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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 25 novembre 2010, n° 09/04509

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Actigest Finance (SA), SGI (SARL), Safy (SARL), Réunion Conseil Investissement (SARL)

Défendeur :

Mme Lemercier (és qual.), M. Tetelin, Profilis Conseil (SARL), Covea Risk (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brunhes

Conseillers :

Mme Vinot, Mme Holman

Avoués :

SCP Duval Bart, SCP Greff Peugniez, Me Couppey, SCP Colin-Voinchet Radiguet-Thomas Enault

Avocats :

Me Legond, Me Cosich, Me Selegny, Me Hue de la Colombe

T. com. Rouen, du 14 sept. 2009

14 septembre 2009

EXPOSÉ DU LITIGE

Au mois de mars 2006, Monsieur et Madame Tetelin, exerçant respectivement les professions d'antiquaire et biologiste, se sont vu proposer par la société Profilis conseil, société exerçant l'activité de conseil pour les affaires et conseil de gestion avec laquelle ils étaient en relation depuis plusieurs années, une opération de placement défiscalisé au titre de la loi Girardin du 21 juillet 2003.

Il s'agissait d'un produit conçu par la société Actigest, société de conseil en ingénierie patrimoniale et fiscale, intitulé 'dossier sociétés Callisto 1, Callisto 2, Callisto 3, Callisto 4 et Callisto 5 éligibles à la loi Girardin, gérant : Safy' et ainsi présenté :

'Actigest va réunir un nombre réduit d'investisseurs dans le cadre des sociétés Callisto 1, Callisto 2, Callisto 3, Callisto 4 et Callisto 5 qui ont pour objet la mise en commun des moyens nécessaires pour la prise de participation dans des sociétés dont l'objet est l'acquisition et la location dans les départements d'Outremer, de tout bien mobilier et immobilier, et notamment des matériels destinés à l'agriculture, l'industrie, au bâtiment et aux travaux publics, à des entreprises éligibles aux dispositions de l'article 199 undecies A&B et 217 duodecies du code général des impôts.

Les investisseurs vont prendre des participations dans les SEP Callisto 1, Callisto 2, Callisto 3, Callisto 4 et Callisto 5 pour une valeur maximale de 527 885 euros. Ces SEP réaliseront un investissement total d'environ 1 500 000 euros avec 127 500 euros de TVA non perçue. La base déductible sera donc de 1 372 500 euros.

Ces SEP remettront les matériels financés en location longue durée dans les DOM TOM à des entreprises éligibles au dispositif de la loi Girardin.

A la clôture des comptes annuels au 31 décembre 2006, chaque associé des sociétés Callisto pourra reprendre dans sa propre déclaration de revenus 2006 sa quote-part de l'investissement hors taxes, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique, au prorata des droits qu'il détient.

La réduction d'impôt représentera 50% de l'investissement soit 1,30 fois environ la participation de l'investisseur.

Cette réduction d'impôt permettra à l'investisseur de réaliser un gain réel en trésorerie sur l'impôt normalement dû sur ses revenus 2006 d'environ 30% de sa participation.'

Cette présentation s'accompagnait des annexes suivantes que les époux Tetelin ont signé :

- un mandat de rechercher ou de proposer avant le 30 décembre 2006, en vue de l'acquérir, une participation, mandat confié à la société Actigest

- une convention d'exploitation en commun conclue avec la société Safy en qualité de gérant de SEP aux termes de laquelle il était convenu de la création de cinq sociétés en participation, d'un apport de 40 000 euros en numéraire et d'une gestion confiée à la société Safy

- une déclaration d'investissement

- un engagement de libération d'apport accompagnant cette signature de l'établissement de trois chèques : deux chèques de 20 000 euros chacun à l'ordre de la société Safy et un chèque de 800 euros à l'ordre de la société Actigest, suivi de la réponse suivante de la société Actigest :

'Nous accusons réception de votre chèque d'un montant de 40 000 euros représentant votre apport au dossier Callisto.

Vous recevrez dans quelques semaines le montant exact en pourcentage de votre participation au dossier Callisto.

Nous vous rappelons que cette souscription vous permettra de bénéficier d'une réduction d'impôt sur vos revenus 2006. Vous recevrez en 2007 une attestation à joindre à votre déclaration de revenus.'

Le 14 mai 2007, la société Safy a indiqué aux époux Tetelin : 'En dépit des recherches effectuées par nos correspondants dans les DOM TOM, il n'a pas été possible d'affecter vos investissements à des opérations éligibles à la loi Girardin. En conséquence vous ne pouvez bénéficier d'aucune réduction d'impôt au titre de l'année 2006.', lui proposant soit un transfert de son apport vers une souscription 2007, soit un rachat de ses parts par un autre investisseur.

