 134,91 Euros HT représentant 144 161,89 Euros TTC puis, par acte du 8 mars 2019, a fait assigner les SAS Isocomble et Isopartner devant le tribunal de commerce d'Agen afin de voir confirmer la résolution du contrat, et d'obtenir restitution des redevances versées ainsi que du droit d'entrée de 24 000 Euros TTC.
 
Les SAS Isocomble et Isopartner ont formé une demande reconventionnelle en sollicitant une indemnité de 15 000 Euros pour résiliation anticipée.
 
Par jugement rendu le 26 mai 2021, le tribunal de commerce d'Agen a :
 
- condamné solidairement les sociétés Isocomble et Isopartner à payer à la société Isol 7 Sud Ouest la somme de 99 108,90 Euros, hors taxes, à titre principal,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement à charge pour Isol 7 Sud Ouest de fournir une caution bancaire couvrant 50 % de la somme due solidairement par les sociétés Isocomble et Isopartner, en cas d'exigibilité de leur remboursement éventuel, toutes les sommes versées en exécution du jugement,
- condamné solidairement les sociétés Isocomble et Isopartner à payer à la société Isol 7 Sud Ouest la somme de 3 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné solidairement les sociétés Isocomble et Isopartner aux entiers dépens,
- liquidé les dépens dont frais de greffe pour le jugement à la somme de 94,34 Euros.
 
Le tribunal de commerce a estimé qu'il était démontré que le franchiseur avait capté, par l'intervention d'une société Innovia, le marché de l'isolation à un Euro en reléguant les franchisés à de simples sous-traitants d'exécution de ce type de contrats et en segmentant artificiellement le marché ; que la SARL Isol.7 Sud Ouest avait dû, pour compenser ce manque à gagner, engager des frais publicitaires importants ; que la résiliation du contrat aux torts du franchiseur était justifiée ; que le savoir-faire transmis au franchisé avait toutefois pour contrepartie le paiement du droit d'entrée qui ne pouvait être restitué ; et enfin qu'il y avait lieu d'ordonner restitution des redevances versées jusqu'à la date de résiliation du contrat.
 
Par acte du 21 juin 2021, la SAS Isocomble et la SAS Isopartner ont déclaré former appel du jugement en indiquant que l'appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, qu'elles citent dans leur acte d'appel.
 
La clôture a été prononcée le 17 août 2022 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 7 septembre 2022.
 
PRETENTIONS ET MOYENS :
 
Par conclusions d'appelantes notifiées le 21 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SAS Isopartner et la SAS Isocomble présentent l'argumentation suivante :
 
- Contexte du litige :
 des clauses claires ont été stipulées au contrat.
 le savoir-faire a été transmis au franchisé.
 la SARL Isol.7 Sud Ouest ne s'est jamais plainte pendant les quatre premières années de l'exécution du contrat.
 il lui a été répondu à sa lettre du 31 janvier 2017.
 
 c'est seulement un an avant l'échéance du contrat que le franchisé s'est à nouveau manifesté.
 
- Les dommages et intérêts alloués par le tribunal n'ont aucune justification :
 le tribunal a raisonné comme si l'essentiel du chiffre d'affaires perdu par le franchisé provenait du marché de l'isolation à un Euro, sans tenir compte des charges afférentes et du marché habituel, particulièrement performant.
 la SARL Isol.7 Sud Ouest ne prétendait pourtant obtenir que le remboursement des redevances versées, ce qui revient à solliciter une annulation rétroactive du contrat, alors que le nouvel article 1217 du code civil ne fait produire à une résolution que des effets pour l'avenir et que le contrat a été exécuté pendant 4 ans, avec transmission du savoir-faire, générant de bons résultats pour le franchisé (exercice 2017 : chiffre d'affaires de 460 698 Euros, et bénéfices de 13 794 Euros ; exercice 2018 : chiffre d'affaires 521 438 Euros et bénéfices de 23 119 Euros).
 en réalité, le franchisé a procédé à la résolution unilatérale de son contrat excluant toute restitution.
 le tribunal ne pouvait ainsi ordonner la restitution de l'équivalent de 80 % des redevances, sans rapport avec la perte supposée du marché de l'isolation à un Euro.
 il n'existe aucune preuve que la société Innovia aurait effectué de façon systématique et récurrente des actions de démarchage ou la réalisation de travaux d'isolation.
 dans une lettre du 31 janvier 2017, la SARL Isol.7 Sud Ouest avait admis la segmentation du marché, qu'il n'était pas nécessaire qu'elle propose l'offre d'isolation à un Euro et le franchisé n'a jamais fait la démonstration que la privation de cette offre aurait obéré son activité, se limitant à faire référence à un autre franchisé à [Localité 11] qui est allé au terme de son contrat sans solliciter d'indemnité.
 le franchisé n'est pas un assisté et est responsable de sa gestion et s'abstient de produire ses bilans.
 
- Le contrat ne peut être résilié aux torts du franchiseur :
 l'objet du contrat de franchise est la transmission d'un savoir-faire et il ne peut être réduit à l'orientation de la clientèle auprès des franchisés.
 la SAS Isocomble a toujours procédé à cette réorientation au travers de son site internet.
 le franchisé a créé sa propre clientèle et ne peut se plaindre d'avoir procédé à des publicités dans le cadre de sa communication locale, ce qui relevait de son activité, indépendamment de la communication nationale du franchiseur, dont elles justifient.
 la SARL Isol.7 Sud Ouest a toujours été approvisionnée en matériaux d'isolation selon ses commandes.
 
- La SARL Isol.7 Sud Ouest est sortie prématurément et illicitement du réseau de franchise, causant au franchiseur tant un manque à gagner qu'un préjudice moral.
 
Au terme de leurs conclusions, (abstraction faite des multiples 'dire et juger' qui constituent un rappel des moyens et non des prétentions) elles demandent à la Cour de :
 
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter la société Isol.7 Sud Ouest de ses demandes,
- prononcer la résiliation du contrat de franchise du 2 mai 2014 aux torts de cette dernière à effet du 11 décembre 2018, date de réception de la notification du courrier de rupture,
- la condamner à leur payer la somme de 15 000 Euros (nette de TVA) à titre d'indemnité de résiliation anticipée du contrat de franchise, et à chacune d'elle la somme de 7 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- mettre les dépens à sa charge.
 
Par conclusions d'intimée notifiées le 20 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SAS Isol.7 Sud Ouest (anciennement SARL Isol.7 Sud Ouest) présente l'argumentation suivante :
 
- Le franchiseur a manqué à ses obligations :
 son exclusivité territoriale a été bafouée : la franchise de [Localité 9] a démarché son secteur dès 2014, et plusieurs bons de commande font état de prestations sur le secteur d'[Localité 5], dont certains au nom de la société Innovia / Isolation Solidaire, ce que la SAS Isopartner a reconnu dans sa lettre du 13 avril 2017 proposant une compensation financière.
 le franchisé Isocomble d'[Localité 6] est en réalité situé sur son secteur, à [Localité 10].
 en 2016, le franchiseur a organisé une segmentation du marché en lui soustrayant les commandes au titre du mécanisme de l'isolation à un Euro, alors que le contrat de franchise lui accorde le marché de tous les particuliers sans distinction de revenus, tout en faisant la publicité pour ce type d'isolation au nom d'Isocomble.
 la société Innovia, qui détient la marque Isolation Solidaire, est dirigée par le directeur général d'Isocomble et a le même siège social, toutes les sociétés du groupe étant d'ailleurs interdépendantes.
 lorsqu'il s'avérait que le client n'était pas éligible à l'isolation à un Euro, la société Innovia conservait tout de même le marché au lieu de lui adresser le client.
 dans le département de Lot et Garonne, de très nombreux particuliers sont éligibles à l'isolation à un Euro, et elle a été privée de cette clientèle, devant par exemple engager 75 000 Euros en frais publicitaires en 2018.
 le franchiseur ne lui a adressé tout au plus que 2 à 3 clients par mois, ce qui atteste en outre d'un budget publicitaire trop limité, et utilisait le fichier client pour mettre en oeuvre l'isolation à un Euro.
 elle avait l'obligation de s'approvisionner auprès de la centrale d'achat mais seule la matière isolante produite par le groupe Isoweck, plus chère, lui était fournie au prétexte de pénurie des autres matières.
 