La société Profilis s'est déclarée confuse de cette situation, tandis que les époux Tetelin ont répondu à la société Safy qu'ils n'avaient plus confiance en elle pour réinvestir en 2007 et souhaitaient que celle-ci leur rembourse leur compte courant d'associé et leurs frais de dossier et cherche un investisseur susceptible de racheter leurs parts.

La société Safy a répondu le 14 juin 2007 qu'elle avait besoin de temps puis le 26 juillet 2007 qu'elle allait dissoudre les sociétés en participation mais attendait un remboursement de TVA.

La société Profilis a de nouveau correspondu avec les époux Tetelin pour émettre des doutes sur le comportement de la société Safy et des craintes sur d'éventuels détournements de fonds.

C'est dans ce contexte que, par actes des 26 et 29 décembre 2008 et 5 janvier 2009, Monsieur et Madame Tetelin ont fait assigner les sociétés Actigest, Profilis, Covea risks (assureur de Profilis) et Safy devant le tribunal de commerce de Rouen aux fins de les voir condamner à leur payer la somme de 40 800 euros en principal outre des dommages et intérêts.

Ils ont fait par ailleurs assigner la société SGI, gérante de sociétés en participation dans le cadre d'opérations de placement antérieures (opérations intitulées Erable, Ciboulette, Jasmin), aux fins de voir condamner l'ensemble des défendeurs à leur payer la somme de 99 776 euros au titre des redressements fiscaux supportés dans le cadre de ces opérations antérieures.

La société RCI, également gérante de SEP, est intervenue aux débats.

Les époux Tetelin ont fait valoir à titre principal le vice du consentement dans le cadre de l'apport de 40 000 euros, subsidiairement les fautes commises par les différentes sociétés dans l'exécution de leurs obligations respectives et très subsidiairement la dissolution des SEP et la restitution des apports.

Par jugement du 14 septembre 2009, le tribunal de commerce de Rouen a :

- condamné les sociétés Actigest et Safy à payer aux époux Tetelin la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts à compter du 25 mai 2007

- ordonné la consignation par les sociétés Actigest et Safy de la somme de 20 000 euros jusqu'à affectation des fonds comme prévu initialement ou remboursement complet de l'apport de 40 800 euros

- dit n'y avoir lieu à dissolution des SEP ni à restitution de l'apport de 40 800 euros effectué par les époux Tetelin

- dit que les sociétés Actigest et Safy sont responsables des redressements fiscaux en cours subis par les époux Tetelin et que les sociétés Actigest et Safy devront rembourser aux époux Tetelin les réductions d'impôts qui s'avéreraient définitives après épuisement de toutes les voies de recours contre les redressements fiscaux

- dit que les sociétés RCI et SGI devront garantir les sociétés Actigest et Safy de cette condamnation

- débouté les époux Tetelin de leurs demandes de dommages et intérêts moratoires et pour résistance abusive

- débouté la société Actigest de sa demande de garantie à l'encontre de la société Profilis conseil

- condamné les sociétés Actigest, Safy, SGI et RCI à payer aux époux Tetelin la somme de 5 000 euros et aux sociétés Profilis conseil et Covea risk la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du CPC

- condamné les sociétés Actigest, Safy, SGI et RCI aux entiers dépens.

La société Actigest d'une part, les sociétés Safy, SGI et RCI d'autre part ont interjeté appel de ce jugement.

Les sociétés Safy, SGI et RCI ont conclu le 26 mars 2010, la société Actigest les 16 mars, 13 et 15 avril 2010, les sociétés Profilis et Covea risks le 20 mai 2010 et les époux Tetelin les 19 novembre 2009 et 17 septembre 2010.

Suite aux conclusions signifiées le 17 septembre 2010, les sociétés Safy, SGI et RCI ont sollicité le report de la clôture, report accordé au 8 octobre, ce dont tous les avoués ont été avisés le 30 septembre 2010.

Les sociétés Profilis et Covea risks ont signifié de nouvelles conclusions et communiqué une pièce le 30 septembre 2010.

Les époux Tetelin ont communiqué 5 pièces le 7 octobre et signifié de nouvelles conclusions le 8 octobre.

Les sociétés Safy, SGI et RCI sollicitent le rejet des conclusions signifiées les 30 septembre et des pièces communiquées le 7 octobre, en application des articles 15 et 16 du CPC.

Les sociétés Profilis et Covea risks sollicitent le rejet des pièces communiquées le 7 octobre et conclusions signifiées le 8 octobre

SUR CE

Sur l'incident de procédure

Les sociétés Safy, SGI et RCI se bornent à solliciter le rejet des écritures et pièces susvisées sans indiquer en quoi le principe du contradictoire aurait été violé, alors que les conclusions des sociétés Profilis et Covea risks signifiées le 7 septembre ne comportaient aucun moyen nouveau à leur égard et qu'elles disposaient en tout état de cause d'un délai de 8 jours pour y répondre et alors que les cinq pièces communiquées le 7 octobre n'étaient afférentes qu'à un point de fait sur lequel les conclusions signifiées le 8 octobre (dont il n'est d'ailleurs pas demandé le rejet par elles et qui ne contenaient aucun moyen nouveau à leur égard) n'argumentaient pas de manière nouvelle.

Quant aux sociétés Profilis et Covea risks, elles ne soutiennent pas que les conclusions du 8 octobre, signifiées en réponse à leurs écritures du 30 septembre, contenaient des moyens nouveaux et n'indiquent en rien en quoi elles appelaient une réponse de sa part.

Il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats les conclusions signifiées les 30 septembre et 8 octobre et les pièces communiquées le 7 octobre.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est donc renvoyé aux conclusions signifiées le 15 avril 2010 pour la société Actigest finance, le 26 mars 2010 pour les sociétés Safy, SGI et RCI, le 30 septembre 2010 pour les sociétés Profilis conseil et Covea risks et le 8 octobre 2010 pour les époux Tetelin.

La société Actigest finance conclut à la réformation, au débouté des époux Tetelin de toutes leurs demandes, subsidiairement à la condamnation des sociétés SGI et Safy à la garantir de toutes condamnations et à la condamnation des époux Tetelin ou à défaut des sociétés SGI et Safy au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Les sociétés Safy, SGI et RCI concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la dissolution des sociétés Callisto et la restitution des apports et débouté les époux Tetelin de leurs demandes de dommages et intérêts moratoires et pour résistance abusive, à l'infirmation pour le surplus et au débouté des époux Tetelin de la totalité de leurs demandes formées à leur encontre outre à la condamnation de ces derniers à leur payer la somme de 6 000 euros.

Les sociétés Profilis conseil et Covea risks concluent, s'agissant de l'opération Callisto à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les époux Tetelin de toutes leurs demandes à leur égard.

A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où une faute serait retenue, elles concluent à l'absence de lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice invoqué, à la seule existence éventuelle d'une perte de chance qui n'est en tout état de cause pas établie et en conséquence au débouté.

S'agissant des opérations Ciboulette, Jasmin et Erable, elles concluent à la confirmation.

En tout état de cause, elles concluent à la confirmation du jugement qui a débouté la société Actigest de sa demande de garantie formée contre elle et à la condamnation des époux Tetelin à leur payer à chacune une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Monsieur et Madame Tetelin concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité des sociétés Actigest et Safy, dit que les sociétés RCI et SGI devront garantir les sociétés Safy et Actigest des condamnations mises à sa charge et condamné les sociétés Actigest, Safy, SGI et RCI à leur payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC. .

Ils concluent à la réformation pour le surplus, qu'il soit jugé que la société Profilis conseil a engagé sa responsabilité, à la condamnation conjointe et solidaire des sociétés Profilis conseil, Covea risks, Actigest et Safy à leur payer la somme principale de 40 800 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 mai 2007, à la condamnation conjointe et solidaire des sociétés Profilis conseil, Covea risks, Actigest et SGI à leur payer la somme de 99 776 euros au titre des redressements fiscaux supportés outre les sommes de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts moratoires, 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Sur le fond

1) Sur l'opération Callisto

Suivant les termes du dossier présenté aux époux Tetelin et ci-dessus rappelés :

- la somme de 40 000 euros mise à disposition à titre d'apport dans les sociétés en participation Callisto avait vocation à être investie dans le financement de matériels remis en location longue durée dans les DOM TOM à des entreprises éligibles au dispositif de la loi Girardin

- le but était de réaliser un placement dont la rentabilité provenait de l'avantage fiscal accordé par l'Etat, à savoir la réalisation d'un gain en trésorerie sur l'impôt normalement dû sur les revenus 2006 d'environ 30 % du montant de la participation

Il est constant que cet objectif n'a pas été atteint, la société Safy ayant reconnu au mois de mai 2007 que les fonds remis n'avaient pu être affectés à des opérations éligibiles à la loi Girardin et que les époux Tetelin ne pourraient bénéficier d'aucune réduction d'impôt au titre de l'année 2006.