- La franchise a décliné :
 l'attitude déloyale du franchiseur a conduit les franchisés à quitter le réseau progressivement.
 les SAS Isocomble et Isopartner ont mis fin au réseau pour créer des succursales et n'ont pas hésité à créer une nouvelle agence à [Localité 5], à 100 mètres de la SAS Isol.7 Sud Ouest, dès la fin du contrat de franchise.
 
- Le contrat de franchise doit être résolu aux torts du franchiseur :
 le tribunal de commerce a fixé la date de résolution au 15 octobre 2014 compte tenu qu'en application du nouvel article 1217 du code civil, le franchisé n'a eu d'autre choix que de prononcer la résolution du contrat.
 l'effet rétroactif de la résolution emporte restitution des redevances versées tout au long du contrat qui ont pour cause l'exclusivité géographique, ainsi que du droit d'entrée.
 subsidiairement, des dommages et intérêts du même montant doivent lui être alloués compte tenu de la perte de parts de marché qu'elle a subi faute de ne pouvoir exploiter les clients éligibles à l'isolation à un Euro.
 
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
 
- rejeter les demandes présentées à son encontre,
- confirmer le jugement en ses dispositions sur la résolution du contrat de franchise du 2 mai 2014 aux torts exclusifs du franchiseur,
- condamner solidairement les appelantes à lui rembourser la somme de 140 134,91 Euros HT correspondant à l'ensemble du droit d'entrée, et a minima 99 108,90 Euros HT comme retenu par le tribunal,
- subsidiairement, en cas d'absence de restitution :
- condamner solidairement les appelantes à lui payer la somme de 140 134,91 Euros à titre de dommages et intérêts, et a minima 99 108,90 Euros HT,
 
- en tout état de cause :
- les condamner solidairement à lui payer la somme de 5 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
 
MOTIFS :
 
1) Sur les manquements au contrat de franchise invoqués par la SAS Isol.7 Sud Ouest :
 
a : exclusivité territoriale :
 
En premier lieu, la SAS Isol.7 Sud Ouest s'est plainte le 23 mars 2016 auprès de son franchiseur dans les termes suivants 'Je découvre aujourd'hui par le biais du site Isocomble que l'agence d'[Localité 6] est située [Adresse 1]' alors que cette ville est incluse dans son secteur d'exclusivité.
 
Toutefois, si elle produit un extrait du site internet Isocomble pour en justifier, elle ne produit aucun autre document, comme par exemple un extrait du registre du commerce et des sociétés du franchisé d'Auch qui ferait foi de la fixation effective du siège social à Nérac, ni même aucune autre explication sur l'existence, ou non, d'une franchise à Auch.
 
D'ailleurs, l'examen des échanges entre la SAS Isol.7 Sud Ouest et son franchiseur, postérieur à cette plainte permet de constater que ce grief n'a plus ensuite été à nouveau formulé.
 
Les lettres de griefs qu'elle a envoyées aux franchiseurs 31 janvier 2017, 29 mai, 3 avril et 7 décembre 2018 n'en font pas état.
 
Il n'est ainsi pas exclu qu'il ne se soit agi que d'une erreur informatique du site Isocomble.
 
Enfin, l'intimée ne produit strictement aucun élément, comme par exemple des devis ou des témoignages de clients, de nature à attester que le franchisé situé à [Localité 6] aurait démarché et pris des commandes sur le secteur de [Localité 10] ou que la clientèle qui lui était dévolue en vertu du contrat de franchise du 2 mai 2014 aurait été captée par le franchisé situé à [Localité 6] par le biais d'une adresse à [Localité 10].
 
Les éléments carencés produits ne permettent pas de caractériser un manquement commis par le franchiseur.
 
En deuxième lieu, la SAS Isol.7 Sud Ouest s'est plainte à plusieurs reprises que la société titulaire de la franchise située à [Localité 9] (ville qui ne se situe pas dans le secteur d'exclusivité de la SAS Isol.7 Sud Ouest), a démarché des clients et pris des commandes sur son secteur d'exclusivité.

Les justificatif des commandes passées en violation de son secteur sont :
 
- un devis Isocomble du 2 septembre 2016 d'un montant de 2 442 Euros pour le client Ramet à [Localité 7],
- un devis Isoweck du 15 octobre 2014 d'un montant de 1 620 Euros pour le client [L] à [Localité 8],
- un devis Isocomble du 3 mars 2015, avec sa facture, d'un montant de 1 694 Euros pour le client Munch à Bon Encontre.
 