Il est encore constant que ces sommes n'ont pas davantage été affectées aux opérations précitées dans les années suivantes et qu'il n'a jamais été justifié de leur utilisation, la disponibilité ou la destination des fonds demeurant à ce jour ignorée et la société Safy n'ayant jamais satisfait à ses promesses de remboursement.

C'est en cet état que seront examinées les responsabilités, étant observé que les époux Tetelin ne reprennent pas en cause d'appel leur argumentation, rejetée par le tribunal, sur la nullité du contrat pour dol ou erreur.

- Sur la responsabilité de la société Profilis conseil

Aucun contrat écrit n'a été conclu mettant à la charge de la société Profilis conseil des obligations précises ou autres que celles résultant de sa qualité de conseil en gestion, qualité en considération de laquelle il n'est pas contesté que les époux Tetelin se sont adressés à elle.

La société Profilis conseil avait en cette qualité, ce qu'elle ne conteste pas davantage, une obligation, d'une part, de s'assurer de l'adaptation du produit proposé aux attentes et objectifs de ses clients et, d'autre part, de s'assurer du sérieux et des compétences des concepteurs spécialisés qu'elle mettait en relation avec eux.

Pour conclure que la société Profilis conseil n'aurait pas respecté ses obligations, les époux Tetelin soutiennent que cette dernière avait eu connaissance d'un incident majeur survenu avec la société Safy en 2005 qui aurait dû l'amener à s'interroger sur l'état de cette société et à vérifier le sérieux et la compétence des interlocuteurs suggérés, vérifications qui lui auraient permis de se rendre compte que les investissements ne remplissaient pas les conditions et ne pouvaient prospérer.

Il est constant que la société Safy n'a été créée qu'en février 2006 de sorte que l'incident évoqué par la société Profilis elle-même dans son courrier du 18 mai 2007 ne pouvait concerner directement cette société.

Pour autant, la société Profilis qui précise qu'il s'agissait de clients qui ayant fait un apport en novembre-décembre avaient reçu et accepté des explications compréhensibles et demandé un report sur des dossiers 2006, n'indique pas moins dans ce courrier que 'fin 2005, certains dossiers avaient été pollués par une question identique', reconnaissant par là sa connaissance d'incidents qui devaient l'alerter sur les interlocuteurs que choisissait la société Actigest finance et l'amener à des vérifications, une lettre adressée aux époux Tetelin par la société Actigest en juillet 2009 confirmant que la société RCI, dont le directeur est le même que celui de la société Safy, avait été informé de fraudes et avait interrompu mi-2005 sa collaboration avec un apporteur d'affaires participant à une collusion frauduleuse avec des fournisseurs de matériel .

S'il est constant, comme l'a relevé le tribunal, que la société Actigest était présentée, dans des articles de presse exposant les avantages et risques de tels placements et parus plusieurs années de suite, comme un professionnel ayant fait ses preuves et auquel il était recommandé de s'adresser, il s'agissait là d'articles de journaux destinés au grand public qui n'autorisaient pas une société, professionnelle du conseil de gestion en conseil et rémunérée pour cela, à s'en contenter et à se dispenser de vérifications plus approfondies, spécialement en l'état d'incidents déjà survenus.

Or, sur ce point, la société Profilis conseil n'allègue la réalisation d'aucune démarche ou vérification, alors que la plaquette de présentation Actigest faisait expressément mention du nom de Safy.

Certes, le tribunal a exactement relevé que la société Profilis avait soutenu et accompagné ses clients une fois les difficultés survenues en cherchant à obtenir des informations utiles et à les conseiller mais cette démarche ne la dédouanait pas de la faute commise antérieurement en ne procédant pas aux vérifications complémentaires qui auraient permis précisément d'éviter la survenue des difficultés en question.

La responsabilité de la société Profilis conseil sera donc retenue.

- Sur la responsabilité de la société Actigest finance

Il est constant que la société Actigest, qui se présentait elle-même comme 'spécialisée dans les montages d'opérations de longue durée de matériel industriel dans les DOM TOM, bénéficiant de 17 ans d'expérience et gérant un parc de plus de 400 sociétés pour le compte de 1200 clients' et qui était chargée par la société Safy d'un mandat de créer les SEP, était le concepteur de l'opération.

Aux termes du mandat de recherche confié par les époux Tetelin elle s'était engagée à proposer à ces derniers, en vue de l'acquérir, une participation, ce avant le 30 décembre 2006, dans une 'société ayant pour activité principale la location de longue durée à des entreprises exerçant leur activité dans les départements et territoires d'outre-mer de tous biens d'équipements professionnels éligibles aux dispositions de l'article 199 undecies A&B et 217 undecies et duodecies du code général des impôts'.

Ce mandat, dont il n'était qu'une annexe, s'inscrivait dans le cadre d'une opération précisément définie dans un 'dossier' de 'présentation de l'opération' et de 'présentation du montage' duquel il résulte que la société Actigest ne s'engageait pas uniquement à proposer une participation dans une SEP avant le 30 décembre 2006 mais également à ce que ces SEP 'remettent les matériels financés en location longue durée dans les DOM TOM à des entreprises éligibles au dispositif de la loi Girardin. à ce que 'A la clôture des comptes annuels au 31 décembre 2006, chaque associé puisse reprendre dans sa propre déclaration de revenus 2006 sa quote part de l'investissement hors taxes....', à ce que 'Cette réduction d'impôt permette à l'investisseur de réaliser un gain...sur l'impôt 2006", assurance étant par ailleurs donnée de l'existence de 'locataires présélectionnés et financés par un organisme bancaire local de premier rang' et ces engagements étant confirmés dans un courrier du 25 avril 2006 par lequel la société Actigest, accusant réception du chèque de 40 000 euros, indiquait aux époux Tetelin : 'Nous vous rappelons que cette souscription vous permettra de bénéficier d'une réduction d'impôt sur vos revenus de l'année 2006. Vous recevrez en 2007 une attestation à joindre à votre déclaration de revenus.'

Le tribunal, faisant droit à l'argumentation des époux Tetelin, a dès lors parfaitement jugé que la société Actigest ne pouvait se borner à soutenir que son obligation se limitait à la création des SEP et que cette société avait contracté une obligation de mettre en place, en 2006, la solution de défiscalisation recherchée par les époux Tetelin, obligation à laquelle elle avait manqué, l'investissement défini au mandat ne s'étant pas réalisé.

Les éventuelles défaillances de la société Safy, qui seront ci-dessous examinées, ne déchargent pas la société Actigest de la responsabilité pesant sur elle pour manquement à l'obligation contractée par elle-même envers les époux Tetelin de placer les fonds sur des opérations de défiscalisation avant l'expiration de l'année 2006.

- Sur la responsabilité de la société Safy

La société Safy avait en l'espèce la qualité de gérante des SEP et c'est à son ordre qu'ont été libellés les chèques.

Les époux Tetelin ont signé avec elle une 'convention d'exploitation en commun' qui ne fait effectivement aucune référence expresse à un engagement d'investissement des apports en 2006.

Pour autant, la société Safy n'était pas désignée gérante de SEP en dehors de tout projet précis mais désignée gérante des sociétés Callisto créées avec pour objet, déjà rappelé ci-dessus et rappelé dans ladite convention, 'l'acquisition et la location dans les DOM TOM de tout bien ... bénéficiant des dispositions de l'article 199 undecies A&B et 217 undecies et duodecies deu code général des impôts', cette convention n'étant qu'une annexe signée dans le cadre de l'opération d'investissement 'sociétés Callisto 1 à 5" ayant expressément pour objet la réalisation d'apports en 2006 pour un gain d'impôt sur les revenus 2006.

Le courrier adressé par elle-même aux époux Tetelin le 14 Mai 2007 confirme qu'elle considérait la réduction d'impôt en 2007 comme ayant été convenue entre les parties et la société Safy ne saurait dans ces conditions soutenir qu'elle n'avait aucune obligation d'affecter les fonds à une date particulière ou à un usage particulier, son obligation étant au contraire de les affecter en 2006 dans les conditions sus exposées pour une réduction d'impôts en 2007.

Les associés ayant, suivant les statuts, 'mis à disposition' du gérant les sommes litigieuses et ce dernier ayant, aux termes de la convention d'exploitation, reçu pouvoirs pour réaliser l'objet social, il ne peut qu'être constaté qu'en n'employant pas en 2006 les fonds investis dans des opérations éligibles à la loi Girardin, la société Safy a manqué à ses obligations de gérant.

En tout état de cause, elle n'a pas davantage procédé à un investissement dans les années suivantes, son courrier du 26 juillet 2007 s'analysant par ailleurs en une reconnaissance de ce qu'elle n'a plus les fonds.