Il s'agit par conséquent de manquements ponctuels pour des montants très marginaux, ayant pris fin le 2 septembre 2016, qui n'ont pu avoir aucun impact significatif sur l'activité de la SARL Isol.7 Sud Ouest, dont le chiffre d'affaires et les bénéfices, ont progressé pendant l'exécution du contrat de franchise.
 
Ensuite, par lettre du 13 avril 2017, la SAS Isopartner a reconnu les manquements en question en indiquant que le commercial qui avait pris ces commandes avait fait l'objet d'une mutation et, à titre d'indemnisation qui a été acceptée, a procédé à une remise de 20 % à la SAS Isol.7 Sud Ouest sur sa commande suivante de matériaux d'isolation.
 
Il en résulte un manquement très marginal au contrat de franchise, ayant donné lieu à une contrepartie, insusceptible de justifier sa résiliation.
 
b : segmentation du marché par non-attribution des clients éligibles au mécanisme de l'isolation au prix de un Euro :
 
En premier lieu, ce mécanisme, basé sur l'émission de certificats énergétiques par les entreprises bénéficiant d'une qualification RGE, permet au client de ne payer qu'un Euro, l'entreprise se chargeant des démarches administratives pour obtenir le coût de sa prestation auprès du fournisseur d'énergie.
 
Il a été mis en place au milieu des années 2010 et a pris fin le 1er juillet 2021.
 
En deuxième lieu, le contrat de franchise répond au droit commun des obligations et n'est pas spécialement réglementé par la législation.
 
Le contrat conclu le 2 mai 2014 entre les parties stipule que la SAS Isocomble met à la disposition de la SARL Isol.7 Sud Ouest « un concept de commercialisation et de réalisation d'isolation des combles pour les particuliers bénéficiant de la marque enseigne « Isocomble » reposant sur un ensemble de savoir-faire commercial et technique » et que 'le franchisé bénéficie de la part du franchiseur d'une formation initiale puis d'une formation pendant toute la durée du contrat, au cours de laquelle il bénéficiera de la communication de l'ensemble des méthodes et techniques de nature à développer son activité commerciale ainsi que plusieurs services valorisant ce concept de Isocomble. »
 
Dans ce contrat, avec l'usage de la marque et du savoir-faire concédé par la SAS Isocomble, la SARL Isol.7 Sud Ouest est une entreprise indépendante qui constitue elle-même sa propre clientèle par son activité.
 
Cette indépendance du franchisé dans sa liberté de gestion et d'exploitation de son entreprise est rappelé à l'article 20 du contrat de franchise.
 
Dès lors, la SARL Isol.7 Sud Ouest avait toute possibilité de proposer le mécanisme de l'isolation à un Euro à la partie de sa clientèle qui y était éligible.
 
Elle ne peut être admise à prétendre qu'elle se serait vue interdire par principe de démarcher ce type de clientèle.
 
En troisième lieu, les appelantes reprennent, sans être contredites, les explications données à la SARL Isol.7 Sud Ouest dans un courriel du 25 avril 2018 selon lequel :
 
- la marque Isolation Solidaire, pratiquant une prestation à bas coût, a été créée en 2016 pour empêcher le concurrent Certinergy, qui réalise un chiffre d'affaires dix fois supérieur à celui réalisé par la franchise Isocomble, de capter les artisans et les stocks de matériaux d'isolation.
- cette marque était difficilement compatible avec la qualité des matériaux utilisés par la franchise Isocomble.
 
- le marché de l'isolation à un Euro donnait lieu à une très faible marge et était peu stable du fait de son mécanisme de financement.
 
Il doit également être ajouté que l'autorité réglementaire pouvait y mettre fin à tout moment, ce qui est arrivé en 2021, après d'ailleurs que de nombreux clients ont mis en cause la piètre qualité des prestations réalisées, de sorte qu'il s'agissait d'un système qui n'avait aucune assurance de pérennité ou de rentabilité.
 
Dans un courrier du 3 avril 2018, la SARL Isol.7 Sud Ouest a admis qu'elle avait été informée, en 2016, de la création de la marque Isolation Solidaire.
 
Elle met également en cause l'existence d'un accord cadre en vertu duquel elle aurait été ravalée au simple rang de sous-traitant de la société Innovia, mais le contrat produit aux débats ne comporte ni date ni signature de sorte qu'il ne s'agit que d'un projet qui n'est pas entré en vigueur.
 
En quatrième lieu et surtout, la SAS Isol.7 Sud Ouest ne s'explique en rien sur l'impact financier, pour elle, de l'absence d'exploitation du marché de l'isolation à un Euro mis en place par le franchiseur sous la marque Isolation Solidaire.
 
Elle ne propose ainsi aucun chiffrage de la perte qu'elle aurait subi et ne contredit pas les affirmations des appelantes selon lesquelles il s'agissait avant tout d'occuper un marché qui ne générait aucune marge significative, peu compatible avec la qualité des matériaux mis en place sous la franchise Isocomble, et même susceptible d'affecter l'image de marque de cette dernière.
 
La SARL Isol.7 Sud Ouest caractérise d'autant moins qu'elle aurait été lésée par l'absence de cette clientèle que l'examen de son compte de résultat permet de constater que tant son chiffre d'affaires que son bénéfice ont augmenté de façon très satisfaisante pendant l'exécution du contrat de franchise :
 
- exercice clos le 30 septembre 2017 :
 produits d'exploitation : 473 160,44 Euros
 résultat d'exploitation : 13 794,32 Euros
 bénéfice : 12 824,99 Euros
 
- exercice clos le 30 septembre 2018 :
 produits d'exploitation : 777 757,07 Euros
 résultat d'exploitation : 23 119,52 Euros
 bénéfice : 19 102,69 Euros.
 
Aucun manquement ne peut être imputé au franchiseur sur ce point.
 
c : budget publicitaire trop limité :
 
Le contrat de franchise impose à la SAS Isopartner de façon générale de 'mener des actions de publicité et de promotion' afin de développer la notoriété de l'image de marque d'Isocomble.
 
Il n'impose aucune obligation chiffrée.
 
Les appelante produisent aux débats la justification du respect de cette obligation pour un montant de 300 000 Euros : budget de référencement Google Adwors, communication sur médias spécialisés par l'agence Infinites, animateur opérationnel de l'agence B TO Consulting.
 
Il est également établi que la SAS Isopartner a développé un site internet pour sa marque et ses produits indiquant quels sont ses franchisés par secteur géographique.
 
L'intimée met en cause le fait d'avoir dû engager ses propres dépenses publicitaires, mais la publicité réalisée au niveau national par le franchiseur ne dispensait pas le franchisé, commerçant indépendant, de réaliser la sienne, étant en outre constaté que l'article 1.5.1. du contrat de franchise lui permettait même de créer son propre site internet.
 
Aucun manquement ne peut être imputé au franchiseur sur ce point.
 
d : fourniture d'un seul type de matériaux :
 
L'article 5.1.1. du contrat de franchise stipule que 'le franchiseur met à la disposition du franchisé (et non du franchiseur comme indiqué par erreur purement matérielle) sa centrale d'achat et de référencement', que 'le franchisé s'engage à s'approvisionner obligatoirement auprès de la centrale d'achat du franchiseur pour les matières premières nécessaires à l'isolation des combles' et qu'en contrepartie 'le franchiseur s'oblige à faire bénéficier à son franchisé de sa politique active en matière de recherche de fournisseurs pour obtenir les prestations et les produits dans les conditions les plus concurrentielles.'
 
La SAS Isol.7 Sud Ouest ne peut donc mettre en cause le fait qu'elle devait s'approvisionner exclusivement auprès de son franchiseur.
 
Ensuite, il n'est pas contesté que les produits fournis au franchisé étaient d'excellente qualité, et qu'à aucun moment, celui-ci n'a été privé des matériaux lui permettant de travailler sur ses chantiers.
 
Les allégations de l'intimée ne reposent en réalité que sur un courriel qui lui a été envoyé le 22 mai 2018 par M. [P] qui lui indique que les fournisseurs sont en rupture de stocks mais que la marque peut y faire face du fait qu'elle dispose de sa propre usine de fabrication d'isolant Isotextil, qui représente 80 % des livraisons de la franchise et qui fait l'objet de 'toute la communication de la marque'.
 
La pénurie de ce type de matériaux n'est guère étonnante du fait de l'engouement généré alors par le mécanisme de l'isolation à un Euro.
 