Sur ce dernier point, elle ne prétend d'ailleurs pas le contraire, s'abstenant de contester le courrier de la société Profilis en date du 30 juillet 2007 longuement rappelé par les époux Tetelin dans leurs écritures, aux termes duquel est évoquée une utilisation par le gérant de Safy des fonds placés pour pallier à des problèmes de trésorerie, et s'abstenant même d'avancer de quelconques explications susceptibles de l'exonérer quant aux raisons d'une absence d'affectation des investissements à des opérations éligibles à la loi Girardin.

Il sera encore relevé que la convention d'exploitation en commun faisait obligation au gérant de rendre compte de sa gestion, d'adresser un compte-rendu d'activité, de présenter les comptes aux associés et que sur tous ces points la société Safy ne produit aucune justification.

Il est donc établi qu'en n'affectant pas les fonds mis à sa disposition à la réalisation de l'objet social, la société Safy a commis une faute de gestion qui engage sa responsabilité de mandataire des associés et le jugement sera également confirmé sur ce point.

- Sur les conséquences des fautes commises

Les époux Tetelin réclament la somme de 40 800 euros à titre de dommages et intérêts de sorte que les observations, relatives au fait que ne peut être demandée la restitution des apports tant que la société n'est pas dissoute, ne sont pas pertinentes.

Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus s'agissant des responsabilités que, par la faute conjuguée des sociétés Profilis conseil, Actigest et Safy, qui n'ont pas affecté la somme remise à l'objectif contractuellement défini, les époux Tetelin sont privés depuis 2006 d'une somme de 40 800 euros, dont il n'est pas justifié qu'elle corresponde à des parts ayant une quelconque valeur, et n'ont jamais pu opérer les déductions fiscales espérées.

Ils sont dans ces conditions fondés à soutenir que leur préjudice d'ores et déjà constitué s'établit à 40 800 euros et le jugement sera infirmé en ce qu'il a tout à la fois limité l'indemnisation à 20 000 euros et ordonné une consignation de cette somme.

L'action dirigée contre elles étant fondée sur la faute commise et la somme réclamée correspondant au préjudice subi du fait de cette faute et non à une 'restitution' d'apports, les sociétés Profilis conseil et Actigest ne sauraient opposer le fait qu'elles n'ont pas perçu elles-mêmes les fonds.

Il ne peut davantage être soutenu par la société Profilis conseil que le préjudice s'analyserait seulement en une perte de chance puisque s'il avait été procédé par elle aux vérifications nécessaires, elle se serait abstenue de proposer l'opération litigieuse.

Hormis les intérêts à compter de la mise en demeure du 25 mai 2007 aucune indemnisation 'moratoire' n'est due et le tribunal a exactement considéré qu'il n'y avait pas de preuve d'une résistance abusive.

- Sur le recours en garantie de la société Actigest finance contre la société Safy

La société Actigest fait état des errements de la société Safy qui n'a pas procédé aux investissements avant le 31 décembre 2006 et n'a pas averti les époux Tetelin avant cette date.

La société Safy ne présente aucune observation sur l'action en garantie dirigée contre elle et n'allègue pas de faute de la société Actigest dans leurs rapports entre elles.

Dès lors qu'il résulte de ce qui a été exposé que l'opération matérielle d'emploi des fonds dans des opérations éligibles à la défiscalisation incombait in fine à la société Safy, le recours en garantie sera admis pour le tout.

2) Sur les opérations Erable, Jasmin, Ciboulette

Le 3 janvier 2007, les époux Tetelin ont reçu, s'agissant des SEP Erable, une proposition de rectification de l'Administration fiscale fondée sur les constatations suivantes ainsi résumées : 'Les vérifications de comptabilité effectuées chez SGI, l'entreprise qui gère les SEP, chez les fournisseurs d'immobilisations et chez des entreprises locataires et utilisatrices de ces mêmes immobilisations ont révélé des irrégularités et des pratiques douteuses. D'une part, la plupart des investissements effectués dépassent en valeur le seuil au-delà duquel un agrément préalable aurait dû être demandé à l'Administration afin que ces investissements puissent ouvrir droit à une déduction fiscale. D'autre part, ces investissements n'ont pas été effectués dans les secteurs d'activité qui auraient rendu possible cette même déduction fiscale (inéligibilité à la défiscalisation). Enfin, et surtout, le caractère purement fictif d'opérations a été démontré, aucun investissement n'ayant été constaté en réalité.'