La SAS Isol.7 Sud Ouest ne fait aucune démonstration que son franchiseur se serait livré à une manoeuvre frauduleuse pour l'orienter de façon déloyale vers certains produits et plus particulièrement vers le produit Isotextil au lieu du produit Thermo 046 qu'elle commandait en plus grandes quantités.
 
Il est d'ailleurs constant que le produit Isotextil est un produit de qualité supérieure aux autres matériaux d'isolation de sorte qu'il est de nature à entraîner une plus grande satisfaction de la clientèle.
 
Aucun manquement ne peut être imputé au franchiseur sur ce point.
 
En tout état de cause, le franchiseur a exécuté, pendant tout le cours du contrat, ses obligations envers le franchisé par formation, mise à disposition de son savoir-faire, de ses enseignes et matériaux, campagnes publicitaires pour développer la marque, et accompagnement régulier de la SARL Isol.7 Sud Ouest.
 
Dès lors, tout éventuel manquement ne pourrait donner lieu qu'au paiement de dommages et intérêts correspondant au préjudice causé, et non à restitution des redevances perçues.
 
Pourtant, la SAS Isol.7 Sud Ouest se limite à réclamer cette restitution, même en la qualifiant subsidiairement de dommages et intérêts, ce qui relève d'un simple artifice de langage, le montant réclamé étant celui des redevances versées et du droit d'entrée.
 
Il résulte finalement de ces éléments d'une part, qu'aucun manquement justifiant la résiliation du contrat aux torts du franchiseur n'est caractérisé et, d'autre part, qu'il ne peut y avoir lieu à restitution de tout ou partie des redevances versées par le franchisé.
 
Le jugement sera infirmé et les demandes présentées par la SAS Isol.7 Sud Ouest rejetées.

2) Sur les demandes reconventionnelles en résiliation du contrat aux torts de l'intimée et en paiement de la somme de 15 000 Euros :
 
En premier lieu, comme indiqué plus haut, en l'absence de manquement du franchiseur à ses obligations, la résiliation du contrat par la SARL Isol.7 Sud Ouest n'est pas justifiée.
 
Il est d'ailleurs étonnant que la SARL Isol.7 Sud Ouest n'ait pas mis en oeuvre la possibilité de résiliation discrétionnaire, six mois avant l'échéance du contrat, instituée en son article 21.3, alors pourtant qu'elle prétend avoir été mécontente de la SAS Isopartner.
 
Il y a donc lieu de prononcer la résiliation du contrat à ses torts à effet au 11 décembre 2018, date de cessation effective de la relation contractuelle.
 
En second lieu, dans le dispositif de leurs conclusions, les appelantes réclament condamnation de la SAS Isol.7 Sud Ouest à leur payer 'la somme de 15 000 Euros (nette de TVA) à titre d'indemnité de résiliation anticipée du contrat de franchise.'
 
En application du troisième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, la Cour n'est saisie que de cette demande d'indemnité de résiliation, et non de la demande de dommages et intérêts pour un préjudice moral et un préjudice économique dont les appelantes font état dans la partie finale de la 'discussion' de leurs conclusions.
 
Or, en l'absence de stipulation d'une indemnité de résiliation à la charge du franchisé en cas de rupture à ses torts du contrat, cette demande sera rejetée.
 
Enfin, l'équité nécessite d'allouer à chacune des appelantes la somme de 4 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :
 
- la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
 
- INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
 
- STATUANT A NOUVEAU,
 
- REJETTE la demande de résolution du contrat de franchise aux torts du franchiseur présentée par la SAS Isol.7 Sud Ouest, ainsi que sa demande de restitution des redevances versées et sa demande de dommages et intérêts ;
 
- PRONONCE la résiliation du contrat de franchise aux torts de la SAS Isol.7 Sud Ouest à effet du 11 décembre 2018 ;
 
- REJETTE la demande d'indemnité de résiliation anticipée présentée par les SAS Isopartner et Isocomble ;
 
- CONDAMNE la SAS Isol.7 Sud Ouest à payer à la SAS Isopartner et à la SAS Isocomble la somme de 4 000 Euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
 
- CONDAMNE la SAS Isol.7 Sud Ouest aux dépens de 1ère instance et d'appel.