Le 21 juillet 2008, ils ont reçu, s'agissant des sociétés Jasmin, une proposition de rectification pour des raisons ainsi résumées : 'Les investissements ne sont pas éligibles à l'aide aux investissements outre mer au titre de l'année 2005 ni au titre des années ultérieures du fait que l'exploitant n'a plus d'activité. L'attestation émise au nom de la SEP par Monsieur Savoye, gérant de l'EURL SGI, en application de l'article 95T de l'annexe II au CGI comporte des indications erronées au regard des d et e de cette disposition et qui ne satisfait pas à la condition du h. Elle ne peut donc pas justifier la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts.'.

S'agissant des sociétés Ciboulette, une proposition de rectification avait été adressée le 19 octobre 2006 en considération de ce que le locataire du montage n'exerçait aucune activité.

Il est constant qu'en suite de ces propositions, c'est une somme totale de 99 776 euros qui a été réclamée par l'Administration après examen des réclamations, les justifications suivantes étant apportées :

- redressement année 2003 pour 17 961 euros (opération Ciboulette) : la réclamation a été rejetée

- redressement année 2004 pour 37 411 euros (opération Erable) : un jugement du tribunal administratif du 30 mars 2010, non frappé d'appel, a rejeté la requête des époux Tetelin

- redressement année 2004 pour 4 384 euros (opération Erable) : un avis de mise en recouvrement a été notifié le 31 janvier 2009

- redressement année 2005 pour 40 020 euros (opération Jasmin) : un avis de mise en recouvrement a été notifié le 30 juin 2009.

Est en outre versé aux débats un courrier du conseil en droit fiscal des époux Tetelin indiquant à ces derniers le 15 septembre 2010 que leurs chances sont nulles d'obtenir gain de cause devant le tribunal administratif pour les redressements qui ne lui ont pas été soumis dans la mesure où il leur est impossible de rapporter la preuve contraire de la réalité des investissements.

C'est en effet en relevant qu'aucun élément de nature à remettre en cause les constatations opérées par l'Administration sur l'absence de réalité des investissements n'était fourni par les époux Tetelin que le tribunal a rejeté leur requête aux termes de la décision précitée, relevant en outre que la SEP Erable avait reconnu cette inexistence et que cette situation avait été également constatée par l'EURL SGI.

Dans le cadre de l'instance, aucune des sociétés mises en cause n'offre de rapporter la preuve de la réalité des investissements ni ne soutient que cette preuve pourrait être rapportée.

Il est donc justifié que les époux Tetelin subissent un préjudice certain du fait de redressements fiscaux engendrés par l'absence d'investissements éligibles à la défiscalisation, préjudice sur la réalité duquel la plainte contre X déposée par les sociétés SGI et RCI, aux fins de voir reconnaître les fraudes dont elle aurait été victime de la part de ses fournisseurs et locataires, est sans incidence.

Leur demande tendant à voir obtenir la responsabilité solidaire des sociétés Profilis, Actigest, Safy, SGI et RCI dans ce préjudice appelle les observations suivantes :

- Sur les demandes dirigées contre la société Profilis conseil

Pour conclure à la responsabilité de cette société, les époux Tetelin se bornent à reprendre une argumentation identique à celle développée pour le placement Callisto alors que les incidents de 2005 dont il est jugé qu'ils auraient du attirer l'attention de la société Profilis sont manifestement postérieurs aux placements contestés et alors qu'ils ne produisent pas aux débats les dossiers de présentation afférents à ces placements dont l'examen permettrait de donner la mesure des engagements contractés par la société Profilis en les recommandant.

C'est ainsi qu'ils font référence pour étayer leur argumentation au seul dossier de présentation Callisto, référence qui est inopérante, la société Profilis observant exactement que strictement aucune pièce afférente à son intervention dans les placements Erable, Jasmin et Ciboulette n'est versée aux débats.

Si la société Profilis ne nie pas avoir été en relation avec les époux Tetelin à l'occasion également de ces placements, l'absence de tout élément de preuve relatif au contenu exact de son intervention et des pièces qu'elle a eues en sa possession et transmises ne permet pas de retenir sa responsabilité, étant rappelé que les éléments alertant sur les dysfonctionnements de Safy et RCI ne datent que de mi 2005 et qu'il n'est pas justifié que la société Profilis aurait été en mesure de posséder des informations à une date antérieure.

- Sur les demandes dirigées contre la société Actigest

La société Actigest ne conteste pas s'être engagée, dans ces dossiers, à rechercher et proposer un investissement éligible à la loi Girardin ayant pour objectif une défiscalisation.

Le tribunal a jugé que, concepteur du montage financier, elle rappelait à ses clients que les entreprises à disposition desquelles les matériels étaient mis étaient éligibles à la loi Girardin et choisissait elle-même les opérateurs locaux.

Cette disposition n'est pas critiquée par la société Actigest qui se borne à se retrancher derrière les défaillances commises par les sociétés SGI et RCI, défaillances qui en toute hypothèse ne la déchargent pas, ainsi que cela a été rappelé ci-dessus, de l'obligation contractuelle de placement des fonds sur des opérations de défiscalisation.

Le tribunal a donc exactement retenu sa responsabilité dans l'échec de l'opération qui constituait l'objectif principal des époux Tetelin.

- Sur les demandes dirigées contre la société Safy

Les propositions de redressements font référence à une gestion des SEP par la société SGI et il ne ressort d'aucune pièce que la société Safy aurait exercé la gestion des SEP litigieuses.

Les demandes dirigées contre la société Safy seront donc rejetées.

- Sur les demandes dirigées contre la société SGI

Il est constant qu'elle était gérante des SEP Erable et Jasmin aux termes d'une convention d'exploitation en commun conclue dans les mêmes termes que la convention signée entre les époux Tetelin et la société Safy, convention qui lui faisait donc obligation d'employer les fonds mis à disposition dans des opérations éligibles à la loi Girardin et d'assurer à cette fin un minimum de contrôles sur place, obligation qui n'a pas été respectée.

Sa responsabilité est donc engagée au titre des SEP Erable et Jasmin et non de la SEP Ciboulette dont rien n'établit qu'elle en aurait été la gérante, les deux redressements afférents à ces deux sociétés s'élevant à la somme de 81 815 euros.

- Sur l'intervention de la société RCI

La société RCI ne conteste pas sa qualité de gérante des SEP Ciboulette, la proposition de redressement faisant plus précisément référence à une SEP Cygne dont Monsieur Tetelin est associé par l'intermédiaire d'une SNC Ciboulette.

Cela étant, la cour observe qu'aucune demande n'est formée contre elle, ni directement par les époux Tetelin ni à titre de recours en garantie par la société Actigest.

- Sur le recours en garantie de la société A té Actigest finance contre la société SGI

La société SGI ne présente aucune observation sur l'action en garantie dirigée contre elle et n'allègue pas de faute de la société Actigest dans leurs rapports entre elles.

Dès lors qu'il résulte de ce qui a été exposé que l'opération matérielle d'emploi des fonds dans des opérations éligibles à la défiscalisation incombait in fine à la société SGI, le recours en garantie sera admis pour le tout.

Il y a lieu d'allouer les sommes précisées au dispositif sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu à écarter des débats les conclusions signifiées les 30 septembre et 8 octobre 2010 et les pièces communiquées le 7 octobre 2010.

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré les demandes des époux Tetelin recevables, retenu la responsabilité des sociétés Actigest finance et Safy dans l'opération Callisto, retenu la responsabilité des sociétés Actigest Finance, SGI et RCI dans les opérations Erable, Jasmin et Ciboulette, débouté les époux Tetelin de leurs demandes de dommages et intérêts moratoires et pour résistance abusive, débouté la société Actigest de sa demande de garantie à l'encontre de la société Profilis et condamné les sociétés Actigest, Safy, SGI et RCI à payer aux époux Tetelin la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne in solidum les sociétés Profilis conseil, Covea risks, Actigest finance et Safy à payer à Monsieur et Madame Tetelin la somme de 40 800 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2007 à titre de dommages et intérêts complémentaires.

Condamne la société Safy à garantir la société Actigest finance de cette condamnation.

Condamne la société Actigest Finance à payer à Monsieur et Madame Tetelin la somme de 99 776 euros à titre de dommages et intérêts.

Condamne la société SGI in solidum avec la société Actigest Finance à hauteur de 81 815 euros.

Condamne la société SGI à garantir la société Actigest finance de cette condamnation à hauteur de 81 815 euros.

Déboute Monsieur et Madame Tetelin du surplus de leurs demandes.

Y ajoutant :

Condamne in solidum les sociétés Profilis conseil, Covea risks, Actigest finance, Safy et SGI à payer à Monsieur et Madame Tetelin la somme complémentaire de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne les sociétés Safy et SGI à garantir la société Actigest finance de cette condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne in solidum les sociétés Profilis conseil, Covea risks, Actigest finance, Safy et SGI à payer les dépens de l'instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne les sociétés Safy et SGI à garantir la société Actigest finance de cette condamnation aux dépens.